2.La pêche et le changement climatique

Par P. GUIDETTI et P. FRANCOUR

La pêche est l’activité humaine liée à la mer la plus enracinée dans l’histoire et la culture, et la plus partagée par les communautés humaines côtières de la planète. Simple source de protéines à la base pour les populations côtières, elle est devenue une activité socio-économique de grande ampleur, dont il ne faut pas cacher les implications environnementales sur la biodiversité, les stocks ciblés ou non et les habitats. La pêche ? Non, les pêches ! Il faut a minima distinguer la pêche industrielle et la pêche artisanale. La première est plus développée technologiquement et suppose le recours à de grands navires et une véritable stratégie d’investissements financiers. La pêche artisanale (ou pêche aux petits métiers), en revanche, est une activité liée aux traditions locales, opérée par des petits bateaux côtiers, gérée au niveau familial ou par de petites coopératives, dont les produits sont généralement consommés localement.

L’accroissement de l’effort de pêche, essentiellement industrielle, et des impacts anthropiques variés (ex. : pollution, destruction d’habitat, nurseries) ont considérablement diminué les ressources halieutiques, tant sur la côte qu’au large. Toutefois, d’autres modifications de grandes ampleurs ont affecté l’écologie de la Méditerranée au cours des dernières décennies. Le terme « changement global » résume à lui seul tous ces phénomènes : hausse des températures ou du niveau de la mer, perturbations des échanges entre bassins océaniques (creusement du Canal de Suez) et introductions volontaires d’espèces. Les causes sont multiples et, dans le cas des pêcheries, ces changements ont provoqué des modifications de la répartition

géographique des espèces ou l’arrivée d’espèces exotiques, envahissantes ou non, en provenance de la mer Rouge ou de l’Atlantique. Une modification profonde de la faune et de la flore méditerranéenne est en train de s’opérer sous nos yeux. Des herbivores comme les poissons lapin (Siganus luridus et S. rivulatus) supplantent la saupe (Sarpa salpa) en Méditerranée orientale et entraînent une désertification des fonds rocheux côtiers. Des carnivores comme le poisson flûte (Fistularia commersonii) représentent une menace pour les espèces côtières de petite taille. Des espèces fortement toxiques, comme le fugu (Lagocephalus sceleratus), représentent un danger pour la santé humaine.

Traditionnellement, la pêche industrielle a été considérée, à l’opposé de la pêche artisanale, comme une pêche non durable. Les synergies éventuelles avec les autres activités anthropiques (aménagements littoraux, pollution, pêche de loisir, etc.) faisaient déjà peser de nombreuses menaces sur les stocks de poissons. Le changement climatique actuel et le changement global dans son ensemble représentent, sans aucun doute, une menace supplémentaire très sérieuse. Les conséquences directes et indirectes sont encore très largement inconnues, car l’essentiel des activités scientifiques se concentrent en priorité sur la simple signalisation des modifications faunistiques. Sans renier l’aspect fondamental de ces travaux, il est indispensable de promouvoir actuellement les recherches sur les conséquences directes et indirectes de ces modifications.

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