3.Les eaux de surface : leur sensibilité vis-à-vis du climat et de ses changements

La variabilité des écoulements résulte de nombreux facteurs. Des facteurs d’origine climatique bien sûr, tels que les précipitations, la température, l’évapotranspiration… mais aussi d’autres facteurs physiques tels que le relief, la nature des sols, leur occupation, etc. En France, et plus particulièrement en PACA, la variabilité de ces facteurs est grande. Un bassin versant peut se situer dans un secteur sous influences multiples (climat méditerranéen, montagnard ou continental, configuration de plaines ou de montagnes, présence de zones plus ou moins anthropisées, zones karstiques, etc.) qui se combinent avec la variabilité spatio-temporelle des écoulements dans les cours d’eau. La variabilité temporelle hérite pour une grande partie de celle présente dans le climat auquel le bassin versant est soumis, et est résumée souvent par la notion de régime hydrologique. Cette notion permet de classer les cours d’eau en fonction de la saisonnalité des écoulements, et donc de la répartition des débits au cours de l’année, fonction de différents processus, qu’ils soient d’origine climatique (pluie, évaporation, neige…) ou pas (échanges nappes-rivières…).

Le bassin de la Durance (14 300 km2, soit 45 % de la surface de la région PACA) illustre bien la complexité de ces systèmes. Il peut être schématiquement divisé en trois entités qui sont caractérisées par des régimes hydrologiques différents. Tout d’abord, la haute Durance (partie alpine) qui est caractérisée par un régime hydrologique de type nival avec des écoulements maximaux au printemps et faibles en hiver. L’eau de la fonte des neiges et les apports, plus tardifs, des petits glaciers et névés fournissent l’essentiel des débits de printemps et d’été. Ensuite, la moyenne Durance, caractérisée par un régime hydrologique pluvio-nival avec des apports qui se concentrent au printemps, les pluies d’automne qui constituent un maximum secondaire, et la baisse des eaux qui apparait en juillet et s’accentue en août et septembre. Et enfin, la basse Durance, caractérisée par un climat de type méditerranéen, avec des étés et des hivers secs, et des pluies essentiellement concentrées à l’automne et au printemps. L’étiage est très marqué en août et septembre ; il existe également en hiver mais de façon moins prononcée.

La Durance est également fortement marquée par l’anthropisation. Les aménagements hydrauliques (canaux) et hydroélectriques (barrages) réalisés à partir des années 60 ont radicalement influencé et modifié son régime hydrologique. L’anthropisation peut aussi modifier le régime hydrologique d’autres cours d’eau de façon assez importante, comme, par exemple, la Touloubre qui reçoit de mars à octobre, dans sa partie aval, de nombreux apports provenant des canaux d’irrigation (dont l’eau provient de la Durance). Ainsi sur l’aval, l’étiage est plutôt hivernal et dure pendant toute la période de chômage des canaux, alors que sur la partie amont, l’étiage estival est très marqué et accentué par les prélèvements et les dérivations. Les caractéristiques physiques des bassins jouent également un rôle important sur la variabilité spatiale du régime hydrologique. Les cas de l’Argens et de l’Huveaune sont, à ce titre, instructifs ; alors que l’Huveaune, comme le Gapeau, est privé d’une partie des apports par infiltration profonde vers la mer, accentuant ainsi les étiages estivaux, l’Argens bénéficie, quant à lui, d’apports karstiques dans ses secteurs calcaires et possède ainsi une bonne hydraulicité en période estivale tandis que ses affluents subissent des étiages très sévères.

Ainsi, la grande variété de cours d’eau, la complexité climatique, géologique et topographique de la région associées à l’anthropisation évolutive du système et aux incertitudes liées à l’évolution des précipitations dans le futur, rendent difficiles les exercices de prospectives concernant l’évolution de la ressource en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans ce contexte de changement climatique, les efforts de la recherche concernant l’instrumentation des cours d’eau, l’étude et la modélisation des hydrosystèmes, les études d’impact et les simulations climatiques sont plus que jamais nécessaires pour mieux prévoir et anticiper l’évolution future de la ressource en eau au cours des prochaines décennies.

Photo 2. Le Toulourenc (84)

3.53. L’intérêt du suivi instrumental : 50 ans d’observations sur le Réal Collobrier

On compte en France près de 3000 stations de mesure de débits, dont les durées d’enregistrement sont très variables (www.hydro.eaufrance.fr). Parmi ces stations de mesures, moins de 200 ont au moins 50 ans de données. C’est finalement très peu lorsque l’on veut étudier des phénomènes extrêmes ou bien pour apprécier une éventuelle non stationnarité des séries de mesures. De plus, ces quelques longues et précieuses séries de mesures sont plus fréquemment associées à des stations dites « historiques » sur les grands cours d’eau, et ont subi des altérations anthropiques (aménagements hydrauliques, urbanisation, usages). C’est pour ces raisons qu’il est relativement rare de trouver de longues séries de données, sur des petits bassins versants ayant subi peu de pressions anthropiques, sur lesquelles les études de stationnarité peuvent s’avérer pertinentes.

C’est le cas des données du bassin versant de recherche du Réal Collobrier. Ce bassin versant, affluent du Réal Martin lui-même affluent du Gapeau, est situé sur la commune de Collobrières dans le massif des Maures (Var). Il est équipé de 10 stations limnimétriques contrôlant des bassins versants emboités de superficies allant de 1,5 à 70 km2, et ce depuis 1967 (Figure 1). Ce bassin est également équipé de 15 pluviographes. Les données fournies depuis 50 ans sur ce bassin versant sont riches d’enseignements sur la variabilité des débits, même à une échelle d’espace relativement fine.

Les enseignements du suivi sur la variabilité des écoulements

Le suivi instrumental a permis de mettre en évidence la forte variabilité des écoulements annuels moyens dans l’espace. Ils varient entre 145 mm et 650 mm, alors que la pluviométrie moyenne des bassins associés varie entre 800 et 1200 mm. Cette variabilité visible à l’échelle d’un bilan annuel est également marquée sur les épisodes de crues. La pluviométrie n’explique qu’en partie les fluctuations des écoulements, le reste de la variabilité est expliquée, entre autres, par les caractéristiques des bassins versants. L’explication de ces différences de comportement semble être liée à la profondeur et la texture des sols ainsi qu’à la nature de la roche mère plus ou moins altérée.

Par exemple, avec une roche mère (substratum) peu altérée, le bassin sud ne possède que peu de capacité de stockage et donc réagit fortement aux pluies et ne permet pas d’assurer un soutien d’étiage en été. En revanche, la partie nord-est présente une roche mère fortement altérée, avec une forte capacité d’infiltration. Cette particularité conduit à une réaction plus lente et moins productive du bassin en période de crue et à un soutien d’étiage marqué par la présence de nombreuses sources assurant un débit pendant toute la période d’été. Ces observations, facilitées et mesurables grâce au suivi instrumental mis en place en différents points du bassin, mettent en avant le fait que la variabilité des processus hydrologiques est d’autant plus marquée que l’on s’intéresse à des échelles fines, alors même que l’observation à ces échelles est particulièrement rare.

Les enseignements du suivi sur la non stationnarité des données hydro-climatiques

La disponibilité de 50 années d’observations permet d’effectuer des tests de tendance pour juger de la stationnarité, ou non, des données hydro-climatiques enregistrées sur le bassin versant. Sur le bassin du Réal Collobrier, on observe une tendance significative à la baisse des débits mensuels moyens de mars et avril. Ce résultat est cohérent avec les autres études réalisées dans la région qui montrent une augmentation des étiages pour les cours d’eau du sud de la France, avec des périodes de début d’étiage plus précoces. La non stationnarité des processus hydrologiques est également visible à travers la paramétrisation de modèles pluie-débit (Zoom 1) qui montre une tendance à l’accentuation de la diminution des débits. Ce point est aussi lié à la non linéarité des processus, pouvant conduire à une amplification des tendances climatiques. Conclure sur l’impact du changement climatique sur les écoulements reste difficile même avec des chroniques relativement longues. Malgré tout, les bassins comme le Réal Collobrier, soumis à une faible anthropisation, sont de bons candidats pour étudier l’impact du changement climatique sur l’évolution des écoulements et des compléments nécessaires aux études d’impacts. En effet, les données observées en différents points du réseau hydrographique, de ce bassin relativement petit, montrent que la variabilité spatio-temporelle des débits peut être très marquée à des échelles fines, mais aussi qu’elle dépend à la fois du climat et de la nature des sols et de la roche mère et donc des caractéristiques physiques du bassin versant.

ZOOM 1. La modélisation hydrologique

Un modèle hydrologique, appelé communément modèle pluie-débit, est un outil numérique de représentation d’une partie du cycle de l’eau à l’échelle d’un bassin versant. Il permet de transformer des séries temporelles de précipitations, de températures de l’air d’un bassin versant (les entrées du modèle, descriptives du climat) en une série temporelle de débits (la sortie du modèle). Cette transformation est souvent divisée en deux parties, la production et le transfert (ou routage). La production vise à réaliser des bilans d’eau à l’échelle du bassin versant, permettant notamment de répartir la précipitation brute observée (la totalité de la pluie qui est tombée sur le bassin versant étudié) en pluie «nette» (la part de la pluie brute qui participe concrètement au débit du bassin), en quantité d’eau évapotranspirée (part de la pluie brute qui retourne dans l’atmosphère par évaporation ou transpiration des plantes) et en quantité d’eau stockée par le bassin versant. L’étape de transfert consiste ensuite à répartir dans le temps la quantité d’eau participant au débit du bassin versant étudié.

De nombreux modèles hydrologiques ont été développés depuis la fin des années 1960. Le choix du type de modèle à utiliser dépend généralement de l’objectif de modélisation et des données d’entrée disponibles. Les modèles diffèrent par la manière de représenter les processus.

Ils sont construits soit sur des relations mathématiques directes établies entre les entrées et les sorties du bassin versant : ce sont les modèles empiriques, soit en représentant les principaux processus hydrologiques sans utiliser les lois physiques concernées : ce sont les modèles dits conceptuels, ou bien en utilisant les lois physiques régissant les processus hydrologiques : ce sont les modèles à base physique. Les modèles diffèrent également dans leur façon de représenter l’espace. Les modèles globaux ne prennent pas en compte la variabilité spatiale au niveau du bassin, les modèles semi-distribués divisent le bassin en entités spatiales et les modèles distribués le divisent en maillage régulier. Dernière discrimination dans les modèles : le temps, toutes les échelles allant de l’infra horaire au pluriannuel peuvent être utilisées.

Un modèle hydrologique peut être utilisé dans plusieurs contextes : prévoir les crues et les étiages, prédéterminer les débits extrêmes en crue ou en étiage, réaliser des études d’impact anthropique sur l’hydrologie (construction d’aménagements hydrauliques (barrage par exemple), changements d’occupation du sol, etc.), ou bien des études d’impact de changements climatiques sur l’hydrologie, et enfin combler des lacunes dans les données de débits et reconstituer des séries de débits historiques.

3.100. Les évolutions possibles de la ressource en eau dans un contexte de changement climatique : exemple d’une étude d’impact, le projet R2D2 2050

Cette question est abordée par les études d’impact, qui ont pour objectif de quantifier les évolutions d’un système (ici, le fonctionnement du bassin versant et sa composante « débit ») soumis à une perturbation de ces entrées (ici, le climat). De telles études ont été menées en France depuis la fin des années 1990. Elles ont eu pour domaine d’application le territoire métropolitain ou des secteurs spécifiques sur des grands bassins versants emblématiques pour faire apparaitre des enjeux locaux (exemples : la gestion des crues pour la Seine ; le partage de la ressource sur des territoires déficitaires pour la Garonne). Elles se différencient notamment par les hypothèses sur le climat portées par les scénarios d’émission de gaz à effet de serre, les projections climatiques globales et leur déclinaison régionale… et les modèles d’impact qui sont alimentés par les visions du futur : les modèles hydrologiques (Cf. Zoom 1). Cette multiplicité d’hypothèses rend difficile une stricte comparaison des conclusions. En outre, chaque modèle ayant sa sensibilité propre, l’intensité des changements attendus diffère d’une étude à une autre. Néanmoins, en 2016, il est possible de dégager des tendances « lourdes » sur le territoire métropolitain :

  • des modifications du cycle hydrologique avec une intensité croissante avec la concentration en gaz à effet de serre et l’horizon considéré, à l’image de ce qui est envisagé pour le climat ;
  • un pourtour méditerranéen qui apparait comme un « hot spot », c’est-à-dire parmi les régions les plus vulnérables aux changements climatiques avec des conséquences notables sur les activités humaines ;
  • une baisse globale de la ressource en eau à l’échelle annuelle et principalement en période estivale ;
  • une intensification des contrastes saisonniers avec des étiages estivaux plus sévères, pour les bassins au régime piloté par les précipitations ;
  • une modification des régimes des rivières de montagne avec une réduction de l’épaisseur du manteau neigeux, une fonte plus précoce et une composante nivale à la baisse ;
  • des projections cohérentes entre études sur les composantes du bilan en eau lorsque ces dernières sont contrôlées de manière univoque par la température de l’air (par exemple, la neige).

Et des éléments encore incertains :

  • l’absence d’évolutions sur le régime des crues, partagée par les études d’impact, conséquence de projections sur les pluies extrêmes non concordantes.

Pour notre région, les études les plus récentes envisagent une diminution du débit moyen annuel (module) entre -10 et -30 % entre la période 1961-1990 et 2046-2065 (Figure 2).

Figure 2. Evolutions relatives possibles (en %) du débit moyen annuel (module) entre 1961-90 et 2046-65 sur le bassin Rhône-Méditerranée - Résultats moyens établis sur 14 simulations (deux modèles hydrologiques différents alimentés par sept projections climatiques). La couleur des points est fonction de l’intensité du changement et la taille des points est liée à la convergence des 14 simulations (adapté de Chauveau et al., 2013 ; étude Explore 2070)

Un des derniers exercices exploitant les simulations numériques du climat réalisés dans le cadre de CMIP5 suggère des changements structurés selon un gradient nord-sud, les évolutions étant plus significatives au sud de la France qu’au nord, ce qui pourrait renforcer des inégalités des territoires vis-à-vis de l’accès à la ressource. Les baisses des débits hivernaux (de décembre à février) resteraient contenues, hors secteurs de montagne et celles affectant les débits moyens en été concernent la région PACA, et pourraient atteindre jusqu’à environ -50 % sur le Var en milieu de siècle (RCP 4.5, RCP 8.5). La baisse en été est confirmée et amplifiée en fin de siècle pour le RCP 8.5 avec des changements relatifs de plus de 50 % affectant les cours d’eau de la région.

Parmi les secteurs à enjeu, arrêtons-nous sur la Durance et son principal affluent, le Verdon, le château d’eau séculaire de la région Provence–Alpes-Côte d’Azur et son devenir. Le cours de la Durance a été aménagé dès le XIIe siècle pour l’entraînement des moulins à farine. De nombreux usages exploitent la ressource : loisirs, eau potable, irrigation, production hydroélectrique, etc.

Le projet national de recherche « Risque, Ressource en eau et gestion Durable de la Durance en 2050 » (R2D2 2050) s’est engagé dans une démarche couplant modélisation de l’hydrosystème et sa composante anthropique associée et élaboration de scénarios prospectifs associant acteurs locaux et experts. L’objectif visé est de quantifier les déséquilibres potentiels futurs entre offre et demande en eau sur les secteurs alimentés par la Durance et le Verdon.

Au delà des inévitables incertitudes, le projet R2D2 2050 a permis de révéler des tendances robustes pour l’avenir. Les modifications du climat engendrent une baisse notable de la ressource naturelle à l’horizon 2050 et des modifications de la dynamique de constitution et de fonte du manteau neigeux (Figure 3). Une des conséquences directe est la probable diminution de production d’énergie. Les évolutions du territoire induisent des demandes en eau très contrastées. La baisse probable des apports de fonte conduit à contraindre la gestion de la cote des grandes retenues (notamment Serre-Ponçon) et selon les priorités des usages, réduire la capacité à répondre aux pics de demande énergétique en hiver.

Figure 3. Changements des débits mensuels exprimés (en m3/s) sur la période 2036-2065 par rapport à la période de référence 1980-2009 (six modèles hydrologiques différents alimentés par 330 projections climatiques) (extrait de Sauquet et al., 2016 ; projet R²D² 2050)

De nombreuses sources d’incertitude existent à tous les niveaux de la modélisation sur les données et les représentations numériques en temps présent et en temps futur. Nous ne les détaillerons pas dans ce document. Les incertitudes liées à l’hydrologie héritent en partie de celles liées à la connaissance des climats actuels et futurs. Dans le cadre du projet R2D2 2050, il a été montré que :

  • l’incertitude sur les débits d’étiage en condition naturelle vient majoritairement des modèles hydrologiques, et notamment de leur représentation différentiée des processus liés à l’évapotranspiration et à la neige. Une connaissance des processus sur la phénologie des plantes sous modification conjointe des teneurs en gaz à effet de serre et de la température, et de ceux relatifs à la constitution et fonte du manteau neigeux dans des zones peu instrumentées reste à approfondir ;
  • dans le cas d’un bassin versant dont l’eau est utilisée par des territoires connexes, l’incertitude sur le niveau de pression sur la ressource portée par le développement économique joue à part égale avec celle due au climat.

3.146. L’influence du changement climatique sur la température des cours et des plans d’eau

La température de l’eau est un des paramètres physiques les plus importants pour la vie des organismes d’eau douce. Cette variable affecte les organismes à plusieurs niveaux, du métabolisme en passant par le cycle vital jusqu’à l’aire de répartition. Une augmentation de la température a comme conséquence une augmentation du métabolisme, avec des conséquences sur la taille et la durée de vie de l’individu. De plus, les différentes phases du cycle vital des poissons et des invertébrés requièrent des seuils de température caractéristiques à chaque espèce. Si les conditions thermiques de l’écosystème sont modifiées de telle façon qu’elles ne sont plus appropriées à une espèce, elles pourraient causer son extinction, mais aussi favoriser le développement d’espèces invasives.

Une augmentation de la température des cours et plans d’eau déjà observée

De nombreuses études ont montré une tendance généralisée à l’augmentation de la température des cours et plans d’eau dans le monde entier. Cette augmentation de la température des plans d’eau a causé la réduction de la période d’englacement et l’allongement de la période de stratification estivale. La température de l’hypolimnion, couche d’eau la plus profonde et la plus froide, tend également à augmenter.

Quelques exemples choisis, proches géographiquement de la région PACA, illustrent bien ce phénomène déjà engagé. Dans le bassin de l’Èbre, en Espagne, des tendances à l’augmentation de la température de 0,02 à 0,06 ºC/an ont été observées, ainsi que dans un ensemble de cours d’eau du nord de l’Espagne où une tendance de +0,02 ºC/année a été observée au cours de la période 1986-2013. Sur la partie du Rhône la plus méridionale, la température de l’eau a augmenté de 3,0 ºC sur la période 1977-2004 à raison de +0,11 ºC/an. La dynamique thermique de ces fleuves est variable mais on a observé des périodes particulièrement chaudes en 1940-1949 et depuis les années 1980.

Un travail de reconstruction, par modélisation, des chroniques de températures des plans d’eau de la France métropolitaine estime une tendance moyenne d’augmentation de la température de surface de +0,02 ºC/an. Cette augmentation est liée aux effets du changement climatique, mais aussi à des pressions anthropiques plus directes comme l’usage de l’eau pour le refroidissement des centrales nucléaires et thermiques à flamme, ainsi que les rejets liés à l’urbanisation. En aval de la centrale thermique d’Aramon, l’échauffement cumulé de l’eau du Rhône dû aux centrales nucléaires a été estimé à +1,4 ºC sur la période 1977-2004. Une étude des principaux affluents du lac Lugano dans les Alpes suisses et italiennes a montré un échauffement plus important (de l’ordre de +2 ºC) dans les cours d’eau avec une majeure occupation du sol par des aires urbaines.

Dans la zone méditerranéenne, les tendances à l’augmentation de la température sont souvent associées à la diminution des débits. Ainsi, l’aménagement hydraulique du bassin versant du Rhône, qui fait que les débits estivaux soient plus élevés que ceux observés historiquement à la fin du XIXe siècle, limite la hausse des températures pendant cette période de l’année. De plus, et cela est aussi valable pour la Durance, la réduction de largeur et l’augmentation de profondeur limitent l’échauffement en réduisant la surface au miroir et en réduisant l’émission des rayonnements infrarouges. Pour le Rhône à Lyon, sur la base de mesures journalières des années 1870-1877, on a pu montrer que, dans la configuration pré-aménagement, les canicules devraient conduire à des températures d’environ +1 °C plus chaudes que dans la situation aménagée.

Une tendance à l’augmentation de la température des cours et plans d’eau

Les effets prévus du changement climatique sur les plans d’eau méditerranéens incluent, entre autres, la baisse des niveaux d’eau et une détérioration de la qualité de l’eau. D’après une étude récente réalisée à l’échelle européenne, la température des cours d’eau de la région PACA devrait augmenter de +2 à +3 ºC d’ici la fin du siècle par rapport à la période 1971- 2000. Pour les cours d’eau où les bas débits coïncident avec la période estivale, comme c’est le cas pour les cours d’eau méditerranéens, jusqu’à un quart de l’augmentation prévue de la température serait attribué à la réduction des débits.

Mais la réponse concrète du comportement hydrodynamique d’un plan d’eau vis à vis du climat va dépendre de ses caractéristiques propres, notamment de la morphométrie et de la température moyenne qui gouvernent les phénomènes de stratification. Ce sont les lacs les plus profonds et les plus chauds qui s’avèrent les plus sensibles au changement climatique. Avec le scénario à hautes émissions de gaz à effet de serre (RCP 8.5), une augmentation de la température de surface d’environ +2 ºC est attendue à la fin du siècle au barrage de Bimont, localisé à proximité d’Aix-en-Provence dans la commune de Saint-Marc-Jaumegarde.

La gestion des retenues hydroélectriques peut compenser en partie la hausse des températures. Dans le cas des barrages avec plusieurs profondeurs d’extraction de l’eau, il est possible de gérer la quantité de chaleur emmagasinée dans la retenue. Ce type de dispositif a aussi été utilisé pour réguler la température en aval du plan d’eau et minimiser les impacts thermiques. Cependant, les modalités de gestion sont complexes. D’abord, la réduction de la chaleur emmagasinée dans le barrage peut conduire à majorer les températures en aval. Inversement, dans des retenues stratifiées, l’extraction d’eau à une certaine profondeur permettrait de réduire la température de l’eau en aval, mais avec pour conséquence d’élever la température moyenne de la colonne d’eau dans le barrage et d’induire des effets possibles sur la qualité de l’eau, à la fois dans le plan d’eau et en aval. Finalement, il faut inclure dans l’équation les intérêts économiques de l’exploitation du barrage.

3.177. L’influence du changement climatique sur l’évolution de l’humidité du sol et des sécheresses

La caractérisation de l’évolution de la ressource en eau en terme de situation moyenne mais aussi extrême (sécheresse) est un enjeu majeur du changement climatique en zone Méditerranéenne. Les études à mener nécessitent de prendre en compte les différentes composantes du cycle de l’eau : les précipitations mais aussi l’humidité du sol et le niveau des aquifères.

Le projet de recherche Climsec s’est penché sur l’évolution des sécheresses en France métropolitaine, jusqu’alors très peu étudiées, en développant des simulations de l’humidité du sol. Différentes simulations ont été effectuées à l’aide de modèles climatiques régionalisés sur la France (scénarios SRES A2, A1B et B1) et elles ont permis d’apporter des informations capitales sur les sécheresses du XXIe siècle.

Le résultat le plus important concerne la différence de comportement entre l’évolution des sécheresses météorologiques dont le diagnostic reste peu robuste du fait de l’absence de consensus entre modèles climatiques sur la diminution des précipitations et les sécheresses agricoles (ou édaphiques), dont l’augmentation est déjà observable aujourd’hui, et qui semblent devoir s’aggraver d’ici le milieu du siècle sous l’effet de l’augmentation de l’évaporation liée à la hausse des températures.

Figure 4. Pourcentage annuel de la surface touchée par la sécheresse du sol sur la région PACA sur la période 1959-2014 (source Météo-France, ClimatHD)

Une aggravation observée et prévue des sécheresses du sol

L’analyse de l’extension moyenne des sécheresses des sols en région Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 1959 (Figure 4) met en évidence l’importance des événements récents de 2007 et 2012, mais surtout l’évolution de la moyenne décennale depuis les années 1980 avec une répétition de sécheresses quasi continue depuis 1997 (hors 2010 et 2013).

Au cours du XXIe siècle, quel que soit le scénario climatique considéré, un assèchement des sols est attendu en toute saison avec pour effet un allongement de la période de sol très sec (avancée nette au printemps) et une diminution de la période hivernale favorable à la recharge. Avec un scénario A2 (Figure 5), équivalent au RCP 8.5 actuel, la situation moyenne de l’humidité des sols pourrait ressembler en fin de siècle aux situations actuelles extrêmes de sol sec.

Figure 5. Evolution du cycle annuel de l’humidité du sol sur la région PACA entre la période de référence 1961-1990 et deux horizons temporels sur le XXIe siècle selon un scénario SRES A2 (source Météo-France, ClimatHD)

3.196. L’influence du changement climatique sur l’évolution du manteau neigeux dans les Alpes du Sud

Le projet SCAMPEI, avait pour objectif de réaliser et mettre à disposition de la communauté scientifique de nouvelles simulations climatiques à l’échelle de quelques dizaines de km2 pour le futur proche et la fin du siècle sur la France métropolitaine, et plus particulièrement sur les zones montagneuses.

Le jeu de données SCAMPEI est fondé sur un ensemble de simulations réalisées suivant un protocole commun pour trois modèles numériques : ALADIN (modèle à aire limitée de Météo-France), LMDZ (modèle du Laboratoire de Météorologie Dynamique du CNRS, institut Pierre-Simon Laplace) et MAR (modèle du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement). Ces simulations sont basées sur des scénarios de concentration de gaz à effet de serre et en aérosols préconisés et utilisés par le GIEC en 2008, l’un plutôt « optimiste » (B1), l’autre « pessimiste » (A2) et le troisième « médian » (A1B).

Trois périodes de 30 ans ont été considérées pour les simulations SCAMPEI :

  • 1961-1990, période, dite d’analyse ou de référence, permettant de recaler les modèles par rapport aux observations et mesures ;
  • 2021-2050, que l’on résume par les « années 2030 » (décennie centrale) ;
  • 2071-2100, appelée les « années 2080 ».

En utilisant les analyses par massif de Météo-France (données SAFRAN) et les valeurs extrêmes des 6 simulations SCAMPEI, on peut élaborer des graphiques qui synthétisent l’évolution de l’enneigement pour une année moyenne et pour différentes périodes passées ou à venir. Les figures 6 et 7 présentent la médiane (valeur atteinte une année sur deux) des périodes 1961-1990 et 1981-2010, ainsi que l’enveloppe des valeurs prédites par les 6 projections climatiques du projet SCAMPEI pour les années 2030 et 2080.

Figure 6. Répartition de la hauteur de neige d’une année moyenne, à 1800 mètres, dans les Hautes-Alpes, pour quatre horizons
Figure 7. Répartition de la hauteur de neige d’une année moyenne, à 1800 mètres, dans les Alpes méridionales pour quatre horizons

Plusieurs points sont à noter :

  • on observe déjà, entre les années 1970 et les années 2000, une baisse de l’enneigement moyen à partir de la mi-février aux altitudes moyennes. Cette baisse est particulièrement marquée pour les zones les plus au sud (massif du Mercantour). Elle est moins accentuée aux altitudes plus élevées, au-dessus de 2500 mètres ;
  • l’évolution pour les années 2030 confirme une évolution à la baisse sur l’ensemble du cycle annuel, supérieure à 50 % aux altitudes basses (au-dessous de 1500 m), moins importante aux altitudes élevées où la tendance est d’un peu moins de 20 % ;
  • à l’échéance des années 2080, la baisse semble se confirmer, mais l’incertitude autour des résultats croît. Dans les hypothèses les plus pessimistes, la proportion des années avec très peu de neige augmente. Ceci est particulièrement vrai pour le massif du Mercantour où l’on risque de n’avoir plus de neige au sol en-dessous de 1800 mètres une année sur deux.

Cette situation a bien évidemment des répercussions sur les ressources en eau de la région PACA, puisqu’une partie de l’eau disponible en période estivale est directement issue de la fonte de la neige restant au printemps. Un bon indicateur de cette eau disponible est l’équivalent en eau du manteau neigeux. Cet indicateur est calculé depuis peu par Météo-France pour l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) (Figure 8). La tendance observée ces soixante dernières années est nettement à la baisse.

Figure 8. Evolution de l’équivalent en eau du manteau neigeux (au 1er mai) pour les Alpes du Sud, de 1959 à 2015
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