La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de par son contexte géographique particulier, est comme tout le bassin méditerranéen un « hot spot » du changement climatique. Derrière ce terme souvent répété, se cachent des processus complexes et des réalités souvent méconnues. Les écosystèmes des espaces maritimes et terrestres sont par exemple soumis à de multiples pressions qui menacent aussi bien la biodiversité, les ressources en eau, la forêt, que la ressource alimentaire et l’économie. Ces bouleversements profonds ont aussi des impacts directs et indirects sur la santé humaine (e.g. mortalité précoce, allergies). Les enjeux liés aux risques sanitaires (e.g. événements climatiques extrêmes, précarité énergétique, invasion de nouvelles espèces) sont considérables et la communauté scientifique commence à en évaluer leur ampleur.

En agissant sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé, les changements climatiques aggravent les inégalités sociales, économiques et démographiques, et toutes les populations en
ressentent les effets.

Les mesures les plus efficaces pour réduire la vulnérabilité à court terme dans le domaine de la santé sont des actions et initiatives qui protègent et améliorent les dispositifs de base de la santé publique (e.g. accès à l’eau potable, entretien des réseaux d’assainissement), assurent l’accès aux soins de santé pour tous, incluant la vaccination et les services de santé infantile, renforcent les capacités d’anticipation et de réaction de la société en cas d’événements majeurs, de crises ou encore de catastrophes, et qui luttent contre la pauvreté sans relâche. Les plus démunis sont de loin les plus vulnérables face au changement climatique, même si aucun de nous n’est à l’abri des effets en cascade du bouleversement en cours. Comme le changement climatique affecte de manière multifactorielle toutes les composantes de la société et de la nature, il est nécessaire, dès aujourd’hui, de développer nos systèmes de santé sur l’ensemble du territoire régional afin de limiter les risques, mais aussi d’accompagner les acteurs régionaux, des décideurs aux citoyens, dans la mise en place de solutions.

À l’horizon 2050, les projections des modèles climatiques régionaux mettent en évidence une augmentation de la température de l’air et un faible signal pour les précipitations. En effet, les cumuls annuels de précipitations resteraient stables à l’échelle régionale (attention aux disparités locales et à la variabilité interannuelle du climat méditerranéen), mais le régime des pluies tendrait vers plus d’humidité en hiver et des périodes de sécheresse plus sévères et intenses en été, une multiplication des pluies diluviennes, etc. Cela signifie que les épisodes météorologiques actuels seront plus sévères et réguliers (e.g. canicules, vagues de chaleur, sécheresses, pluies de type épisodes méditerranéens), rendant les territoires plus exposés et vulnérables, et seraient susceptibles de multiplier les risques : incendies ravageurs, inondations plus dévastatrices avec des probabilités de pertes de vies humaines non négligeables associées à des conséquences sur la santé mentale des populations touchées, mais aussi des risques de tensions sur l’accès à l’eau potable et de perte agricole. L’augmentation de la température est, et sera de plus en plus, favorable à l’apparition de nouvelles maladies infectieuses (dengue et chikungunya), à des pics de pollution de l’air et à une production d’allergisants plus nombreux et agressifs. Même si les émissions des GES cessaient maintenant à l’échelle mondiale, la probabilité d’une telle trajectoire climatique demeurerait forte en raison de l’inertie des GES dans l’atmosphère. Donc, ces 30 prochaines années, quels que soient les scénarios socioéconomiques, les acteurs régionaux vont à la fois devoir mettre en place des actions d’adaptation au changement et d’atténuation des émissions de GES pour protéger les personnes, leurs biens et services, mais aussi leur capital santé.

Après 2050, en l’absence d’actions d’envergure, de politiques et de stratégies environnementales et sociétales encourageant la transition énergétique et écologique, la situation deviendrait critique avec des événements climatiques qui affecteraient durement et de manière irréversible les conditions de vie des citoyens et leur environnement. L’été 2003, resté dans nos mémoires pour sa canicule particulièrement meurtrière, deviendrait alors un été normal dès la fin de ce siècle, voire avant selon les scénarios socioéconomiques ; dans de telles conditions, l’accès à l’eau potable et la sécurité alimentaire deviendraient, dès la fin du siècle et après, des enjeux cruciaux pour notre région.

À l’avenir, la santé de la population régionale dépendra donc grandement de la pertinence et de l’efficacité des mesures d’atténuation susceptibles de réduire d’ici 30 ans les impacts du changement climatique, sachant que les effets dépendront grandement de l’évolution mondiale des émissions de GES, et des actions d’adaptation permettant avant tout de protéger les populations en évitant d’exacerber les menaces et les risques.

À travers ce cahier thématique, la communauté scientifique alerte les acteurs régionaux et inventorie des stratégies d’adaptation et/ou de gestion pour répondre aux enjeux sanitaires d’aujourd’hui et de demain. Pour se protéger des vagues de chaleur et canicules au cœur des espaces urbains, par exemple, soumis à des températures plus élevées qu’en milieu rural, il s’avère indispensable de :

- prendre en charge les personnes vulnérables et précaires (e.g. permettre une flexibilité des horaires pour les travailleurs extérieurs) ;
- adapter les aménagements urbains et le bâti pour lutter contre les îlots de chaleur urbains (orientation du bâti, choix des matériaux et des couleurs, présence d’eau et de végétation, photo 10) ;
- développer la nature en ville en considérant le risque allergique, le risque lié aux maladies vectorielles, la nouvelle donne climatique et la préservation de la biodiversité dans le choix des espèces et des pratiques de gestion.

Le développement de la culture du risque passera par :

- une meilleure connaissance des risques à l’échelle locale ;
- la mémoire du risque souvent ignorée ou négligée ;
- la mise en place de systèmes de surveillance, de prévention et d’alerte, et leur appropriation par les habitants (entraînements, formations, communications ciblées, etc.) ;

mais aussi par un aménagement adapté à ces risques, permettant par exemple de :

- privilégier les surfaces perméables pour lutter contre le ruissellement urbain ;
- éviter les sols laissés à nu sur les surfaces agricoles pour limiter l’érosion des sols ;
- mettre en place des récupérateurs d’eaux pluviales ;
- etc.

L’adaptation et l’atténuation exigent aussi le développement à grande échelle des transports collectifs et des mobilités douces, qui présentent l’avantage de réduire la consommation des énergies fossiles et limiter la pollution de l’air. La santé des populations sera aussi assurée par la pratique de sport qui peut être encouragée par la mobilité active (marche, vélo, trottinette non électrique, roller, skateboard…). Le changement climatique est en cours et l’inertie du système climatique nous invite à être vigilants à court, moyen et long terme.

Photo 10. Nature en ville à Arles (13)
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