2.Risques et opportunités pour l’agriculture en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Le changement climatique est planétaire, mais les signes de ce bouleversement sont perçus à différentes échelles spatiales. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur fait partie intégrante du bassin méditerranéen dont les régions sont confrontées à des risques climatiques similaires, sachant que l’intensité des événements et les impacts associés varient d’un territoire à un autre. Pour mieux saisir les effets du changement climatique sur le secteur agricole, mais aussi les enjeux de l’atténuation et de l’adaptation, il est important de replacer la région Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le contexte méditerranéen où le changement climatique est logiquement perçu comme une menace pour la nature et l’homme, mais il existe toutefois quelques opportunités à ne pas négliger. Le but est d’accéder ici à une vue synoptique, de penser globalement tout en agissant localement.

Bref aperçu des impacts du changement climatique en région méditerranéenne

Le changement climatique affecte les rendements agricoles et les besoins en eau par une interaction complexe entre les effets physiologiques spécifiques aux cultures et la disponibilité des ressources en eau à court, moyen et long terme. La probabilité que les étés et les printemps en région PACA deviennent à l’avenir plus chauds et plus secs est forte. Cette tendance sera accompagnée d’une diminution des volumes d’eau de surface, principalement due aux changements de la saisonnalité et des stocks d’eau liés aux précipitations et à la fonte des neiges. Ces plus faibles apports de surface peuvent avoir un impact direct sur la recharge des nappes phréatiques, limitant ainsi la quantité des eaux souterraines.

La fréquence des événements extrêmes, comme les sécheresses prolongées et les tempêtes intenses, est susceptible d’augmenter. Une élévation du niveau de la mer favorisera l’intrusion d’eau salée dans les aquifères d’eau douce et les sols agricoles, ce qui diminuera de manière significative leur productivité. Les cultures seront directement touchées par le bouleversement climatique : le stress thermique, les besoins en irrigation plus importants, les perturbations dans les périodes de croissance et l’absence de températures froides propices au repos des arbres fruitiers peuvent conduire à une production plus faible. Bien que les résultats des différents modèles agronomiques soient cohérents, un certain degré d’incertitude demeure. En effet, les impacts diffèrent en fonction des cultures, selon le potentiel de certaines plantes à devenir plus productives et plus efficaces dans leur consommation d’eau (grâce à des concentrations atmosphériques en dioxyde de carbone plus élevées), et en fonction de la gestion des exploitations et des pratiques agricoles. Ces dernières peuvent contribuer à l’adaptation (modification du calendrier agricole, par exemple) ou compenser des impacts négatifs (par une meilleure conservation de l’eau dans le sol, par exemple).

Exploiter les particularités et être ouvert à de nouvelles méthodes

La région PACA présente des particularités dans le contexte méditerranéen : ressources en eau plutôt abondantes, infrastructures hydrauliques bien développées (canaux, aqueducs, exploitation des eaux souterraines, etc.) et un secteur ovin important dans les territoires de montagne. Elle présente également des similitudes avec d’autres régions méditerranéennes, avec un fort secteur viticole (40% des exploitations sont dédiées à la viticulture, surtout dans le Var et le Vaucluse), arboricole et maraîcher (20% des exploitations).

Les effets du changement climatique décrits précédemment touchent la région PACA, mais aussi l’ensemble du bassin méditerranéen. Dans ce contexte, la combinaison planifiée de deux stratégies est peut-être l’une des clés pour lutter contre le changement climatique et faciliter l’adaptation.

Tout d’abord, la région PACA pourrait profiter de son caractère particulier afin de maintenir et développer les exploitations gérées de manière durable, et permettre de couvrir la demande régionale et internationale pour ses produits de terroirs. Comme certaines régions méditerranéennes seront plus sévèrement touchées par le changement climatique, en matière de pénurie d’eau, la Région PACA aura « l’opportunité » de s’adapter aux marchés par l’exportation de produits nécessitant une consommation d’eau modérée ou forte (tout étant relatif). Par ailleurs, promouvoir l’adoption de modèles, technologies ou pratiques mis en place dans d’autres régions agricoles du bassin méditerranéen, peut aussi constituer une stratégie positive en faveur d’une adaptation plus rapide et plus intelligente. La région PACA peut choisir d’implanter des cultures adaptées à un climat plus chaud et plus sec, comme c’est le cas aujourd’hui dans le sud de l’Espagne et la Tunisie. Privilégier les oliviers, les orangers et les amandiers irrigués au goutte-à-goutte, par exemple, serait une solution pour l’agriculture régionale. L’analyse du potentiel de remplacement des cultures pluviales, sensibles à la sécheresse, par ces cultures arboricoles est pertinente. En outre, si l’irrigation de nouvelles plantations passe par des systèmes de goutte-à-goutte similaires aux pratiques dominantes en Israël et en Libye, les besoins en eau d’irrigation peuvent s’avérer relativement faibles et même être couverts par la réutilisation des eaux usées. Suivre l’exemple du Maroc qui soutient les fermes utilisant l’énergie solaire peut aussi représenter une option d’atténuation et d’adaptation précieuse.

Eviter les approches non systémiques et rechercher les synergies intersectorielles

Il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble ! L’atténuation et l’adaptation dans l’agriculture peuvent s’appuyer sur des leviers efficaces aptes à limiter les impacts du changement climatique. Encourager les synergies et une plus grande résilience, valoriser le savoir-faire et les technologies intelligentes, éviter les compromis à risques qui mettent en péril la sécurité des populations, par exemple, sont autant de moyens d’actions pour prendre en main la problématique du changement climatique. Un cadre conceptuel (Figure 1) illustre l’importance d’une prise en compte intégrée des différents leviers qui contribuent à une démarche responsable et partagée.

Figure 1. Cadre conceptuel illustrant l’importance d’une prise en compte intégrée des différents leviers

Ce cadre conceptuel est un dispositif théorique pour répondre au défi climatique en région méditerranéenne et plus particulièrement en région PACA. Le changement climatique n’est pas un processus isolé. Il est étroitement lié à d’autres problèmes, notamment les préjudices environnementaux, comme la pollution, l’érosion, la perte de la biodiversité et de terres agricoles causée par l’urbanisation croissante et l’homogénéisation de certains paysages ruraux. Il est indispensable de rechercher des solutions intégrées : des pratiques agro-écologiques, comme par exemple la technologie du labour zéro, peuvent à la fois réduire la pollution, éviter l’érosion, promouvoir la conservation de la biodiversité et permettre une meilleure résistance aux aléas météorologiques. Les différents effets du changement climatique se traduisent à différentes échelles (de locale à globale) : le champ, l’exploitation, le bassin versant, la

région, le bassin méditerranéen et le monde entier. Il est primordial de rechercher des solutions qui tiennent compte de cette dimension et d’éviter des compromis déséquilibrés interscalaires. Une augmentation de l’irrigation par inondation dans l’agriculture intensive, par exemple, peut augmenter localement les rendements, mais peut aussi lessiver les sels et infiltrer des produits chimiques dans les aquifères, ce qui pose un problème pour l’approvisionnement en eau potable de la région qui sera obligée d’investir plus d’argent pour la purification et le traitement. La considération des échelles implique également une réflexion sur les délimitations géographiques de la région PACA et la façon dont l’adaptation au changement climatique doit être coordonnée avec les régions françaises et italiennes adjacentes. Par exemple, la gestion du bassin du Rhône est, par définition, une tâche suprarégionale.

L’agriculture ne doit pas être considérée comme un secteur cloisonné. Les impacts du changement climatique sur les rendements et les mesures d’adaptation régionale peuvent potentiellement affecter le niveau d’emploi dans les exploitations agricoles, mais aussi dans les industries agroalimentaires et dans le secteur en amont des fournisseurs d’intrants agricoles ou de matériel. Le lien avec d’autres secteurs n’est pas toujours négatif : un couplage de l’écotourisme avec les activités agricoles (« accueil à la ferme ») peut aider à financer l’atténuation et l’adaptation.

Par ailleurs, les normes environnementales étant moins strictes et les subsides d’État plus importants dans certains pays, les prix finaux des produits agricoles peuvent varier largement. Il est important de travailler sur la coordination des politiques à l’échelle méditerranéenne pour aller vers des normes environnementales élevées, de partager les expériences, tout en protégeant les producteurs agricoles installés dans notre région qui sont confrontés à un dumping commercial, résultant de l’exploitation des travailleurs agricoles dans certaines régions et du manque d’internalisation des coûts environnementaux. Ce dernier exemple montre que la flexibilité du secteur agricole en région PACA est essentielle pour limiter sa vulnérabilité et tirer profit de l’intégration nationale et internationale.

Poires, juillet 2016, île de la Barthelasse, Vaucluse
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