4.Des pratiques innovantes pour augmenter la durabilité des systèmes agricoles

Comme le changement climatique est un défi pour la survie des cultures en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, il est important de faire appel à l’innovation afin d’ouvrir des voies prometteuses en faveur du maintien et du développement des systèmes agricoles.

Les risques associés aux pratiques agricoles conventionnelles dans les régions méditerranéennes Pendant des millénaires, la région méditerranéenne a été caractérisée par la présence d’une agriculture très diversifiée et intégrée aux écosystèmes naturels. Les différentes pratiques agricoles ont façonné des agroécosystèmes pourvoyeurs de nombreux services : productions agricoles et forestières, tourisme, valeur patrimoniale et culturelle… La pérennité de ces systèmes est actuellement menacée par une accumulation de pressions liées au changement climatique, mais surtout au changement global. En effet, le changement climatique, qui génère en Méditerranée des stress thermiques, hydriques et halins, affecte des agro-écosystèmes déjà partiellement fragilisés, voire fortement dégradés par les pressions anthropiques. L’urbanisation et l’abandon des terres, dans certaines zones isolées et montagneuses, ont réduit les surfaces agricoles concentrées dans les secteurs les plus favorables à l’agriculture où la majorité des systèmes de production sont aujourd’hui intensifs et spécialisés. Il en résulte des phénomènes de dégradation et d’érosion des sols, de pollution (sol, eau, air), ainsi qu’une perte de biodiversité de nature multiple (impacts sur la richesse des paysages et des espèces, la diversité génétique et fonctionnelle…).

L’usage intensif de pesticides et d’herbicides perturbe les organismes vivant dans le sol (micro-organismes, principalement les bactéries et les champignons, micro et macro-faune comme les microarthropodes, collemboles, vers de terre…) et bouleverse la structure, l’aération, la compacité, le pH et la texture du sol. Le fonctionnement de ce dernier est également modifié par l’apport insuffisant de matière organique, des labours trop profonds, le compactage et des périodes prolongées de sol nu. L’une des conséquences de l’altération des propriétés physico-chimiques des sols est leur moindre capacité à absorber et retenir l’eau. Sur ces sols, dans un contexte de changement climatique qui se traduit notamment par un risque accru de sécheresse estivale (projections du GIEC), la vulnérabilité des cultures augmente.

Par ailleurs, les plantes souffrent d’un accès restreint aux nutriments du fait de la perte de vie biologique des sols. En surface, la faible présence d’infrastructures agro-écologiques (arbres isolés, haies, etc.) dans les paysages de monocultures diminue la protection contre le vent, accroît les pertes d’eau par évaporation, aggrave les effets des canicules et limite les habitats potentiels pour les auxiliaires utiles des cultures (pollinisateurs, biopesticides…). Les bases écologiques du fonctionnement de tels agro-écosystèmes sont réduites et leur capacité productrice dépend principalement d’apports d’intrants exogènes (irrigation, engrais, pesticides) dont la production et l’utilisation contribuent aux émissions de gaz à effet de serre (GES).

Changement climatique : atténuation et adaptation grâce à des pratiques innovantes

Les pratiques innovantes sont de « nouvelles » pratiques agricoles pour lesquelles les intérêts agronomiques et les fonctions écologiques ont été découverts récemment, et qui se distinguent de celles de l’agriculture conventionnelle. Dans certains cas, il s’agit de pratiques traditionnelles remises en service, comme l’agroforesterie par exemple. Ces pratiques culturales sont encore minoritaires, même si leur développement tend à augmenter avec la diffusion d’informations portant sur leur efficacité et leurs limites auprès de tous les acteurs concernés.

Dans les régions méditerranéennes, les pratiques innovantes qui présentent un intérêt pour la durabilité des agro-écosystèmes sont les suivantes :

  • Agriculture de conservation : les pratiques de conservation des sols combinent généralement le labour réduit ou le non-labour, un apport régulier de matière organique (résidus des cultures, paillage, compost, engrais verts, etc.) et une couverture permanente du sol (cultures intermédiaires, cultures de couverts). De cette façon, les sols séquestrent plus de carbone et contribuent ainsi à l’atténuation des émissions de GES et donc des effets du changement climatique. Par ailleurs, la moindre perturbation des organismes du sol maintient une activité biologique maximale, à condition que l’utilisation d’intrants chimiques reste limitée. Ces pratiques augmentent la stabilité des agrégats et la microporosité, ce qui permet une meilleure rétention de l’eau. Ces avantages offrent au champ cultivé une meilleure résistance au stress hydrique lors des périodes prolongées de sécheresse. Grâce à ses caractéristiques, l’agriculture de conservation est considérée comme une stratégie d’adaptation au changement climatique et d’atténuation dans les régions méditerranéennes. Les modes de conduite des cultures associés à l’agriculture de conservation, céréales et légumineuses par exemple, se rapprochent de ceux de l’agriculture biologique (aucun engrais, ni pesticides de synthèse), car sont privilégiés une fertilisation azotée naturelle et le non-labour combattant de manière effective la prolifération des adventices dont la problématique s’affirme ;
  • Agroforesterie : l’agroforesterie associe les arbres et les cultures dans un même « champ », les deux systèmes bénéficiant alors d’une meilleure répartition des ressources (eau, lumière, nutriments) dans l’espace et dans le temps. Des cultures d’hiver avec des arbres fruitiers tardifs sont un exemple classique d’association, comme le blé et les noyers qui étaient encore présents en France avant l’industrialisation de l’agriculture (responsable d’un arrachage massif des arbres dans le paysage agricole), mais de nombreux autres systèmes ont existé et certains existent encore dans les régions méditerranéennes. En France, l’agroforesterie est actuellement étudiée et testée sur des sites expérimentaux et des exploitations. Son intérêt au regard des enjeux climatiques en Méditerranée est lié à différents aspects : une faible densité d’arbres plantés au milieu des cultures force les racines à chercher l’eau et les nutriments en profondeur, et l’ombre apportée par le feuillage avant les moissons est bénéfique dans les régions susceptibles de subir des périodes de forte chaleur et de vent soutenu. Les premières études ont ainsi montré que la productivité totale de l’ensemble du système agroforestier est supérieure à celle des deux systèmes séparés. Certains systèmes agroforestiers sont conduits en agriculture biologique et s’appuient sur l’agrobiodiversité fonctionnelle pour protéger leurs cultures (lire ci-après). On parle de sylvopastoralisme lorsque les arbres sont associés au pâturage, système d’une grande utilité pour conserver une production ligneuse minimisant les risques d’incendie et constituant donc une stratégie d’adaptation au changement climatique. Par ailleurs, une production diversifiée (cultures/élevage + bois d’œuvre/ bois énergie/production fruitière) présente aussi un atout économique et intégrer des arbres aux cultures ou aux prairies participe à la séquestration du carbone qui peut faire l’objet d’une rétribution ;
  • Agro-biodiversité fonctionnelle: il s’agit ici de permettre à l’agro-écosystème de bénéficier de services rendus par une certaine biodiversité, et ainsi de rendre l’agriculture moins dépendante des intrants conventionnels. Ces services concernent le fonctionnement des sols, comme cela a été mentionné, de par le rôle de la microfaune et des micro-organismes dans les processus de régulation des nutriments et de leur disponibilité qui vont déterminer la fertilité des sols. L’agro-biodiversité fonctionnelle joue aussi un grand rôle dans la protection des cultures. La région PACA avec sa forte production fruitière est une grande consommatrice de produits phytosanitaires. Pour tenter de réduire leur utilisation, des bandes fleuries/ enherbées sont semées ou des haies sont plantées pour servir d’habitat à des auxiliaires bénéfiques, c’est-à-dire des prédateurs ou des parasites d’espèces responsables de dommages sur les cultures. Si ces pratiques n’ont directement pas pour objet les enjeux du changement climatique, elles contribuent à la mise en place de systèmes agro-écologiques dont le fonctionnement repose sur les interactions écologiques de manière similaire à celui des écosystèmes naturels. Diversité, conservation des arbres et non-destruction du sol sont les briques permettant le maintien d’un agro-écosystème en bonne santé, capable de s’adapter au changement climatique et participant à son atténuation.

Un enjeu majeur de l’agriculture consiste donc à identifier et mettre en œuvre des pratiques adaptées au changement global, garantissant la production tout en maintenant une biodiversité riche et fonctionnelle au sein d’agro-écosystèmes durables. La gestion rationnelle de ces espaces peut constituer un facteur déterminant dans l’atténuation de ces profonds bouleversements environnementaux. Dans ce contexte, il est également important de souligner que des contraintes environnementales sont plus marquées dans certaines zones géographiques, notamment les milieux littoraux (dessiccation renforcée par le régime des vents, ensoleillement, stress halin, forte anthropisation…) qui tendraient à devenir particulièrement vulnérables. Pour réduire cette vulnérabilité, il est important d’intégrer, dans les recommandations et la mise en œuvre des nouvelles pratiques agricoles, une approche spatiale (en fonction de la distance à la mer, par exemple) afin de maximiser la démarche alternative visant à préserver ces agro-écosystèmes et leur diversité.

ZOOM 2. Le soutien des pratiques agricoles innovantes en Provence-Alpes-Côte d’Azur

Le Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt présente le projet agro-écologique en 12 clés, dont certaines se rapportent aux pratiques innovantes (Cf. §2.4). Au vu de leur intérêt pour faire face aux conséquences du changement climatique, différentes institutions soutiennent les agriculteurs développant de telles pratiques et des recherches pilotes sont conduites par des groupements d’associations, d’instituts de recherches et d’acteurs locaux :

  • la chambre d’agriculture régionale a soutenu des projets portés par des collectifs, comme, par exemple, l’accompagnement du développement des techniques de semis direct et semis direct sous couvert, en conditions méditerranéennes (Val de Durance et plateau de Valensole, Alpesde-Haute-Provence,
    15 agriculteurs en 2014) ;
  • à partir de 2016, des subventions sont accordées aux agriculteurs travaillant dans le périmètre du Projet agro-environnemental et climatique (PAEC) Luberon-Lure, qui mettent en œuvre des mesures agro-environnementales et climatiques en faveur de la qualité de l’eau. Ces mesures incluent l’agro-biodiversité fonctionnelle (lutte biologique), la couverture permanente des sols (enherbement des vignobles) et la réduction du travail du sol ;
  • le projet « Systèmes Mixtes Agroforestiers : création de Références Techniques & économiques » (SMART), financé par le Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt, étudie les systèmes vergers-maraîchers dans des fermes du Luberon et travaille sur les filières spécifiques des Alpilles (vignes/grandes cultures/amandes/etc.)
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