1.La phénologie des plantes pérennes dans un contexte de changement climatique

Le cycle annuel d’une plante pérenne, comme un arbre fruitier ou un cep de vigne, est rythmé par des évènements, dits « phénologiques », qui sont successifs, observables et en lien avec les conditions météorologiques de l’année en cours. Il existe plusieurs types d’évènements phénologiques se produisant à différentes périodes de l’année. Ainsi, pendant l’automne et l’hiver, les basses températures de l’air qui satisfont le besoin en froid des plantes vont permettre aux bourgeons de sortir progressivement de leur état de dormance. La date à laquelle la levée de dormance se produit (stade non observable à l’œil nu) marque le début de la phase pendant laquelle les bourgeons vont grossir sous les effets de températures plus chaudes (besoin en chaleur). Cette croissance des bourgeons, au début invisible, va donner lieu au printemps au débourrement végétatif et/ou la floraison. Ces stades sont fondamentaux pour décrire la distribution et la capacité de survie des espèces, car ils vont définir la sensibilité des espèces (ou variétés) face notamment au risque de gel de printemps. Au cours du printemps et de l’été, se mettent en place la formation et la maturation du fruit qui sont également caractérisées par des stades phénologiques. Enfin, et avec le raccourcissement des jours et la baisse des températures à la fin de l’été et au début de l’automne, on observe les premiers signes de la sénescence (changement de couleur de la feuille), puis la chute de feuilles.

Observer la phénologie, c’est noter chaque année ces évènements successifs. Depuis quelques années, des bases de données permettent d’enregistrer ces observations réalisées sur différents sites. Elles servent aux scientifiques à caractériser l’évolution de la phénologie de leurs espèces d’intérêt, mais aussi à étudier l’impact du climat sur ces événements. Les automnes et hivers trop doux, les printemps particulièrement chauds, les étés très chauds et secs, etc., conséquences directes du réchauffement

climatique, sont de plus en plus fréquents. Ces phénomènes extrêmes, loin d’être anecdotiques, comme l’hiver 2015-2016 par exemple, vont affecter le développementdes végétaux.

En effet, l’« horloge » principale contrôlant la succession des évènements phénologiques est la température de l’air. Le besoin en chaleur est le facteur qui contrôle tous les évènements phénologiques mentionnés ci-dessus, hormis la levée de dormance qui se déclenche sous le contrôle d’un besoin en froid à satisfaire. Classiquement, on considère comme spécifique d’une espèce sa manière de répondre à la température. Ensuite, on peut décrire le niveau de précocité des variétés au sein d’une espèce donnée en fonction de ses besoins en froid et de chaleur nécessaires pour atteindre les différents stades phénologiques.

Un suivi annuel à long terme des stades phénologiques renseigne sur la manière dont les plantes répondent au changement climatique. La phénologie constitue ainsi le
premier indicateur directement observable de l’impact du changement climatique sur le développement des espèces végétales. À titre d’exemple, dans le sud-est de la France, jusqu’au début des années 2000, il a été observé une avancée de la floraison du pommier d’environ 7 jours en moyenne. Cette avancée a complètement disparu par la suite à cause d’une plus grande lenteur à satisfaire le besoin en froid induisant des levées de dormance plus tardives. Pour la vigne, l’accélération générale du calendrier phénologique est la cause directe de l’avancée des dates de vendange dans les différents vignobles (environ 30 jours en 50 ans pour le vignoble de Châteauneuf-du-Pape), même si les conditions climatiques estivales des dernières années ont provoqué une stagnation de cette
évolution.

Par ailleurs, certains producteurs ont constaté que l’évolution de la phénologie des espèces était parfois accompagnée d’une modification de la qualité du fruit.
Ces changements vont soulever des questions sur l’adaptation de leurs espèces (variétés) et le type de production si la tendance se poursuit à l’avenir.

À l’heure où le changement climatique ne fait plus aucun doute, des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) s’intéressent aux modifications phénologiques auxquelles les plantes pérennes sont soumises dans différents sites, ainsi qu’aux différentes réponses suivant les espèces et les variétés cultivées. En utilisant les scénarios climatiques proposés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) comme données d’entrée des modèles numériques de prévision de la phénologie,les chercheurs imaginent le futur jusqu’à l’horizon 2100.

Les simulations révèlent ainsi des tendances futures contrastées selon les espèces et les zones d’étude. Pour certaines espèces fruitières comme l’abricotier et le pommier, on peut s’attendre à un certain retard de la date de floraison dans les zones méridionales de la région et à une avancée importante (notamment jusqu’à 2050) dans les zones plus septentrionales et de montagne. Pour la vigne, on s’attend à une avancée d’environ 10 jours pour les différents stades à l’horizon 2050, et celle-ci pourrait atteindre environ 20 jours à la fin du siècle si le rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre (GES) se maintient. Tous ces changements vont certainement modifier la qualité des produits récoltés et dans certains cas, il est probable que les producteurs soient obligés de changer leurs variétés, espèces ou même zones de production.

Pour les aider, des chercheurs de l’INRA notamment contribuent à :

  • créer et suivre des observatoires de la phénologie, c’est-à-dire des réseaux de plantation d’espèces et de variétés à phénologie contrastée dans diverses conditions pédoclimatiques,
  • mettre en place l’infrastructure nécessaire à l’observation, l’archivage des données et la modélisation de la phénologie des différentes espèces pérennes,
  • scruter l’ADN des plantes dans l’espoir d’y déceler des marqueurs génétiques d’adaptation au climat.

De cette manière, ils espèrent pouvoir identifier les espèces les plus résistantes et prédire leur comportement ces prochaines décennies. En effet, qu’elle concerne les cultures forestières, fruitières ou viticoles, l’adaptation au climat représente des enjeux socio-économiques très importants en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il est donc capital d’anticiper dès maintenant la probable évolution de la phénologie pour assurer la survie des cultures pérennes telles que nous les connaissons aujourd’hui.

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