3.La conduite culturale du blé selon l’évolution du potentiel de production

Pour éviter de faire chuter le rendement du blé, des démarches participatives se mettent en place. L’objectif est ici d’encourager le suivi de la plante à différents stades de son développement et d’engager les acteurs agricoles dans une démarche participative.

Un rendement de blé dur qui stagne

Depuis 1990, le rendement du blé dur dans le sud-est de la France (courbe orange, Figure 2) stagne en raison du changement climatique, et plus précisément de trois facteurs climatiques : le déficit hydrique de printemps, l’inondation hivernale des sols (en Camargue, dans les Cévennes…) et les températures de l’air élevées en mai et juin pendant la formation du grain.

Figure 2. Evolution du rendement du blé dur dans le sud-est de la France (source : Stéphane Jézéquel, ARVALIS)

En l’absence de ces facteurs défavorables (si l’on prolongeait le climat des années 1980), le rendement du blé continuerait à progresser sur une tendance linéaire (courbe bleue). La seconde conséquence du changement climatique sur la culture du blé est le caractère de plus en plus chaotique et « en dents de scie » selon les années. Par exemple, entre 2013 (printemps historiquement le plus arrosé) et 2015 (printemps historiquement le plus sec), les producteurs de Provence ont vécu leur meilleure et leur pire année climatique pour le blé.

Il est évident que, dans ce contexte, une conduite « habituelle » des cultures (calée sur un rendement moyen dont la valeur est aujourd’hui peu significative), sans tenir compte du potentiel de production de l’année, est vouée à l’échec : gaspillage, perte économique et risques pour l’environnement les années défavorables ; manque de nutrition et/ou de protection des cultures les années favorables. Pour y remédier et fournir des clefs de décision aux agriculteurs pour leurs choix techniques, ARVALIS a développé une méthode d’évaluation du potentiel de rendement de l’année, et de réévaluation de ce potentiel en fonction du climat vécu et prévisible.

1er rendez-vous sur le terrain en hiver : analyse de la profondeur et de la texture du sol pour estimer la réserve utile (RU). Selon le reliquat azoté, un premier apport peut intervenir

Une évaluation du potentiel de rendement précoce

Évaluer le potentiel de rendement très tôt en saison est une étape déterminante pour ajuster la conduite du blé dur. Pour parvenir à l’estimation de ce potentiel, une méthode, qui consiste à calculer les pénalités de rendement prévisibles en fonction du niveau de la réserve hydrique disponible et du climat attendu, est appliquée pour permettre aux agriculteurs d’adapter leur conduite ou leurs pratiques culturales en fonction du potentiel annuel. L’objectif est d’accompagner les agriculteurs afin de les aider à mieux gérer les rendements et la qualité du grain, et limiter les frais en fonction des années favorables ou défavorables, appelées aussi « bonnes années » ou « mauvaises années ».

Lorsque la méthode fonctionne (absence de problèmes parasitaires majeurs non maîtrisés), la rentabilité de la culture est augmentée, car l’efficience des intrants est améliorée. Cette technique est adaptable à toutes zones agricoles en région PACA où la variabilité interannuelle des rendements, due au déficit hydrique, est forte.

Un suivi à différents stades clés

L’examen du potentiel de rendement précoce est renforcé par une ré-estimation à des stades clés en vue d’une adaptation de l’itinéraire technique. Au début et à la fin de la montaison, deux phases qui correspondent respectivement à la sortie d’hiver du blé et à la sortie des barbes au niveau des épis, un examen du peuplement (plantes/m², puis épis/m²), de l’enracinement et des facteurs limitants de type parasitaire ou climatique (pression d’adventices, viroses, ravageurs, maladies…) est réalisé. En fonction des résultats, un recalage du potentiel, et donc du niveau d’apport d’azote, est effectué, et la stratégie de lutte contre les mauvaises herbes et les maladies ajustée.

Examen des racines au début et à la fin de la montaison

Un dispositif opérationnel

Pour optimiser la conduite culturale du blé en fonction du potentiel de production, un dispositif de surveillance est mis en place. Selon le type de sol et le climat, il est possible de définir le « potentiel climatique » qui a une influence sur l’état de la culture et la prévision de rendement. Pour agir de manière positive sur la rentabilité, la qualité du produit et l’environnement, il est possible d’ajuster les intrants.


Le système, qui réunit tous les acteurs (Figure 3), repose sur quatre leviers :

  • la prévision : elle est basée sur le calcul du « confort hydrique » de la culture, c’est-à-dire le rapport entre ce que le blé peut consommer en eau et ce qu’il « voudrait » consommer pour pousser à l’optimum (rapport évapotranspiration réelle/évapotranspiration maximale). Il est très corrélé au rendement lorsque le principal facteur limitant est le déficit hydrique (travaux du programme GARICC mené par l’INRA et ARVALIS). Chaque parcelle fait l’objet de trois visites : une à la sortie de l’hiver pour estimer la réserve utile (RU) et deux autres pour observer les facteurs limitants qui jouent un rôle sur le développement de la culture (maladies, enherbement) et l’enracinement du blé. À partir de l’estimation de la réserve utile et de prévisions météorologiques à court et long terme (climat méditerranéen médian), nous pouvons calculer le confort hydrique du blé jusqu’à la moisson et donc prévoir le potentiel de rendement. Cela nous donne un potentiel climatique sur lequel nous appliquons des coefficients correcteurs selon l’état de la culture, afin d’obtenir un potentiel de rendement réel sur lequel l’agriculteur calera son itinéraire technique ;

  • la rentabilité: par rapport à une conduite de culture non ajustée, une fertilisation azotée maîtrisée et une simple règle de décision de protection fongicide (oui/non) font gagner, en pluriannuel, environ 100 €/ha par an de marge sur le blé dur du sud-est méditerranéen, tous contextes économiques et climatiques confondus (bonnes et mauvaises années, prix élevés ou bas) ;
  • la qualité : de la même manière, un ajustement de la fertilisation azotée maîtrisée et une simple règle de décision de protection fongicide (oui/non) permettent de diminuer le risque de mitadinage, de sécuriser le taux de protéines et le poids spécifique (PS) ;
  • l’environnement : un ajustement des intrants au potentiel évite les gaspillages d’azote, les mauvaises années, et améliore l’efficience des intrants de 50% (part de l’eau, de l’engrais, des produits phytosanitaires réellement mobilisés par les plantes par unité de production : tonnes/ha, par exemple).

Si l’itinéraire technique suivi sur la parcelle est enregistré, il est aussi possible de suivre les indicateurs de bilan énergétique et bilan carbone, qui peuvent aussi être améliorés par la méthode de pilotage.

En Provence et de manière générale en zone méditerranéenne où, en raison des à-coups climatiques, l’amplitude de la variation des rendements du blé dur est très élevée, une méthode de suivi de culture développée par ARVALIS permet au producteur et à ses partenaires de disposer d’éléments tangibles pour ajuster l’itinéraire technique au potentiel de l’année. Ceci constitue un progrès tant sur le plan économique que technique et environnemental.

Cette démarche générale est positive et reproductible (hors conduite culturale du blé), à condition de l’adapter aux spécificités culturales et aux pratiques des différents protagonistes impliqués dans son élaboration et son application.

ZOOM 1. Un réseau agricole de conseil pour maîtriser la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre

Pour accompagner le secteur agricole dans la réduction de ses consommations énergétiques et de ses émissions de gaz à effet de serre (GES), l’Inter-Réseau Régional Agriculture Énergie et Environnement (IRAEE), un réseau de conseil, se mobilise en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Avec la participation financière de l’ADEME et de la Région PACA, neuf têtes de réseau de la filière agriculture se sont organisées en inter-réseau, courant 2013, avec pour objectif de conseiller, accompagner et développer des projets d’adaptation au changement climatique.

Les principales missions de ce réseau sont de :

  • développer le métier de conseiller environnement agriénergie,
  • valoriser et diffuser les bonnes pratiques énergétiques,
  • animer un pôle ressources thématique régional.

Les publics visés sont :

  • les exploitants agricoles afin de les inciter à la réalisation d’un diagnostic énergie GES qui représente la 1ère étape avant d’agir,
  • les collectivités pour accompagner les projets territoriaux,
  • les structures agricoles pour développer le conseil énergie dans les différentes filières.

L’accomplissement de ces missions passe notamment par la communication pour encourager les agriculteurs à adopter de bonnes pratiques énergétiques. Pour ce faire, le réseau s’appuie sur :

  • la création d’un autodiagnostic (automne 2016) accessible en ligne pour la promotion du diagnostic énergétique des exploitations agricoles,
  • la mise en avant d’actions et projets innovants, d’initiatives concrètes dans les exploitations réduisant la consommation d’énergies et les émissions de GES,
  • l’identification de thèmes spécifiques pour développer des actions qui visent la qualité du sol, l’autonomie alimentaire, la complémentarité entre élevage et cultures…

Ce réseau IRAEE permet de faire travailler collectivement des structures agricoles qui ont des compétences complémentaires. Il en résulte notamment le montage de projets communs. De plus, un lien fort entre le réseau et les lycées agricoles offre une diffusion des bonnes pratiques énergétiques auprès des élèves et apprentis en formation. L’enseignement agricole régional participe activement à cette dynamique en travaillant avec l’ensemble des partenaires, ce qui assure une dimension transversale au projet.

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