7.Les conséquences du changement climatique sur les usages de l’eau

L’usage de l’eau ne se limite pas à l’utilisation de l’eau potable. L’eau est aussi au coeur de la plupart des activités humaines : agriculture, production industrielle, transport, nettoyage des villes, énergie...

Nous avons vu dans les chapitres précédents que l’impact du changement climatique sur la ressource en eau ne sera probablement pas négligeable et plus particulièrement en été, période durant laquelle les impacts négatifs sur la ressource devraient être les plus importants. Des conséquences sont donc attendues sur les usages. Conséquences d’autant plus importantes que la ressource doit être partagée. Ainsi, même si les prélèvements pour l’industrie sont en baisse significative depuis une quinzaine d’années et que près de 90 % des prélèvements pour la production d’électricité sont restitués au milieu, les conséquences liées à la raréfaction de la ressource, notamment estivale, doivent être analysées et rapidement prises en compte. Ce chapitre aborde principalement les conséquences probables du changement climatique sur l’eau agricole et sur la production électrique en région PACA.

7.49. Les multiples facettes de l’eau agricole au prisme du changement climatique

Que ce soit au niveau international, national ou régional, le secteur agricole reste le premier consommateur d’eau. En région PACA, sur les 3,5 milliards de m3 d’eau prélevés par an (hors hydroélectricité), 2,2 milliards sont attribués à l’agriculture, ce qui correspond à 66 % des prélèvements, contre 21 % pour l’eau domestique et 9 % pour l’industrie (SOURSE, 2010). C’est donc le secteur agricole qui est de plus en plus sollicité par les politiques publiques pour diminuer sa consommation et permettre un partage autre de la ressource dans une perspective de réchauffement climatique.

La région étant sous influence d’un climat méditerranéen, l’agriculture qui s’y est développée est majoritairement une agriculture de type irrigué (25 % de la S.A.U) et non pas pluvial comme dans la majeure partie des autres territoires français.

Ce fut d’ailleurs une des principales conquêtes des sociétés locales provençales que d’avoir réussi à canaliser l’eau et l’amener là où elle faisait défaut. Les premiers canaux d’irrigation furent construits au MoyenÂge (Canal Saint Julien), d’autres suivirent à l’époque de la Renaissance (Canal de Craponne), avec un fort développement de ces structures hydrauliques à la fin du XIXe siècle sur l’ensemble de la région. La création en 1907 de la « Commission Exécutive de la Durance » permit enfin le règlement de conflits pour le partage de l’eau entre les différents utilisateurs de l’amont et de l’aval de la Durance, en gérant la répartition des droits d’eau entre chacun. Cette histoire singulière a construit un espace de gestion collectif qui fonctionne aujourd’hui encore.

La région PACA est un des plus gros contributeurs à la production horticole, arboricole et maraîchère européenne et les techniques d’irrigation utilisées pour ces cultures sont encore aujourd’hui majoritairement gravitaires, 52 % des surfaces régionales irriguées ont recours à des techniques d’irrigation par immersion ou à la raie, contre 37 % par aspersion et 10 % au goutte à goutte (SOURSE, 2010).

Pour autant, les agriculteurs n’ont pas attendu les injonctions institutionnelles pour mettre en place des procédés plus économes en eau, avec en particulier le développement de la micro-irrigation, là où la topographie des lieux, la disponibilité de la ressource et les moyens techniques (pompage sous pression) leur permettaient de le faire. C’est le cas par exemple de l’arboriculture fruitière sur une partie du territoire basalpin ou encore sur les contreforts du Mont Ventoux.

D’autres approches d’économie de la ressource font aujourd’hui l’objet d’attentions particulières. Avec les avancées des connaissances en pédologie et en écologie, sont reconsidérées par exemple des pratiques culturales anciennes, telle la revalorisation de la jachère, l’utilisation d’engrais verts, l’attention à la rotation des cultures, ou d’autres plus contemporaines comme l’amélioration génétique des plantes en vue de leur adaptation à des périodes de sécheresse plus prononcées, ou encore la gestion d’une agro-biodiversité pour favoriser la pluralité et la résistance des cultures. Ces différentes approches s’inscrivent bien dans la définition de l’adaptation au changement climatique proposée par Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : « Ajustement des écosystèmes ou des systèmes socio-économiques en réponse à des stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets, afin d’atténuer leurs conséquences négatives ou d’exploiter de nouveaux éléments favorables ».

Si des techniques d’économie de la ressource en eau sont de plus en plus adoptées par les agriculteurs provençaux, il n’en demeure pas moins que l’irrigation gravitaire conduite dans des canaux présente également un certain nombre d’avantages non négligeables et qu’il convient de préserver. Nous pouvons en présenter au moins de deux types. Tout d’abord, l’eau mobilisée dans les canaux par les différents usages permet de limiter les prélèvements sur la nappe phréatique, mais aussi la circulation de l’eau dans l’ensemble du réseau des filioles et les irrigations assurent la recharge des principales nappes souterraines de la région. L’exemple le plus emblématique est celui de la plaine de la Crau qui est quasiment dépourvue d’eau de surface mais dispose d’une nappe phréatique de 550 millions de m3 qui alimente en eau 270 000 habitants dans les Bouches-du-Rhône et la zone industrielle de Fos. La recharge de cet aquifère dépend pour 2/3 de l’eau d’irrigation dérivée de la Durance par le canal de Craponne. Aujourd’hui, le maintien de cette nappe est « totalement dépendant des apports provenant des fuites des canaux et de la percolation des irrigations gravitaires, estimés à 160 Mm3/ an ». Sur le secteur durancien, l’eau d’irrigation joue aussi un rôle déterminant dans le maintien de plusieurs ressources souterraines. Selon une étude commandée par l’Association Syndicale Autorisée (ASA) du canal Saint Julien en 1999, la nappe phréatique de basse Durance est alimentée à 75 % par les eaux d’irrigation contre seulement 25 % de façon naturelle (cours d’eau et précipitations). De récents travaux menés sur la nappe phréatique qui alimente la ville d’Avignon confirment l’importance de cette proportion et le rôle déterminant de l’eau d’irrigation dans la recharge de l’aquifère.

Photo 12. Le canal de Carpentras

Les canaux peuvent, en deuxième lieu, assurer un rôle d’évacuation et de drainage des eaux pluviales et jouer un rôle non négligeable de protection contre les inondations lors d’épisodes pluvieux intenses. Par exemple, sur le secteur de Salon de Provence, les canaux d’irrigation drainent, suivant les communes, de 35 % à 100 % des eaux pluviales. Une évaluation économique du coût de remplacement du canal a été réalisée pour la ville de Sisteron, montrant qu’en cas de disparition de celui-ci, les frais d’entretien d’un réseau d’évacuation seraient très largement supérieurs à celui du canal existant (Chambre d’agriculture 2005). L’ASA du canal de Carpentras a pour sa part signé une convention avec la ville de Carpentras pour la régulation des eaux pluviales. Tous ces exemples témoignent de l’importance du maintien de ces anciennes structures hydrauliques et de la nécessité de continuer à les entretenir pour répondre à de nouveaux enjeux.

Penser la gestion de l’eau agricole à l’échelle régionale ne peut se faire uniquement dans une perspective d’économie de la ressource sans intégrer les autres fonctions et services rendus par l’eau agricole et les canaux d’irrigation. Aujourd’hui, les ASA, associations qui gèrent les périmètres irrigués (il y en a environ 600 sur la région PACA), doivent composer avec des formes traditionnelles d’usage agricole de l’eau et des enjeux contemporains. Les canaux de Provence connaissent un nouveau tournant de leur histoire, vieille déjà de plusieurs siècles. Aujourd’hui comme hier, ils doivent faire face à une tension qui leur est constitutive, à savoir d’être des ouvrages hydrauliques à vocation d’aménagement du territoire - c’était déjà l’ambition d’Adam de Craponne - tout en étant le résultat d’un investissement sectoriel permettant la réalisation d’un équipement dont l’utilité dépasse sa fonction première et son usage initial.

L’eau agricole n’est plus seulement agricole, elle peut se faire aussi eau des jardins, eau du paysage ou eau des villes. Face aux transformations climatiques prévisibles, de nombreuses solutions s’offrent aux agriculteurs pour faire preuve d’adaptation, mais il est aussi important de raisonner de manière plus globale et d’analyser les conséquences d’une trop forte diminution de l’eau mobilisée par le secteur agricole, car cette eau est aussi à usages multiples, et les ouvrages d’art qui lui permettent de circuler ont eux aussi leur rôle à jouer dans cette nouvelle adaptation.

7.96. Les plantes auront-elles besoin de plus d’eau ?

Assez intuitivement, on aurait tendance à penser qu’avec le changement climatique, les plantes auront des besoins en eau plus importants du fait de l’augmentation de la température. Pourtant, une telle déduction n’est pas toujours exacte. En effet, la consommation en eau des plantes va dépendre de l’étendue de la surface évaporante (la surface des feuilles principalement) et de la demande climatique avec des effets antagonistes qu’il faut prendre en compte pour évaluer la consommation en eau résultante des plantes.

Comment évoluera la demande climatique ?

La demande climatique est la quantité d’eau perdue par les couverts végétaux, sous forme d’évapotranspiration, quand ils ne subissent pas de stress hydrique. On parle alors d’évapotranspiration potentielle qui va augmenter avec le rayonnement, le vent, l’hygrométrie de l’air (un air sec favorise l’évapotranspiration) et la température. L’augmentation de la température, qui est la caractéristique la mieux cernée dans le changement climatique, conduit à accentuer la demande climatique. Pour les autres grandeurs climatiques, leur évolution ne semble pas significative ou elle est encore mal cernée.

Il faut également prendre en compte l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère. En effet, la transpiration des plantes est principalement régulée par l’ouverture des stomates qui sont des orifices sur les feuilles qui mettent en communication l’eau contenue dans la plante avec l’atmosphère. La taille des ouvertures des stomates est pilotée par la plante selon deux processus : la photosynthèse qui a besoin d’un flux rentrant de CO2 et la transpiration qui a un besoin de flux sortant de vapeur d’eau. Chacun de ces processus peut réguler l’ouverture selon les besoins et les contraintes de la plante. Dans notre cas, on montre que les plantes réduisent l’ouverture des stomates lorsque la concentration de CO2 dans l’atmosphère augmente. La conséquence directe est une réduction de la transpiration et ainsi des besoins en eau de la plante.

Le changement climatique impacte le développement des plantes

L’augmentation de la température joue sur le développement des végétaux. Il convient de distinguer les plantes annuelles des plantes pérennes. La durée du cycle d’une plante annuelle est fortement conditionnée par la température. Lorsque celle-ci augmente, les phases de développement s’accélèrent et ainsi la durée de vie de la plante, de la germination à la maturité, va se réduire. Si les plantes auront besoin de plus d’eau du fait de la demande climatique, elles en auront donc besoin moins longtemps et au final la consommation en eau cumulée par la plante pourrait être inférieure dans le futur. Avec les plantes pérennes il n’y a plus d’ambiguïté, la hausse des températures engendrant un allongement de la phase végétative, les plantes débourrant plus tôt au printemps et rentrant en dormance plus tard à la fin de l’automne. Pour ces plantes, la demande en eau sera plus importante. Enfin, il faut aussi tenir compte de la valeur fertilisante du CO2. En effet, l’efficience de la photosynthèse est améliorée pour la plupart des plantes, ce qui augmente la surface foliaire et par conséquent la transpiration. La demande climatique a augmenté d’environ 10 % au cours des 30 dernières années et une hausse similaire est attendue d’ici 2050. Ces hausses ne tiennent pas compte de l’impact direct de la teneur en CO2 de l’atmosphère sur la transpiration qui atténuerait cette augmentation avec une diminution d’environ 5 % de la demande climatique.

Chêne pubescent - Alpes de Haute-Provence ©Antoine Nicault

7.142. Les conséquences sur la production électrique

Augmentation de la température des cours d’eau et conséquences sur la production des centrales thermiques

Si les rejets thermiques des centrales thermiques et nucléaires à circuit ouvert élèvent la température de l’eau des fleuves, la température de l’eau peut à son tour affecter leur fonctionnement à cause de restrictions physiques et légales.

Les limitations physiques sont liées à la réduction de l’efficacité du cycle de Carnot avec une augmentation de la température. Ainsi, l’augmentation de la température de l’eau restreint la capacité de réfrigération des centrales thermiques et nucléaires et diminue l’efficacité de la production d’énergie. Une augmentation de la température de l’eau de +1 °C entraîne une perte de production d’électricité d’une centrale nucléaire d’environ 0,5 % et peut atteindre ou dépasser 2 % en cas de sécheresse ou de vague de chaleur. Ces limites physiques ne sont toutefois pas de nature à diminuer significativement la production à l’échelle d’un pays comme la France où les centrales nucléaires à circuit ouvert sur un fleuve sont minoritaires. Les arrêtés de rejets réglementaires donnent un cadre strict, en termes de débit et de température, au fonctionnement des centrales thermiques à circuit ouvert ou fermé.

Ainsi, du fait de l’augmentation de la température de l’eau, de la baisse des débits et des arrêtés de rejets, une réduction de la capacité de fonctionnement des centrales thermiques et nucléaires est attendue. Cette situation peut entraîner une restriction de la production électrique pendant les périodes très chaudes afin de respecter les limitations légales relatives à la pollution thermique, consécutive à la diminution ou à l’arrêt de la production. Il faut mentionner les épisodes de vagues de chaleur de 2003 et 2009 durant lesquelles plusieurs centrales françaises ont dû arrêter leur production. De plus, en période de canicule la demande électrique augmente à cause d’un usage accru de la climatisation. Ainsi, du fait d’une production réduite et d’une demande croissante, le prix de l’électricité est susceptible d’augmenter. Ce fut le cas en 2015. L’adéquation des arrêtés de rejets avec les impacts effectifs sur l’environnement doit être réinterrogée au fil de l’avancée des recherches scientifiques.

Les conséquences sur la production hydroélectrique

La gestion d’une réserve hydraulique à objectifs multiples se trouve sous la double dépendance de l’évolution des apports, notamment ceux en provenance de l’amont de la retenue et de l’évolution des besoins en eau à desservir en aval (débits environnementaux, irrigation, alimentation en eau potable (AEP), industrie, etc.). La gestion de la réserve hydraulique assure dans ce contexte un rôle de mise en cohérence entre l’offre de ressource naturelle (en générale abondante au printemps, surtout dans un bassin à composante nivale) et la demande en eau anthropique (forte en période d’étiage estival). Elle doit aussi être assurée en tenant compte des contraintes pesant sur la cote et bien sûr du rôle énergétique qu’occupe la réserve hydraulique dans le système électrique.

Le climat apparait naturellement comme un facteur clé pouvant modifier les grands déterminants de la gestion de la réserve hydraulique. L’évolution de la demande en eau liée au contexte territorial constitue un autre volet pouvant avoir des effets de même ordre de grandeur.

Photo 13. Lac de Serre-Ponçon ©Patrice Estachy

D’un point de vue climatologique, en France et plus particulièrement dans la partie méditerranéenne du sud-est du territoire, le changement climatique a principalement un impact sur l’élévation des températures de l’air (entre +1 et +2 °C, si on compare la période 1985-2015 à la période 1948- 1984). À l’horizon 2050, les projections climatiques (GIEC3) utilisée dans le cadre du projet R2D2 2050 (§ 3.2) proposent une élévation de la température moyenne de l’air de 1 à 3 °C, par rapport à la période 1980-2009. L’impact sur l’intensité des précipitations et/ou sur leur volume annuel n’est pas avéré, aussi bien dans le passé que dans le futur. On peut observer éventuellement de légères modifications (à la baisse ou à la hausse) des cumuls saisonniers. D’un point de vue hydrologique, compte-tenu des processus hydrologiques dominants, l’impact de l’augmentation des températures peut modifier la saisonnalité des débits (avancement dans la saison de l’onde de fonte) et diminuer les débits estivaux, au travers d’une augmentation de l’évapotranspiration réelle. Le volume annuel d’écoulement devrait être à la baisse avec une conséquence directe sur la production électrique.

D’un point de vue territorial et contextuel, l’augmentation des températures de l’air a des effets sur l’ensemble des usages de l’eau (notamment, électricité, irrigation et production AEP). Ces effets conduisent principalement à une augmentation des prélèvements et/ou de la consommation de l’eau (à périmètre des productions et méthodes de transport/adduction de l’eau constants), ce qui peut mettre le système de multi-usages de l’eau en tension, compte-tenu des enjeux et contraintes de chacun de ces usages, et rendre nécessaire la mise en oeuvre de stratégies d’adaptation. Comparativement aux impacts directs, les impacts indirects sur la production hydroélectrique sont difficiles à estimer et d’ordre de grandeur au moins comparables car les usages sont interdépendants. Ces évolutions, inscrites dans un contexte de multi-usages et de coévolution des territoires sur les bassins versants et les zones d’usages connectées, sont susceptibles de modifier les équilibres d’usages et de gouvernance.

Concernant le fonctionnement hydrologique des bassins versants de montagne captés par des barrages réservoirs, tels que Serre-Ponçon et Sainte Croix qui sont les plus volumineux dans le Sud-Est, l’augmentation des températures de l’air a principalement un impact sur la modification du régime nival des apports et des impacts sur la réduction de leur module annuel (5 à 15 %). De manière générale et simplifiée, la modification du régime nival se traduit par une avancée dans le temps de l’onde de fusion, avec une réduction de la pointe de fusion et une augmentation relative des débits des mois autour de la période du maximum de fusion. L’avancement de l’onde de fusion de quelques semaines induit un déphasage entre le remplissage de ces grands réservoirs et les besoins des usages connexes tels que le tourisme ou l’irrigation. Par ailleurs, l’augmentation des températures de l’air (et donc de l’évapotranspiration) peut également avoir pour effet de générer des étiages tardifs à l’automne en sollicitant davantage les réserves constituées.

Figure 20. Exemple d’impact de la variabilité hydrométéorologique et de l’augmentation des températures de l’air sur le régime hydrologique de la Durance à Briançon (548 km²). Données issues de ANATEM Hydro (Kuentz, 2013)

Les bassins versants de plus faible altitude sont également touchés par l’augmentation des températures de l’air, avec une incidence sensible sur les écoulements sous l’effet de l’évapotranspiration, se traduisant par une réduction du module annuel. Dans un bassin aménagé interconnecté, doté de grands réservoirs comme celui de la Durance et du Verdon, la réduction des ressources des bassins versants de plus faible altitude reporte potentiellement les prélèvements vers les réserves en amont.

La figure 20 illustre la modification du régime hydrologique des apports sur la Durance, en illustrant la variabilité des régimes hydrologiques sur 30 années consécutives entre 1900 et 2010. Cette figure illustre deux effets : la variabilité hydrométéorologique avec des décennies caractérisées par une hydraulicité plus ou moins forte (intensité du débit au maximum de la fusion) et une évolution des régimes hydrologiques avec une variabilité de la date d’atteinte du maximum de la fusion de quelques semaines (par exemple, deux semaines entre 1960-1990 et 1980-2010).

L’évolution des régimes a un impact sur la gestion des aménagements et la production hydroélectrique en rendant plus délicate l’adéquation entre l’optimisation énergétique, la maîtrise des déversements en cas de crue, et le respect des contraintes touristiques et/ou agricoles, que traduit la courbe-guide de remplissage de la retenue, en raison du déphasage grandissant entre les apports naturels et les demandes en eau. En effet, ces évolutions obligent l’exploitant à être plus prudent dans sa gestion s’il veut conserver la même probabilité de satisfaction des différents usages, et peuvent le conduire à souhaiter remettre en cause le cadre de gestion établi.

ZOOM 3. Analyse de sensibilité de l’impact du changement climatique sur le taux de remplissage d’un barrage réservoir

Comme le montre la figure 21, l’augmentation des températures de l’air est un facteur de premier ordre sur la gestion des retenues en créant une fonte plus précoce. Dans cet exercice où la cote touristique a été considérée comme prioritaire devant l’énergie, la retenue est moins creusée pour garantir la tenue de la cote en période estivale. Si la diminution des précipitations apparaît ici comme un facteur de second ordre, elle a néanmoins pour impact de réduire encore un peu plus les amplitudes de variations de la cote du fait de la réduction des débits entrants. Les deux effets combinés ont pour conséquence de modifier la saisonnalité du remplissage de la retenue, avec une avancée significative des dates du minimum et du maximum de la cote. Sur cet exemple, le choix de donner la priorité au remplissage et à l’alimentation en eau réduit les degrés de liberté de gestion. Il met en évidence un impact sur la production hydroélectrique, sa flexibilité, et sa valorisation pour le système électrique, du fait de la réduction sensible du volume stocké turbinable en période hivernale et au printemps, lorsque les besoins énergétiques sont les plus importants.

Figure 21. Exemple d’analyse de sensibilité de l’impact du changement climatique sur le taux de remplissage d’un barrage réservoir avec une double contrainte de production d’électricité et de cote objective. En noir : Courbe de référence et deux hypothèses d’augmentation de la température. En bleu et rouge, impact cumulé de la réduction respective des précipitations de 10 et 20 %. Reproduction de la figure publiée par François et al. (2014)

En synthèse et compte-tenu de l’ensemble des incertitudes liées au changement climatique et aux devenirs des territoires, on peut retenir que le devenir de l’offre de ressource naturelle est tout aussi important que l’évolution de la demande en eau des différents usages. La réserve hydraulique est à l’interface entre offre et demande en eau et sera donc soumise aux effets du climat sur ces deux termes (direct et indirect). En plus de jouer un rôle d’équilibre sur la sphère « eau », elle participe activement à un rôle d’équilibre dans la sphère « énergie ».

Le changement climatique, en plus de modifier l’énergie produite annuellement, peut conduire à un accroissement des contraintes de gestion préjudiciable au rôle essentiel de l’hydraulique dans l’équilibre offre-demande du système électrique.

Rechercher
Newsletter