5.Les nouvelles technologies pour accélérer l’adaptation et l’atténuation

Le climat a toujours été un enjeu majeur pour le monde agricole et le changement climatique actuel ne fait que renforcer le lien qui les unit. Sur une majorité d’espèces cultivées, en particulier les céréales à paille, le changement climatique provoque depuis 1995 une stagnation des rendements nationaux et régionaux, limitant ainsi la contribution de la France au nécessaire doublement de la production alimentaire mondiale d’ici 2050. L’augmentation des températures de l’air, induisant un effet de plus grande sécheresse subie par les plantes, est l’un des facteurs incriminés dans cette stagnation. Dans ce contexte de changement climatique global, l’agriculture doit aussi réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), sachant que la fertilisation azotée minérale fait partie des postes d’émissions les plus importants. Concernant la sécheresse et la fertilisation azotée, contrairement à une idée reçue, les études montrent que les variétés actuelles sont plus performantes que dans le passé en situation de restriction d’eau ou de fertilisation. Il suffit de remonter 25 ans en arrière pour en faire le constat. Ce progrès n’est toutefois pas assez rapide, car il ne permet pas de compenser les effets croissants des événements climatiques, parfois extrêmes, néfastes à la performance des cultures.

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, plusieurs projets d’envergure nationale et européenne permettent de lever des verrous existants et d’accélérer le progrès. La sélection variétale passe par plusieurs étapes clés : choisir des parents variés, les croiser et les trier.

Ce processus nécessite du temps, 6 à 10 ans, mais il permet de désigner un ou deux « élus » sur des centaines de milliers de « candidats ». Évaluer autant de variétés candidates n’est toutefois pas un travail aisé. Le site d’expérimentation d’ARVALIS - Institut du végétal, situé à Gréoux-les-Bains, est devenu un site pilote pour mettre au point des techniques permettant d’observer le comportement des variétés de blé en cas de sécheresse. Il s’agit de développer des systèmes de mesure permettant de déterminer les variétés capables de supporter des conditions climatiques difficiles. À l’instar de l’imagerie médicale, la seule observation extérieure des individus ne suffit pas à poser un bon diagnostic et mesurer des phénomènes physiologiques, invisibles à l’œil nu. ARVALIS et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) d’Avignon ont ainsi créé un robot autonome, la PhénoMobile qui permet de scanner un millier de petites parcelles d’expérimentation d’une surface de 10 à 20 m² et de mesurer leur réflectance (interaction avec la lumière) et leur structure en 3D. ARVALIS a, par exemple, montré que la réflectance permettait d’identifier rapidement les variétés aptes à recevoir une fertilisation azotée réduite. Ces mêmes technologies sont également développées à partir de plates-formes aériennes (drones). HIPHEN, une société privée implantée à Avignon, a été créée pour déployer ces technologies auprès des entreprises de sélection : en une année, plus de 70 vols ont permis de caractériser des phénomènes importants comme la couverture du sol de la betterave ou l’enroulement des feuilles du maïs. La société, créée fin 2014, a ainsi réalisé plus de 220 K€ de chiffre d’affaires en un an.

PhénoMobile, un robot autonome qui scanne la végétation des parcelles agricoles

Toujours par analogie avec la médecine, l’environnement des individus a un fort impact sur leur état de santé. Pour la sécheresse, la quantité d’eau que peut contenir le sol va déterminer si une plante est ou non en état de stress. Or, les sols agricoles sur lesquels les expérimentations sont conduites sont forcément variables. On peut donc parfois conclure qu’une variété est meilleure qu’une autre, alors qu’elle a simplement eu la chance d’être semée dans une zone où les caractéristiques du sol sont plus favorables. Pour remédier à cet artifice, sur le site de Gréoux-les-Bains, les pédologues d’ARVALIS ont réussi à définir la capacité de rétention d’eau du sol à l’échelle du mètre carré (Figure 4). Une fois cette information prise en compte, la précision de la comparaison des variétés est quasiment doublée

En conclusion, le changement climatique requiert une accélération du progrès génétique pour limiter ses effets négatifs. Une approche très interdisciplinaire est conduite grâce aux équipes mobilisées à Avignon (ARVALIS, INRA, HIPHEN) et au site expérimental de Gréoux-lesBains. Cette alliance de compétences agronomiques, physiologiques, robotiques, informatiques et génétiques montre qu’il sera possible demain d’accélérer de manière significative l’obtention de variétés plus tolérantes à la sécheresse, par exemple. Le déploiement à large échelle auprès de l’ensemble des sociétés semencières reste maintenant à faire.

Figure 4. Estimation de la réserve utile de chaque micro-parcelle (source : HIPHEN)
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