D’après les rapports du GIEC et de l’ONU-Habitat, la ville est l’un des principaux contributeurs des émissions de GES et elle en est également la principale victime. Pour évaluer cet impact de la ville sur le climat et les effets de la variabilité climatique sur la ville, il faut considérer deux caractéristiques :
Selon le GIEC, l’un des principaux contributeurs aux émissions de GES est l’industrie et l’énergie liée à son fonctionnement.
L’industrie est peu développée sur l’ensemble de la région PACA en comparaison à la moyenne nationale. Elle est cependant très concentrée sur le couloir rhodanien et le littoral urbanisé (Aix-Marseille, Toulon, Cannes-Nice) : « 80 % des emplois industriels sont situés dans les unités urbaines de plus de 200 000 habitants, contre 37 % en France », selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). L’arrière-pays ne compte que très peu d’emplois industriels, principalement concentrés à Digne-les-Bains et Gap. De plus, certains secteurs industriels contribuent largement aux émissions
de GES: cokéfaction, raffinage et industrie de chimie lourde (sur le complexe de l’étang de Berre), construction de matériel de transport lourd, traitement des pollutions, industries extractives, etc.
L’Observatoire régional de l’énergie, du climat et de l’air (ORECA) publie des informations sur les consommations d’énergie qui reflètent parfaitement cette structure de l’industrie en PACA. On constate, d’une part, son importance par rapport à l’ensemble des secteurs (40 % contre 22% au niveau national) et d’autre part, la forte proportion de l’usage du charbon (11% contre 4% au niveau national). Près de deux tiers de la consommation d’énergie régionale sont ainsi liés au non-renouvelable (charbon, pétrole et gaz naturel). La carte (Figure 12) illustre cette concentration des consommations sur quelques communes urbaines du littoral.
Le bilan des émissions de GES porte l’accent sur le rôle majeur de l’industrie et des transports (22 % des 33,1 millions de tonnes équivalent carbone en 2010), la concentration de l’industrie en zone urbaine et à l’ouest de la région, et sur la prédominance des produits pétroliers (27 %). Ce sont ces territoires, les plus consommateurs, qui font l’objet d’un plan climaténergie territorial (PCET) obligatoire pour la réalisation d’une transition énergétique efficace (Cf. §5). Le solaire, l’éolien, la biomasse ou l’hydroélectrique sont des alternatives envisageables, et largement efficaces, selon les rapports de l’ORECA et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). D’autres sont en développement telles que la pompe à chaleur marine, la géothermie en milieu urbain (expérience Euroméditerranée, par exemple), plutôt utilisées pour le chauffage domestique. L’effort de réduction de consommation par l’industrie reste encore faible aujourd’hui (6 % à l’horizon 2020).
En 2016, dans le domaine des transports, la région reste au 15ème rang des régions françaises en matière d’efficacité énergétique. Certains itinéraires (autour de Vitrolles et des zones industrielles de l’étang de Berre, par exemple) consomment jusqu’à 150 g de CO2 par km alors que les normes européennes fixent la norme à 9,5 g/km pour les voitures neuves. Ces émissions ne dépendent pas des distances effectuées pendant les trajets quotidiens, mais plutôt de la densité urbaine et des activités (concentration des zones commerciales et industrielles, photo 5) et de l’inefficacité des transports publics. Le modèle actuel de la localisation des platesformes logistiques, situées en grande périphérie, n’est plus adapté à des transports de marchandises de plus en plus abondants, mais fragmentés. Par contre, en PACA, les infrastructures logistiques récentes sont plus importantes qu’au niveau national (42 % contre 33 % au niveau national selon Cluster PACA Logistique) et principalement concentrées sur les grands couloirs de transports littoraux, à l’ouest (Bouches-du-Rhône et Vaucluse dont 5 plates-formes de transport combiné), dans les périphéries des zones urbaines et à Fos-sur- Mer, ou encore dans des plates-formes diffuses comme dans le Haut-Var.
Chez les particuliers, le nombre de trajets domicile-travail a aussi significativement augmenté avec la périurbanisation et la croissance urbaine. Dans la région, l’ORECA estime à 71 000 tonnes les émissions de CO2 pour les trajets domicile-travail sur la période 1999- 2007 (soit 9 % des émissions de GES liés au transport). Des comportements qui ne changent pas, des transports publics mal adaptés et une configuration urbaine très littorale et très concentrée sont autant de facteurs qui accentuent la contribution des transports aux émissions de GES.
Le secteur résidentiel et tertiaire est le troisième à contribuer de façon soutenue aux émissions de GES et à la modification du climat. Cette contribution est liée à l’importante consommation d’énergie dans la fabrication des composants de l’habitat (ciment, acier, plastiques, etc.), à l’habitat (chauffage, air conditionné, éclairage, etc.), et aux échanges intrants et sortants effectués (énergie, fluide, déchets, etc.).
La ville joue aussi un rôle dans les effets d’accumulation et de réflexion des rayons solaires associés aux effets d’ICU, par sa structure (compacité, degré de végétalisation, hauteur des édifices, etc.) et par la composition des matériaux (pierre, ciment, vitres, type de végétaux et d’arbres, etc.). Par conséquent, les processus sont complexes, encore peu étudiés, et leur maîtrise particulièrement difficile.
Si la construction de nouveaux quartiers sous le label « éco » ou « smart » permettrait une maîtrise de ces paramètres, la rénovation ou la requalification des quartiers anciens est beaucoup plus difficile.
Enfin, face à cette évolution des émissions de GES, il faut davantage considérer l’importance du métabolisme urbain, c’est-à-dire la consommation de ressources, de matériaux, et les rejets engendrés. C’est un secteur aujourd’hui encore peu pris en compte, et pourtant en lien direct avec les changements de comportements qu’implique la vie urbaine, notamment en matière d’alimentation et de recyclage des déchets ménagers.
L’alimentation urbaine est consommatrice d’énergie et par conséquent émettrice de GES. Les comportements alimentaires se modifient de manière significative selon la taille des villes, du fait du changement de mode vie.
L’Observatoire régional de la santé (ORS) publie régulièrement des chiffres sur les comportements de consommation qui confirment les données nationales. Plus la ville est grande, plus les consommateurs privilégient les aliments préparés (plats cuisinés, conserves, surgelés, fast-food, etc.) gourmands en énergie lors de leur fabrication et leur emballage. En région PACA, cette proportion est moins importante qu’au niveau national, mais reste élevée (46,4 % des personnes ont consommé au moins une fois un plat « tout prêt » durant les quinze derniers jours contre 57,9 % au niveau national). Il faut rappeler que l’alimentation représente 40 % de notre empreinte écologique totale, qu’elle alimente 30 % des GES en France et que 30 % de la nourriture est jetée.
Sur la problématique des déchets en PACA, la DREAL a publié en 2015 des chiffres clés sur les quantités :
En 2014, 3 567 000 tonnes de déchets dits « ménagers » ont été collectés en PACA, soit 716 kg par habitant. Plus de la moitié (457 kg) provient de déchets issus de la consommation domestique (verre, papier, ordures ménagères, dont 20 kg de nourriture gaspillée) et 85 % de ces déchets sont collectés en zone urbaine (données de l’Observatoire régional des déchets). Sous cet angle, l’importance du tri et de la valorisation des déchets, sous forme de compost, d’énergie ou de composants pour l’industrie, paraît évidente. Cependant, le tri (photo 6) et le recyclage sont moins pratiqués en PACA qu’au niveau national, 31 contre 43 kg par habitant/an (étude Éco-Emballages). Ainsi, plus de 400 kg de matériaux, avec une empreinte écologique forte (plastique, papier, production d’aliments, etc.), participent aux émissions de GES (par habitant/an).
Ces contributions s’additionnant, le bilan urbain - qui reste à chiffrer - est en PACA nettement supérieur aux indicateurs nationaux. Cependant, il ne suffit pas de trouver des solutions pour chaque secteur,puisque les questions liées aux transports, à l’usage de l’énergie, à l’efficacité des logements et même à l’empreinte écologique sont étroitement imbriquées et interrogent la mixité fonctionnelle des villes. Cette dimension relève du domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire : vivre près de son travail et des lieux d’activités et de loisirs, consommer en s’appuyant sur des filières courtes, ou encore maîtriser les flux d’énergie et de transport. Les nouvelles notions d’« écoville » ou d’« écoquartier » essaient de répondre à ces questions de manière intégrée, notamment avec l’introduction de la technologie (smart city). En France, le label « ÉcoQuartier » a impulsé une dynamique de réflexion et de réalisation sur plus de 200 initiatives, avec la volonté de voir émerger plus de 500 écoquartiers en 2018.
En PACA, plus d’une centaine d’initiatives ont vu le jour depuis 2013 avec des dispositifs très variés (Figure 13). Sept sites sont labellisés par le dispositif de la DREAL PACA :
La plupart de ces initiatives visent à maîtriser l’étalement urbain, favorisent la mixité fonctionnelle en alliant des opérations de rénovation d’infrastructures et de logement misant sur l’efficacité énergétique. Malgré l’ampleur du phénomène, ces opérations restent très limitées et souvent expérimentales, les recherches manquant de profondeur historique pour établir un véritable diagnostic d’atténuation.
Face à ce phénomène, certains paramètres sont aujourd’hui maîtrisés et d’autres nécessitent des programmes de recherche et d’évaluation plus approfondis afin d’établir des politiques et des réglementations efficaces. Ainsi, la quantification des consommations et des pertes énergétiques, ainsi que la prise en compte de l’impact des transports, font l’objet d’un suivi continu en PACA. Les organismes comme l’ONERA, la DREAL PACA, Air PACA, etc. mesurent, quant à eux, les émissions de GES et de polluants. Ces mesures permettent d’établir des tableaux de bord afin de dresser de véritables plans d’actions.
Toutefois, la requalification urbaine reste sujette à débat, surtout dans les quartiers anciens. L’efficacité de cette requalification dépend, en grande partie, des pratiques et des usages des habitants en matière de transport, de consommation d’énergie, et de leurs acceptations sociales et économiques. Dans un contexte d’amélioration des conditions de vie, mais aussi de pression face aux enjeux environnementaux, les pratiques entrent souvent en contradiction avec le discours et les intentions.
L’impact des variabilités climatiques sur les villes de la région PACA relève principalement de leur position méditerranéenne, et paradoxalement, de l’absence de spécificités méditerranéennes dans leurs aménagements.
Les villes sont compactes et perdent progressivement leur caractère architectural traditionnel. Les appartements traversants, dotés de persiennes (volets marseillais ou vénitiens), sont remplacés par des modèles standards qui imposent plus de chauffage ou de climatisation. L’élargissement des voies renforce les effets des ICU, surtout lorsque celles-ci ne sont plus végétalisées. Un accroissement de la température ou des évènements extrêmes, comme les canicules, peut alors faire la différence. La France est d’ailleurs mal placée en ce qui concerne l’optimisation de ses locaux d’activités, avec 124 kWh/m2/an en énergie finale alors que l’Allemagne n’en consomme que 99, et l’Espagne 111.
La position littorale des villes est également à prendre en considération face aux risques d’élévation du niveau de la mer (Figure 14), voire à des petits tsunamis. L’impact serait alors catastrophique pour les infrastructures, le tourisme et l’environnement côtier (érosion des falaises côtières). Cette remontée de la mer affecterait aussi l’écoulement des fleuves, en particulier le Rhône, provoquant des inondations en amont, dans des villes comme Arles ou Avignon.
Par ailleurs, le régime pluviométrique méditerranéen implique des orages violents et une récurrence des inondations comme cela a été observé tout au long de l’histoire (les infrastructures des romains, par exemple). Les variabilités climatiques liées aux émissions de GES risquent de multiplier ces phénomènes dans un milieu urbain de plus en plus artificialisé. L’extension urbaine et l’imperméabilisation des sols, le non-respect des règles d’urbanisme, de l’entretien des rivières et canaux, etc. sont des facteurs anthropiques évidents qui impliquent le plus souvent des inondations torrentielles (plus que des crues de plaine), comme ce fut le cas à Vaison-la-Romaine, à Pertuis, près des fleuves côtiers du Var et à Nice. Ils laissent une empreinte très forte en milieu urbain.
De manière générale, « la pression démographique et l’urbanisation croissante augmentent la vulnérabilité des territoires. Le développement économique se traduit par une occupation croissante des zones à risques et par l’augmentation des dommages aux personnes, aux biens et aux activités lors de catastrophes naturelles. L’attractivité touristique complique la prise en compte des risques ». La conjonction d’évènements extrêmes, de plus en plus nombreux et violents, couplés à une concentration urbaine de personnes et d’activités, implique de prioriser cette thématique au sein des politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique en milieu urbain. La Figure 15 illustre le nombre d’arrêtés de catastrophe naturelle reconnu par commune, ce nombre reflétant indirectement la densité de population.
Un autre domaine reflétant l’impact du changement climatique en milieu urbain est celui de la santé. Cet aspect est aujourd’hui encore mal connu, or on sait que les canicules sont plus exacerbées en milieu urbain que rural. Durant l’épisode caniculaire d’août 2003, les dispositifs sanitaires ont observé une surmortalité nettement supérieure en milieu urbain qu’en milieu rural. Il a été démontré que la surmortalité urbaine dépendait de facteurs socio-économiques liés aux conditions de vie et en particulier à l’habitat. « La crise de cet été 2003 apparaît également comme un drame essentiellement urbain. Les chiffres pour Paris sont, à cet égard, significatifs. Les conditions du logement dans la capitale
et l’isolement des personnes âgées ont été des éléments déterminants du drame », conclut le rapport d’enquête parlementaire. Les ICU jouent évidemment un rôle fondamental dans cette combinaison canicule-mortalité-morbidité. La région PACA fut relativement épargnée lors de cet épisode, toutefois les modifications des modes de vie en région méditerranéenne introduisent des comportements qui sont de moins en moins adaptés.
D’autres impacts sur la santé, en milieu urbain, sont aujourd’hui difficilement démontrables car il existe peu d’études sur ces situations telles que la prolifération des maladies à vecteurs (dengue, typiquement liée à l’urbanisation, par exemple), l’intensification des maladies chroniques respiratoires en lien avec la pollution de l’air (particules en suspension) ou la présence plus forte de pollens (en particulier d’espèces méditerranéennes).
Dans ce contexte, les enjeux de l’environnement urbain sont étroitement dépendants des inégalités sociales et territoriales résultant de l’accessibilité à certains services environnementaux. Par conséquent, on ne peut aborder les processus de dynamiques urbaines en écartant les questions sociétales relatives aux interactions externes (politiques nationales et internationales, impact du changement climatique et global) et internes (gestion territoriale, urbanisme intégré, rôle de la fragmentation, place des services écosystémiques, etc.).
ZOOM 4. Changement climatique, villes méditerranéennes et moustiques vecteurs
Les travaux du GIEC ont rapidement souligné les possibles effets du changement climatique sur la distribution géographique des moustiques et sur le risque d’émergence et de réémergence des maladies qu’ils peuvent transmettre. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les zones humides abritent de longue date certaines espèces de moustiques vecteurs, tels l’Anopheles, vecteur du paludisme, et le Culex, vecteur du virus West Nile.Les changements climatiques pourraient provoquer une réémergence du paludisme, dont la région est indemne depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ou bien augmenter la circulation du virus du West Nile.
Les processus sont toutefois multifactoriels. La transmission du West Nile à l’homme nécessite la présence simultanée et en densité suffisante d’oiseaux infectés, de moustiques et d’hommes dans un même territoire : une gestion éclairée des espaces naturels est la clé d’une atténuation effective du risque. Pour ce qui est du paludisme, la question des conditions économiques et sanitaires des populations humaines demeure centrale, comme le rappelle tristement la réémergence de cette maladie en Grèce au lendemain de la crise économique.
Le changement climatique favoriserait aussi l’installation et la pullulation de moustiques vecteurs jusqu’alors caractéristiques de régions plus chaudes. En région PACA (Figure 16), l’installation du moustique tigre, Aedes albopictus, est d’ores et déjà à l’origine de plusieurs cas autochtones de dengue et de chikungunya. Originaire du sud-est asiatique, Aedes albopictus a été observé à Menton dès 2004. Son aire de répartition s’est depuis rapidement étendue à toute la région et au-delà. Cependant, contrairement à l’idée très majoritairement répandue au sein du public, le changement climatique n’est ni le premier, ni le seul facteur à l’origine de l’installation et de la prolifération d’Aedes albopictus en PACA. Doté d’un mécanisme de diapausequi lui permet de survivre pendant l’hiver sous forme d’œuf, le moustique est parfaitement adapté aux environnements tempérés. Et c’est en profitant du développement des infrastructures et des transports, dans le sillage de la mondialisation, qu’il étend son aire de répartition à la surface du globe. Ainsi, les principaux facteurs de dispersion, d’introduction et d’installation d’Aedes albopictus en PACA se révèlent être d’origines anthropiques directes. L’expansion urbaine et ses réseaux de circulation jouent un rôle prépondérant. Le changement climatique serait pour sa part un facteur d’aggravation.
Le moustique tigre vole par lui-même sur quelques centaines de mètres tout au plus. En revanche, il est un grand voyageur accidentel ou opportuniste qui profite de l’explosion du commerce international (ses œufs,très résistants et pondus sur tout type de support, sont expédiés à travers le monde) et du développement des transports (les moustiques adultes, qui piquent pendant la journée, suivent l’homme dans tout type de véhicule : bateau, train, avion, voiture, etc.). À l’instar de l’être humain, il se déplace de plus en plus vite, de plus en plus souvent et de plus en plus loin. Le processus est particulièrement visible sur le littoral méditerranéen français où les réseaux de transport sont denses et très fréquentés.
Les effets du changement climatique ne se limitent pas à la possible augmentation des températures, mais pourraient aussi augmenter l’intensité et la fréquence d’événements météorologiques extrêmes tels les crues torrentielles caractéristiques du sud de la France. Or, une étude récente montre l’influence de ces crues sur la pullulation d’Aedes albopictus en zone urbaine : la mise en eau simultanée d’un grand nombre de gîtes larvaires à une période propice au développement du moustique se traduit, la semaine suivante, par une augmentation drastique des densités de moustiques, contribuant ainsi à l’augmentation du risque vectoriel.
Le processus de colonisation d’Aedes albopictus est étroitement lié à son adaptation aux milieux anthropiques, au point d’être aujourd’hui considéré par les entomologistes comme un « moustique domestique ». Contrairement aux moustiques autochtones de PACA (Aedes caspus, Aedes detritus, Culex pipiens) qui pondent principalement leurs œufs dans les marais, les étangs et les grands bassins, Aedes albopictus préfère de petites quantités d’eau claire. Or, ces dernières abondent dans les espaces urbains et périurbains. Les villes fournissent aussi une forte concentration de proies (les êtres humains et leurs animaux domestiques) pour le repas sanguin des femelles en phase reproductive. Enfin, les quartiers résidentiels et leurs espaces verts sont des lieux de prédilection pour l’installation d’Aedes albopictus, lui offrant de l’ombrage pour son repos et du nectar de plantes pour ses repas. Le moustique tigre affectionne tout particulièrement les jardins parsemés de récipients d’eau (soucoupes, vasques, récupérateurs d’eau de pluie, etc.) et à la végétation touffue. Les bâtiments eux-mêmes peuvent être favorables à la présence du moustique tigre en constituant des « gîtes structurels » (terrasses sur plot, toits végétalisés, gouttières, etc.).
Du fait des impacts possibles du changement climatique et des évènements extrêmes, la ville est face à des enjeux qui concernent à la fois la maîtrise de sa croissance, mais aussi de sa fragmentation sociale et spatiale :
Étalement ou densification ?
L’un des premiers enjeux concerne l’utilisation de l’espace, c’est-à-dire la limite de la croissance urbaine comme facteur de soutenabilité. Il dépend d’un choix politique important : étalement ou densification du tissu urbain. Il est nécessaire dans ce sens de connaître :
Réduire la mobilité ou densifier les transports ?
Les mobilités participent de manière très significative au changement climatique, et sont, elles-mêmes, dépendantes de l’étalement et de la forme urbaine. Les enjeux sont ainsi de deux natures :
Un urbanisme technique ou écosystémique ?
La ville, permanente et durable, est le produit d’une construction de plusieurs centaines d’années toujours visible aujourd’hui. De même, les choix effectués en matière de pratiques urbaines (bâti, relation bâti-infrastructure, type de logements, densité, etc.) auront encore un impact dans un siècle. Les acteurs ont donc une grande responsabilité vis-à-vis des décisions qu’ils prendront pour demain. Ces choix s’orientent aujourd’hui vers deux options (non nécessairement incompatibles) :
Ces deux options ne sont pourtant pas contradictoires. Elles nécessitent toutefois de faire des choix, notamment politiques, afin d’introduire la « transition urbaine » :
Fragmentations ou continuités ?
La fragmentation de l’espace urbain est une donnée qui nécessite une évaluation en lien avec les enjeux environnementaux. Cette fragmentation de l’espace peut être néfaste en termes de mobilité et de maîtrise des flux (fermeture de résidences), d’inégalités sociales et environnementales (ségrégation par l’habitat, gentrification, etc.) avec toutes les implications que ces phénomènes peuvent engendrer sur l’environnement. Pourtant, elle peut également jouer un rôle dans le maintien de la biodiversité (Cf. §4) et aider à la régulation climatique.
La fragmentation intervient dans :
Ces recherches nécessitent un dialogue permanent avec les acteurs qui font et défont la ville de manière à mieux comprendre leurs actions et leurs impacts. La collaboration avec les collectivités territoriales est, en ce sens, impérative afin d’inclure leurs réponses dans les scénarios scientifiques. L’analyse des politiques, au travers des projets d’aménagement (SCOT, chartes, etc.), des plans locaux d’urbanisme (PLU) ou plans locaux d’habitat (PLH), est une donnée incontournable, tout comme le sont les nouvelles normes d’urbanisme et les mouvements citoyens.
Aujourd’hui, l’urbanisme soutenable, surtout en Méditerranée, est encore limité. Les champs de recherche sont donc largement ouverts. Il manque des valeurs de référence et des mesures de tendance qui permettraient de situer la gestion d’une ville dans un contexte particulier. La construction d’indicateurs est un domaine de recherche qu’il ne faut pas négliger et qui aide à construire les relations entre recherche et politique. Cette construction ne peut se faire que par une compilation d’expériences méditerranéennes de manière à rechercher à la fois les facteurs de diversité et de spécificité. Les observatoires et les réseaux d’observatoires ont une place tout à fait fondamentale au sein de ce dispositif de recherche.