3.Les impacts directs du changement climatique sur la santé

D’après une étude du Lancet Planetary Health de 2017, en 2100, deux européens sur trois pourraient être affectés par des évènements climatiques extrêmes tels que les canicules, vagues de froid, incendies, sécheresses, inondations ou encore tempêtes. Basé sur une augmentation de la température moyenne d’environ 3°C d’ici à 2100, le nombre de décès liés à ces catastrophes climatiques en Europe serait alors multiplié par 50, passant de 3 000 décès annuels entre 1981 et 2010, à 152 000 à la fin du siècle. Ces événements climatiques extrêmes ont des impacts immédiats sur la santé, générant régulièrement victimes et dommages considérables en France.

3.26. Les canicules : une norme en devenir ?

Sur l’ensemble des évènements climatiques extrêmes recensés, les vagues de chaleur s’avéreront les plus meurtrières, causant près de 99 % des décès attendus. Celle de 2003 a été responsable de plus de 70 000 morts en Europe. Depuis lors, chaque année, les records de température s’enchaînent sur l’ensemble du globe.

En France métropolitaine, les chiffres de Météo-France sont édifiants. Sur les 41 vagues de chaleurs détectées depuis 1947, 9 ont eu lieu avant 1989, contre 32 entre 1989 et 2019. Un nouveau record absolu de 46°C a ainsi été enregistré pour la France métropolitaine, à Vérargues dans l’Hérault (34), le 28 juin 2019. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, c’est également la vague de fin juin 2019 qui a été la plus intense depuis 1947, avec près de +2°C de température moyenne quotidienne relevés. Des records absolus de températures tous mois confondus ont été enregistrés en plaine et en montagne, la proximité de la mer modérant les risques de canicule.

3.1.1. Question de terminologie

Bien qu’aucune définition ne fasse l’unanimité, l’usage s’est établi en France de parler de :

- vague de chaleur pour des températures maximales anormalement élevées pendant trois jours consécutifs ou davantage, de jour comme de nuit ;

- canicule pour les périodes sans répit nocturne suffisant, soit avec une température minimale supérieure à 20°C ; les températures se maintiennent alors à un niveau très élevé pendant au moins trois jours et trois nuits consécutifs. Au-dessous de trois jours de persistance, c’est l’expression de pic de chaleur qui est retenue.

Enfin, une température « anormalement élevée » est une valeur moyenne définie en fonction de la zone géographique considérée : dans les Bouches-du-Rhône, les seuils sont fixés à 35°C de jour et 24°C de nuit ; dans les Alpes-de-Haute-Provence, ils sont respectivement de 36°C et 19°C, dans les Alpes-Maritimes, de 31°C et 24°C. Ainsi, les seuils d’alerte sont variables d’un département et d’une région à l’autre, en raison notamment des différences d’altitude.

3.1.2. Vagues de chaleur : vers une intensification des phénomènes

D’après la figure 2, plusieurs vagues de chaleur ont été répertoriées depuis le milieu du XXe siècle avec une intensification du phénomène ces dernières années en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’année 2003 est tristement célèbre avec trois vagues de chaleur entre juin et août, dont la plus importante aura duré 23 jours en août.

Les vagues de chaleur de l’été 2003 totalisent une durée de 44 jours, record jamais égalé depuis. Mais la vague de chaleur de fin juin 2019 est à ce jour la plus intense avec une température moyenne quotidienne de près de 28°C contre 26°C lors de la vague de chaleur de 2003.

Figure 2. Vagues de chaleur observées en région Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 1947 jusqu’en août 2019 : la superficie de chaque bulle représente la sévérité de la vague de chaleur (source : Météo-France, 2019)

S’ajoutant aux températures maximales de jour, les températures minimales ont également fortement augmenté (figure 3). Les températures minimales donnent une indication sur les températures nocturnes (durant la nuit, les températures sont théoriquement les plus basses). En d’autres termes, nos nuits sont de plus en plus chaudes. À partir d’un seuil de 20°C, on définit une nuit comme « chaude » ou « tropicale ». Ces 50 dernières années, les nuits tropicales se sont multipliées : à Nice par exemple, elles ont quadruplé (15 en moyenne dans les années 1960 contre 60 aujourd’hui).

Figure 3. Température minimale annuelle : écart à la référence 1961-1990 en Provence-Alpes-Côte d’Azur (source : Météo-France, 2018)

L’augmentation des températures de jour et surtout l’absence de refroidissement nocturne conduisent à des épisodes caniculaires affectant fortement notre santé. Ces derniers devraient se multiplier à l’avenir et deviendraient plus longues et plus intenses à l’échelle de la France métropolitaine selon le scénario RCP 8.5 du GIEC (scénario pessimiste sans politique d’atténuation des GES), mais avec un rythme différent entre l’horizon proche (2021-2050) et la fin de siècle (2071-2100) (figure 4). L’année 2003 pourrait dès lors devenir une année quasi-normale en fin de siècle et Marseille connaîtrait dès 2050 un climat comparable à l’actuel climat du sud de l’Italie si on se réfère à une combinaison de paramètres climatiques.

L’épisode caniculaire de juin/juillet 2019 a été un événement climatique majeur d’une ampleur exceptionnelle qui dépasse les scénarios les plus pessimistes (figure 4). Pour la première fois depuis la création de la vigilance canicule en 2004, des départements, dont les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, ont été classés en vigilance rouge par Météo-France (niveau maximal du plan national d’alerte canicule).

Figure 4. Vagues de chaleur en France métropolitaine : observations et simulations climatiques pour deux horizons temporels d’après le scénario d'évolution RCP 8.5. Remarque : seuls les épisodes de chaleur de durée supérieure ou égale à 4 jours sont représentés (source : Météo-France, 2019)

3.1.3. Épisodes caniculaires : quels effets sur notre santé ?

L'exposition à une température élevée fatigue l'organisme et peut entraîner des phénomènes pathologiques très variés, des plus bénins (crampes de chaleur, œdèmes des extrémités…) à ceux qui sont susceptibles de conduire au décès.

Même s'il s'agit d'urgences vitales, les risques majeurs diffèrent en fonction de l'âge (figure 5). Ainsi, l'enfant comme l'adulte transpirent de manière importante pour maintenir leur température interne autour de 37°C. Mais cette forte sudation entraîne une perte considérable d'eau et de sels minéraux, qui peut conduire à une déshydratation aiguë (muqueuses sèches, perte de poids, hypotension…). Au contraire, la personne âgée, qui produit peu de sueur, accumule des calories à l'intérieur de son corps dont la température s'élève ainsi jusqu'au coup de chaleur ou hyperthermie (peau rouge sèche contrastant avec des muqueuses humides, température supérieure à 40°C avec altération de la conscience, contractures musculaires…).

La chaleur peut aussi aggraver une maladie déjà installée ou contribuer à la déclencher. Le système cardiovasculaire est le plus touché (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque décompensée, accidents vasculaires cérébraux). Vient ensuite l'appareil respiratoire (asthme notamment), puis les voies urinaires (insuffisance rénale, calculs…), les pathologies endocriniennes (diabète, hyperthyroïdie), certaines affections neurologiques (maladie de Parkinson), les troubles mentaux (démence) et les troubles du comportement.

Nombre de paramètres modulent l'impact sanitaire des canicules. Il s'agit principalement de facteurs individuels : l’âge est donc le plus important - avec une vulnérabilité maximale au-dessous de 4 ans et plus encore au-delà de 65 ans -, mais également l'isolement, la perte d'autonomie, la grande précarité, l'exercice physique ou le travail à l'extérieur (agriculture, secteur du bâtiment et travaux publics, etc.), la grossesse, l'état d'ébriété ou la prise de médicaments interférant avec l'adaptation à la chaleur (neuroleptiques, psychotropes, diurétiques…). Les paramètres environnementaux, tels que l’absence de rafraîchissement nocturne permettant de récupérer du stress dû à la chaleur diurne, l’humidité et l’absence de vent empêchant l'évaporation de la sueur, la pollution de l'air aggravant les effets liés à la chaleur, mais aussi la densité du bâti ou la rareté des espaces verts entre autres, peuvent influencer l’impact sanitaire des canicules. Les touristes, pour certains peu habitués des grandes chaleurs, sont également des personnes vulnérables.

Quelques chiffres… de 2003

Au total, le nombre cumulé des décès en excès par rapport aux années précédentes a été d’environ 14 650 pendant en août 20037. La surmortalité observée à partir de 45 ans était importante et croissante avec l'âge (figure 5). Même si la surmortalité de 2003 fut un record, chaque année de canicule en France, un excès de mortalité est observé par rapport à la mortalité attendue.

Figure 5. Pourcentage de la surmortalité observée selon les classes d’âge en août 2003 (source : Hémon et Jougla, 2003)

À titre d’exemple, entre le 24 juillet et le 8 août 2018, une canicule est survenue sur le territoire français métropolitain. Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, plus de 1 100 personnes ont été prises en charge par le système de soins pour des problèmes liés à la chaleur du 24 juillet au 11 août 2018 : 860 passages aux urgences et 244 actes de SOS Médecins pour pathologies en lien avec la chaleur (respectivement 0,9 % et 1,5 % de l’activité globale) ont ainsi été recensés, une activité en hausse par rapport au reste de la période estivale (figure 6). Parmi les passages aux urgences pour pathologies en lien avec la chaleur, plus de la moitié ont donné lieu à une hospitalisation (503 hospitalisations). Si l’impact a été plus important chez les plus de 75 ans, toutes les classes d’âges ont été concernées.

Figure 6. Nombre quotidien de passages aux urgences, d’hospitalisations, de consultations SOS Médecins, pour des pathologies en lien avec la chaleur (les périodes avec déclenchement de niveaux de vigilance jaune et orange canicule sont indiquées par un surlignage jaune et orange, respectivement) – Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, du 1er juin au 15 septembre 2018 (source : Santé publique France/Oscour®/SOS Médecins)

3.1.4. Spécificités en milieu urbain : l’îlot de chaleur urbain

80 % des habitants de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur vivent dans les pôles urbains

La concentration démographique rend les milieux urbains particulièrement vulnérables face au changement climatique. Le climat urbain est généralement caractérisé par une température plus élevée que dans les zones rurales environnantes (surtout en fin de journée et la nuit), des vents spécifiques et la présence de pollution urbaine.

L’îlot de chaleur urbain (ICU) est une différence locale de températures observées entre un site urbain et un site rural environnant à un instant t. Cette différence est liée à la chaleur emmagasinée pendant la journée dans la ville minérale et restituée la nuit, ce qui va ainsi empêcher le refroidissement de l’air dans la ville la nuit. Davantage marquée la nuit, cette différence se caractérise par des températures de l’air (à différentes hauteurs) et de surface (températures des matériaux urbains, figure 7) spécifiques, et est ainsi fortement corrélée à la variation de la densité urbaine, notamment les matériaux des bâtiments.

Figure 7. À Marseille, le 14 juillet 2017, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM) a relevé une différence de 15°C de la température de surface entre la place Castellane et le jardin du Pharo. L’écart est dans ce cas, accentué par l’effet refroidissant de la mer.

Les différences de température de l’air entre un site urbain et un site rural environnant sont en moyenne de +2 à +10°C

Figure 8. Au centre-ville de Toulon, l’herbe au soleil est à 40°C et le bitume au soleil à 52,5°C, alors qu’à l’ombre de l’arbre, les températures de surface sont respectivement de 27,5°C et 31°C (source : ACTERRA et al., 2018)

Quels sont les caractéristiques et processus urbains qui influencent ces ICU ?

- La couleur des surfaces : les couleurs sombres comme l’asphalte absorbent plus le rayonnement solaire que les claires et le restituent sous forme de chaleur ;
- le type de matériaux : selon le matériau, la quantité de chaleur emmagasinée sera plus ou moins importante ;
- les activités humaines et la pollution atmosphérique : elles amplifient le phénomène (transport, industrie, climatisation, chauffage, appareils électroménagers ou encore tout simplement, le métabolisme humain) ;
- la réduction de la vitesse du vent par la présence de bâtiments ;
- la présence d’eau : l’évaporation de l’eau rafraîchit la température ambiante ;
- les espaces végétalisés : l’évapotranspiration, au même titre que l’eau, rafraîchit la température de l’air.

Dans le cadre de l’étude du profil climatique de la commune du Pradet dans le Var, une « balade urbaine » a été réalisée avec un appareil de mesures de température de surface dans les villes de Toulon (figure 8) et du Pradet (figure 9).

Figure 9. Les zones pavillonnaires dans la ville du Pradet ne sont pas nécessairement moins chaudes en journée : la forte imperméabilisation des sols et l’absence d’ombre au-delà des jardins privés en font des fournaises (source : ACTERRA et al., 2018)

L’ICU associé à la pollution atmosphérique fragilise la santé des citadins. L’observation de l’augmentation des températures dans les centres urbains est un véritable enjeu pour les acteurs locaux. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, des structures privées (associations, entreprises) et publiques (laboratoires de recherche) effectuent régulièrement, sur projet ou à la demande, des mesures de températures, comme la Maison de la météo et du climat des Alpes du sud (MMCA), GeographR, le Laboratoire Population Environnement et Développement (LPED) ou encore l’UMR Espace.

« Les îlots de chaleur urbains multiplient les enjeux de risques sanitaires : en 2003, la surmortalité a été 40 % plus élevée dans les petites et moyennes villes, 80 % plus élevée à Lyon et 141 % à Paris. »

Citation de Marie-Christine Prémartin, directrice exécutive des programmes de l’ADEME,
le 18 décembre 2018 - Actes du 2ème colloque national pour l’adaptation des territoires au changement climatique à Marseille

3.72. Intensification des incendies

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est une des régions de France les plus concernées par le risque de feux de forêts, en particulier sur la zone littorale (départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes).

Lors des conditions climatiques extrêmes, notamment les sécheresses et vagues de chaleurs (photo 1), les feux peuvent devenir très intenses, difficiles à maîtriser par les services de lutte, avec d’importantes conséquences humaines, écologiques et économiques. Dans notre région, une occurrence des incendies est ainsi observée en lien avec des températures élevées (2003, 2009) et des années de fortes sécheresses associées à des vents forts (2016, 2017). Les projections climatiques selon le scénario RCP 8.5 prévoient une intensification de ces conditions météorologiques favorisant le risque d’incendie, renforcé dans notre région par un fort vent.

Photo 1. Illustration de l’augmentation du risque incendie dûe au dessèchement de la végétation lors de sécheresses extrêmes. Site situé à proximité de la zone incendiée lors du feu de Rognac-Vitrolles (13) en 2016

Par ailleurs, les conditions météorologiques extrêmes génèrent des comportements d’incendie particulièrement dangereux pour les pompiers : flammes en cime des arbres pouvant atteindre 20 m de hauteur, sauts de feux sur de longues distances, extension rapide à contre vent, et parfois même tempêtes de feu.

Les risques humains sont donc réels, tant pour les pompiers qui interviennent que pour les personnes séjournant aux abords du feu qui se déclenche. Durant l’été 2003, les incendies du Var et des Bouches-du-Rhône ont ainsi conduit à une dizaine de victimes dont trois pompiers. Outre le coût en vies humaines, les incendies peuvent contribuer également à la pollution de l’air avec l’émission de particules.

Les incendies en Méditerranée résultent en partie du dessèchement de la végétation induit par des conditions météorologiques extrêmes dont la fréquence et l’intensité sont amenées à s’accroître dans le futur. Dans de telles conditions, on peut se questionner sur notre capacité future à maîtriser ce risque et donc sur le potentiel coût humain, en particulier si de multiples feux se déclenchent sur une même journée comme ce fut le cas en 2003, 2009 et 2017.

3.120. Les conséquences sanitaires liées à la modification du régime des précipitations

Les experts du GIEC prévoient, au cours du siècle à venir, un impact du réchauffement global sur le cycle de l’eau avec notamment une modification du régime des précipitations, une diminution de la couverture neigeuse et une accélération de la fonte des glaciers. Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces modifications se traduiront par une augmentation de la période de sécheresse estivale en durée et en intensité, une diminution des débits de surface et des eaux souterraines de 10 à 20 %, et très vraisemblablement par une augmentation des épisodes de pluies intenses. Même si l’évolution de ces phénomènes reste très incertaine sur le long terme, des conséquences sur la santé publique, que ce soit en lien avec la disponibilité et la qualité des ressources en eau ou avec le risque inondation, ne peuvent pas être exclues.

3.3.1. Evolution des épisodes de pluies intenses et conséquences sur la santé publique

Actuellement, la majeure partie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est soumise au risque inondation, notamment en raison des pluies méditerranéennes ou pluies torrentielles (épisode cévenol), caractéristiques de la région. Le cumul de ces pluies intenses qui s’abattent sur une zone relativement limitée, peut dépasser plusieurs centaines de millimètres en l’espace de quelques heures. Ces précipitations se produisent sous des cellules convectives (orageuses) organisées formant un ensemble quasi-stationnaire et dont la durée de vie peut être de plusieurs heures. Ces pluies abondantes tombent dans des bassins versants et entraînent une crue rapide des (petits) cours d'eau.

Sur l’arc méditerranéen français, une augmentation de la fréquence et des intensités des précipitations extrêmes est déjà observée. L’intensité de ces phénomènes est en hausse d’environ 22 % depuis le milieu du XXe siècle, avec une plage d’incertitude comprise entre 7 % et 39 %. Pour les évènements dépassant le seuil élevé de 200 mm de pluie par jour, les changements de fréquence sont également significatifs avec un doublement de la fréquence en général. Ces études récentes montrent également que les surfaces touchées par ce type d’évènement et le volume d’eau précipité présentent aussi des tendances significatives à la hausse. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des pluies extrêmes devraient se poursuivre dans les années à venir, car l’énergie qui alimente ce type de phénomènes croîtra avec l’augmentation des températures (air, mer, terre). Dans un contexte où les phénomènes de précipitations extrêmes augmentent en fréquence et en intensité, l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols joueront un rôle majeur dans l’exposition au risque d’inondations et de crues éclair qui peuvent entraîner des montées des eaux très rapides avec des conséquences accrues en milieu urbain. La vulnérabilité des territoires en dépendra partiellement. Trop souvent ces crues sont responsables de perte de vies humaines. Par exemple, dans le département du Var, le 15 juin 2010, les pluies importantes ont provoqué des débordements de cours d’eau, en particulier sur la commune de Draguignan, conduisant à la disparition de 27 personnes (chiffres de la Préfecture). Selon le rapport de la mission d’enquête nationale livré le vendredi 21 janvier 2011, « la montée très soudaine et rapide des eaux aura surpris de nombreuses personnes hors de leur domicile, effectuant leurs trajets quotidiens au moment de l’épisode pluvieux ». Il s’agit de l’une des plus graves catastrophes naturelles recensées dans la région. Autre exemple plus récent, en octobre 2015, dans le département des Alpes-Maritimes des précipitations intenses sur quelques heures à peine, ont provoqué l’inondation de parkings souterrains et le débordement de cours d’eau, entraînant la mort d’une vingtaine de personnes sur le littoral des Alpes-Maritimes.

Ces épisodes méditerranéens peuvent également provoquer des mouvements de terrain conduisant à des coulées de boue ou encore, avoir des répercussions humaines, a minima d’ordre psychique lorsqu’il y a évacuation des habitats touchés (photo 2). Ces évènements extrêmes peuvent également engendrer des dégâts matériels, notamment sur les réseaux d’assainissement et d’approvisionnement en eau, pas toujours adaptés à de telles conditions, avec des conséquences temporaires possibles sur la disponibilité ou la qualité de l’eau potable.

Photo 2. Exemple de coulée de boue au Pradet en 2014

« Après les fortes pluies de ces dernières semaines, une partie de la falaise s’est détachée au Pradet. Une impressionnante coulée de boue s’est répandue dans la calanque du Pin de Galle. Au moins 4 maisons ont été touchées, 60 personnes ont dû être évacuées. »

France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, le 7 décembre 2014

3.3.2. Le changement climatique peut-il avoir des conséquences sur l’accès à l’eau potable dans notre région ?

Si à court et moyen terme l'accès à l'eau potable ne semble pas compromis dans notre région - bien que sur certains territoires des tensions soient déjà observées - à plus long terme, l'hypothèse d'une raréfaction de ces ressources et d'une altération de leur qualité ne peut être écartée. Elle dépendra d'une part de l'évolution du climat, et donc des politiques de réductions des émissions de GES mises en œuvre aujourd'hui, mais aussi de nos politiques d'adaptation concernant la gestion de la ressource en eau. En effet, dans le cas d'un scénario pessimiste en termes d'évolution du climat, la baisse des précipitations, notamment estivales, et la diminution du manteau neigeux, induiront une baisse des débits de surface et impacteront la recharge des nappes phréatiques. Cette diminution de la ressource sera également accompagnée, lors d'épisodes de fortes chaleurs et sécheresse (qui seront de plus en plus nombreux), d'une surconsommation d'eau potable (+1,6 % par degré d'élévation de la température en France) accentuée par la démographie croissante, la forte affluence touristique et les besoins agricoles. Or, si le niveau des nappes phréatiques côtières baisse de manière significative, l'eau douce entre en concurrence avec l'eau de mer, avec un risque d'intrusion d'eau salée dans les nappes phréatiques (dit remontée du biseau salé) , phénomène irréversible pouvant altérer la qualité des eaux douces et impacter fortement l'exploitation des ressources en eau potable utilisées par des villes importantes du littoral méditerranéen (Nice, Antibes...).

Enfin, l'augmentation de la température s'associerait également avec une dégradation de la qualité bactériologique et physico-chimique des ressources en eau brute, nécessitant soit un abandon soit un renforcement des traitements existants. Elle pourrait aussi conduire, au sein même des réseaux de distribution, à modifier les équilibres physico-chimiques (avec un risque de relargage d'éléments dans l'eau au contact des canalisations) et contribuer aussi au développement accru de bactéries dans les canalisations après traitement avant la distribution au robinet des usagers. La qualité des eaux pourrait également être affectée lors des pluies extrêmes : le lessivage des sols qui les accompagne a pour potentielle conséquence de remobiliser les polluants. À terme, l'infiltration de ces eaux contaminées peut dégrader la qualité microbiologique dans les nappes phréatiques.

Sur le long terme, la conjugaison de l'ensemble de ces phénomènes, sans une gestion de l'eau raisonnée et adaptée, pourrait donc conduire à des périodes de tensions possibles concernant l'accès à l'eau potable pour tous et la disponibilité de la ressource pour les cultures et l'élevage avec de potentiels risques sur la sécurité alimentaire.

ZOOM 1. Remontée saline et approvisionnement en eau potable en Camargue

En novembre 2017, les conditions météorologiques de sécheresse exceptionnelles ont mené à une hauteur et un débit du Petit-Rhône très faibles, qui, associés à un vent du sud et un indice de marée favorisant des entrées salines très importantes, ont conduit à une remontée saline jusqu’au niveau de la prise d’eau. Aux Saintes-Maries-de-la-Mer (13), l’eau du robinet est directement tirée dans le Petit-Rhône. Ainsi, à la sortie des robinets d’eau potable, la valeur recommandée de salinité de l’eau distribuée a été dépassée pendant quelques jours. Néanmoins, il n'y a pas eu de risque sanitaire ni de restrictions d'usages, excepté pour les personnes suivant un régime pauvre en sel.

Ces remontées salines dans les bras du Rhône sont de plus en plus fréquentes et interviennent de plus en plus haut dans le fleuve.

3.161. Conséquences psychosociales des catastrophes naturelles

« Une catastrophe est un choc sévère, une rupture brutale, écologique et psychosociale, qui dépasse largement les possibilités de faire face de la communauté affectée » (OMS, 2002).

Les catastrophes, quel que soit leur type, peuvent avoir des conséquences sur la santé mentale par le biais des traumatismes psychiques que les personnes exposées peuvent subir, mais aussi par les bouleversements sociaux et économiques qu’elles peuvent induire. Le risque le plus spécifique d’un traumatisme collectif (ou individuel) est l’état de stress post-traumatique. Il est défini comme un ensemble de réactions pathologiques anxieuses pouvant se développer chez une personne, qu’elle ait vécu, été témoin ou confrontée à un événement psychologiquement traumatisant hors du commun. Il peut être aigu, durant moins de trois mois, chronique, persistant au-delà de trois mois, ou même survenir de façon différée, apparaissant alors plus de six mois après le traumatisme initial. Une incidence élevée (pouvant atteindre 50 % des personnes exposées) de ce trouble a été observée dans de multiples études conduites après des catastrophes naturelles.

Les travaux pluriannuels menés en France suite à des inondations, comme par exemple celles de l’Ouvèze dans le Vaucluse en 1992, ont montré la persistance de symptômes plusieurs années après les événements. Mais d’autres types de troubles ou maladies peuvent survenir –ou être réactivés– après des catastrophes naturelles : ceux-ci peuvent d’ailleurs être associés entre eux (comorbidités) ou à l’état de stress post-traumatique, tels que des troubles anxieux (par exemple, attaques de panique ou certaines phobies), des troubles dépressifs et, dans certains cas, des troubles liés à l’usage de substances psychoactives. Ces divers types de troubles ne surviennent pas systématiquement chez les personnes ayant été exposées à des catastrophes naturelles. Mais leur risque de survenue est plus important lorsque l’intensité de l’exposition à l’événement est élevée (e.g. proximité, blessure) chez les femmes, les personnes en situation de précarité, ou bien encore chez celles ayant souffert auparavant de troubles psychopathologiques. Les personnes ayant été évacuées de leur domicile seraient à cet égard particulièrement vulnérables. Par contre, un bon soutien social est un facteur modérateur des conséquences psychosociales d’une catastrophe, favorisant un « retour à la normale » après un stress aigu. Chez l’enfant, les conséquences psychosociales des catastrophes naturelles existent et ne doivent pas être sous-estimées par son entourage.

Enfin, plus globalement, les catastrophes naturelles peuvent avoir un impact social majeur, affectant aussi bien la vie personnelle, la vie familiale, les liens sociaux que la sphère du travail. De plus, l’ensemble de la désorganisation sociale peut avoir des effets indirects sur la santé, en modifiant les comportements et les habitudes (alimentation, usage de tabac, consommation d’alcool…).

Le repérage précoce des conséquences psychosociales individuelles, leur prise en charge et leur suivi en évitant les ruptures de soins, la résilience au niveau individuel, mais aussi au niveau de communautés touchées, sont des enjeux incontournables pour permettre un retour à la « vie normale » à la suite de ces événements.

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