4.La variabilité historique des ressources en eau

Comme il a été montré dans le chapitre précédent, modéliser, prévoir et estimer les risques liés aux ressources en eau revêt une importance capitale dans le contexte actuel de changement global. Cela nécessite une très bonne connaissance des hydrosystèmes et de leur variabilité dans le temps et d’appréhender la variabilité actuelle dans un cadre temporel le plus large possible.

Malheureusement, les longues séries de mesures hydrologiques sont relativement rares, le développement des observations systématiques n’ayant commencé que dans les années 1960 et une profondeur d’une cinquantaine d’années est insuffisante pour pouvoir appréhender la variabilité de ces systèmes complexes. La paléo-hydrologie permet de résoudre en partie ce problème en prolongeant les séries temporelles de certains paramètres hydrologiques dans le passé à partir d’indicateurs historiques ou naturels. Les indicateurs historiques utilisés pour l’analyse restrospective de la variabilité hydrologique sont les rares longues séries instrumentales, les ré-analyses de variables météorologiques (§4.2) et les données historiques que l’on retrouve dans des textes qui mentionnent des faits relevant de l’hydrologie, comme les crues, les étiages remarquables ou l’englacement des cours d’eau (§4.1). Les indicateurs dits naturels - ou proxys naturels - sont entre autres les cernes d’arbres, les sédiments lacustres (§4.3) qui sont de très bons enregistreurs des crues et les traces glaciaires qui permettent de mettre en évidence les phases de recul et d’avancée des glaciers au cours du temps (§4.4).

Ces différents indicateurs permettent de reconstituer la variabilité temporelle de différents paramètres hydrologiques sur des périodes de temps variées (du siècle au millénaire), et avec des résolutions temporelles différentes. L’analyse de la variabilité hydrologique passée permet de remettre les variations observées dans un contexte temporel bien plus étendu et ainsi d’améliorer la connaissance sur le fonctionnement et l’évolution des systèmes fluviatiles et lacustres avec éventuellement l’identification de cycles temporels ou de tendance à long terme, et, dans le cas des évènements extrêmes (crues et sécheresses), la possibilité de mieux appréhender leur variabilité en termes de fréquence et d’intensité. Ces informations permettent également, en élargissant le cadre chronologique d’analyse, de réduire l’incertitude d’échantillonnage et d’affiner la caractérisation des distributions statistiques des précipitations et des débits dont la connaissance revêt un intérêt capital en termes de prévision, de prédétermination du risque hydrologique et, in fine, d’aménagement du territoire.

4.52. Apport des archives textuelles et des premières données instrumentales dans la connaissance des sécheresses régionales passées

Si les premières données instrumentales de mesure des conditions météorologiques réellement utilisables datent du tout début de la période contemporaine, il existe cependant un vaste corpus d’archives textuelles que l’on peut qualifier d’« environnementales » et qui font office de sources indirectes pour reconstituer le contexte climatique dans le Sud-Est de la France (voir la base de données historiques HISTRHONE). Pour le XVIIIe siècle et la première partie du XIXe, ces archives permettent de comprendre l’ampleur et l’impact des perturbations hydro-climatiques en Provence et d’identifier les fluctuations de la pluviométrie durant une période historique aujourd’hui considérée comme l’apex du Petit Âge de Glace dans l’Ouest du Bassin Méditerranéen (caractérisée par de nombreuses phases de sécheresse mais aussi par de violents épisodes de précipitations). C’est, par exemple, le cas de certains documents ecclésiastiques comme les processions religieuses et d’autres dossiers spécifiques comme les recueils de « secours aux communautés » (Fonds des États de Provence, Archives départementales des Bouches-du-Rhône) qui regroupent de nombreuses demandes d’aide des populations consécutives à des évènements météorologiques extrêmes bien souvent dévastateurs pour les infrastructures, les biens matériels ou les ressources agricoles.

Photo 3. Décision du Chanoine vicaire général d’Aix-en-Provence d’organiser des processions et des prières pour la pluie les 3, 4 et 5 mai 1734 faisant suite à une demande des consuls de la ville à cause de la sécheresse persistante (source : Archives Départementales des Bouches-du-Rhône, Aix-en-Provence, cote 2 G 186)

Parmi les sources historiques disponibles les plus intéressantes, les demandes de procession pro pluvia ou petendam pluviam, c’est-à-dire « pour obtenir la pluie », faites par les communautés urbaines ou rurales auprès des autorités religieuses, tiennent une place de choix (Photo 3). Ces documents permettent d’obtenir des informations qualitatives sur les fluctuations de la pluviométrie et plus particulièrement sur les épisodes de sécheresse (on en trouve des mentions dès la fin du XIIIe siècle à Marseille).

Pour la ville de Marseille et son territoire, sur trente-sept processions recensées et analysées entre 1678 et 1783, on note une forte concentration des demandes au printemps, au moment du développement des cultures semées, puis en août. Deux périodes importantes durant lesquelles la sécheresse peut avoir de lourdes conséquences sur la végétation et les récoltes. Le caractère non annuel des processions permet d’identifier des périodes de sécheresse durant certaines décennies comme de 1678 à 1683, de 1714 à 1725 puis de 1770 à 1783.

Dès le début du XVIIIe siècle, on peut trouver d’anciennes et courtes séries de mesures des précipitations, comme par exemple pour la ville d’Aix-en-Provence entre 1728 et 1730, réalisées par des érudits locaux religieux ou astronomes. Ces premières données ont été publiées dans « Histoire et Mémoires de l’Académie Royale des Sciences ». Puis, il semble que la terrible sécheresse qui a eu lieu durant les années 1730-1731 ait incité les savants à commencer des enregistrements plus systématiques de la pluviométrie. La série régionale comportant les premiers enregistrements est celle de l’Observatoire de Marseille qui dispose de cumuls journaliers dès 1748. L’analyse de cette série de mesures jusqu’au milieu du XIXe siècle permet de confirmer les informations obtenues sur les variations dans les précipitations de cette période grâce aux sources indirectes (Figure 9). Si l’on considère tout d’abord le dernier quart d’un XVIIIe siècle qui fut dans son ensemble fort perturbé, on note des épisodes de précipitation record comme pour l’exceptionnelle année 1772 (1315,9 mm), avec plus de 730,1 mm pour les seuls mois d’automne, ou bien l’année 1788 avec 1005,5 mm ! Les trois premières décennies du XIXe siècle seront, quant à elles, caractérisées par des forts épisodes de sécheresse récurrents. Ce fut par exemple le cas en 1808 (301,5 mm) mais surtout en 1817 où seulement 274,4 mm furent mesurés. Pour ces deux années, les hivers et les printemps furent extrêmement secs. L’assèchement presque total des rivières du territoire de Marseille et les intenses pénuries d’eau qui touchèrent à plusieurs reprises une ville à la croissance démographique rapide, avec une économie en plein développement, conduiront la municipalité à décider en 1834 la construction d’un nouveau canal d’approvisionnement à partir de la Durance : le célèbre Canal de Marseille dont la construction a débuté en 1839 pour une entrée en service en 1849 (date d’arrivée de l’eau sur les hauteurs du plateau Longchamp).

Figure 9. Précipitations mesurées à Marseille aux niveaux des différents Observatoires sur la période 1748- 1850, les extrêmes sont représentés (source : Archives de l’Observatoire de Marseille, extraction des données réalisées par Georges Pichard, réalisation de la figure par Nicolas Maughan, 2016)

L’analyse de ces archives textuelles « environnementales », existantes pour les périodes modernes et contemporaines, permet donc d’apporter des informations sur les fluctuations du régime des précipitations et les ressources en eau disponibles en Provence. Ces observations, effectuées la majeure partie du temps par des érudits, se révèlent après analyse bien plus précises et informatives que leur ancienneté pourrait le laisser penser. Elles ne nécessitent souvent que de légères corrections pour être intégrées à des longues séries de mesures hydro-climatiques contemporaines.

4.99. Reconstitution historique des séries hydrologiques

Les projections climatiques annonçant une réduction de la disponibilité en eau ont récemment conduit les hydrologues à s’interroger sur la connaissance des sécheresses hydrologiques actuelles et passées pour mettre en perspective les événements futurs possibles issus des chaînes de modélisation hydroclimatique. Par ailleurs, la variabilité climatique et l’augmentation des températures de l’air constatées au cours des dernières années ont renforcé les besoins d’EDF et des gestionnaires de l’eau de disposer de longues séries. C’est le cas en particulier de la Durance, compte tenu des enjeux opérationnels sur les usages de l’eau et ceux de recherche (projet R2D2 2050, §3.2). Ces éléments scientifiques et opérationnels ont motivé des travaux de reconstitution de données hydrologiques sur l’ensemble du XXe siècle et une partie du XIXe siècle. Ces reconstitutions permettent d’appréhender de façon conjointe la variabilité temporelle et spatiale de variables hydrologiques. À partir de méthodes similaires (Zoom 2), des reconstitutions des étiages extrêmes et des débits de la Durance ont été réalisées ces dernières années dans la région.

ZOOM 2. Méthodes de reconstitutions basées sur les réanalyses climatiques globales​

Deux méthodes – SCOPE dans le cadre d’une collaboration entre Irstea et la Compagne Nationale du Rhône et ANATEM dans le cadre d’une collaboration entre EDF et Irstea – ont été récemment développées et appliquées sur toute ou partie de la France, pour disposer de séries hydroclimatiques débutant à la fin du XIXe siècle. Elles ont en commun l’exploitation de réanalyses climatiques globales, le développement d’une méthode de descente d’échelle statistique permettant de passer d’une description de la circulation atmosphérique synoptique à celle du climat à une échelle locale (SCOPE Climate et ANATEM Climato) et l’utilisation, dans la dernière étape, d’un modèle hydrologique (Zoom 1) pour fournir des chroniques complètes de débit (GR6J + Cemaneige pour SCOPE Hydro et MORDOR pour ANATEM Hydro). Ces deux méthodes proposent des reconstitutions d’ensemble pour prendre en compte les incertitudes associées. La méthode SCOPE a permis de reconstruire 25 chroniques équiprobables de précipitations et températures locales journalières sur la période 1871-2012 sur chaque cellule 8 x 8 km d’un maillage recouvrant la France (SCOPE Climate). SCOPE Climate a servi

de données d’entrée au modèle hydrologique pour produire, sur 662 bassins versants français, 25 chroniques de débits journaliers sur la même période, constituant le jeu de données SCOPE Hydro. La qualité des reconstitutions obtenues a été validée sur la période récente (1958-2012). La méthode ANATEM a, quant à elle, pour originalité l’utilisation conjointe de témoins historiques (stations de température de l’air et de précipitations) en plus des informations issues de la réanalyse globale 20CR. Les séries ANATEM Climato et ANATEM Hydro ont été générées sur la période 1883-2010 (date commune de disponibilité des témoins de température de l’air à Marseille et de pluie à Gap). Une collaboration avec un historien a en outre permis de valoriser des séries historiques d’observations de débits de stations installées sur le bassin de la Durance dès le début du XXe siècle. Ces séries d’observations de débits journaliers étaient disponibles dans les archives et ont été numérisées, ce qui permet aujourd’hui de disposer d’un peu plus d’une dizaine de séries centenaires sur la Durance, le Buëch, l’Asse, l’Issole et le Verdon. La méthode a été testée sur un échantillon étendu de 20 bassins versants naturels de la Durance.

Reconstitution des étiages extrêmes

Ce travail de reconstitution, réalisé sur une trentaine de bassins versants en région Provence-Alpes-Côte d’Azur a permis de confirmer objectivement la sévérité de certains épisodes connus, récents (par ex. 2007) ou anciens (comme 1921 ou 1949), et de mettre en lumière des événements peu documentés (par ex. 1878, 1893). Le résultat issu de SCOPE Hydro présenté ici, est centré sur les années de sécheresse 1921 et 2007 (Figure 10). Il illustre les reconstitutions d’étiages extrêmes sur le Buëch à Serres (affluent alpin de la Durance). L’étiage extrême de 1921 est, sur ce bassin, l’épisode le plus sévère du XXe siècle. Il a touché une grande partie de la France en épargnant la région Sud- Ouest, et résulte d’une sécheresse exceptionnelle en terme de pluviométrie. Cet épisode a débuté à l’été 1921 et s’est poursuivi jusqu’au printemps 1922 pour les Alpes du Sud. L’année 2007 a, quant à elle, été marquée par un déficit pluviométrique prononcé sur les saisons d’été et d’automne dans le Sud-Est de la France, et des étiages sévères tardifs sur les bassins versants concernés. Une des conséquences en termes de gestion a été un déstockage exceptionnel supplémentaire d’une partie du volume de la retenue de Serre-Ponçon, initialement réservée à la production hydro électrique.

Figure 10. Chroniques de débit journalier observées et reconstituées dans SCOPE Hydro pour le Buëch à Serres (723 km2) lors des étiages de 1921 et 2007. Courbe noire : régime interannuel de référence, décrit par les débits observés médians de chaque jour de l’année. Les nuances de bleu permettent d’apprécier les incertitudes des reconstructions (les 25 membres sont synthétisés par des courbes enveloppes définies par les minimums et maximums (bleu clair) et par les 1er et 3e quartiles (bleu foncé))

Reconstitution des débits printaniers de la Durance

Une synthèse des reconstitutions de débits ANATEM Hydro obtenues pour les 20 bassins versants de la Durance sur la période 1883-2010, a été réalisée en caractérisant la proportion des bassins versants considérés comme étant dans un état d’anomalie hydrologique, déficitaire (étiage) ou excédentaire (crue) (Figure 11). Les données au pas de temps annuel permettent de mettre en évidence des périodes très excédentaires ou très déficitaires par rapport à la moyenne à long-terme. Concernant les périodes déficitaires, cette figure permet de retrouver des périodes de sécheresses historiquement connues (1921, 1949, 1973, 1989-1990 et 2005-2007) et peu documentées (1893). Concernant les périodes excédentaires, cette figure permet de retrouver des périodes de crues et de forte hydraulicité (fin des années 1880, fin des années 1910, fin des années 1920, fin des années 1930, 1977). À l’échelle de la Durance, cette figure met bien en évidence cette succession de périodes excédentaires et déficitaires, avec une période de fortes crues de la fin des années 1910 au début des années 1960 et une période avec des déficits forts depuis le début des années 1970.

Figure 11. Anomalie hydrologique de 20 bassins versants de la Durance, dont les débits ont été reconstruits à partir d’ANATEM Hydro. Un bassin versant est considéré dans un état d’anomalie lorsque son débit moyen annuel est inférieur au quantile 10 % (étiages) ou supérieur au quantile 90 % (crue) de la distribution des débits moyens annuels. Cette figure présente la proportion de bassins versants en état d’anomalie entre 1883 et 2010 (un signe moins indique une période d’étiage, le symbole étant lui aussi proportionnel au nombre de bassins concernés)

Par ailleurs, les reconstructions obtenues par la méthode ANATEM Hydro ont été comparées à une reconstitution des débits sur la période de fonte (mai-juin) réalisée par une approche dendrochronologique (étude des séries temporelles des cernes de croissance d’arbres) (Figure 12). Cette étude, commandée par EDF et réalisée dans le cadre de la fédération de recherche ECCOREV, a pu être réalisée grâce aux fortes relations existant entre la croissance des pins cembro (Pinus cembra L.) et les débits des mois de mai et juin. Cette relation s’explique par la grande sensibilité des pins cembro aux hivers neigeux. Les séries temporelles de cernes de croissance des pins cembro ont donc permis, après calibration de la relation cerne/débit sur la période récente, de reconstituer dans le passé les débits de la Durance et du Verdon jusqu’en 1700. La comparaison entre la reconstitution dendrohydrologique et la reconstitution ANATEM Hydro met en évidence une très bonne corrélation entre ces approches indépendantes et permet de valider leur bonne représentativité des apports de fonte sur le long terme.

Figure 12. Comparaison des débits durant la période de fonte (mai-juin), estimés à partir de reconstruction hydro-météorologique (ANATEM Hydro) et de la reconstitution dendro-hydrologique

4.145. Les sédiments lacustres : 1300 ans d’histoire des crues dans les Alpes du sud

Approche déployée dans le cadre de l’étude des sédiments lacustres

Dans le contexte du réchauffement global, une modification du cycle hydrologique est attendue, pouvant notamment affecter les aléas hydrologiques (crues, inondations, etc.). Cependant, peu de données d’observation permettent de confirmer cette théorie, car les périodes d’observations sont généralement trop courtes par rapport au temps de retour de ces événements. Pour préciser les relations entre la variabilité climatique et la dynamique des crues, les sédiments de lacs sont de plus en plus étudiés car ils permettent de documenter l’évolution des crues au cours des derniers siècles, voire sur plusieurs millénaires. Au cours d’une crue, l’augmentation du débit entraîne une importante érosion de matériaux qui sont transportés par le cours d’eau puis piégés dans les lacs à l’aval, où ces matériaux formeront des dépôts caractéristiques, appelés « dépôts de crues ».

Photo 4. Prélèvement par carottage des sédiments présents au fond du Lac d’Allos (juin 2009). L’étude de cette carotte de sédiments a permis de reconstituer plus d’un millénaire d’activité de crues torrentielles ©Bruno Wilhelm

Le travail des sédimentologues consiste à identifier les dépôts de crues dans l’accumulation sédimentaire, à reconstituer l’intensité des crues à leur origine (à travers différents marqueurs tels que la taille des grains ou le volume de sédiments transporté pendant la crue) et enfin à les dater le plus précisément possible par la combinaison de nombreuses méthodes (radiocarbone, paléomagnétisme, etc.). Les chroniques d’occurrence et d’intensité des crues passées ainsi reconstituées sont ensuite validées par comparaison avec de longues séries de débits, ou le plus souvent avec des informations issues de documents historiques.

Variabilité millénaire des crues dans les Alpes du Sud

Deux chroniques millénaires d’occurrence et d’intensité de crues passées ont ainsi été reconstituées (Figure 13) dans les Alpes du Sud ; dans le Haut-Queyras à partir des sédiments du lac de Foréant et dans le Haut-Verdon à partir des sédiments du lac d’Allos (Photo 4). Ces chroniques nous révèlent que la fréquence des crues était nettement plus élevée pendant la dernière période froide, appelée Petit Âge glaciaire (PAG, 1300- 1860 après J.-C.). Cette augmentation de la fréquence des crues semble s’expliquer par un renforcement des phénomènes de circulations atmosphériques qui amenaient davantage de masses d’air humide de la Méditerranée. C’est ce même processus qui serait à l’origine d’une augmentation significative de l’intensité des crues dans le secteur d’Allos pendant cette période froide du PAG. Si le haut du Queyras semble également avoir connu des crues intenses pendant le PAG, c’est pendant la période chaude de l’Anomalie Climatique Médiévale (ACM, 900-1200 après J.-C.) qu’ont eu lieu les crues les plus intenses, dépassant largement celles enregistrées au cours des dernières décennies.

Figure 13. Chroniques millénaires de fréquence et d’intensité des crues d’affluents du Guil (Lac Foréant, Haut Queyras) et du Verdon (Lac d’Allos, Mercantour). Ces deux chroniques ont été reconstituées par l’étude des sédiments lacustres et validées par comparaison avec des crues documentées par des documents historiques

L’occurrence des crues les plus intenses pendant l’ACM dans le haut Queyras serait, quant à elle, liée à l’augmentation de température, favorisant l’occurrence de violents orages. Il est cependant remarquable que l’augmentation de température du dernier siècle (supérieure à celle de l’ACM) ne semble pas avoir généré des crues d’intensité similaire à celles de l’ACM. Ainsi, la température ne permet pas à elle seule d’expliquer toute la variabilité de fréquence et d’intensité des crues. Comprendre quels sont les autres paramètres climatiques qui interviennent (et leurs interactions) constitue l’enjeu des recherches actuelles.

4.175. Lien climat – glacier - ressource en eau

Le Glacier Blanc, Massif des écrins. © Irene Schimmelpfennig

Dans les Alpes, les glaciers sont actuellement en train de reculer à une vitesse sans précédent. Ce phénomène est inquiétant et pourrait à terme devenir problématique pour la région PACA, car 15,5 milliards de m3 d’eau douce sont stockés dans les glaciers du bassin Rhône-Méditerranée (source : agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse). En effet, au printemps et en été, le ruissellement de la fonte des glaciers alpins est une des sources les plus importantes pour l’alimentation des cours d’eau alpins.

Quel impact aura le retrait futur des glaciers alpins sur la ressource hydrique de la région ?

Pour répondre à cette question et pour mieux s’adapter aux scénarios potentiels, il faut comprendre la sensibilité des glaciers au réchauffement. Utiliser et améliorer nos connaissances dans ce domaine permet d’affiner la modélisation de la réponse des glaciers aux variations climatiques et ainsi d’améliorer les simulations numériques de l’évolution future des glaciers.

La période interglaciaire actuelle, appelée « Holocène », fait suite à la dernière période glaciaire qui s’est terminée il y a à peu près 12 000 ans. Elle est caractérisée par un climat relativement stable. Néanmoins, il y a eu, entre environ 9 000 et 5 000 ans avant l’époque actuelle, une longue période, appelée optimum climatique de l’Holocène, qui était probablement plus chaude qu’aujourd’hui. La réponse des glaciers alpins à cette période chaude, qui est le meilleur analogue aux scénarios climatiques futurs, est encore mal connue. Néanmoins, nous savons que, durant plusieurs épisodes de l’Holocène, certains glaciers étaient de taille équivalente, voire même inférieure, à celle observée aujourd’hui.

Une des méthodes pour étudier le déplacement des fronts glaciaires repose sur la datation par le radiocarbone des restes de plantes qui ont poussé en aval d’un glacier lors des périodes plus chaudes et qui ont ensuite été incorporés dans (ou sous) la glace durant les avancées glacières des périodes plus froides. Il a ainsi été montré que la surface de plusieurs glaciers, notamment en Suisse, était plus réduite qu’aujourd’hui (1985) pendant presque toute la durée de l’optimum climatique de l’Holocène, voire au-delà (Figure 14).

Figure 14. Périodes durant lesquelles six glaciers suisses étaient plus petits qu’aujourd’hui,ces périodes sont illustrées par les bandes grises. Modifiée de Joerin et al. (2006)

Ces résultats confirment que les glaciers sont très sensibles aux variations du climat et ont été sujets à des reculs importants lors des périodes les plus chaudes de l’Holocène. La température actuelle atteignant aujourd’hui des niveaux parmi les plus élevés de l’Holocène, et qui selon les différents scénarios devrait continuer à augmenter, la fonte des glaciers alpins devrait donc continuer de façon inquiétante dans les années à venir. Plusieurs études sont actuellement en cours pour reconstituer les périodes de recul et d’avancée glaciaire dans le massif des Ecrins qui est situé en PACA. D’autres études réalisées sur ce sujet, et notamment sur les glaciers de la région, seront abordées dans le cahier « montagne » du GREC-PACA.

Rechercher
Newsletter