5.Le cadre réglementaire, de l’échelle européenne à l’échelle locale

De nouveaux outils de programmation, d’aménagement et de planification urbaine émergent pour développer les politiques visant l’atténuation des GES et l’adaptation au changement climatique dans les villes. Les actions publiques mises en oeuvre nécessitent un cadre réglementaire à l’échelle globale et locale pour les rendre applicables et optimiser leur efficacité. Le but est de basculer dans la transition énergétique et de favoriser le développement durable des territoires.

5.56. Les politiques internationales et nationales

Suite aux rapports successifs du GIEC, il a été prouvé et accepté, avec une forte probabilité, que les activités humaines modifient le climat. Ce constat, validé par la communauté internationale, a nourri la volonté, dès 1992 avec la signature de la Convention de Rio, de lutter contre le changement climatique. En 1997, le protocole de Kyoto est venu compléter la Convention, afin de pousser les États à agir selon leurs responsabilités nationales et leurs capacités. La Commission européenne a, dix ans plus tard, publié un livre vert (juin 2007) qui propose des actions communautaires pour favoriser le processus d’adaptation au changement climatique dans toute l’Europe. En particulier, The 2020 energy and climate package prévoyait de réduire de 20 % les émissions de GES, de porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique européenne et de réaliser 20 % d’économies d’énergie (ensemble d’actes appelé « objectif européen des 3 fois 20 »). En 2014, une nouvelle proposition en faveur de la politique énergieclimat à l’horizon 2030 a été proposée.

En France, les programmes d’action publique se sont mis en place au cours des années 2000-2010. L’objectif est de partir d’objectifs globaux pour arriver à des actions de plus en plus locales qui ont des implications fortes sur

l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Ce mouvement, de haut en bas, est observable dans l’élaboration des textes. La Mission interministérielle sur l’effet de serre (MIES) a élaboré en 2000 un Programme national de lutte contre le changement climatique (PNLCC). En 2005, la loi de Programmation et d’orientation de la politique énergétique (POPE) a fixé comme objectif la division par 4 des émissions de GES d’ici 2050. Les lois Grenelle, adoptées en 2009 et 2010, ont confirmé et renforcé cet objectif en engageant la France à réaliser l’objectif européen du « 3 fois 20 ». De plus, en 2004, un plan climat national a fixé un plan d’action et déterminé la mise en oeuvre des engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), démarré en juillet 2011, renforce progressivement l’objectif d’adaptation, qui était jusque-là moins développé que celui d’atténuation, et préconise une approche intégrée de l’adaptation aux autres politiques publiques : ainsi, l’adaptation aux effets du changement climatique devra être prise en compte dans les documents d’urbanisme, mais également dans les choix de financements publics, voire privés « afin d’exclure les projets mal adaptés ».

5.103. Les outils réglementaires régionaux

À l’échelle régionale et sur l’ensemble du pays (en cours de déploiement), les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), co-construits par l’État et les régions, contribuent à :

  • définir les objectifs régionaux en matière de maîtrise de l’énergie, afin d’atténuer les effets du changement climatique et de diviser par quatre les émissions de GES en France, conformément à l’engagement du pays, entre 1990 et 2050 ;

  • fixer les orientations permettant de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d’en atténuer les effets ;
  • fixer par zones géographiques les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération.

À l’échelle locale, la loi de programmation Grenelle I traduit les engagements en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Elle instaure les plans climat territoriaux (PCT), devenus plans climat-énergie territoriaux (PCET). Ces plans fixent un cadre juridique pour la mise en place des nouveaux outils par les collectivités territoriales qui ont vocation à être opérationnels à différents échelons du territoire infranational. Ces plans sont notamment devenus obligatoires pour les collectivités de plus de 50 000 habitants dans le cadre de la loi Grenelle II. Selon l’ADEME, plus de 400 collectivités sont soumises à l’obligation légale de mettre un PCET en place. Ce dernier doit permettre aux collectivités territoriales de dégager des pistes d’action en faveur de l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.

De l’observation des différents outils a résulté que, hormis le SRCAE, seul le PCET pouvait porter une mission stratégique locale tournée vers les questions énergie-climat. En particulier, il représentait le seul outil susceptible d’aboutir à une réflexion poussée en matière d’adaptation au changement climatique, englobant la lutte contre les ICU. La loi récente (août 2015), relative à la transition énergétique pour la croissance verte, a renforcé le contenu du PCET en lui ajoutant un volet « qualité de l’air », créant ainsi le plan climat-air-énergie territorial (PCAET), ce qui a permis d’harmoniser ses objectifs avec ceux du SRCAE. De plus, le volet adaptation est légèrement renforcé par rapport à la version antérieure de l’article. Il est précisé que le programme d’actions doit désormais permettre « d’anticiper les impacts du changement climatique ».

La loi a modifié également l’articulation entre le PCAET, le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et le plan local d’urbanisme (PLU). En effet, avant la loi sur la transition énergétique de 2015, le SCoT devait prendre en compte le PCET, ce qui faisait de ce dernier un document intermédiaire traduisant les objectifs du SRCAE pour les intégrer dans le SCoT, et par ricochet dans le PLU (le PLU étant en outre tenu au même rapport de prise en compte en l’absence de SCoT). Le SCoT, lui-même, était devenu un document dit « intégrateur », notion issue des lois Grenelle et renforcée par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) dans une perspective de « verdissement » des territoires.

Désormais, le PLU « prend en compte, le cas échéant, le PCAET ». Il y a donc un rapport de prise en compte plus direct entre le PLU et le PCAET, le SCoT étant amené à s’effacer dans cette nouvelle articulation. Il est également prévu que lorsqu’un PCAET est approuvé après l’approbation d’un PLU, « ce dernier doit, si nécessaire, être rendu compatible dans un délai de trois ans ».

Le SCoT est désormais juridiquement déconnecté de toute référence aux outils supérieurs de réflexion et de stratégie sur l’énergie et le climat, soit des SRCAE et du PCAET (Figure 21). En revanche, le PLU est doté d’une vocation plus affirmée à la prise en compte directe des dispositions du PCAET.

Figure 21. Outils de planification et d’aménagement (source : Élus, l’essentiel à connaître sur les PCAET, ADEME/État)

La loi de transition énergétique n’ayant pas modifié les articles relatifs aux missions du SCoT (Figure 22) et du PLU, ces documents ne conservent qu’une faible vocation à traiter de l’adaptation au changement climatique. Sur la question énergie-climat, ils se préoccupent plutôt d’atténuation au changement climatique : performance énergétique et énergies renouvelables, lutte contre l’étalement urbain, transports et déplacements. L’importance du PLU ne doit toutefois pas être minimisée

en matière d’énergie-climat. En effet, les opérations les plus abouties et qui se veulent exemplaires se concrétisent en réalité à l’échelle des quartiers. Les dispositions les plus concrètes et opérationnelles se trouvent ainsi dans les règlements de zones de ZAC, intégrés dans le PLU, mais surtout dans les cahiers des charges de cession de terrains (CCCT), même si, espérons-le, les réalisations vertueuses percoleront dans les mesures plus générales du PLU.

Figure 22. Schémas de cohérence territoriale et directives territoriales d’aménagement (source : DREAL PACA, sudocuh)

Ainsi, à l’échelle du quartier ou de l’opération d’aménagement, l’État a engagé un certain nombre de politiques sectorielles (appels à projet écoquartiers et écocités) qui ont conduit à développer et promouvoir les projets d’urbanisme durable. Une évaluation plus approfondie des mesures, proposées à l’échelle des opérations d’aménagement et de l’agglomération pour prendre en compte l’énergie et les problématiques climatiques, a été notamment incitée.

Un certain nombre de territoires se sont engagés depuis 2010 dans des démarches innovantes visant à prendre en compte ces problématiques nouvelles : les 12 SCoT Grenelle préfigurateurs ont fait l’objet d’un accompagnement particulier par la Direction générale de l’aménagement du logement et de la nature du MEDDE. Parmi ces territoires, les agglomérations de Lyon, Grenoble et Paris ont particulièrement travaillé sur la cartographie et la prise en compte de l’effet d’ICU dans

les documents d’urbanisme ; l’agglomération tourangelle a mené une réflexion sur l’atteinte du facteur 4 à l’échelle du SCoT, visant à diviser par 4 le volume d’émissions de GES du territoire d’ici 2050 (par rapport à leur niveau de 1990) ; Agen a plus récemment travaillé sur son plan local d’urbanisme et intercommunalité (diagnostic climatique, performances énergétiques renforcées), tout comme Brest Métropole (PLU « facteur 4 », intégrant notamment le PCET).

À l’échelle du quartier, les outils, tels que GES OpAm, les normes et labels (RT 2012, HQE, habitat et environnement, écoquartier) ou les référentiels en urbanisme durable (Montpellier, Grenoble, Nice), ont permis l’émergence d’opérations d’aménagement emblématiques : ZAC de Bonne à Grenoble, ZAC des Hauts de Feuilly à Saint-Priest, ZAC de Beauregard à Rennes, etc.

La question des microclimats et du réchauffement en milieu urbain, dans un contexte d’adaptation au changement climatique, est toujours particulièrement absente des objectifs fixés par le droit national aux documents d’urbanisme, et n’est abordée qu’indirectement (espaces végétalisés, continuité écologique, gestion de l’eau, forme urbaine) et souvent à travers des outils de cadrage sans portée réglementaire. L’analyse des outils juridiques et de leur mise en oeuvre, et du cadre général formel du droit de l’urbanisme, n’est

pas facilitée par l’évolution rapide du contexte juridique :

  • loi NOTRE (Nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 ;
  • loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 ;
  • ordonnance relative à la partie législative du code de l’urbanisme du 23 septembre 2015 ;
  • décret n°2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre 1er du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du PLU ;
  • décret n°2016-849 du 28 juin 2016 relatif au PCAET ;
  • arrêté relatif au contenu du PCAET du 6 août 2016.

Aujourd’hui, il n’existe pas d’« échelle-miracle » pour traiter les questions énergie-climat. Combiner plusieurs types d’outils incitatifs ou réglementaires, portés ou construits par des acteurs parfois différents, mais dont l’action doit être coordonnée, est probablement la meilleure stratégie à adopter.

Photo 16. Formes urbaines : les rues étroites réduisent le rayonnement au niveau du sol et sur les façades (illustration)

ZOOM 6. Aménagement des quartiers et des espaces publics

Le lien entre le climat, l’architecture et la ville a toujours été pris en compte dans la conception architecturale et urbaine et ne date pas d’aujourd’hui. Vitruve, architecte du 1er siècle avant J-C, décrivait de manière empirique les relations entre l’aménagement et les conditions climatiques pour construire des bâtiments et des villes salubres.

À l’heure où l’on considère que la ville doit se reconstruire sur elle-même grâce à la densification, afin d’éviter l’étalement urbain tant décrié pour ses méfaits environnementaux, la production et la transformation des tissus existants doivent faire l’objet d’une attention particulière. Au-delà des connaissances dont les scientifiques disposent, se pose alors la question de la transcription des effets de l’urbanisation (photo 17) sur le microclimat en outils de conception et de contrôle. Ces outils sont mis à disposition des architectes et des urbanistes en vue de l’adaptation aux changements climatiques et de l’atténuation des effets sur le climat (Figure 23). En 1972, la parution, dans la revue Options Méditerranéennes d’un article sur l’adaptation de l’architecture et de l’urbanisme au milieu méditerranéen, témoigne du souci déjà présent de fournir aux acteurs de l’aménagement des outils de conception adaptés. Parmi les options, une baisse des consommations d’énergie liées à l’habitat peut être envisagée par des mesures prises à plusieurs échelles d’intervention : aménagement, techniques de construction, dispositifs de production d’énergies renouvelables ou encore adoption de nouveaux comportements individuels.

Photo 17. Place des Pistoles, Marseille : résultat de la destruction d’un îlot insalubre modifiant les conditions microclimatiques environnantes (ensoleillement des façades et des espaces publics, exposition aux vents dominants et présence végétale

La prise en compte des spécificités locales de l’habitat (types de bâti, morphologies urbaines, etc.), des modes d’habiter et du climat méditerranéen est une démarche essentielle pour atteindre ces objectifs.

L’impact de l’application des règlements d’urbanisme sur le microclimat peut être mieux contrôlé grâce à l’intégration de cette dimension environnementale. Par exemple, la réglementation des PLU doit renforcer les mesures de protection et de mise en valeur du patrimoine bâti qui portent sur la réalisation d’économies d’énergie et la mise en place de dispositifs de production d’énergies renouvelables. L’un des enjeux est alors de savoir concilier les organisations et formes urbaines et paysagères (infrastructures vertes, densification du bâti, morphologies urbaines...) avec les dispositifs constructifs ou de productions d’énergie (éolien, photovoltaïque, solaire, géothermie, etc.) compatibles avec la réalisation ou la préservation d’habitations, d’espaces publics et de paysages de qualité. En ce sens, les écoquartiers actuels ne peuvent se concevoir sans prendre en considération les interdépendances avec la ville. Les limites de la connaissance sur ces interdépendances (forme urbaine, qualité des surfaces, activités) et leur impact sur l’environnement et l’énergie conduisent à proposer des orientations plutôt que des solutions, recommandations ou règles. La poursuite de la recherche s’avère nécessaire sur la base de données quantitatives susceptibles d’améliorer les connaissances, de réaliser des diagnostics plus exhaustifs et d’affiner les outils de conception.

Figure 23. Une zone d’étude et son environnement : maquette 2D1/2 produite par QGIS2threejs (source : projet ATRE - project[s]. Fonds : BdTopo ©IGN, Ortho13 - CRIGE-PACA 2009)
Rechercher
Newsletter