7.Une initiative pluridisciplinaire pour mieux évaluer les enjeux du changement climatique en alpage

Les impacts du changement climatique sont encore plus perceptibles et visibles en montagne. Les acteurs alpins (collectivités locales, parcs nationaux, parcs naturels régionaux, associations, entreprises…) sont actifs et expérimentent des dispositifs régionaux et locaux qui ont le mérite d’enrichir les connaissances et de faire évoluer, de manière concertée et collective, les pratiques culturales.

Le programme Alpages sentinelles associe, depuis une dizaine d’années, éleveurs et bergers, techniciens agricoles et pastoralistes, gestionnaires d’espaces protégés et chercheurs (climatologues, écologues, agronomes, sociologues). Son objectif est de mieux comprendre la façon dont se traduit le changement climatique dans les alpages, d’anticiper ainsi les impacts potentiels sur les milieux et les pratiques pastorales, et d’identifier les leviers d’action mobilisables sur l’alpage ou à l’interaction alpage-exploitation, tout en gérant durablement les milieux.

Alpages sentinelles a vu le jour dans le Parc national des Écrins, suite à la canicule de 2003 et aux épisodes de sécheresse des années suivantes. Dispositif étendu depuis à l’échelle du massif alpin, il regroupe aujourd’hui 31 alpages et 37 exploitations utilisatrices de ces derniers répartis sur les territoires suivants : Écrins, Vanoise, Mercantour, Ubaye, Chartreuse, Vercors, Luberon, Ventoux. Il comprend également les alpages gérés par les fermes expérimentales de Carmejane (Le Chaffaut-SaintJurson) et du Merle (Salon-de-Provence). Le programme vise la production de références techniques sur les dynamiques qui se nouent entre climat, milieux, pratiques pastorales et systèmes d’élevage. Il a aussi pour objectif de percevoir les signaux d’alerte sur des évolutions, des changements affectant les alpages et les exploitations qui les utilisent.

Des protocoles de mesures, robustes et reproductibles, ont été conçus et mis en œuvre sur le terrain : analyse d’images satellites pour l’étude de l’enneigement et del’évolution de la phénologie des espèces végétales, pluviomètres relevés en alpage par les bergers, observations directes de la hauteur de la végétation pour estimer les variations de la ressource pastorale, analyse des changements des végétations (composition et richesse spécifique), tournées de fin d’estive pour évaluer le niveau de consommation de la ressource et la gestion pastorale, suivis d’exploitations pour évaluer la place de l’alpage dans les systèmes d’élevage et comprendre les choix stratégiques des éleveurs pour l’évolution de leur exploitation. Les observations des bergers (sur la météo de la saison, la réaction des différentes variétés végétales, le comportement des bêtes…) et l’analyse qu’ils en font pour ajuster, si besoin, leurs pratiques pastorales sont également prises en compte et permettent d’enrichir la compréhension des processus. Les marges d’ajustement des conduites pastorales face à un printemps tardif (2013) ou à un épisode de sécheresse et/ou de canicule (juillet 2015) ont ainsi été plus particulièrement étudiées et discutées de manière collective.

La force et l’originalité de ce dispositif est l’apprentissage collectif face à la dynamique du changement climatique en croisant les regards et en s’appuyant sur des constats partagés sur le terrain, notamment lors de tournées de fin d’estive, d’entretiens avec les éleveurs ou d’échanges collectifs. Des rencontres annuelles permettent de débattre des résultats et des hypothèses, et d’intervenir si un dysfonctionnement pouvant compromettre une gestion durable des milieux pastoraux est détecté sur un alpage. Le programme Alpages sentinelles vise ainsi à anticiper et à trouver des marges d’adaptation face aux aléas climatiques, selon les flexibilités relatives offertes par les alpages et en fonction des capacités d’ajustement inhérentes aux exploitations.

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