Penser globalement et agir localement : cette maxime encore très en vogue dans un passé récent est tout particulièrement adaptée à la question du changement climatique. Les actions anthropiques et, au premier rang, les émissions de gaz à effet de serre (GES), sont directement intégrées à la grande machinerie atmosphérique pour agir au bout du compte sur le système climatique global dont les modifications sont ensuite redistribuées aux différentes échelles sous-jacentes. Les manifestations de ce changement, par le biais des processus atmosphériques et de la circulation océanique, des zones bioclimatiques, du temps qu’il fait (météo) aussi bien que des tendances climatiques à long terme, sont de caractère régional (au sens de grandes zones géographiques avec l’acception adoptée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, connu sous l’acronyme GIEC) ou local, dans leur occurrence, leurs caractères et leurs implications. Les décisions à prendre sur la base de la science climatique doivent donc considérer tout un continuum d’échelles spatiales. Ces contraintes sont prises en compte dans l’élaboration des projections climatiques et l’identification des impacts attendus, aussi bien en termes biophysiques que sociétaux.
Il a d’abord été nécessaire de passer par des modélisations à l’échelle de la planète qui ont permis de définir les grandes tendances à un niveau global, puis il est vite apparu que les interrogations sur le futur allaient susciter des études de plus en plus fines, en lien avec les échelles spatiales de fonctionnement des écosystèmes naturels et des activités humaines. Les progrès combinés des modèles climatiques et des outils informatiques ont apporté des éléments d’analyse à ces échelles. Dans les années 2000, la maille élémentaire des modèles était encore de l’ordre de 250 km, ce qui permettait d’identifier des tendances pour des grandes régions à l’échelle infra-continentale. Mais il a fallu attendre encore quelques années pour que le passage à une maille de 50 km soit plus compatible avec la dimension des écosystèmes ou des bassins versants. Et c’est le passage récent à une résolution de 8 km qui a permis d’atteindre une « granularité » compatible avec les activités humaines. C’est à cette dernière échelle que les mesures pour limiter l’ampleur du réchauffement global doivent être définies. Si c’est au niveau mondial que les grandes décisions géopolitiques doivent être prises, c’est aux échelles inférieures que ces décisions doivent être déclinées.
Sommaire
Sommaire du cahier
Une région mobilisée face au dérèglement climatique
Le climat méditerranéen est aujourd’hui l’un des forts attraits de notre région ; il pourrait devenir demain bien moins clément sous l’effet du dérèglement climatique. Bien sûr, nous devons concentrer nos efforts sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement planétaire global à 2°C. Mais la Méditerranée est un « point chaud » où les désordres, déjà sensibles, seront particulièrement exacerbés.
Canicules et sécheresses plus fréquentes, précipitations potentiellement plus violentes, submersions de terres littorales… Quelles conséquences pour les plantes, les animaux, les forêts qui ont aujourd’hui une si riche biodiversité ? Quelles adaptations pour l’agriculture, les autres activités économiques, les villes, les zones littorales, la montagne ? Quels impacts possibles sur la santé, les migrations de parasites ou de maladies ? Et quelles solutions d’adaptation à mettre en place de manière prioritaire par les pouvoirs publics ?
Le Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur, GREC-PACA, propose d’éclairer les enjeux liés au dérèglement climatique dans notre région. Avec cette première présentation de leurs travaux, les scientifiques renforcent la mobilisation citoyenne contre le changement climatique qui doit contribuer à la réussite de la conférence mondiale « Paris climat 2015 » en décembre prochain, mais aussi la MEDCOP21 de Marseille les 4 et 5 juin.
Michel VAUZELLE, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur
Objectif adaptation au changement climatique
La lutte contre le changement climatique est un axe fort des interventions de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie. Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, au niveau national et aussi dans le cadre de nos coopérations méditerranéennes et internationales, l’ADEME finance des actions de recherche, développe des outils d’aide à la décision, sensibilise et accompagne les acteurs afin que chacun puisse s’approprier les enjeux de la réduction des émissions des gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique, afin de connaître les solutions disponibles pour agir.
La France est dotée d’un Observatoire national des effets du réchauffement climatique depuis 2001 et a rapidement reconnu l’importance de développer une stratégie nationale d’adaptation au changement climatique et de mobiliser les collectivités territoriales. Les lois « Grenelle » adoptées en 2009 et 2010 posent le cadre formel de l’adaptation territoriale : schémas régionaux climat air énergie, plans climat énergie territoriaux, plans locaux d’urbanisme et schémas de cohérence territoriaux.
Afin d’accompagner les collectivités, l’ADEME a développé des démarches de diagnostic (Impact’Climat), de cadrage, suivi et évaluation d’un plan d’action (Objectif’Climat), a publié des recueils d’expériences internationales, et développé des modules de formation professionnelle. Au niveau régional, l’ADEME accompagne les collectivités territoriales depuis 2010 et l’appel à projet régional « PCET exemplaires » imposait des actions d’adaptation. Le « Réseau Climat PACA » qui se réunit plusieurs fois par an, permet de capitaliser les acquis de ces projets pionniers.
L’initiative du Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur constitue une étape essentielle dans le développement de la capacité d’adaptation de la région. Ce premier rapport constitue un socle essentiel aux travaux de diagnostic des collectivités territoriales et acteurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il présage une dynamique de transfert de compétences entre scientifiques et décideurs qui renforcera la robustesse de ce territoire et lui permettra de préserver son attractivité.
Thierry LAFFONT, Directeur Régional Ademe PACA
Le Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-PACA) est né du souhait de rapprocher la communauté scientifique des gestionnaires et décideurs du territoire autour des enjeux du changement climatique. La vocation de cette démarche collective est de centraliser, transcrire et partager la connaissance scientifique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Notre volonté est de préciser le changement du climat à l’échelle du territoire régional en prenant en compte sa spécificité méditerranéenne et sa forte diversité topographique. Elle est également de présenter les impacts, d’identifier et éclairer les enjeux du changement climatique, les principaux points de vulnérabilité des territoires dans une région fortement peuplée et les leviers d’action, par une synthèse et une mise en perspective des travaux de recherche.
Cette publication est un premier pas pour notre groupe. Elle propose un panorama général des enjeux et des conséquences du changement climatique dans notre région. Plutôt qu’un rapport linéaire et exhaustif, nous avons choisi de l’aborder comme un ensemble de regards sur des sujets qui intéressent notre territoire. Pour aller plus loin, nous commençons déjà à travailler sur des approches thématiques plus approfondies qui feront l’objet de publications et de conférences dans les mois qui viennent.
Nous espérons ainsi, en cette année de conférence sur le climat organisée en décembre à Paris (COP 21), contribuer à mobiliser les décideurs territoriaux. Nous aimerions que cela constitue également l’occasion de questionner le rôle de la recherche et de la science dans le débat public sur le changement climatique, et de discuter des formes que peut prendre le dialogue entre acteurs du territoire et chercheurs. Nous avons enfin la volonté d’essayer d’identifier les faiblesses de la recherche existante et de proposer des perspectives pour la prochaine décennie.
Bonne lecture.
Joël GUIOT et Bernard SEGUIN,
co-présidents du GREC-PACA
Du global au local… et réciproquement
Penser globalement et agir localement : cette maxime encore très en vogue dans un passé récent est tout particulièrement adaptée à la question du changement climatique. Les actions anthropiques et, au premier rang, les émissions de gaz à effet de serre (GES), sont directement intégrées à la grande machinerie atmosphérique pour agir au bout du compte sur le système climatique global dont les modifications sont ensuite redistribuées aux différentes échelles sous-jacentes. Les manifestations de ce changement, par le biais des processus atmosphériques et de la circulation océanique, des zones bioclimatiques, du temps qu’il fait (météo) aussi bien que des tendances climatiques à long terme, sont de caractère régional (au sens de grandes zones géographiques avec l’acception adoptée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, connu sous l’acronyme GIEC) ou local, dans leur occurrence, leurs caractères et leurs implications. Les décisions à prendre sur la base de la science climatique doivent donc considérer tout un continuum d’échelles spatiales.
Ces contraintes sont prises en compte dans l’élaboration des projections climatiques et l’identification des impacts attendus, aussi bien en termes biophysiques que sociétaux. Il a d’abord été nécessaire de passer par des modélisations à l’échelle de la planète qui ont permis de définir les grandes tendances à un niveau global, puis il est vite apparu que les interrogations sur le futur allaient susciter des études de plus en plus fines, en lien avec les échelles spatiales de fonctionnement des écosystèmes naturels et des activités humaines. Les progrès combinés des modèles climatiques et des outils informatiques ont apporté des éléments d’analyse à ces échelles. Dans les années 2000, la maille élémentaire des modèles était encore de l’ordre de 250 km, ce qui permettait d’identifier des tendances pour des grandes régions à l’échelle infra-continentale. Mais il a fallu attendre encore quelques années pour que le passage à une maille de 50 km soit plus compatible avec la dimension des écosystèmes ou des bassins versants. Et c’est le passage récent à une résolution de 8 km qui a permis d’atteindre une « granularité » compatible avec les activités humaines.
C’est à cette dernière échelle que les mesures pour limiter l’ampleur du réchauffement global doivent être définies. Si c’est au niveau mondial que les grandes décisions géopolitiques doivent être prises, c’est aux échelles inférieures que ces décisions doivent être déclinées.
Zoom 1. EURO-CORDEX, les données climatiques de dernière génération
Le programme CORDEX (COordinated Regional Climate Downscaling Experiment) vise à définir un cadre international pour la régionalisation des projections climatiques. L’objectif est de proposer des données à résolution spatiale fine à partir de modèles globaux du climat (échelle planétaire) et de modèles régionaux (échelle européenne par exemple). La composante EURO-CORDEX du projet, impliquant une vingtaine d’organismes de recherche européens, a permis de produire et d’analyser des projections climatiques sur l’Europe au cours du XXIe siècle à haute résolution spatiale (12 km), en utilisant 3 scénarios de référence d’évolution des gaz à effet de serre retenus par le GIEC. Ces données sont mises à disposition de la communauté scientifique et des services climatiques dont l’objectif est de fournir une information climatique fiable aux acteurs économiques, industriels et politiques.
Med-CORDEX permettra bientôt de disposer d’une modélisation régionale dédiée au bassin méditerranéen.
POURQUOI UNE SYNTHÈSE AU NIVEAU PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR ?
Des documents d’orientation existent désormais au niveau national, en particulier sous l’égide de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC), mais il devient souhaitable de les décliner à une échelle plus proche des décisions de la vie locale. C’est clairement au niveau des régions administratives que la synthèse des connaissances doit être recherchée, comme l’a montré le travail pionnier effectué en 2013 en région Aquitaine.
Par son appartenance au bassin méditerranéen, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est une candidate prioritaire pour ce type d’effort de synthèse. La zone méditerranéenne a en effet été identifiée comme un des « hotspots » pour les impacts du changement climatique. Les projections climatiques dans cette région du monde tendent de manière marquée vers des conditions plus chaudes, de jour comme de nuit, avec une fréquence accrue de canicules et des épisodes de sécheresse, mais aussi des changements, encore mal documentés, sur les précipitations extrêmes. De plus, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur concentre sur son territoire une très riche diversité des milieux, de la mer à la montagne, confrontés à une forte pression anthropique.
Le rapport de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) sur le climat de la France au XXIe siècle, publié en 2014 sous la direction de Jean Jouzel, fournit différentes projections de variables dignes d’intérêt pour le public et le monde socio-économique à une résolution de 8 km.
À l’horizon 2050, les scénarios ne se différencient pas beaucoup et projettent un réchauffement inférieur à +2°C par rapport à la fin du XXe siècle. Les vagues de chaleur devraient augmenter de 0 à 5 jours sur l’ensemble du territoire. À l’horizon 2100, le scénario d’émissions RCP8.5 prévoit un réchauffement plus fort en été, tout particulièrement dans le Sud-Est (jusqu’à +5°C) avec une augmentation de plus de 20 jours des vagues de chaleur. Pour les précipitations, il y a une tendance à l’augmentation en hiver et une tendance à la diminution en été, mais les modèles ne convergent pas tous, ce qui signifie que les incertitudes sont grandes.
Un zoom sur les résultats des projections climatiques en Provence-Alpes-Côte d’Azur permet d’affiner le constat fait par la mission Jouzel sur la France. Le signal obtenu sur les températures de l’air dans la région est celui d’une poursuite de la hausse déjà amorcée au XXe siècle. Et pour l’évolution des précipitations, les incertitudes sont encore plus grandes en Provence-Alpes-Côte d’Azur que sur le reste de la France.
Zoom 2. D'où viennent les projections climatiques ?
Les projections climatiques sont actuellement issues de deux modèles globaux : celui de Météo-France et celui de l’Institut Pierre Simon Laplace des sciences de l’environnement (IPSL) qui ont une résolution de l’ordre de 200 km, chacun couplé à un modèle régional (à une haute résolution spatiale de l’ordre de 12 km) réajusté aux observations par une méthode statistique.
Par Y. BIDET et V. JACQ
Un réchauffement des températures de l’air qui s’accentuera
Les simulations mettent en évidence un signal fort d’augmentation des températures, signal déjà perceptible dans les séries climatiques de la fin du XXe siècle. En moyenne annuelle, l’écart pourrait être de l’ordre de +1,9°C à +4,6°C par rapport à la période de référence 1976-2005, selon la zone géographique et le scénario d’émissions à la fin du XXIe siècle.
Les températures seront plus douces l’hiver. Par exemple, le nombre de jours de gel annuel à Embrun, dans le scénario le plus pessimiste, serait compris à la fin du siècle entre 40 et 50, alors qu’il est aujourd’hui d’une centaine. Ceci entraînera une diminution du manteau neigeux, au moins aux altitudes moyennes, soit environ 1500 m d’altitude.
Les étés quant à eux, déjà très chauds sur notre région, seront encore plus torrides avec une élévation moyenne
de +1,2°C à +5,7°C par rapport à la référence. Cette tendance sera plus marquée sur les températures maximales, comme en témoignent les cartes ci-dessous représentant l’évolution de la température maximale de l’air au cours des mois d’été (juin à août) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, issues du modèle ALADIN de Météo-France pour la fin du XXIe siècle en fonction des scénarios (source : www.drias-climat.fr).
Pour Aix-en-Provence, l’anomalie (ou écart) des températures estivales serait à la fin du XXIe siècle de l’ordre de +3,4°C pour le scénario intermédiaire (RCP4.5) et de +6°C pour le scénario le plus pessimiste (RCP8.5). À titre de comparaison, l’anomalie de la température de l’air moyenne à Aix-en-Provence de l’été 2003 a été de +3,5°C. La canicule de 2003 deviendrait donc en Provence-Alpes-Côte d’Azur un événement quasi normal, voire frais, dans la seconde moitié du XXIe siècle.
Une incertitude persistante sur l’évolution des précipitations
Le signal concernant l’évolution des précipitations en Provence-Alpes-Côte d’Azur est encore moins net que celui obtenu sur la France entière. Les projections climatiques fournies par les modèles montrent en effet sur notre région des évolutions très souvent contradictoires, que ce soit sur la quantité globale de précipitations annuelles ou sur le nombre de jours de fortes précipitations (pluies supérieures à 20 mm, soit 20 litres/m² sur une journée). Ce comportement est illustré par les cartes suivantes qui montrent que le modèle de Météo-France estime globalement une diminution à la fois de la quantité de pluie annuelle et du nombre de jours de fortes pluies, alors que le modèle de l’IPSL va dans le sens d’une augmentation de la quantité de pluie.
Sur l’évolution annuelle, les seuls points d’accord entre les deux modèles concernent les massifs frontaliers de l’Ubaye et du Queyras, où les pluies devraient être plus fortes (en moyenne sur l’année et nombre de jours de fort cumul), et la Haute-Provence où une petite diminution du cumul annuel est attendue.
Malgré ces différences, les deux modèles convergent pour indiquer une tendance à la diminution des pluies estivales sur une grande partie de la région ProvenceAlpes-Côte d’Azur. Conjugué à la hausse importante des températures de l’air, ce phénomène devrait accentuer la sécheresse des sols en été et avoir des conséquences notables sur la gestion de la ressource en eau et la sensibilité des forêts aux incendies, dans une région déjà très vulnérable sur ces aspects.
ZOOM 3. Réseau de mesures régional de Météo-France
Au 1er janvier 2015, Météo-France dispose de 267 points de mesure de la pluie et 172 points de mesure des températures dans sa Base de Données Climatologiques pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les postes mesurant d’autres variables que températures et précipitations sont au nombre de 95 pour le vent, 85 pour l’humidité et 18 pour le rayonnement.
Ces données, disponibles sur de longues périodes dépassant parfois 100 ans, permettent, par l’établissement de statistiques, de définir le climat moyen en un lieu, mais aussi d’étudier et de quantifier son évolution. Pour la région, nous disposons de 30% de longues séries (série supérieure à 50 ans et comprenant moins de 10% de manques) de températures (52 sur 172) et de 40% de longues séries de précipitations (107 sur 267).
Sur certains de ces points, Météo-France a établi des séries mensuelles homogénéisées dans lesquelles on a éliminé les ruptures non imputables au changement climatique. Ces séries sont, en Provence- Alpes-Côte d’Azur, au nombre de 89 pour les pluies, 23 pour les températures minimales et 28 pour les températures maximales. Elles permettent de chiffrer de façon précise les évolutions déjà observées.
LES PROJECTIONS CLIMATIQUES
Depuis 2013, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) présente ses projections climatiques pour le XXIe siècle basées sur de nouveaux scénarios, appelés Representative Concentration Pathways (RCP), décrivant l’évolution des concentrations de gaz à effet de serre (GES). Les RCP sont un ensemble de projections des composantes du forçage radiatif causé par les changements de la composition de l’atmosphère. Ils sont au nombre de quatre, du plus « écologique » (RCP2.6 qui correspond à une concentration approximative de 475 parties par million (ppmv) équivalent CO2 en 2100) au plus « productiviste » (RCP 8.5, équivalent à 1300 ppmv eq CO2 ) qui correspond à la poursuite de la tendance actuelle d’augmentation des concentrations de GES. Les scénarios intermédiaires sont les RCP4.5 et RCP6. Le RCP2.6 est le seul scénario d’émissions qui limite le réchauffement climatique à 2°C. Les projections climatiques utilisent ces RCP comme données d’entrée et sont assorties d’incertitudes qui sont de deux ordres : celles liées à la variabilité climatique intrinsèque et chaotique du système climatique, et celles liées aux limites de nos connaissances et de leur représentation par nos modèles.
Par N. MARTIN
Dans les Alpes-Maritimes, les postes de mesures de Météo-France enregistrent une hausse des températures minimales et maximales. Par exemple la station de Nice-aéroport a vu sa température minimale moyenne annuelle passer de 11,7°C pour la période 1961- 1990 à 12,4°C pour la période 1981- 2010 ; pour la température maximale moyenne annuelle dans cette même station, la hausse est de 0,6°C en 20 ans, de 19°C à 19,6°C.
Dans ce contexte climatique et alors qu’une partie de l’économie touristique du département repose sur la pratique des sports d’hiver, quelle sera l’évolution de l’enneigement dans l’extrême sud des Alpes françaises ? Grâce aux techniques de descente d’échelle et en émettant des hypothèses sur l’influence de la température de l’air sur la présence de neige au sol, des cartes représentant l’extension spatiale potentielle du manteau neigeux sont réalisables.
Évolution de la zone potentiellement recouverte par la neige (en blanc) pour les mois de février 1961-1990 à gauche, 2021-2050 au milieu (scénario A1B) et 2071-2100 (scénario A1B) obtenue par downscaling statistique des sorties de températures du modèle ALADIN-Climat.
Par exemple, les cartes ci-dessous illustrent la présence de neige au sol dès lors que la température moyenne journalière est inférieure à 0°C. L’extension spatiale du manteau neigeux est qualifiée de « potentielle », car aucune information relative à l’apport de neige, et donc aux précipitations, n’est prise en compte en raison d’une trop grande incertitude à cette échelle spatiale.
LA DESCENTE D’ÉCHELLE DES MODÈLES CLIMATIQUES
Un grand nombre de modèles climatiques fournissent à échelle planétaire, mais également à échelle plus régionale, des projections du climat en fonction de plusieurs scénarios d’évolution socioéconomiques et démographiques de nos sociétés. Toutefois la résolution spatiale de ces outils de modélisation, de l’ordre plurikilométrique dans les meilleurs cas, n’offre pas la possibilité d’étudier avec vraisemblance l’évolution de la neige en montagne.
Une nouvelle étape de modélisation, appelée « downscaling » statistique, est alors nécessaire : à partir des projections climatiques précédentes, et en s’appuyant sur la prégnance du cadre topographique et environnemental sur les températures minimales et maximales, la résolution spatiale de ces variables climatiques est améliorée pour atteindre la centaine de mètres. Cette résolution permet alors d’étudier finement l’évolution spatiale des températures au cours du XXIe siècle, puisque des facteurs tels que l’orientation ou encore la pente des versants sont pris en compte.
Le dernier rapport du GIEC prévoit une hausse du niveau des mers, tous scénarios confondus, comprise entre 26 et 82 centimètres d’ici la fin du XXIe siècle (2081- 2100). Cette hausse est due en premier lieu à l’effet de dilatation des océans, en lien avec l’augmentation de la température de la mer. La fonte des glaces (glaciers de montagne, calottes du Groenland ou de l’Antarctique) est le deuxième contributeur.
Les résultats des modèles ont une forte dispersion, ce qui traduit une incertitude importante sur l’augmentation du niveau de la mer pour une région donnée. A l’échelle de la France, il est encore aujourd’hui difficile de proposer des projections précises d’élévation du niveau des eaux sur les côtes atlantique ou méditerranéenne. Il est néanmoins très probable que le taux d’augmentation du niveau global soit supérieur à celui observé sur les trente dernières années, qui est à Marseille d’environ 2,6 millimètres par an. Ceci situerait la hausse du niveau de la Méditerranée en Provence-Alpes-Côte d’Azur plutôt dans la fourchette haute des projections, de l’ordre de 80 centimètres en fin de siècle.
Cette valeur reste néanmoins à confirmer. Les études déjà réalisées portent sur la contribution à l’élévation du niveau de la mer de certains facteurs pris séparément. Mais une étude prenant en compte l’ensemble des processus et leurs interactions reste à réaliser. Une telle étude serait particulièrement importante en Méditerranée car, à tous les facteurs d’incertitudes semblables à ceux des autres parties du globe, s’ajoute un phénomène spécifique. En effet, la hausse globale de la salinité pourrait affecter les échanges d’eau entre Atlantique et Méditerranée au niveau du détroit de Gibraltar et les modèles actuels n’ont pas encore une résolution assez fine pour représenter de façon réaliste ce phénomène.
ZOOM 4. CONTRIBUTION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : UNE RÉGION FORTEMENT ÉMETTRICE DE GAZ À EFFET DE SERRE
Par G. LUNEAU et Y. CHANNAC-MONGREDIEN
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a émis, en 2012, plus de 47 millions de tonnes équivalent CO2 (Mteq. CO2 ) de gaz à effet de serre (CO2 , CH4 et N2O), tous secteurs confondus. Rapportées par habitant, les émissions de GES s’élèvent en 2012 à 9,5 t/ habitant/an, ce qui reste plus élevé que la moyenne nationale (8,6 t/habitant/an). Elle se situe au 3ème rang national.
La majeure partie des émissions de GES (79%) est due à la consommation énergétique. Les émissions restantes sont principalement liées aux procédés industriels non énergétiques, mais également au traitement des déchets et aux activités agricoles.
Les principaux secteurs émetteurs de GES en PACA sont l’industrie et le traitement des déchets qui, après avoir diminué leurs émissions en 2010, voient leur contribution redevenir majoritaire en 2012, ainsi que le secteur des transports routiers qui reste globalement stable entre 2007 et 2012. D’une manière générale, si les évolutions technologiques ont permis de réduire les consommations unitaires des véhicules récents, le parc automobile roulant reste néanmoins composé en grande partie de véhicules plus anciens. De plus, les gains issus des améliorations technologiques sont rattrapés par la fréquentation du réseau routier, toujours à la hausse… Il faut noter que la contribution de l’agriculture est faible, et notablement inférieure à la moyenne nationale (environ 21% des émissions nationales en 2012).
L’eau reste un enjeu majeur du XXIe siècle, car les ressources en eau douce aisément utilisables sont limitées et fragiles. L’eau est absolument nécessaire à toutes les activités humaines qu’elles soient domestiques, agricoles ou industrielles. De ce fait, il existe une « compétition » entre tous ces usages et activités qui perturbe les développements démographique et économique des régions où les disponibilités en eau sont réduites. Le changement climatique va engendrer une modification des besoins en eau – notamment au niveau de la végétation avec une modification du cycle annuel de développement des plantes et une augmentation de la demande évaporative – et des apports avec une évolution des précipitations (voir chapitre précédent). Les enjeux autour de la ressource en eau sont, en zone méditerranéenne, particulièrement prégnants. Il existe déjà des tensions sur les usages de l’eau et les projections climatiques indiquent des déficits croissants alors qu’une augmentation des besoins est attendue avec un accroissement général des activités humaines. Dans ce contexte on peut s’interroger sur ce qu’il en sera en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Par A. CHANZY, E. SAUQUET, O. BANTON et N. ROCHE
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est caractérisée par une forte hétérogénéité spatiale des ressources hydriques, avec des zones de plaine présentant déjà un déficit hydrique saisonnier, alors que les zones de montagne sont à la source d’un réseau hydrographique important irrigant les zones de piémont et offrant une ressource qui couvre les besoins. Ces transferts d’eau amont/aval ont largement été exploités dans le passé pour faire face à la demande, grâce à des infrastructures telles que les aménagements de la Durance et du Verdon. Par ailleurs, les aquifères constituent dans la partie aval des ressources qui sont largement exploitées pour les différents usages de l’eau.
La question est de savoir si les changements climatiques vont modifier l’état des ressources et déséquilibrer un développement économique ayant su tirer parti d’une ressource plutôt abondante. Pour répondre à ces questions, il est important de se mettre à l’écoute des « signaux » passés avec l’analyse des séries temporelles décrivant l’état des ressources (débit des cours d’eau et des sources, niveau des aquifères, qualité des eaux) et de se projeter dans le futur en simulant l’état des systèmes, en intégrant à la fois les projections climatiques et l’évolution des besoins en eau. Associer ce dernier point dans la réflexion est essentiel si on veut appréhender de manière pertinente les futures tensions sur l’eau.
Le devenir des eaux de surface avec l’exemple du système durancien
Concernant les transferts amont/aval, le cas de la Durance est emblématique de la région. Le projet de recherche R²D² 2050 a cherché à mieux cerner les évolutions possibles du régime de la Durance en se focalisant sur le milieu du XXIe siècle. Il s’est appuyé sur une chaîne de modélisation numérique inédite, incluant des représentations actuelles et futures du climat, de la ressource naturelle, des demandes en eau et du fonctionnement des grands ouvrages hydrauliques (retenues de Serre-Ponçon, Castillon et Sainte-Croix) qui délivrent l’eau en fonction des demandes aval sous contraintes (notamment le respect des débits réservés et des cotes touristiques estivales). Un exercice de prospective (décrit dans l’encadré page précédente) a permis de travailler sur plusieurs scénarios de développement socio-économique des territoires.
Outre les impacts évoqués dans la première partie sur la température et les précipitations, les résultats obtenus suggèrent à l’horizon 2050 :
Au niveau des trois retenues, les résultats obtenus avec les modalités de gestion actuelle suggèrent une diminution globale de la production d’énergie due notamment à la réduction des apports en amont des ouvrages hydroélectriques. En outre, le mode de gestion actuel semble garantir les débits réservés et des droits d’eau pour les usages en aval des ouvrages et considérés comme prioritaires. Cependant, cette satisfaction des demandes en eau ne sera possible qu’au détriment de la production d’énergie en hiver (réserves moins mobilisables pour produire de l’hydroélectricité en période de pointe) et du maintien de cotes touristiques en été.
Même si les réserves physiques en eau semblent suffisantes en 2050 et si des incertitudes demeurent à tous les niveaux de modélisation, les changements climatiques et socio-économiques des territoires préleveurs des eaux de la Durance vont modifier la capacité à satisfaire les différents usages, en raison d’une modification de la répartition annuelle des débits. Des tendances fortes émergent sur les étiages estivaux ce qui doit encourager la mise en œuvre de mesures « sans regret », c’est-à-dire bénéfiques dès maintenant et quel que soit le devenir climatique, afin de prolonger et soutenir les actions d’économie d’eau déjà engagées. Les acteurs devront trouver les voies qui leur permettront de parvenir à un nouvel équilibre qui sera un compromis.
Zoom 5. Gestion prospective de l'eau
Un exercice de prospective a été mené dans le cadre de trois ateliers territoriaux, avec le soutien d’acteurs impliqués dans la gestion de l’eau pour construire quatre scénarios contrastés de développement socio-économique des secteurs connectés au système Durance-Verdon. Ces quatre scénarios (numérotés de 5 à 8 sur la figure) ont été rédigés sur la base d’hypothèses indépendamment du climat, sans chercher a priori un équilibre entre offre et demande en eau, nuancées par secteur géographique, portant sur quelques variables clés : niveau de gouvernance et prérogatives, occupation des sols et urbanisme, croissance économique, dynamique démographique, orientations en matière de développement socio-économique, de politique énergétique et environnementale.
Une fois les scénarios rédigés, il s’agit, à l’échelle des six territoires considérés, de quantifier les variables d’évolution des usages de l’eau (i.e. évolution des populations résidentielle et touristique, de l’occupation des sols, des assolements, des surfaces irriguées, des rendements des réseaux d’adduction et de distribution d’eau, du changement de mode d’irrigation, de la source d’approvisionnement en eau, des technologies), puis d’estimer les demandes en eau à l’aide de modèles et de fonctions de demandes/ prélèvements en eau.
Le devenir des aquifères
Les aquifères – ou ressources souterraines – de la région sont largement exploités pour les différents usages. Ils jouent un rôle de tampon en lissant la variabilité annuelle et interannuelle des écoulements et permettent de répartir la ressource d’eau dans l’espace et le temps selon les besoins. Le changement climatique aura un impact sur le volume d’eau stocké dans ces aquifères par le biais de la recharge et des prélèvements. L’analyse du passé ne révèle pas de baisse tendancielle non réversible et ce malgré une augmentation des prélèvements et un accroissement de la demande évaporative. Par exemple, les baisses transitoires du niveau des aquifères et des débits des sources karstiques constatés lors des sécheresses répétées de 2004 à 2007, ont ainsi été compensées par les dernières années pluvieuses. Cet exemple montre l’importance de la variabilité climatique et la capacité de résilience des aquifères qui nécessite de considérer des périodes de temps long pour dresser un diagnostic sur la vulnérabilité quantitative des aquifères.
Le changement climatique ne devrait pas impacter significativement les prélèvements comme le montre l’étude R2D2 2050 mentionnée précédemment. Une étude un peu plus fine sur la plaine de la Crau montre que les besoins en irrigation augmenteraient entre 0 et 12% à l’horizon 2050, selon les systèmes de culture.
Par contre, la recharge risque d’être affectée de plusieurs manières. D’une part, une augmentation de l’évapotranspiration conduit à une diminution des flux d’eau vers l’aquifère. D’autre part, une variabilité accrue des précipitations aurait un impact positif ou négatif sur la recharge selon les modes de transferts d’eau vers l’aquifère. On s’attend par ailleurs à ce que la variabilité des précipitations accentue l’intermittence des approvisionnements en eau sur les aquifères karstiques et fracturés.
Afin d’avoir une vision plus intégrée des impacts, en considérant l’ensemble des contributions intervenant dans le flux net de recharge (recharge moins prélèvements par l’irrigation et la végétation), on montre dans le cas de l’aquifère de la Crau que le changement climatique seul modifie peu ce flux. Par contre, si la dotation en eau est réduite de 30% suite à des arbitrages dans la répartition des usages ou à une diminution de la ressource au niveau des Alpes, les répercussions sur l’aquifère seraient très importantes avec un rabattement du niveau de l’aquifère de plusieurs mètres par endroit.
Sur le plan de la qualité des eaux souterraines, la principale menace imputable au changement climatique concerne la remontée du biseau salé au niveau des aquifères côtiers. C’est un problème déjà avéré dans la basse vallée du Rhône qui pourrait s’accentuer sous les effets conjugués de l’augmentation du niveau de la mer, de l’amplitude des marées et de la diminution du flux d’eau à l’exutoire de l’aquifère. A un problème de quantité pourrait donc s’ajouter un problème de qualité.
Conclusions
Au regard des projections climatiques utilisées, les études réalisées sur les eaux de surface et les eaux souterraines ne semblent pas révéler de problèmes majeurs pour la ressource hydrique à l’horizon 2050 en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cependant, une telle conclusion doit être modulée par plusieurs considérations :
A un horizon plus lointain (2085) les projections indiquent des variations beaucoup plus significatives des grandeurs climatiques impactant le cycle de l’eau. On doit s’attendre à des tensions sur les usages de l’eau qui vont très probablement s’exacerber dans la seconde partie du XXIe siècle.
3 questions à C. VALLET-COULOMB
1. Quels sont les impacts du changement climatique sur les ressources en eau souterraines dans le bassin méditerranéen ?
Dans le bassin méditerranéen comme ailleurs, les ressources en eau souterraine sont affectées par les modifications du régime de précipitations (en quantité ou en intensité) qui influencent directement les flux de recharge. De plus, la très forte concentration des populations sur les zones littorales amplifie l’effet du changement climatique dans le pourtour méditerranéen. Enfin, les aquifères côtiers sont affectés par la remontée du niveau de la mer qui provoque l’intrusion d’eau salée et peut rendre la ressource inutilisable.
Il est difficile d’isoler les impacts du changement climatique des impacts humains directs qui sont souvent les principaux facteurs de la dégradation de la ressource : soit par des prélèvements trop importants, soit de manière indirecte en provoquant une diminution de la recharge (imperméabilisation des surfaces, modification de l’occupation des sols ou des pratiques d’irrigation…).
2. Quels sont les moyens d’adaptation pour limiter la vulnérabilité des sociétés et territoires ?
Pour préserver les eaux souterraines, il est nécessaire de rééquilibrer les bilans d’eau, en favorisant la recharge et en minimisant les prélèvements. Il existe des solutions techniques relativement récentes, comme la recharge artificielle et le développement des ressources non conventionnelles (dessalement, réutilisation des eaux usées, etc.). Mais on doit également s’appuyer sur l’optimisation de l’aménagement du territoire en évitant l’imperméabilisation des surfaces et en maintenant des conditions favorables à l’infiltration naturelle, même en milieu urbain et périurbain (création de parcs, maintien de cours d’eau naturels, etc.). Enfin, une réduction des consommations est indispensable, et elle passe par une limitation des gaspillages et une réduction des « empreintes eau » des produits alimentaires et manufacturés.
3. Quels sont les principaux « verrous » scientifiques et enjeux pour la recherche de demain ?
Il faut pouvoir identifier et quantifier la réponse des ressources en eau souterraine aux influences des variations climatiques et des pressions humaines, quelles soient directes ou indirectes. Pour cela, il est nécessaire de coupler des modèles fonctionnant à différentes échelles (ex. : modèles climatiques/modèles hydrogéologiques) et relevant de différentes disciplines (agronomie, économie, sociologie, etc.). L’interdisciplinarité en modélisation est un des verrous scientifiques dans ce domaine.
Par C. ASPE
L’eau est sans doute l’élément naturel qui a le plus mobilisé les sociétés humaines pour en faire usage. Elles ont dû, pour atteindre leurs objectifs, gérer son abondance et/ou sa pénurie. Si la plupart des formes modernes d’irrigation au nord de la Méditerranée (barrages, pompages, aspersion, etc.) trouvent leur origine dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’utilisation de la force gravitaire (encore très largement répandue aujourd’hui sur l’ensemble du bassin méditerranéen) remonte quant à elle à plusieurs millénaires avant notre ère, en Haute-Égypte.
Contrairement aux régions à forte pluviométrie, les régions méditerranéennes ont dû, depuis des siècles, composer avec la rareté de l’eau et/ou son inégale répartition dans le temps et dans l’espace. C’est pourquoi la construction du « partage » de l’eau est inhérente au développement des sociétés méditerranéennes. En ce qui concerne la région provençale, ce partage a revêtu des formes multiples : entre l’amont et l’aval (des Alpes au Comtat Venaissin), entre les deux rives de la Durance (Vaucluse et Bouches-du-Rhône), entre différents usages et usagers, mais aussi entre une même catégorie d’usagers. Cette culture du partage ne s’est pas faite sans conflits et leurs règlements ont été constitutifs de formes singulières d’organisation et de gestion collective de l’eau.
En Provence, l’agriculture irriguée n’est pas la préoccupation essentielle des premiers bâtisseurs de canaux, les sociétés locales méditerranéennes adaptant leur subsistance à des cultures nécessitant peu d’eau telles que la vigne, les oliviers, les céréales ou les légumineuses. C’est d’abord l’eau domestique (fontaines, captages de sources, lavoirs,…) mais surtout l’eau en tant qu’énergie hydraulique qui conduira à la dérivation et à la canalisation de nombreux cours d’eau pour faire fonctionner les moulins, principalement à blé, mais aussi à fer, chanvre, papier et huile. Le moulin à eau ou moulin hydraulique, première utilisation d’une énergie non animale, sera de fait au cœur de la révolution industrielle du Moyen Âge. Les techniques d’irrigation déployées au nord du bassin méditerranéen du Moyen Âge jusqu’au milieu du XIXe siècle vont surtout consister à retenir l’eau de ruissellement (système des terrasses) et la récupérer par un système ingénieux de galeries drainantes, à utiliser les « fuites » en aval des moulins, ou encore à forer des puits et capter des sources.
Une irrigation à plus grande échelle s’imposa avec les transformations économiques. La vente des biens nationaux après la Révolution française va permettre l’expansion du nombre de paysans propriétaires, mais aussi l’émergence de nouveaux notables locaux qui investiront de manière significative dans la modernisation des systèmes hydrauliques. Au XIXe siècle, la vocation première des canaux devient agricole, et la construction de nouveaux ouvrages durant cette période vise à intensifier la productivité agricole de l’arrière-pays provençal par l’accord de nouveaux droits d’eau et la création d’une structure commune de gestion des ouvrages hydrauliques, les associations syndicales autorisées (ASA). Aujourd’hui, cette vocation agricole reste prioritaire dans la gestion des canaux d’irrigation, surtout dans le bassin de la Durance où les 15 canaux maîtres desservent 150000 ha via un linéaire gravitaire de 150 km de réseau principal et 4000 km de réseaux secondaires.
S’intéresser au devenir de l’eau agricole implique à la fois de comprendre les transformations qui affectent de nos jours la vocation économique et sociale de cette eau, mais aussi les réseaux d’irrigation formés de l’ensemble des ouvrages et des matériels nécessaires pour mettre la ressource en eau à la disposition de l’agriculteur. Ces ouvrages hydrauliques ne sont en effet pas simples témoins des progrès scientifiques et techniques à travers les siècles, mais révèlent aussi des savoirs et savoir-faire liés à des formes de culture différenciées de l’eau qui nous renseignent sur les rapports nature/société, mais aussi sur les rapports des hommes entre eux.
Le secteur agricole en tant que premier consommateur d’eau est aujourd’hui de plus en plus sommé de faire des économies en la matière, en particulier dans la perspective d’un réchauffement climatique. Les agriculteurs s’adaptent à cette demande sociétale en s’équipant de techniques d’irrigation moins consommatrices. Mais en Provence, les canaux gravitaires, anciens ouvrages hydrauliques, continuent de jouer un rôle majeur dans le partage de la ressource et sa gestion et pourrait continuer à assurer ce rôle encore longtemps. En effet, ces canaux peuvent être d’une utilité majeure dans le cadre de scénarios de « trop » ou « pas assez » d’eau, provoqués par le changement climatique en région méditerranéenne.
Outre la gestion de la rareté par le partage, les structures hydrauliques anciennes des canaux d’irrigation gravitaire sont susceptibles d’aider aussi à la prise en charge d’un des effets attendus du changement climatique, le risque d’événements pluvieux intenses accompagnés d’inondations. Dans cette perspective, certaines communes de la région ont signé des conventions avec les ASA qui gèrent les canaux agricoles afin de pérenniser leur entretien. La multifonctionnalité des canaux agricoles est de plus en plus reconnue par les pouvoirs publics et en particulier l’Agence de l’eau. Celle-ci a impulsé et contribué à la mise en place de « contrats de canaux » dont l’objectif est d’impliquer de nouveaux acteurs dans la gestion et le financement de ces ouvrages au regard de leur multifonctionnalité et des fonctions environnementales ou patrimoniales qu’ils peuvent rendre (recharge de nappe, évacuation des eaux de pluie, maintien d’espaces humides, espaces de promenade et de loisirs). En région PACA, sept contrats de canaux ont été signés. Ces contrats, incitatifs et non coercitifs, représentent aujourd’hui un moyen pour pérenniser une gestion collective de l’eau des canaux qui ne soit plus exclusivement orientée vers son usage agricole, mais davantage sur la multifonctionnalité des ouvrages hydrauliques. La reconnaissance contemporaine du rôle historique de ces systèmes hydrauliques dans le partage de l’eau doit aujourd’hui composer avec la valorisation de leurs fonctions environnementales en tant qu’outil d’aménagement du territoire.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est caractérisée par une grande diversité d’habitats naturels, depuis les sommets alpins (Barre des Écrins culminant à 4105 m) et leurs glaciers, en passant par divers paysages de moyenne montagne jusqu’à la Crau, le delta du Rhône (Camargue) et le littoral, souvent rocheux, de la Côte d’Azur, sans oublier un environnement marin très riche jusqu’à de grandes profondeurs (2000 m). Bien qu’il n’existe plus d’écosystèmes réellement naturels dans la région, la plupart de ces paysages terrestres et marins abritent encore des écosystèmes semi-naturels et une grande biodiversité. La diversité des écosystèmes de Provence-Alpes-Côte d’Azur est ainsi l’une des plus riches au monde avec, par exemple, près de 4000 espèces de plantes vasculaires.
Par W. CRAMER
Les écosystèmes, tant terrestres que marins, sont fortement affectés par le climat et donc par le changement climatique. Après les épisodes de glaciation, des espèces ont colonisé les régions précédemment couvertes de glace, les écosystèmes se sont succédé, les sols et les dépôts organiques se sont formés et tous ces systèmes ont évolué avec les fluctuations du climat durant l’Holocène. De cet historique, on peut être tenté de déduire que de nouveaux changements dans la répartition des plantes, des animaux et des écosystèmes sous des conditions plus chaudes et plus sèches n’auraient finalement pas réellement d’importance pour la biodiversité en général. Si des espèces disparaissent du paysage, d’autres prendront leur place. Pourtant, les conséquences du changement climatique récent et à venir sur l’environnement naturel et la biodiversité représentent réellement des risques majeurs pour plusieurs raisons : i) le changement climatique récent et projeté se fait à un rythme plus rapide que tout changement passé, remettant en cause la possibilité de remplacement d’une espèce par une autre, ii) les impacts climatiques se combinent à d’autres facteurs de stress comme le changement d’usage des sols, la pollution et le développement des infrastructures, entraînant des évolutions dans la composition et le fonctionnement des écosystèmes, et impliquant une perte d’espèces bien plus rapide que leur remplacement, iii) le remplacement d’espaces spécifiques, comme les paysages alpins, les prairies ou les zones humides – auxquels nous attachons une valeur (économique, patrimoniale, esthétique, etc.), – par d’autres écosystèmes peut représenter une perte pour notre société.
Baisse des précipitations et hausse de la demande évaporative se combinent pour accroître le stress hydrique dans la plupart des écosystèmes terrestres. Les océans se réchauffent également et subissent une acidification causée directement par l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère.
Alors que, de façon certaine, les récentes évolutions climatiques ont déjà modifié et vont continuer à modifier les écosystèmes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, sans doute à un rythme croissant, il reste délicat d’identifier la nature précise de ces changements, surtout si la hausse globale des températures dépasse les 2°C. Pourquoi ? En plus du climat, de nombreux autres facteurs ont un impact sur les écosystèmes et la biodiversité. L’urbanisation, les pollutions de l’air et de l’eau, l’intensification des pratiques agricoles, la construction d’infrastructures comme les routes, les barrages, les ports, etc. et l’arrivée d’espèces invasives, constituent autant de facteurs de pression sur les écosystèmes. Par ailleurs, des évolutions comme l’abandon des estives, la protection des espaces sensibles (comme la récente création du Parc national des Calanques), la restauration des écosystèmes endommagés, le retour de prédateurs comme le loup ou le développement de modes de cultures plus respectueuses de l’environnement, contribuent aussi à la modification des paysages, des écosystèmes et de la biodiversité.
Au final, la plupart des écosystèmes sont en évolution, beaucoup font face à des menaces sévères et, d’une façon générale, la région connaît une perte de biodiversité et d’écosystèmes semi-naturels à un rythme inquiétant – ces pertes ne pouvant être compensées, même par des mesures plus fortes de restauration et de protection qu’à l’heure actuelle. Isoler l’influence du changement climatique de celle des autres facteurs est difficile au cas par cas. Nous en savons néanmoins suffisamment sur la façon dont la température, les précipitations, le vent et le CO2 peuvent améliorer ou contraindre le cycle de vie des plantes et des animaux, pour déceler des tendances importantes dans les écosystèmes semi-naturels et les paysages des différentes zones de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme en témoignent les articles suivants.
Les plantes alpines se caractérisent par des adaptations à des conditions écologiques drastiques (gel, sécheresse, radiation solaire élevée, etc.). Elles ont donc la capacité d’absorber, jusqu’à un certain seuil, les conséquences des changements climatiques sur leurs habitats. Toutefois, ces mêmes changements, en modifiant le milieu alpin, permettent à des espèces alors inadaptées de le coloniser, du moins en partie. Une nouvelle compétition pour les ressources émerge alors avec une restructuration des communautés végétales alpines. Ce phénomène de migration « vers le haut » est déjà observable avec les arbres, d’autant plus que la limite supérieure de la forêt en montagne a historiquement et artificiellement été rabaissée dès le Néolithique (ouverture d’alpages, usage du bois). L’élévation de cette limite a été observée dans des zones jamais exploitées par l’homme. Dans les hautes altitudes, les plantes alpines vont élargir leur aire d’occupation si de nouveaux habitats deviennent disponibles, par la fonte des glaciers, par exemple. Mais elles peuvent aussi rencontrer des limites absolues dans la zone des sommets. Un autre phénomène important est le décalage de la phénologie : les changements climatiques peuvent élargir la période favorable à la croissance et à la floraison, avec toutefois le risque accru d’exposer les plantes à des périodes de gel ou sécheresse.
Les espèces les plus menacées sont celles liées à des conditions écologiques très spécifiques et très sensibles aux changements climatiques. On retrouve ainsi les plantes des combes à neige, habitats naturels caractérisés par un enneigement très long, n’offrant aux espèces adaptées qu’une fenêtre de croissance et de reproduction (floraison, fructification) très réduite. Le raccourcissement de la période d’enneigement, couplé à la richesse en azote du sol, entraîne une perméabilité plus forte à la colonisation par les espèces de pelouses environnantes : ces dernières ne sont plus limitées par la présence de neige et l’azote disponible facilite leur croissance. Les espèces propres aux combes à neige se retrouvent ainsi menacées à la fois par la modification de leur habitat et par la compétition issue de la colonisation.
Ce type de changement touche aussi les espèces arctico-alpines : ces plantes se sont principalement étendues pendant le Quaternaire, favorisées par les températures froides. L’augmentation de ces mêmes températures tend à restreindre toujours davantage l’étendue spatiale de leur niche écologique, car des espèces plus adaptées prennent le dessus. Un phénomène à large échelle pourrait impacter fortement nombre de plantes : les stades phénologiques (floraison principalement) se découplant de ceux des pollinisateurs. Des plantes fleurissant avant l’émergence de leur pollinisateur rend toute fécondation croisée impossible et entraîne ainsi les taxons (entités d’êtres vivants ayant des caractères en commun) concernés dans une spirale d’extinction.
La disparition de végétaux alpins est-elle programmée ? Plusieurs éléments fondamentaux amènent à une réponse prudente : (i) les espèces peuvent s’adapter, soit grâce à leur diversité génétique, soit par leur plasticité (sans changement génétique). Par manque d’études systématiques, il est difficile de statuer pour toutes les espèces alpines ; (ii) ce qui est perdu d’un côté (colonisation « vers le haut ») peut être gagné d’un autre (disponibilité d’espaces post-glaciers) ; (iii) est-ce que les espèces auront le temps de s’adapter ? L’évolution réserve parfois des surprises avec des adaptations contemporaines très rapides ; (iv) la capacité de dispersion des espèces : pour survivre face aux changements climatiques, nombre d’espèces alpines vont devoir migrer vers des espaces plus favorables.
Au final, pour l’ensemble des scénarios climatiques qui tendent vers un réchauffement climatique au cours du XXIe siècle, malgré les capacités d’adaptation et vitesse de dispersion des espèces évoquées, il est peu probable que la biodiversité alpine réponde au changement climatique sans subir un important appauvrissement biologique.
ZOOM 6. IMPACTS SYNERGIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET DU DÉVELOPPEMENT URBAIN SUR LA BIODIVERSITÉ DES ALPES-MARITIMES
Par G. HINOJOS-MENDOZA, E. GARBOLINO, V. SANSEVERINO-GODFRIN, P. CARREGA et N. MARTIN
Le projet CASSANDRE, soutenu par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a permis d’étudier l’impact des forçages climatiques et de l’action anthropique (artificialisation du sol) sur la biodiversité des Alpes-Maritimes jusqu’en 2100. Pour cela, un modèle de caractérisation de la biodiversité des Alpes-Maritimes a été mis au point pour montrer la richesse des différentes unités paysagères qui composent ce département. Par ailleurs, un modèle a simulé la dynamique d’artificialisation du sol en se basant sur les 20 dernières années de développement urbain et en intégrant différentes variables du territoire. Une simulation de l’évolution de l’espace urbain a été réalisée pour les périodes s’étirant jusqu’à 2050 et 2100 dans le but d’identifier les territoires qui seront potentiellement construits. Il résulte que, si les tendances de développement se confirment, l’artificialisation du territoire affectera près de 10% de la biodiversité des Alpes-Maritimes d’ici 2100. Si on ajoute à cette anthropisation l’impact du climat sur les unités paysagères des Alpes-Maritimes, c’est près de 30% de la biodiversité qui pourrait être affectée d’ici 2100. De tels résultats peuvent ainsi servir de base de réflexion pour la mise en œuvre de moyens de protection de la nature, tels que les Trames vertes et bleues, et pour la définition des stratégies d’adaptation au changement climatique.
Par T. CURT, T. FRÉJAVILLE et M. VENNETIER
Les changements climatiques ont un impact direct sur les écosystèmes forestiers (dépérissements, mortalité, migration d’espèces sur le long terme), avec comme principale conséquence une augmentation probable des sécheresses dans la région. Le bilan hydrique sera aussi impacté par des températures plus élevées menant à une évapotranspiration plus importante, mais aussi par la possible réduction des précipitations. Les changements ont aussi un impact indirect via la modification du régime naturel de perturbation, comme les incendies qui risquent de devenir plus intenses et plus fréquents, notamment dans les zones montagneuses de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les méthodes de simulation numérique permettent d’évaluer la probabilité d’un changement de régime d’incendie lié aux changements climatiques et leurs impacts sur la forêt en termes de mortalité post-incendie. Pour cela, on caractérise l’aléa incendie en fonction du climat local et de la probabilité d’ignition, puis on simule le comportement probable du feu (intensité, vitesse de propagation, hauteur de flamme) et on déduit le taux de mortalité pour chaque espèce forestière en fonction de leur résistance à l’incendie. Les résultats montrent une forte mortalité du pin noir, du pin sylvestre, du chêne pubescent et du hêtre qui sont majoritairement situés dans des secteurs où les feux seront très intenses et fréquents sous l’effet du changement climatique et du fait de leur situation dans des communautés végétales fortement inflammables.
Par ailleurs, des études récentes montrent qu’une forte interaction entre incendies et sécheresses répétées réduit la capacité de résilience des écosystèmes. La biodiversité de la végétation et du sol (faune, microfaune, communautés microbiennes) ainsi que la qualité du sol (taux de matière organique, porosité, structure des agrégats) sont plus fortement impactés par un incendie après des sécheresses répétées ou par une forte sécheresse après plusieurs incendies rapprochés. Bien que la combinaison incendie-sécheresse soit la norme en région méditerranéenne, le changement climatique risque d’accroître, à l’échelle locale et régionale, la conjonction de feux répétés et de périodes pluriannuelles de sécheresses, sans compter le rôle majeur du vent dans la propagation des incendies dans notre région.
Par P. GRILLAS
Les zones humides, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur, sont des systèmes naturels dont le fonctionnement est en étroite interaction avec les activités humaines. Les impacts du changement climatique sur la plupart des zones humides s’avèrent pour l’instant plus faibles que les impacts directs des activités humaines (notamment lorsqu’elles entrainent la destruction des habitats naturels ou l’altération du fonctionnement hydrologique). Cette analyse générale ne s’applique cependant pas aux zones humides littorales. En effet, l’élévation du niveau de la mer et l’érosion littorale (accélérée par l’augmentation de la fréquence des tempêtes) ont déjà un impact fort sur la position du trait de côte, le fonctionnement et la biodiversité des écosystèmes lagunaires. Elles impactent également certaines activités économiques (par exemple les salins) avec des conséquences sur la biodiversité. Ainsi, en Camargue, l’élévation du niveau de la mer conduit à des difficultés croissantes de drainage de la lagune du Vaccarès. Le recul de l’activité salinière permet l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer et conduit à des bouleversements écologiques des écosystèmes littoraux lagunaires et péri-lagunaires impliquant des changements importants de flore, de faune et des services. A moyen et long terme, les changements climatiques auront d’importantes conséquences pour la biodiversité des zones humides isolées, en particulier sur les espèces peu mobiles (plantes, mollusques, etc.) et endémiques, incapables de migrer pour s’adapter aux bouleversements de l’écosystème. Ainsi, par exemple, la Germandrée de Crau (Teucrium aristatum, voir photo) serait à long terme menacée dans sa seule station française par une réduction de la durée d’inondation.
Le rôle des zones humides méditerranéennes dans l’atténuation du changement climatique reste discuté par les spécialistes. Elles stockent plus ou moins de carbone selon leurs caractéristiques (notamment hydrologiques) mais peuvent en revanche produire d’autres gaz à effet de serre (méthane par exemple). Par contre, les zones humides, en particulier riveraines et littorales, peuvent jouer un rôle important dans l’atténuation des inondations, aggravées par le changement climatique, et de l’érosion du littoral. Néanmoins, ce service écologique est trop souvent limité par des aménagements lourds (en particulier les endiguements).
Par J.-P. GATTUSO
La Méditerranée s’est réchauffée de près de 1°C au cours des 25 dernières années. Les prévisions suggèrent un réchauffement d’environ 2,5°C au cours du XXIe siècle, avec surtout des températures élevées en été (supérieures à 29°C) dans le bassin oriental d’ici 2050. Comme les autres mers et océans, la mer Méditerranée absorbe du CO2 atmosphérique ainsi que l’excès de chaleur résultant de l’augmentation de l’effet de serre. Cette absorption par les océans limite le réchauffement de l’atmosphère, mais perturbe la chimie de l’eau provoquant son acidification. L’acidification de la Méditerranée peut être particulièrement prononcée dans les zones où les impacts humains, comme les rejets agricoles, altèrent d’autant plus la chimie de l’eau. L’acidité des eaux dans le nord-ouest de la Méditerranée a augmenté de 10% depuis 1995. Si nous continuons à émettre du CO2 au rythme actuel, l’acidité augmentera encore de 30% d’ici 2050 et de 150% d’ici la fin du siècle. Le réchauffement et l’acidification altèrent rapidement la vie marine en Méditerranée. Les espèces du sud-est méditerranéen (poissons, crustacés, mais aussi espèces vivant sur le fond comme les oursins, les coraux et les algues) migrent déjà vers les eaux plus fraîches du nord. Par exemple, la densité de population de la girelle paon a été multipliée par dix en moins de 5 ans depuis son arrivée dans la réserve marine de Scandola (nord-ouest de la Corse) en 1988. L’une des raisons expliquant le succès de cette expansion de l’aire de répartition de nombreuses espèces sensibles aux températures est leur capacité à se reproduire dans les nouvelles zones et à établir de nouvelles populations. Un exemple est l’apparition récente de juvéniles du mérou brun dans le Parc national de Port-Cros qui s’explique en partie par le réchauffement et en partie par le succès des mesures de protection fournissant les conditions adaptées à sa reproduction.
De nombreux organismes meurent en été des effets combinés du réchauffement et de l’acidification. Ces effets s’aggraveront avec le temps. Le réchauffement et l’acidification affectent les organismes marins de différentes manières. Au nord-ouest de la Méditerranée, plus de 30 espèces parmi les communautés vivant sur les fonds durs de la Méditerranée ont été affectées par des phénomènes de mortalité à grande échelle liés à des hausses inhabituelles de la température de l’eau de mer, et ce sur des milliers de kilomètres de littoral. Certains organismes planctoniques souffrent plus de l’acidification, alors que d’autres souffrent plus du réchauffement. Leur effet combiné peut amplifier l’impact sur certaines espèces. Les larves de poisson qui se nourrissent de ce type de plancton pourraient faire face à des problèmes nutritionnels dans le futur. Les virus et bactéries semblent, quant à eux, moins sensibles.
Le réchauffement et l’acidification menacent des écosystèmes iconiques de la Méditerranée comme les herbiers ou le coralligène. Ces écosystèmes sont des habitats ou des refuges pour des milliers d’autres espèces. Ils protègent le littoral de l’érosion et fournissent de la nourriture et des produits naturels aux humains. Le corail rouge de Méditerranée est particulièrement menacé.
Enfin, en raison des impacts sur la biodiversité que nous venons d’exposer, les bénéfices que tire la société de la Méditerranée sont menacés par le réchauffement et l’acidification. Les emplois et revenus dans la pêche, l’aquaculture ou le tourisme dépendent en effet de ce qui peut être exploité, des possibilités de loisirs et de la protection du littoral.
Les prévisions concernant le futur de la mer méditerranée font encore l’objet de grandes incertitudes. Il est indispensable de poursuivre et d’amplifier les recherches dans ce domaine. En attendant de substantielles réductions de CO2 , des stratégies d’adaptation peuvent être adoptées aux échelles locale, nationale et internationale : diminuer les rejets agricoles, agrandir les aires marines protégées et améliorer la protection du littoral peuvent, par exemple, réduire un peu le stress sur les écosystèmes marins. Ces mesures peuvent aider les communautés à maintenir leurs moyens de subsistance, fournir de la nourriture, protéger leurs côtes et maintenir leurs traditions culturelles. Réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère est le seul moyen de stopper l’acidification et le réchauffement des mers et des océans.
Les activités humaines constituent l’une des causes du changement climatique à travers les émissions de gaz à effet de serre qu’elles génèrent, mais elles sont également impactées par les effets de ce changement. Nombre de nos secteurs économiques reposent sur les ressources naturelles de notre territoire et sont largement dépendants du climat. C’est le cas en particulier des activités reposant sur les espaces productifs que sont les terres agricoles, les forêts ou la mer. C’est également le cas d’un secteur majeur en Provence-Alpes-Côte d’Azur : le tourisme. Ce sont des exemples d’activités non seulement concernées par la nécessité de limiter leurs propres consommations d’énergie et leurs propres émissions de GES, mais également par la nécessité d’anticiper les conséquences du changement climatique pour s’adapter.
Par B. SEGUIN et F. LEFÈVRE
Les impacts du changement climatique sur les formations végétales se traduisent par des processus écophysiologiques qui peuvent être schématisées ainsi :
Dans la mesure où ces différentes composantes conduisent à des conséquences extrêmement variables, les effets résultant sur l’agriculture et la forêt peuvent être tantôt positifs, tantôt négatifs, suivant les productions et les régions.
Des effets variables selon les productions agricoles
Globalement, les productions agricoles des latitudes élevées pourraient être favorisées, alors que celles des pays des basses latitudes seront affectées négativement. Le tableau pour l’Europe (et en particulier la France) recoupe ce partage entre Nord et Sud. A priori, les grandes cultures et les prairies, plutôt favorisées en France, pourraient être au contraire pénalisées dans le sud où apparaît le risque de sécheresses accentuées, accompagnées de températures excessives. Pour les arbres fruitiers et la vigne, l’avancée généralisée de la phénologie peut accentuer les problèmes de risque de gel au moment de la floraison, et agir sur la quantité, mais aussi la qualité du produit suite à l’avancée des stades sensibles. En ce qui concerne l’agriculture, au niveau français, il existe des projections issues des travaux de l’Inra d’Avignon, en complément d’études préalables plus ponctuelles. Pour l’essentiel, elles ont été effectuées dans le cadre du projet Climator qui se basait sur treize sites considérés comme représentatifs, dont celui d’Avignon. Des estimations sont ainsi disponibles sur ce site pour des cultures annuelles (blé, maïs-sorgho, colza, tournesol, prairie) et la vigne : la synthèse pour la zone sudest, vue à travers le site d’Avignon, met en relief l’effet prédominant du déficit hydrique annuel. Il en résulte une légère diminution du rendement des cultures annuelles telles que le blé en pluvial (c’està-dire non irrigué), ainsi qu’une baisse du confort hydrique de la vigne. Par contre, dans les situations irriguées, les effets positifs énoncés plus haut peuvent prendre le dessus et conduire à une augmentation des potentiels de rendement des cultures, sous réserve que l’action négative possible, actuellement mal cernée, de températures excessives ne vienne pas assombrir le tableau. Bien évidemment, ces projections, pour détaillées qu’elles soient sur le site d’Avignon, demanderaient à être reprises et spatialisées pour être adaptées aux différentes caractéristiques locales au sein de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais le travail est absolument colossal et seul un premier essai d’essaimage pour quelques petites situations représentatives pourrait être envisagé dans le futur proche. Il serait, en particulier, souhaitable de progresser dans l’identification de méthodes d’adaptation concrètes, pour lesquelles on dispose seulement encore de modalités très générales : associer les changements à recommander pour le choix des variétés et des techniques culturales (incluant l’irrigation), tout en gardant à l’esprit les interactions possibles avec les ravageurs et les maladies cryptogamiques. Un déplacement géographique vers le nord ou en altitude est également à considérer, mais il n’est pas directement envisageable pour les productions liées au terroir, comme le sont les appellations d’origine contrôlée. Il est à noter que les effets majeurs du changement climatique constatés pour la région depuis la fin des années 1980 (comme dans beaucoup de zones géographiques) sont, pour l’essentiel, en bon accord avec ces projections : en premier lieu, l’avancée généralisée des stades phénologiques (en particulier, dates de floraison pour les arbres fruitiers et de véraison pour la vigne) conduisant en fin de cycle à une avancée notable des dates de récolte (moissons pour les céréales, vendanges pour la vigne) ; mais aussi forte contribution à la stagnation du rendement du blé et à l’augmentation du degré alcoolique du vin. Bien évidemment, l’analyse des séries historiques fait toujours apparaitre une forte variabilité interannuelle qui se superpose à l’évolution moyenne, mais cette dernière est fortement significative, ce qui renforce la crédibilité des projections présentées plus haut. À titre d’exemple, en 50 ans, les vendanges à Châteauneuf-du-Pape ont avancé de trois semaines. Au final, un réchauffement de l’ordre de 2°C ne provoquerait qu’un léger déplacement d’équilibre, restant dans les limites des capacités d’adaptation presque traditionnelles. En revanche, il est difficile de cerner les conséquences d’un réchauffement de 4 à 5°C. Il provoquerait sans doute des ruptures significatives. Même s’il n’est pas le seul facteur d’influence de l’agriculture, il aurait un impact réel sur la productivité et la répartition des cultures et la menacerait directement par l’accroissement du nombre et de la sévérité d’épisodes d’événements extrêmes, essentiellement les canicules et les sécheresses.
Les forêts méditerranéennes
Pour les forêts et autres espèces pérennes, les conséquences doivent être envisagées dans la durée, avec de possibles effets cumulatifs des fluctuations climatiques annuelles (par exemple années sèches successives). Les échelles de temps à considérer vont de quelques années, pour anticiper les modifications de fonctionnement des peuplements en place, à plusieurs dizaines d’années si l’on veut intégrer leur renouvellement, avec bien évidemment des niveaux d’incertitudes croissants. Les conséquences sur la forêt seront très variables selon les régions, voire les microrégions (topographie) et selon les essences. Un niveau d’incertitude supplémentaire vient de la complexité des interactions dynamiques entre les arbres et leurs symbiotes, parasites ou ravageurs. De façon très globale, on attend le même partage entre Nord et Sud que pour les cultures, avec une sensibilité particulière à court terme des forêts de la région intermédiaire qui ne sont pas acclimatées aux épisodes de sécheresse. Les forêts de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (couvrant 42% de la région, au deuxième rang en France) sont particulièrement diversifiées en termes de composition d’essences et de structures et, de plus, elles couvrent des milieux très variés s’étageant du niveau de la mer aux massifs alpins avec un rôle majeur de la topographie sur le microclimat local. Les conséquences du changement climatique sur les forêts de la région sont et seront donc très hétérogènes selon les sites. On peut s’attendre à une remontée de la zone de transition des essences que l’on retrouve aussi en forêt tempérée (comme le pin sylvestre, le hêtre, le sapin, l’épicéa etc. qui sont ici en marge sud de leur aire de répartition) et des essences typiquement méditerranéennes (comme le pin d’Alep, cèdre, chêne liège, etc. qui sont ici en marge nord de leur aire). Des dépérissements importants sont déjà observés sur certaines essences (ex. : épicéa, sapin) à la suite de la canicule de 2003 et aux années sèches qui ont suivi, conjugaison complexe d’effets de la sécheresse et de parasites (insectes, gui). Certaines essences comme le pin sylvestre ont vu leur productivité baisser depuis plusieurs années, tandis que d’autres comme le pin d’Alep qui ne semblaient pas encore affectées commencent à le devenir. Les dépérissements peuvent contribuer à l’augmentation du risque incendie (lire articles suivants). Les impacts du changement climatique sur la reproduction et la régénération restent à quantifier. Mais il faut aussi tenir compte de la grande biodiversité des peuplements, gage d’une certaine résilience et d’un potentiel adaptatif des forêts que l’on a encore du mal à évaluer (un dépérissement partiel limité peut être le signe d’une sélection naturelle bénéfique). Pour adapter les forêts de la région tout en préservant les options futures pour faire face aux multiples incertitudes à moyen et long terme, il est fondamental d’adopter une stratégie de gestion adaptative déclinée selon les spécificités des contextes locaux d’altitude, de versant, d’espèces…
ZOOM 7. RÉDUIRE LA CONTRIBUTION DE L’AGRICULTURE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Par J.-M. BARBIER
Face au changement climatique, de nombreux travaux cherchent à anticiper les conséquences en examinant comment adapter dès maintenant les systèmes de production agricoles. Beaucoup moins d’efforts sont déployés pour chercher à atténuer les effets des choix et pratiques agricoles sur les émissions de GES. Or le secteur agricole et alimentaire peut jouer un rôle majeur pour maintenir le réchauffement planétaire dans une limite acceptable et stabiliser la concentration en CO2 de l’atmosphère.
Il existe tout d’abord des marges de manœuvre importantes à l’échelle des exploitations agricoles. Les techniques issues de l’agro-écologie qui permettraient d’opérer une intensification durable de l’agriculture peuvent conduire à réduire l’usage des intrants – notamment des engrais minéraux azotés –, à limiter l’intensité du travail du sol (non-labour) et à favoriser les recyclages internes dans les unités de production. Ces pratiques sont susceptibles de fortement réduire la contribution de l’agriculture au changement climatique puisque l’azote et la consommation des carburants sont les principaux postes d’émissions de GES dans les systèmes agricoles. Il n’est cependant pas certain que ces atténuations directes suffisent, il faut aller plus loin.
Cela est possible car l’agriculture, comme la forêt, est susceptible de rendre d’importants services de nature « climatique ». Un usage approprié des sols et, notamment, un usage agricole favorisant les cultures pérennes (prairies, agroforesterie), la forêt et une gestion adaptée de ces agro-écosystèmes rendrait en effet possible le stockage d’importantes quantités de carbone. Ainsi, pour réduire significativement les émissions de GES, il convient d’adopter des démarches qui ne considèrent pas seulement chaque unité de production individuellement mais qui s’inscrivent dans une approche territoriale. Une telle approche permet d’optimiser à la fois la réduction des sources d’émissions à l’échelle des parcelles cultivées et des bâtiments d’élevage, le stockage dans les sols et la végétation (puits de carbone), ainsi que la production locale d’énergie via les bâtiments agricoles, mais également la biomasse et les techniques de méthanisation (toute production d’énergie verte permet de réduire d’autant la consommation d’énergie fossile). Enfin, les territoires sont également des lieux où il est possible d’adapter les systèmes alimentaires car, au-delà des circuits de distribution et des gaspillages alimentaires, il existe des différences très importantes d’émissions de GES selon la nature des aliments consommés. Une modification des comportements des consommateurs vers des régimes moins carnés doit être encouragée au plus vite pour libérer, à l’échelle mondiale, des terres où il serait possible de stocker du carbone et produire de l’énergie verte.
FORÊTS MÉDITERRANÉENNES ET SÉQUESTRATION DE CARBONE
Par G. SIMIONI
Les forêts méditerranéennes présentent des typologies très variées et sont souvent de structures complexes (mélangées, hétérogènes), autant de facteurs qui influencent la séquestration (par exemple, les forêts constituées de vieux arbres stockent moins le carbone). La séquestration de carbone à l’échelle régionale reste cependant peu étudiée. L’Institut forestier national (IFN) l’estime à environ 1 million de tonnes de carbone. Pour le futur, les quelques travaux par simulations en zone méditerranéenne à l’aide de modèles mécanistes suggèrent une augmentation de la séquestration. Cela résulterait de l’effet fertilisant de la hausse du CO2 et de l’allongement de la période de croissance. Mais ces études ponctuelles ne prennent pas encore en compte les dommages par cavitation (rupture du flux de sève dans l’arbre en cas de sécheresse extrême), l’augmentation du risque incendie, la pollution par l’ozone, la déposition d’azote (apport d’azote contenu dans l’atmosphère qui peut se faire lors de pluie ou sous forme de dépôt sec), les effets de pathogènes, les successions d’espèces... Les prédictions de séquestration de carbone en Provence-Alpes-Côte d’Azur restent donc très incertaines.
3 questions à I. GARCIA DE CORTAZAR-ATAURI
Quels sont les impacts du changement climatique sur les vignobles des Côtes-du-Rhône ?
Comme dans les autres régions de France, nous attendons une augmentation de la température de l’air dans les vignobles des Côtes-du-Rhône qui va certainement provoquer un avancement de la phénologie (débourrement, floraison, véraison) et de la récolte d’environ 8 à 10 jours par degré d’augmentation de la température (résultats CLIMATOR). Ce changement va affecter la croissance de la plante, mais aussi les conditions climatiques de la période de maturation. Celle-ci aura lieu au moment le plus chaud de l’été (courant juillet-août, plutôt que août-septembre) et cela va modifier en partie les caractéristiques organoleptiques des raisins à la récolte. Par ailleurs, des changements sont attendus concernant la pluviométrie avec une diminution significative pendant la période estivale. Cela va affecter l’état hydrique de la plante et sa capacité de production. Néanmoins, ces phénomènes ne vont pas affecter de la même manière la plante selon le type de sol de chaque parcelle. Enfin, concernant les maladies, des modifications sont aussi attendues. Les premières études montrent notamment une diminution de la pression de maladies cryptogamiques due à des conditions climatiques moins favorables à leur développement (i.e. moins de jours de pluie).
Les terroirs viticoles méditerranéens actuels (PACA) seront-ils encore propices à la culture de la vigne dans 25 ans ? Faut-il envisager une redistribution spatiale des vignobles ?
Les informations relatives à l’évolution du climat ne nous font pas penser actuellement que les vignobles des Côtes-du-Rhône ne seront plus viables dans 25 ans. Par contre, les impacts décrits plus haut nous montrent que certaines adaptations seront nécessaires à court et long terme. Des études en cours sur le climat de certains vignobles nous montrent que des variations climatiques significatives existent dans des zones assez réduites (1-2°C de variation dans une zone de 25 km²). On peut imaginer qu’une redistribution des parcelles annulerait ou atténuerait les effets du changement climatique. Autrement dit, une parcelle qui serait aujourd’hui trop tardive ou trop fraîche, n’atteignant pas le niveau de qualité souhaité, pourrait atteindre ce dernier sans problèmes majeurs d’ici quelques années. Dans ce contexte, il est très important de faire une bonne analyse climatique à fine échelle de nos vignobles.
Existe-t-il des moyens d’adaptation et des opportunités pour les viticulteurs ?
Plusieurs voies sont étudiées actuellement par l’Inra qui a comme objectif d’évaluer et proposer des stratégies d’adaptation des vignobles face au changement climatique. Parmi les adaptations étudiées (autres que la redistribution parcellaire décrite plus haut), nous pouvons citer : la recherche de nouvelles variétés ou de clones de variétés déjà cultivées qui seront mieux adaptés aux conditions futures et donc capables de supporter des fortes températures ou le stress hydrique ; la gestion de la conduite pour changer le microclimat de la plante et améliorer les conditions climatiques pendant la maturation ; le développement de certaines techniques œnologiques (par exemple, la désalcoolisation ou l’acidification des vins) ; l’introduction de l’irrigation pour atténuer les effets des fortes températures et du stress hydrique sur la qualité du raisin et maintenir un certain niveau de production… Néanmoins, les adaptations ne seront pas les mêmes selon les zones géographiques, les vins recherchés (rosé, blanc, rouge) et les types de sol disponibles de la région. Comme dans d’autres régions, certains secteurs situés en altitude pourraient devenir propices à la culture de la vigne. Enfin, un travail commun avec les partenaires de la filière (instituts techniques, interprofessions, producteurs, syndicats…) est nécessaire pour bien identifier et définir ces stratégies d’adaptation.
Par T. CURT, T. FRÉJAVILLE et E. RIGOLOT
Les incendies de forêts sont une partie intégrante des écosystèmes méditerranéens. Ils constituent à la fois une menace pour les biens, les services et les écosystèmes, en détruisant chaque année des milliers d’hectares. Ils génèrent souvent des problèmes d’érosion et de désertification, de qualité de l’air et d’émissions de CO2 . Pourtant, ils sont aussi une perturbation nécessaire ou compatible avec le maintien d’écosystèmes comme les garrigues, par exemple.
Bien qu’il existe encore des incertitudes liées aux projections climatiques, les décideurs publics et les gestionnaires devront probablement faire face à une augmentation de la fréquence des incendies, de leur intensité et de leur sévérité. En Europe du Sud, les modèles actuels prédisent une augmentation globale du risque incendie liée à une augmentation des jours avec un danger sévère ou extrême et à un allongement de la saison à risque. La surface brûlée pourrait ainsi augmenter d’un facteur de 3 à 5 vers 2100 (scénario A2, pessimiste).
Toutes ces évolutions plaident pour une gestion adaptative des forêts pour limiter les risques et les impacts à long terme.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un point chaud pour les feux de forêts ; 75% des communes ont été touchées par des incendies. En région méditerranéenne française, en moyenne, 2500 départs de feux et 21000 ha de forêts et de milieux naturels sont brûlés par an. La région regroupe plusieurs facteurs prédisposant à l’éclosion, puis à la propagation : climat sec, chaud et venté, végétation abondante et souvent inflammable, forte pression anthropique (densité humaine, densité de l’habitat et des réseaux routiers...) qui génèrent de nombreux départs de feux. Elle comprend aussi une forte concentration d’enjeux humains et technologiques qui désorganisent les stratégies de lutte et augmentent fortement le risque.
L’activité des incendies dans la région dépend de trois grands facteurs : nombre de départs de feu (principalement générés par l’homme), végétation combustible et climat. La plupart des incendies survient en été, car les conditions météo sont très favorables et les activités humaines et touristiques sont décuplées. Cependant, des pics d’activité liés aux activités agricoles, pastorales ou forestières peuvent aussi exister hors été.
Les changements climatiques combinés aux changements d’occupation et d’usages du sol devraient modifier l’activité des incendies :
Par ailleurs, la hausse de la température devrait augmenter les dépérissements forestiers déjà constatés sur certaines espèces, ce qui augmente la biomasse combustible morte et donc l’intensité des incendies ;
La gestion du combustible est la seule action permettant de modifier le comportement du feu. Trois stratégies fondamentales sont possibles : cloisonnement des massifs forestiers par des réseaux cohérents et régulièrement entretenus, modification du combustible par une mosaïque d’interventions à l’échelle du paysage ou conversion des communautés végétales les plus sensibles en des formations végétales plus résistantes ou plus résilientes au feu. La 1ère option est certainement celle qui continuera à être la plus utilisée dans la région, mais une intensification durable de la gestion forestière liée à une demande en bois accrue dans le cadre de la transition énergétique présente des opportunités pour une sylviculture préventive bien maîtrisée.
Zoom 8. ÉVALUATION DU RISQUE D’INCENDIE DE FORÊT EN CORSE À L’HORIZON 2100
Par E. GARBOLINO
La Corse est un territoire déjà connu pour son exposition actuelle aux incendies de forêt. Le contexte de réchauffement climatique et les projections réalisées par le GIEC nécessitent d’évaluer l’impact sur le risque d’incendies sur ce territoire déjà vulnérable. Pour cela, le Centre de recherche sur les risques et les crises de MINES ParisTech a développé une méthodologie qui repose sur les étapes suivantes : l’étalonnage des plantes principalement impliquées dans les incendies de forêt avec les variables climatiques, l’estimation de la répartition potentielle de ces plantes selon le climat actuel (référentiel) et le climat futur (2100). La comparaison des probabilités de répartition selon le climat actuel et futur montre une progression moyenne des végétaux thermophiles et xérophiles (espèces propices à la propagation des feux) sur près de 300 m d’altitude, ce qui va provoquer le remplacement des autres végétaux moins exposés aux incendies de forêt. Ces résultats soulignent ainsi la possibilité d’une augmentation des surfaces exposées au risque d’incendie de forêt dans le futur et suscitent des questions quant à l’adaptation des pratiques d’utilisation du sol pour limiter la vulnérabilité du territoire. Cette méthodologie développée sur le territoire corse peut être appliquée à la région PACA.
Dans ces perspectives, toutes les options de maîtrise du combustible devront être mobilisées, comme le débroussaillement mécanique, le sylvo-pastoralisme, voire l’utilisation du feu lui-même pour la prévention des incendies de forêt. Cette dernière pratique peut être utile pour le maintien de la biodiversité et de certaines espèces dans des écosystèmes « contrôlés par le feu ». L’objectif d’une gestion raisonnée du risque incendie à long terme serait d’éviter les incendies dévastateurs, tout en encourageant des usages du feu (brûlage dirigé, usage traditionnel du feu respectueux des bonnes pratiques et de la réglementation) compatibles avec les activités humaines et le fonctionnement des écosystèmes.
Par L. GARDE et S. VIEUX
Les systèmes d’élevage méditerranéens et montagnards sont très largement déployés sur les espaces naturels pour l’alimentation de leurs troupeaux. Alpages, forêts, landes, marais et pelouses sèches fournissent ainsi 30% (pour l’élevage de haute montagne soumis à une longue période hivernale à l’intérieur) à 80% de l’alimentation annuelle des ovins, bovins et caprins.
Les milieux ouverts sont très sensibles aux effets du climat, du fait d’une faible réserve en eau du sol et d’une grande exposition au soleil et au vent. A l’inverse, landes et bois tamponnent les rigueurs du climat, d’une part parce que l’ombre prolonge l’appétence de l’herbe, d’autre part parce que les ligneux sont consommés par les animaux. La valorisation d’une grande diversité de milieux par les animaux et la mobilité de l’élevage (transhumance estivale et hivernale) sont donc des facteurs d’adaptation à la grande variabilité du climat et un atout pour l’adaptation au changement climatique. L’autre facteur d’adaptation au risque climatique est l’irrigation des surfaces de fauche permettant de sécuriser le stock hivernal.
Le changement climatique régional représente déjà un accroissement de température annuel de 1,5°C en 30 ans. Ce réchauffement, appelé à s’accentuer, devrait avoir des effets positifs (allongement de la durée de pâturage) et négatifs (baisse de la réserve en eau des sols) pour les troupeaux. Il devrait aussi se traduire par des accidents climatiques de plus en plus marqués. Enfin, le changement climatique pourrait impacter fortement les écosystèmes herbacés, sans que l’on sache encore si l’on assistera à une remontée des étages de végétation (« méditerranéisation ») ou à une série de ruptures affectant les espèces spécialisées (banalisation).
Un observatoire de ces changements a été mis en place à l’échelle des alpages de l’arc alpin, le réseau Alpages sentinelles. Il s’agit également d’un laboratoire de gouvernance partagée face à une menace pesant sur des écosystèmes remarquables qui sont aussi des espaces de production pour l’élevage régional.
Par P. GUIDETTI et P. FRANCOUR
La pêche est l’activité humaine liée à la mer la plus enracinée dans l’histoire et la culture, et la plus partagée par les communautés humaines côtières de la planète. Simple source de protéines à la base pour les populations côtières, elle est devenue une activité socio-économique de grande ampleur, dont il ne faut pas cacher les implications environnementales sur la biodiversité, les stocks ciblés ou non et les habitats. La pêche ? Non, les pêches ! Il faut a minima distinguer la pêche industrielle et la pêche artisanale. La première est plus développée technologiquement et suppose le recours à de grands navires et une véritable stratégie d’investissements financiers. La pêche artisanale (ou pêche aux petits métiers), en revanche, est une activité liée aux traditions locales, opérée par des petits bateaux côtiers, gérée au niveau familial ou par de petites coopératives, dont les produits sont généralement consommés localement.
L’accroissement de l’effort de pêche, essentiellement industrielle, et des impacts anthropiques variés (ex. : pollution, destruction d’habitat, nurseries) ont considérablement diminué les ressources halieutiques, tant sur la côte qu’au large. Toutefois, d’autres modifications de grandes ampleurs ont affecté l’écologie de la Méditerranée au cours des dernières décennies. Le terme « changement global » résume à lui seul tous ces phénomènes : hausse des températures ou du niveau de la mer, perturbations des échanges entre bassins océaniques (creusement du Canal de Suez) et introductions volontaires d’espèces. Les causes sont multiples et, dans le cas des pêcheries, ces changements ont provoqué des modifications de la répartition
géographique des espèces ou l’arrivée d’espèces exotiques, envahissantes ou non, en provenance de la mer Rouge ou de l’Atlantique. Une modification profonde de la faune et de la flore méditerranéenne est en train de s’opérer sous nos yeux. Des herbivores comme les poissons lapin (Siganus luridus et S. rivulatus) supplantent la saupe (Sarpa salpa) en Méditerranée orientale et entraînent une désertification des fonds rocheux côtiers. Des carnivores comme le poisson flûte (Fistularia commersonii) représentent une menace pour les espèces côtières de petite taille. Des espèces fortement toxiques, comme le fugu (Lagocephalus sceleratus), représentent un danger pour la santé humaine.
Traditionnellement, la pêche industrielle a été considérée, à l’opposé de la pêche artisanale, comme une pêche non durable. Les synergies éventuelles avec les autres activités anthropiques (aménagements littoraux, pollution, pêche de loisir, etc.) faisaient déjà peser de nombreuses menaces sur les stocks de poissons. Le changement climatique actuel et le changement global dans son ensemble représentent, sans aucun doute, une menace supplémentaire très sérieuse. Les conséquences directes et indirectes sont encore très largement inconnues, car l’essentiel des activités scientifiques se concentrent en priorité sur la simple signalisation des modifications faunistiques. Sans renier l’aspect fondamental de ces travaux, il est indispensable de promouvoir actuellement les recherches sur les conséquences directes et indirectes de ces modifications.
Par M. LOOTVOET et J.-P. CERON
Relecteurs : P. ROSSELLO, E. GEORGE-MARCELPOIL, S. ROBERT et C. CHAIX
L ’attractivité touristique des départements littoraux de Provence-Alpes-Côte d’Azur dépend largement de son climat chaud et ensoleillé. Si la météo – le court terme – conditionne souvent la réussite du séjour, surtout pour les destinations balnéaires, le climat – le long terme – est un facteur de décision important dans le choix de la destination, même si les critères financiers prévalent.
À l’avenir, on peut imaginer que ce climat devienne moins attractif en été à cause des températures de l’air trop élevées (et peut-être aussi de l’humidité croissante en bord de mer), mais les touristes ont tendance à sous-estimer leur sensibilité à la canicule et placent le seuil acceptable de la température à un niveau pouvant engendrer des risques pour la santé. L’amélioration des conditions climatiques aux intersaisons pourrait par contre représenter une évolution positive pour limiter la surfréquentation de certains sites, éviter la saturation des hébergements et ainsi réduire l’exposition des touristes à certains risques (feux de forêt ou événements climatiques extrêmes, par exemple).
La question peut aussi se poser en termes de position concurrentielle des destinations. L’amélioration des conditions climatiques au nord de l’Europe n’incitera-t-elle pas certaines clientèles privilégiant actuellement les rives de la Méditerranée à passer les vacances d’été à proximité de leur lieu d’habitation ? Et les conditions climatiques favorables au printemps et à l’automne ne profiteront-elles pas plutôt aux destinations de la rive sud, plus fortement touchées par les excès de chaleur estivale ? Le tourisme estival en montagne ne va-t-il pas être privilégié par les vacanciers désireux d’éviter les périodes de canicule ? Dans tous les cas, on comprend que les stratégies, souvent déjà en place, basées sur la qualité de l’offre, l’accessibilité et la valorisation du patrimoine resteront payantes.
Dans la zone alpine du territoire, pour le tourisme hivernal, les domaines skiables situés en dessous de 1500 à 1800 mètres d’altitude (selon le versant…) seront les plus touchés et les plus vulnérables, en l’absence d’adaptation des activités. L’épaisseur du manteau neigeux tend en effet à diminuer et le seuil critique pour la rentabilité de la station risque d’être atteint plusieurs années successives. Pour ces stations en particulier, la diversification des activités économiques (tourisme, agriculture…) apparaît comme la seule alternative actuelle. Pour les stations situées en haute altitude, la stratégie d’adaptation consistant à renforcer l’enneigement artificiel se confronte aux enjeux de réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, mais surtout aux impacts environnementaux locaux (création de bassins de rétention, par exemple). Et dans une perspective de hausse des températures, cette solution non soutenable risque de ne plus être viable. L’adaptation des stations de sports d’hiver passera sans doute par un travail de prospective sur l’ensemble des territoires concernés – intégrant développement touristique, autres activités économiques, urbanisme, cadre de vie, etc. – visant à penser et anticiper la diversification et à faire évoluer l’image de la montagne en hiver. Un appui financier et d’ingénierie destiné aux stations les plus vulnérables sera sans doute nécessaire. Enfin, n’oublions pas le tourisme estival en montagne qui pourrait gagner des clientèles recherchant la fraîcheur (montée du climatisme), mais perdre quelques activités emblématiques (fin de l’alpinisme glaciaire).
Au-delà des impacts directs du climat, le tourisme pourrait être indirectement perturbé par les effets du changement climatique sur les ressources du territoire : mutation des paysages, parfois emblématiques, limitation d’accès aux espaces naturels due à l’accroissement du risque d’incendie, surcoût de la préservation des plages dans un contexte d’élévation du niveau de la mer, conflits d’usage sur les ressources en eau, risques épidémiologiques, etc. Mais, si les images associées aux destinations pourraient être écornées par ces changements ou conflits, les déterminants de l’imaginaire touristique sont trop complexes pour que l’on puisse réellement prévoir l’effet sur l’attractivité des destinations.
Zoom 9. DES CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES DES ÉMISSIONS DE GES DU TOURISME RÉGIONAL
Le tourisme contribue à l’effet de serre avec les émissions liées principalement au transport des vacanciers de leur domicile vers le lieu de séjour et, dans une moindre mesure, sur ou à proximité du lieu de vacances, à l’hébergement et à la pratique d’activités. Le tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur se distingue en termes de répartitions de son impact selon ses composantes : la part des transports, généralement de l’ordre de 75% des émissions de GES du tourisme, a été évaluée à 67% dans la région. L’éco-efficacitéde l’activité est meilleure, comparée à d’autres régions touristiques grâce à une relative proximité de ses marchés émetteurs, une bonne desserte en train (à nuancer peut être pour les zones alpines) et un tourisme intra-régional important. Ce constat n’exonère pas de poursuivre les efforts, en améliorant les dessertes locales (le fameux « dernier kilomètre »), en promouvant les transports doux, en maîtrisant les consommations énergétiques dans l’hébergement, en particulier dans les stations de montagne et certains centres de vacances du tourisme associatif… mais aussi en évitant des stratégies d’adaptation énergivores, comme par exemple de généraliser la climatisation pour faire face aux excès de chaleur estivaux.
L’aménagement du territoire, la conception de nos villes, nos usages de l’espace et des bâtiments sont intimement liés à notre climat. Nos choix dans ces domaines ont un impact fort sur nos émissions de gaz à effet de serre, à travers, par exemple, nos déplacements ou nos besoins de chauffage et de refroidissement. Ils interagissent également avec notre capacité d’adaptation aux conséquences du changement climatique, avec la résilience de notre territoire face aux événements extrêmes, avec notre confort et notre sécurité au quotidien.
Par J.-L. IZARD
Le bâtiment comme émetteur de GES
Toute habitation émet des gaz à effet de serre (GES) tout d’abord lors de sa construction, puis pendant sa durée de vie.
Pendant le chantier, c’est la totalité de l’énergie primaire d’origine fossile investie dans la production et l’acheminement des matériaux de construction qui est en jeu. La solution est de privilégier les « matériaux biosourcés » ou à faible énergie grise. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne manque pas de filières pour ces matériaux (bois de construction, paille, pierre sèche…) qui devraient trouver des débouchés intéressants.
Pendant la durée de vie, la production de GES est fortement liée :
Le bâtiment et la ville soumis au réchauffement climatique
Si le réchauffement climatique peut être considéré comme un facteur favorable en hiver, à condition que les régulations des systèmes de chauffage du parc existant tiennent compte des périodes où les besoins sont plus faibles, il n’en va pas de même en été où il s’agit d’un facteur aggravant. La saison chaude devrait à la fois s’intensifier (canicules plus fréquentes) et s’allonger. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les besoins potentiels de climatisation pourraient augmenter au point de devenir plus importants que les besoins de chauffage en zone littorale et en plaine, surtout dans les villes soumises à l’effet d’îlot de chaleur urbain (ICU, lire article suivant). Là encore, la conception bioclimatique des bâtiments doit permettre de réduire les températures moyennes des habitations, notamment par la protection solaire, l’inertie et l’isolation thermiques et la ventilation nocturne quand c’est possible. Mais le grand enjeu sera de réduire l’ICU.
Pour réduire l’ICU, il est difficile d’avoir une action sur les chaleurs anthropogéniques, à moins d’interdire toutes les pollutions thermiques et notamment celles dues à la climatisation. La question des apports de la végétalisation pour le rafraîchissement des villes reste à étudier dans le contexte climatique méditerranéen. Celle de la brumisation des espaces, un des moyens de limiter les échauffements à l’échelle de la rue, est elle aussi posée : si cette technique reste dépendante de la disponibilité de la ressource en eau dans la région, il faut noter que l’efficacité du refroidissement évaporatif est plus grande dans la région grâce à la sécheresse de l’air (ce qui est moins vrai sur le littoral). Cette brumisation serait un moyen de soustraire les végétaux urbains au stress thermique qui devrait s’aggraver. Il est important de noter que l’usage de la brumisation ne serait que temporaire, l’efficacité la plus grande se situant en fin d’après-midi, dans le but de devancer et d’amplifier le refroidissement nocturne, très attendu pour compenser l’ICU qui justement est plus marqué la nuit.
zoom 10. L’ARCHITECTURE BIOCLIMATIQUE
À l’origine, c’est l’art de concevoir et réaliser des bâtiments capables de récupérer et gérer intelligemment les apports solaires en hiver (« systèmes passifs ») et de conserver de manière naturelle un minimum de fraîcheur en été, sans recourir à la technologie complexe des installations de chauffage solaires ou de climatisation, mais simplement en ayant recours à des formes favorables et à des matériaux thermiquement performants (inertie et isolation thermiques).
Enfin, compte tenu des forts taux d’ensoleillement, une autre action consisterait à augmenter l’albédo des zones urbaines afin de réduire les échauffements diurnes. Il s’agirait de mettre en œuvre des solutions techniques (ombrages de voiries, toitures blanches) dont la fonction serait de renvoyer au maximum le rayonnement solaire vers l’espace (l’urbanisme traditionnel méditerranéen faisait largement appel au blanchissement des façades…). Une solution qui allierait tous les avantages cités précédemment serait l’avènement d’une agriculture urbaine de type potager sur tous les espaces libres et les terrasses accessibles de la ville.
Par P. CARREGA
La question de l’îlot de chaleur urbain (ICU) est complexe dans les détails, car cet excès de chaleur en ville par rapport à la campagne environnante n’est pas toujours d’origine urbaine. Il convient d’abord de définir le niveau de hauteur auquel on fait référence, ce qui évite les quiproquos, chaque niveau faisant, de plus, appel à des techniques de mesure différentes :
Les plus grandes agglomérations de la région sont littorales et bénéficient de vents généraux fréquents à l’ouest du domaine (Mistral surtout), ou de vents thermiques locaux (brises de mer-terre), mais les mouvements pendulaires de ces brises thermiques recyclent l’air pollué...
L’ICU varie dans l’espace (il peut être fractionné) et dans le temps : il fait même place, surtout en été, le matin, à un îlot de fraîcheur, grâce à l’ombre des bâtiments retardant l’échauffement diurne, en particulier là où les rues sont étroites. L’intensité de l’ICU s’accroît durant l’après-midi et devient maximale en soirée et la nuit (figure 1).
Les ICU en Provence-Alpes-Côte d’Azur sont d’une relativement faible intensité en règle générale, car le contraste entre substrats urbain et rural est modéré et parce que, dans les agglomérations littorales, le contact terre-mer et le relief proche exercent une influence tyrannique par rapport à l’interface ville/campagne. Ainsi, l’ICU peut être lié à la topographie plus qu’à la ville.
Par M.-L. LAMBERT
Les politiques publiques commencent à s’intéresser à la question des microclimats urbains ou îlots de chaleur urbains (ICU). Certaines agglomérations ou villes expérimentent des dispositifs de végétalisation des espaces publics, des murs ou des toitures pour améliorer le confort d’été et lutter contre les ICU, ce qui peut être complexe dans le contexte climatique méditerranéen (végétaux ayant une faible évapotranspiration et donc un pouvoir rafraîchissant limité, ou nécessitant un apport d’eau important). Ces réflexions et pratiques passent aujourd’hui par le biais des PCET (plans climat-énergie territoriaux) qui doivent comporter un volet « adaptation au changement climatique ». Elles utilisent également d’autres vecteurs juridiques : la planification de la Trame verte et bleue urbaine, ou des « chartes de l’arbre ».
La recherche travaille donc, parallèlement, pour intégrer plus clairement ces enjeux dans les documents d’urbanisme. Des projets de recherche sont en cours pour proposer une méthodologie d‘intégration, dans les procédures juridiques et les politiques urbaines, de données quantitatives de microclimat urbain. Les résultats de ces projets permettraient aux collectivités de réfléchir plus systématiquement aux impacts sur le microclimat de leurs choix urbains, en termes de densité, d’artificialisation des sols et d’albédo des matériaux.
Par M. TEULE
Les adaptations du cadre bâti aux évolutions climatiques imposent des ruptures dans l’organisation de l’espace, la conception des bâtiments et des procédés constructifs. Les conditions des mutations sont techniques, organisationnelles, socio-économiques et visent un changement culturel, au sens des « formes acquises du comportement » aussi bien de la part des usagers que des producteurs et gestionnaires.
Depuis la fin des années 2000, des avancées techniques et architecturales ont été apportées pour que la construction neuve et la réhabilitation du bâti développent une plus grande maîtrise des dépenses et de moindres impacts environnementaux. Un moteur de l’initiation de ce mouvement en France fut le dispositif « Bâtiment à l’horizon 2010 » porté par le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) et l’ADEME.
Or, s’il y a bien un oublié dans ces grandes avancées imposées que l’on peut qualifier de nécessaire révolution écologique et énergétique, c’est l’usager. L’usager est en effet oublié en tant qu’acteur et concepteur de ses espaces de vie et réduit trop souvent à une cible de produits nouveaux qui, parce qu’ils seraient plus performants, moins polluants, devraient être adoptés naturellement sans discernement des diversités sociales, économiques et culturelles. Quant à la vie dans les nouveaux bâtiments à haute qualité environnementale (HQE) ou à basse consommation, leur impact sur l’évolution des comportements n’est pas à la hauteur des
espérances. Dès lors, il convient de s’extraire d’une conception de la production du bâti qui donne la primauté à la technique, pour aller vers une autre qui associe les usagers à la conception des lieux dont ils usent ou useront.
Aujourd’hui, après 30 années de politique de la ville et plus d’une décennie de pénétration sociale, technique et politique de l’idée du développement durable, la concertation avec les habitants ou les usagers est régulièrement convoquée. En matière d’aménagement, elle est inscrite dans la loi. Des méthodologies variées et éprouvées sont disponibles à tout maître d’ouvrage. Mais la notion de concertation reste peu précise et souvent appelée à des moments qui ne sont pas les plus pertinents pour que l’expertise des utilisateurs d’un bâtiment ou d’un espace urbain puissent tenir un rôle dans la coproduction du projet. Un rôle non pas au même titre et de la même manière que le maître d’ouvrage, ses différents assistants et le maître d’œuvre, mais au titre des personnes qui vivent les lieux quotidiennement qui sont porteuses de connaissances spécifiques issues de la pratique de ces lieux. Prendre en compte cette expertise, c’est favoriser la pertinence des innovations et leur appropriation. Pour ce faire, il s’agit de passer d’une approche de concertation à celle d’association de la maîtrise d’usage au processus du projet.
La maîtrise d’usage n’est pas un contre-pouvoir. Il n’appartient pas aux usagers de se substituer aux autres acteurs, mais d’énoncer et expliciter leurs attentes et d’en débattre avec les autres niveaux d’expertise. Ces paroles et analyses d’habitants ou usagers sont constitutives de la définition des besoins et donnent sens au projet tout en éclairant les processus de changement à mettre en place.
Pour favoriser une adhésion par l’instauration d’un dialogue constructif, l’association au processus d’élaboration du projet des habitants et usagers doit être initiée dès l’émergence de l’idée du projet et accompagner les étapes de diagnostic, de programmation et de conception, mais aussi de réalisation et de début de vie des lieux. Plus largement, c’est l’ensemble des partenaires de l’environnement du projet qui est associé au dispositif de discussions à mettre en place tout au long de ce chemin critique. La prise en compte des avis de chacun, non en tant que tels, mais en tant qu’apports à la réflexion d’ensemble, permet d’enrichir le programme de construction, de réhabilitation ou d’aménagement. On peut se rapporter à ce sujet à la recherche collective coordonnée par le CERFISE, « Réhabiliter avec le territoire » publiée en 2013 et réalisée en partenariat avec la Région PACA et l’ADEME.
Un changement de culture de l’acte de bâtir est ainsi proposé, qui doit faire écho à un autre changement de culture et l’intégrer, celui du système des énergies et des communications : directes (le débat public) et électroniques (circulation, échanges et gestion des données). L’association de la maîtrise d’usage au processus de production du projet ouvre sur d’autres façons de concevoir et réaliser des bâtiments et des espaces urbains, tout en acceptant de mettre en débat la technique et d’accompagner les changements cognitifs nécessaires chez les usagers, les producteurs et les gestionnaires. Pour que cela puisse fonctionner, il est nécessaire que le projet soit porteur de sens pour les individus dans leur diversité, un sens qui leur signifie que les changements visés en matière de consommation et de gestion d’énergie, de comportement dans l’habitat et les lieux de vie et de travail sont utiles et pour de bonnes raisons : des raisons personnelles, des raisons économiques, des raisons sociétales. Il est donc indispensable de clarifier, pour tous, les raisons des villes et des bâtiments « intelligents » que l’on propose d’appeler plutôt « obéissants » – ce qui change la perspective et remet l’humain au centre sans le soumettre à la technique, en prenant conscience que nous sommes dorénavant au sein d’un complexe énergétique instable, en recomposition et ouvert. Ce complexe ne peut plus se penser sans les technologies de la communication, ni la socialisation des cultures de l’énergie.
Les déplacements automobiles, responsables d’une part importante des rejets de gaz à effet de serre en Provence-Alpes-Côte d’Azur, constituent un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique. Ils relèvent de la mobilité quotidienne, mais aussi de la mobilité de loisir, du tourisme et du trafic de transit. Cette importance des émissions liées à l’automobile, doit-elle conduire à vouloir limiter la mobilité ? C’est oublier que la mobilité n’est pas une fin en soi, mais un investissement dans le but de réaliser une activité au bout du déplacement. L’important n’est pas tant la mobilité que l’accessibilité, c’est-à-dire la possibilité d’accéder à des ressources localisées, qui dépend certes des conditions de transport, mais aussi de la localisation des aménités (biens ou services). Ainsi, pour limiter les impacts de la mobilité sur le changement climatique, l’enjeu n’est pas de limiter à tous crins la mobilité, mais d’assurer une bonne accessibilité (notamment car c’est une condition du développement économique) qui soit la plus indépendante possible de l’automobile.
Dans cette perspective, l’amélioration de l’offre alternative à la voiture (train, bus, modes doux) apparaît comme condition nécessaire pour offrir un réel choix modal pour tous les types de déplacements, mais pas comme une condition suffisante. Il est en effet obligatoire d’agir en parallèle sur les localisations des aménités pour offrir les conditions de possibilité de cette mobilité sans voiture, dont la compétitivité diminue globalement avec la longueur des trajets.
Cela passe notamment :
Assurément, la réalisation de ces objectifs va de pair avec une amélioration de la coordination des acteurs du secteur des transports agissant aux différentes échelles. Au-delà de la seule question du transport, il est important de préciser qu’ils concourent aussi à l’émergence de territoires plus résilients face à la raréfaction et à la hausse à venir du prix de l’énergie et face au vieillissement de la population.
Par J. DOUVINET
Les études et les modèles développés pour anticiper les évolutions pluviométriques en région PACA donnent des informations incertaines et qui paraissent a priori paradoxales : certaines montrent un maintien des cumuls annuels, mais une intensification des pluies, tandis que d’autres montrent une diminution des pluies de forte intensité pour quelques stations météorologiques depuis 1950. Dans le cas d’une intensification des pluies, on pourrait craindre une recrudescence des crues principalement due à l’augmentation de l’urbanisation et de facto des sinistres, puisque les enjeux implantés en zones inondables n’ont cessé de s’accroître au cours des trente dernières années. Les Alpes-Maritimes (+9200 logements en zones inondables entre 1999 et 2008), le Var (+8300 logements) et le Vaucluse (+5800 logements) font partie des six départements les plus affectés par la pression foncière dans ces espaces en France. Des documents réglementaires imposés par les services de l’État existent pourtant pour essayer de contrôler l’urbanisation (les plans de prévention du risque inondation notamment), mais leurs effets sont limités (70% des logements construits en zones inondables dans le Var ont bel et bien été autorisés dans des communes dotées de PPRI…). Les pluies exceptionnelles de l’année 2014 ne sont d’ailleurs pas les seuls responsables de l’ampleur des dommages matériels et humains. Autre élément qu’il convient de rappeler : la région PACA connaît depuis plusieurs siècles ces crises hydrologiques qui à l’échelle d’une vie humaine paraissent exceptionnelles (la période de retour de la crue de 1992 à Vaison-la-Romaine est estimé entre 80 et 150 ans par exemple). Toutefois, ces inondations ne sont pas nouvelles, si on tient compte des similarités dans les facteurs à leur origine et dans la forte prédisposition des bassins à réagir en cas de pluies de forte intensité. Au final, dans le cas d’un accroissement du risque inondation, il convient d’informer la population dès que possible pour éviter tout dysfonctionnement et amoindrir les dommages matériels et humains associés. Le plus dramatique serait d’avoir, malgré les aménagements et les efforts réalisés depuis plus de trente ans, par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) notamment, une grande inondation sur d’importants cours d’eau (Rhône, Durance ou Var). Pour y faire face, le Ministère de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Énergie a créé un système de vigilance (consultable sur www.vigicrues.fr). Les grands cours d’eau de la région PACA font désormais l’objet d’une surveillance de la part des services de l’État (mise en place sur la Narturby depuis les inondations du 15 juin 2010), avec des messages de vigilance. Les plus petits cours d’eau (à l’origine de crues subtorrentielles et rapides) demeurent par contre dépourvus d’un tel système (plus de 7500 km de linéaires de cours d’eau dans le Var par exemple). Des expérimentations pour pallier ce manque sont en cours et la demande est urgente au regard du nombre de secteurs potentiellement réactifs et dommageables. Les événements de juin 2010, septembre 2011, janvier et octobre 2014 nous l’ont bien rappelé. Dans le cas d’une baisse du volume des pluies, on peut penser à une diminution des inondations en période estivale. Toutefois, l’assèchement des sols va augmenter la sensibilité au ruissellement et les inondations pourraient apparaître pour des cumuls de pluies plus faibles (d’autant plus si l’intensité horaire se maintient, point sur lequel les modèles ont tendance à converger). Cette tendance semble en tous cas plausible à une échelle micro-locale.
Élévation du niveau de la mer, érosion côtière et risques littoraux
Par F. SABATIER
Le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur présente la particularité et l’originalité de posséder la majorité des différents types de plages méditerranéennes (deltas : Camargue, tombolo : Giens, baies : Nice, petites plages de criques : Agay, etc.). Ces différentes plages affichent des modes de fonctionnement particulier, mais elles seront toutes soumises aux effets du changement climatique.
Dans le détail, le changement climatique s’articule généralement entre la montée lente de la mer dont les projections indiquent une accélération et une 29 recrudescence des tempêtes (durée et/ou intensité et/ou fréquence), pour lesquelles l’augmentation récente et future ne préfigure pas de changement perceptible dans cette partie du bassin méditerranéen. Cependant, la montée du niveau moyen de la mer, même à la vitesse de quelques millimètres par an, permettra aux houles de tempêtes d’atteindre plus profondément les zones en arrière de la plage. Ce mécanisme inéluctable affectera aussi les digues portuaires dont la taille des structures a généralement été calibrée à un niveau marin constant. De fait, leur efficacité face aux évènements extrêmes se réduira.
Toutes les plages sont concernées par ce phénomène et leur réponse morphologique sera variable selon la place (espace de liberté) dont elles disposeront du coté terre. En effet, sous ces contraintes, le rivage recule, mais les houles de tempête projettent aussi des sables en arrière de celui-ci autorisant le maintien d’une masse sableuse suffisante à la conservation de la plage. Toutefois, ce mécanisme d’auto-régénération de la plage rencontre aujourd’hui sur le littoral de la région, deux contraintes majeures. En premier lieu, les plages connaissent un déficit sableux important causé par la réduction des apports par les cours d’eau (dragages, barrages, revégétalisation des bassins versants, etc.) et par les équipements côtiers qui perturbent, voire modifient et/ou aggravent localement l’érosion. Ensuite, la majorité des plages a progressivement perdu sa capacité naturelle à s’auto-régénérer du fait de la présence de digues, parkings, promenades en fond de plage : pendant les tempêtes, la houle ne parvient plus à projeter en arrière les sables, car elle « rebondit » (processus de réflexion) sur les enrochements et entraîne les sables vers le large dont une partie ne reviendra plus à la côte.
Au début du XXIe siècle, alors que les effets du changement climatique n’impactaient pas encore les plages de Provence-Alpes-Côte d’Azur, la situation sédimentaire était déjà préoccupante comme en attestent plusieurs décennies d’actions publiques pour tenter de stabiliser le rivage. Dans ce contexte, l’augmentation attendue du niveau de la mer ne pourra qu’aggraver la situation dont les effets se manifesteront durant le siècle en cours.
Les outils juridiques d’adaptation au changement climatique pour l’urbanisme littoral
Par M.-L. LAMBERT
Les changements climatiques obligent aujourd’hui à réfléchir à de nouvelles pistes juridiques pour gérer l’urbanisme sur des littoraux vulnérables à l’élévation du niveau marin. En cas d’inaction des pouvoirs publics, les dommages aux biens et aux personnes peuvent se multiplier et les risques de responsabilité administrative ou pénale des élus sont nombreux.
Si les évènements extrêmes (comme la tempête Xynthia) et l’érosion du trait de côte (reculs importants du littoral sur la côte atlantique aux hivers 2013 et 2014) marquent déjà la conscience des habitants et des acteurs locaux, il est important d’anticiper dès maintenant ce phénomène afin de construire notamment un droit de relocalisation des activités et des biens qui soit acceptable, durable et équitable.
La loi Littoral demeure un outil indispensable pour prévenir l’urbanisation future dans les zones exposées au risque, mais doit être renforcée. Parallèlement, le droit actuel prévoit peu de solutions qui soient à la fois équitables et pérennes pour organiser la « déconstruction » des immeubles existants, déjà construits dans les zones à risque de submersion marine et menacés par l’érosion littorale et l’élévation du niveau marin.
Plusieurs équipes de chercheurs d’universités méditerranéennes travaillent sur ces questions, souvent en collaboration avec les acteurs de terrain, pour faire émerger des solutions.
Les recherches en cours montrent que le maintien ou le retour à l’état naturel ou peu anthropisé de la bande littorale la plus vulnérable constitue, dans bien des cas, un moyen permettant de garantir la sécurité des personnes, la protection et l’attractivité de l’arrière-pays. La notion de « domaine public littoral » pourrait alors traduire le statut juridique de cet espace qui sera progressivement repris par la mer. Sur cette bande littorale, le droit devrait innover pour permettre l’abandon par les propriétaires des constructions existantes, en intégrant le long terme : l’étalement dans le temps de la perte de propriété et l’introduction de critères d’équité sociale sont proposés.
Enfin, il peut être opportun de lancer des pistes de réflexion sur les modes d’occupation du littoral, en imaginant des usages provisoires, adaptables et plus partagés de cet espace mouvant.
Nous avons beaucoup de chance en Provence-Alpes-Côte d’Azur : le territoire dispose d’un formidable potentiel d’énergie renouvelable (ENR). Nous habitons une région ensoleillée (le potentiel d’énergie solaire annuel est supérieur à 1600 kWh/m2 ) et venteuse. L’hydroélectricité (grands barrages et plus petits systèmes), l’éolien à terre et en mer, la biomasse et surtout le solaire sont des atouts de la région pour la production d’énergie d’origine renouvelable. Cela ne nous prémunit pas des conséquences du changement climatique, mais nous donne en revanche des moyens efficaces de lutter contre. Cette partie propose un zoom sur le solaire.
Par Y. CHANNAC-MONGREDIEN et G. LUNEAU
L a consommation régionale est plutôt stable en Provence-Alpes-Côte d’Azur, autour de 13 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) qui correspondent à l’énergie finale. La tendance marque un léger recul en 2009, une des conséquences de la crise économique. Depuis, elle progresse légèrement (+2% entre 2009 et 2013).
La production d’énergie primaire a progressé de plus de 50% en Provence-Alpes-Côte d’Azur entre 2007 et 2013,
passant de 1100 à 1700 tep. Elle couvre, en 2013, 13% de la consommation régionale. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est donc fortement dépendante de l’énergie qu’elle importe. Toutes ces données sont disponibles sur le site en ligne de l’ORECA et la base de données Energ’Air.
Si la production d’énergie primaire augmente régulièrement du fait de l’accroissement des énergies renouvelables, elle reste dépendante de la pluviométrie du fait des nombreuses installations hydroélectriques présentes sur le territoire. La production régionale est en effet à plus de 60%, d’origine hydraulique. En termes de nombre d’exploitation, la région est déjà très équipée et on ne s’attend pas à une évolution importante. Par contre, l’effet du climat (et de la pluviométrie) est très important sur cette production d’énergie. On peut donc avoir de fortes variabilités d’une année sur l’autre, surtout si le climat est plus sec et les cours d’eau moins actifs.
À l’inverse, le solaire ne contribue aujourd’hui que faiblement à la production annuelle d’énergie (photovoltaïque et solaire thermique représentent ensemble moins de 5% de l’énergie régionale produite en 2013). Par contre, son évolution (en production et en installations) est très importante (multiplication par 20 de la production entre 2007 et 2013).
Jusqu’en 2013, la région PACA était la 1ère région française solaire de France. Depuis 2014, elle est passée au second rang avec une puissance installée en photovoltaïque de 766 mégawatts (MW), derrière la région Aquitaine et ses 769 MW.
Par O. PALAIS
En matière de production d’énergie, il n’y a pas de panacée et il ne faut pas opposer les différentes sources entre elles. Au contraire, il faut y voir une grande complémentarité qui laisse à chaque solution sa place en fonction du besoin énergétique visé, en considérant les quantités d’énergie requises, la durée et la période d’utilisation, le besoin éventuel de stockage, etc. Ainsi, le « couple gagnant » correspond à une application associée à sa source ad hoc, d’origine ENR ou non. Il est trop tôt pour imaginer que les ENR puissent à elles seules produire toute l’énergie consommée en France, même si certains scénarios démontrent que c’est possible à l’horizon 2050. Aujourd’hui, les différentes technologies des énergies renouvelables offrent cependant déjà des solutions matures et efficaces.
La conversion photovoltaïque (PV) permet la fabrication d’une électricité propre et maintenant peu coûteuse, tout au moins compétitive comparée aux autres sources classiques de fabrication d’électricité. Prenons l’exemple de la technologie silicium (Si) qui présente de nombreux avantages, comme celui d’utiliser le 2ème élément chimique présent sur Terre, élément non toxique et dont la maturité industrielle permet la fabrication de modules PV fiables sur au moins 2 décennies. Le choix d’utilisation de ces panneaux pour la production d’électricité peut être envisagé sous plusieurs formes : chez le particulier, raccordés ou non au réseau, ou en production de masse comme, par exemple, le projet MEGASOL de Saint-Paullez-Durance. À cette technologie Si viennent s’ajouter les technologies couches minces de type CIGS (pour « cuivre, indium, gallium et sélénium ») ou CdTe (pour « cadmium, tellure »), en progrès constant et dont les rendements de conversion égalent aujourd’hui le rendement moyen de la filière silicium (technologies pour lesquelles toutefois la disponibilité, les conditions d’extraction et la toxicité des matières premières restent, pour l’instant, limitantes du moins pour certaines). Ce type de cellules vieillit cependant moins bien que celui en Si et utilise parfois des éléments nocifs, comme le cadmium. Néanmoins, ces derniers sont en passe d’être remplacés par des éléments inoffensifs grâce à la recherche dans ce domaine. Le retour énergétique de ces technologies (c’est-à-dire le moment où l’énergie produite par une source donnée dépasse la quantité d’énergie nécessaire à la fabrication de ladite source) est compris entre 2 et 4 ans, au-delà de cette période toute l’énergie produite n’est que pur gain, tant énergétique, qu’écologique ou financier. Le reproche souvent fait aux ENR est l’intermittence de production. Ce défaut, s’il est indéniable, n’est absolument pas rédhibitoire. On commence à savoir stocker de mieux en mieux l’énergie électrique, mais il reste encore de gros progrès à faire ! Toutefois, plusieurs solutions sont d’ores et déjà à portée de main. Par exemple, la voiture électrique est connue pour être limitée par son autonomie, mais si on remplace les batteries par l’hydrogène (piles à combustible) et qu’on imagine que cet hydrogène est produit grâce à l’énergie solaire, nous avons là une solution de stockage potentiel qui est une belle alternative au problème d’intermittence : on alimente (tout ou partie) des centrales de fabrication d’hydrogène grâce à l’électricité PV produite à des moments où le réseau n’en a pas besoin, on stocke le « carburant » ainsi produit et on l’utilise à façon. De plus, on règle en même temps les limitations de ce type de véhicule liées aux temps de recharge des batteries, puisqu’il suffit de refaire le plein d’hydrogène comme on fait un plein de carburant. Oublions un moment le stockage, c’est l’été et il fait chaud, des panneaux PV produisent de l’électricité, il n’y a plus qu’à alimenter les climatiseurs en direct (ou presque)…
Il ne s’agit ici que d’exemples et il reste de nombreuses voies de R&D sur l’éolien, le solaire thermique, la conversion PV, le stockage, etc. La recherche en Provence-Alpes-Côte d’Azur couvre la majorité de ces domaines, par le biais de ses laboratoires de recherche, mais aussi via des PME locales.
Les pistes les plus prometteuses et les possibilités de déploiement à grande échelle dépendent aussi largement des choix politiques et des changements d’habitudes, ainsi que des délais qu’on veut bien s’accorder pour développer ces pistes.
La région dispose d’un formidable potentiel d’énergie renouvelable d’origine solaire.
L’atlas du gisement solaire en région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un ensemble de cartes à 200 mètres de résolution spatiale permettant la caractérisation fine et précise du rayonnement solaire en sommes mensuelles, suivant ses composantes globale, directe et diffuse.
Diffusé librement et gratuitement par internet, cet atlas a pour ambition de servir de référence régionale pour l’évaluation du potentiel des filières de conversion photovoltaïque (PV), thermique et thermodynamique du rayonnement solaire. Les différents acteurs publics et
privés du domaine peuvent utiliser cet atlas pour identifier des sites d’implantation de systèmes de production d’énergie par voie solaire, de manière objective et quantitative, les dimensionner selon l’application visée ou encore en évaluer, de manière fiable, la rentabilité financière, voire les bénéfices environnementaux.
La haute résolution spatiale de l’atlas est tout à fait adaptée aux besoins des professionnels et installateurs qui sont orientés vers le marché des particuliers, pour la mise en place de systèmes solaires de production d’énergie (chauffe-eau solaire individuel ou collectif, système solaire combiné ou photovoltaïque individuel).
Cet atlas est un outil qui peut largement contribuer à sensibiliser le grand public sur le potentiel solaire disponible sur sa région, voire l’orienter plus facilement vers une solution solaire pour ses besoins propres (www.atlas-solaire.fr).
Par V. BAGGIONI
Le développement de l’énergie d’origine photovoltaïque (PV) est tardif en France. Devant répondre aux engagements qui ont été pris aux niveaux mondial et européen en matière de réduction des gaz à effet de serre, une politique de revalorisation du tarif d’achat de l’électricité fournie par le PV n’a vu le jour qu’à partir de 2006. Le législateur a incité de cette manière la création d’une nouvelle forme de production décentralisée d’électricité, les centrales PV au sol ou parcs solaires déjà présents dans les autres pays européens. Les entrepreneurs d’énergies renouvelables ont inventé un objet de production PV massif dont le législateur n’avait pas anticipé l’encadrement : avant 2010, l’installation de panneaux PV au sol n’avait pas un statut juridique déterminé dans le droit de l’urbanisme et était considérée comme relevant d’une simple déclaration préalable. Seuls les locaux abritant les onduleurs (bâtiments techniques à proximité des panneaux) étaient
soumis à permis de construire, et non l’installation des panneaux eux-mêmes. Si, dans un premier temps, les services déconcentrés de l’État au niveau départemental se sont trouvés dépourvus face à ces nouveaux aménagements, la prise en compte de leurs prérogatives (pour les installations dont la vocation principale est la production d’énergie, le permis de construire – ici des locaux attenant aux panneaux – est délivré par le préfet) les a ensuite positionnés comme seuls responsables de l’autorisation de ces constructions. De ce point de vue, l’État déconcentré avait l’opportunité de construire, avec ou sans les autres acteurs publics présents à l’échelle départementale, une action publique territorialisée.
Si on se réfère à la répartition des centrales PV au sol dans les principales régions accueillant ce type d’installations, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur se distingue nettement, rassemblant à elle seule presque le tiers de la puissance installée (28%, avec 366 MW pour 40
installations) des parcs solaires de France métropolitaine. La superficie, l’ensoleillement et la densité de population n’expliquent pas cet écart entre les régions. Par ailleurs, le développement de ce type d’installations, relativement impactantes d’un point de vue spatial, peut interroger au regard du caractère patrimonial de notre région. Deuxième espace touristique français abritant quatre parcs nationaux et sept parcs naturels régionaux, ses paysages emblématiques ont été à l’origine de conflits majeurs, comme celui du TGV Méditerranée, du TGV PACA ou de l’échec de l’éolien (fin 2003, la région cumule 45 MW de puissance éolienne installée contre 479 en Languedoc-Roussillon et 401 en Midi-Pyrénées). Et pourtant, les parcs solaires ont reçu une réception sociale relativement pacifiée par rapport à des aménagements de dimensions similaires : 25% de conflits identifiés pour les trois départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône et du Var qui cumulent 86% des projets de parcs à la mi-2012.
Zoom 11. ÉVALUER L’IMPACT DES INSTALLATIONS DE PRODUCTION D’ENR : UN POTENTIEL DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ PAR PANNEAUX PHOTOVOLTAÏQUES À FAIBLE EMPREINTE CARBONE
Par T. RANCHIN, P. BLANC, I. BLANC
Afin d’aider à la prise de décision des acteurs du territoire, il est possible de déduire, pour un dispositif de production d’énergie de source photovoltaïque donné, les impacts environnementaux (changement climatique, radiations ionisantes, écotoxicité, consommation d’énergie fossile, occupation du sol, etc.) que ce système PV génère sur son cycle de vie en fonction de sa localisation géographique.
C’est l’objectif de l’outil développé par MINES ParisTech/ARMINES dans le cadre du projet EnerGEO et accessible en ligne (http://viewer.webservice-energy.org/energeo_aip3/).
Différents scénarios (type de panneaux, orientation et inclinaison, durée de vie…) sont accessibles dans cet outil ainsi que différentes méthodes de calcul des impacts environnementaux. Les résultats présentés s’appuient sur l’évaluation de la ressource solaire et sur l’utilisation des outils d’analyse de cycle de vie des systèmes PV.
Voici, parmi les impacts environnementaux calculés, un exemple de cartographie pour la région d’un système PV de 3 kWc sur un toit de maison individuelle. Elle présente l’empreinte carbone, c’est-à-dire une spatialisation de l’indicateur de changement climatique : la quantité de GES émis pour produire 1 kWh d’électricité, exprimée en kg CO2 eq/kWh. Cet exemple sur le solaire est reproductible sur les autres énergies renouvelables en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La combinaison des résultats de ce type d’études permettra de guider les choix de politique énergétique et de bouquet énergétique des décideurs, et de choisir les meilleures solutions au vu des potentiels énergétiques de chaque territoire.
Par comparaison, l’éolien, à dire d’acteurs, a été, dans 100% des cas, l’objet de conflits en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’accompagnement institutionnel au sein du département des Alpes-de-Haute-Provence constitue le point de départ du développement et de la régulation des centrales PV au sol dans la région. Cet accompagnement initial invente des instruments d’action publique qui permettent l’instauration d’un cadre réglementaire stabilisé qui attire et forme les opérateurs. Ces derniers vont ensuite se déployer à l’échelle de la région en fonction de la volonté institutionnelle de certains départements de fournir un cadre clair d’instruction des projets. En effet, parallèlement à la diffusion des opérateurs, des circulations institutionnelles horizontales et verticales ont essaimé ces modes d’action dans les territoires situés à proximité. Le positionnement précurseur d’un département, la diffusion des opérateurs et des instruments d’action publique à l’échelle régionale expliquent le développement plus élevé des parcs solaires dans la région.
L’échec de l’éolien permet alors d’envisager le développement des parcs solaires comme une réponse locale au développement des ENR. Dans un contexte de patrimonialisation des espaces, les centrales PV au sol exprimeraient une forme de compromis social face à l’impératif politique contemporain du développement durable.
Cette prise en charge institutionnelle explique aussi pour partie la faible conflictualité qu’ont pu rencontrer les projets au niveau régional. Les formalisations institutionnelles locales distinguent des conditions différentes de réception sociale des projets selon les départements. L’instruction multipartenariale filtre les projets soumis au « tamis » des exigences croisées des acteurs associés à l’instruction dans les Alpes-de-Haute-Provence et les Bouches-du-Rhône, donc le conflit peut aussi être un moyen de réguler les projets, comme cela semble être le cas dans le Var.
Ainsi, l’autonomie de la gestion locale de la territorialisation des parcs solaires s’élabore à partir de la conception d’un ordre territorial d’aménagement qui
prend sens à partir des configurations institutionnelles et des contextes géographiques qui lui sont propres. Le sens de cet ordre d’aménagement dépend aussi de l’échelle institutionnelle de gestion. Ce qui relève du développement économique, du réaménagement d’espaces dégradés ou d’une production liée à une situation de péninsule électrique au niveau départemental devient un enjeu climatique, voire la mise en pratique d’une idéologie de sortie du nucléaire au niveau régional. Cette autonomisation de l’action publique territoriale indique une temporalité à moyen terme qui, au moment du « bouclage » régional, apparaît à rebours de la politique nationale : fin 2010, l’État stoppe sa politique de soutien au PV, alors que le SRCAE de la région PACA, arrêté en 2013, ambitionne un fort développement régional. Ce décalage entre niveaux national et local révèle les discontinuités qu’opèrent les variations d’une politique nationale avec les effets d’inerties qu’implique l’appropriation territoriale d’une politique publique à territorialiser.
Le changement climatique est aussi un enjeu majeur pour les risques sanitaires. La canicule de 2003 a montré l’impact d’un tel épisode sur la surmortalité des personnes âgées. En l’absence de précautions, les personnes les plus fragiles sont en effet les premières victimes des périodes de chaleur excessive, de l’allongement des saisons polliniques, de la pollution de l’air… Mais, en réalité, les conséquences du bouleversement climatique touchent toute la population avec, par exemple, le développement possible de maladies infectieuses ou d’agents pathogènes.
Par D. BLEY // Relecteurs : L. PASCAL, F. CHARLET, D. CHARPIN
En Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’augmentation du nombre de journées chaudes – avec notamment une température minimale parmi les plus élevées des régions françaises – risque, malgré quelques bénéfices attribuables à des hivers plus doux, d’impacter plutôt négativement la santé de l’ensemble de la population. Il faudra s’attendre en particulier à une augmentation des épisodes de canicule comme celui survenu en France en 2003 avec la surmortalité qu’il a induite chez les personnes âgées. Ces changements climatiques interagissent aussi avec un niveau de pollution de l’air déjà élevé dans la région. Ils exposent les populations à une pollution chronique à l’ozone en été sur une période probablement plus longue et à des niveaux plus élevés, avec une augmentation de la fréquence des pics de pollution aux particules fines, principalement en hiver durant les périodes anticycloniques. Ce sont surtout les zones littorales qui sont les plus touchées du fait de leur forte densité urbaine, de la concentration d’industries et du trafic routier. Le département des Bouches-du-Rhône est le plus impacté (et notamment la zone étang de Berre/Fos-sur-Mer) avec une exposition chronique problématique. Cette pollution est confortée par les activités domestiques de combustion et par les feux de forêts dont on peut penser, malgré l’efficacité des services de lutte, qu’ils deviendront plus fréquents en période estivale. Avec les enfants, ce sont les personnes souffrant de maladies chroniques respiratoires et cardiovasculaires et les personnes âgées qui sont les plus vulnérables à la pollution de l’air. On note par ailleurs une forte prévalence en Provence-Alpes-Côte d’Azur de consommation de médicaments antiasthmatiques, surtout autour de l’étang Berre et à Marseille. Même si la pollution a diminué ces 10 dernières années en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, son impact, en particulier celui des particules fines, reste un problème préoccupant de santé publique. L’impact conjugué de la pollution de l’air et des changements climatiques qui y contribuent reste un enjeu de recherche important. C’est aussi un enjeu de sensibilisation et d’implication des populations, car les études montrent des différences entre les niveaux réels de pollution et la perception qu’en ont les populations. Il devient alors indispensable de mieux communiquer pour faire évoluer les connaissances et les perceptions des habitants et les inciter à modifier leurs comportements.
D’autres aspects du changement climatique sont aussi à prendre en compte et doivent attirer l’attention des pouvoirs publics, des scientifiques et des populations au vu des risques qu’ils sont susceptibles d’induire pour la santé et la qualité de vie en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Parmi les axes de recherche qu’il faudrait privilégier, il y a certainement celui du développement des allergies pour lesquelles on peut s’interroger sur leur lien avec la pollution de l’air, même s’il s’agit d’interactions complexes qui restent largement à explorer. L’élévation des températures devrait en effet allonger les saisons polliniques, augmenter les quantités d’allergènes produites et davantage exposer les habitants de la région.
Il faudrait aussi s’intéresser à l’exposition des populations aux rayonnements ultraviolets qui, en cas d’une augmentation générale des températures, pourrait devenir un problème de santé encore insuffisamment pris en compte, notamment avec une possible augmentation de mélanomes.
L’augmentation des températures risque également de modifier les saisons de transmission et les répartitions géographiques des insectes vecteurs et des animaux porteurs de maladies. Dans le cas des moustiques et, plus particulièrement, de l’Aedes albopictus (ou moustique Gain moyen d’espérance de vie (mois) à l’âge de 30 ans dans les 25 villes du projet Aphekom, si les niveaux moyens annuels de particules fines (PM2,5) étaient ramenés à 10 microgrammes par mètre cube (valeur guide préconisée par l’OMS) 35 tigre), il peut s’agir d’un facteur aggravant, par exemple avec l’apparition depuis quelques années de cas autochtones de Chikungunya et de Dengue. Il semble nécessaire de réfléchir sur les modalités de gestion d’un risque épidémique comme ce fut le cas sur l’Île de la réunion en 2006.
Il nous paraît aussi important d’apprécier les conséquences du réchauffement sur le possible développement d’agents aquatiques pathogènes, en particulier les légionnelles dans les réseaux d’eau froide des domiciles collectifs, ou encore sur l’aire de répartition des algues toxiques en milieu marin, comme les microalgues benthiques toxiques (ex. : Ostreopsis, Gambierdiscus).
Au total, et malgré les implications institutionnelles, il semble indispensable d’attirer l’attention sur le fait que ces dimensions environnement/santé en lien avec le changement climatique sont encore largement sous-estimées et qu’il faudrait aujourd’hui promouvoir plus fortement une action de sensibilisation/ formation à destination des acteurs de proximité (élus, agents des collectivités, médecins généralistes et pharmaciens, associatifs).
Zoom 12. LES POLLUANTS ATMOSPHÉRIQUES LOCAUX
Les principaux polluants atmosphériques locaux sont les oxydes d’azote (NOx) et les particules fines en suspension dans l’air (PM10 et PM2.5 selon leur taille). La région PACA est la 3ème région de France émettrice de NOx et la 7ème en termes d’émissions de particules.
En 2013, Air PACA estime que plus de 380000 personnes sont encore soumises à un dépassement de norme limite pour l’air en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ce constat montre la nécessité d’articuler et dynamiser encore les plans d’actions ayant un impact sur l’air, le climat et l’énergie.
Les transports routiers contribuent à 60% des émissions régionales d’oxydes d’azote et constituent donc le secteur largement majoritaire dans ces émissions. Les émissions de particules sont plus réparties au sein des secteurs d’activité : l’industrie, le résidentiel et le tertiaire (c’est-àdire le logement et les activités de bureau), et les transports routiers contribuent chacun à un quart environ de leurs émissions annuelles en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour les PM2.5, le résidentiel/tertiaire est même majoritaire. L’origine des émissions de particules de ce secteur réside à 90% dans la combustion du bois. Sachant qu’en période hivernale les conditions météorologiques peuvent être favorables à l’accumulation des polluants dans l’atmosphère, ces émissions peuvent être à l’origine de concentrations importantes localement.
Les secteurs de l’industrie et des transports restent des enjeux majeurs sur lesquels il faut agir et confirmer la tendance à la baisse des émissions de GES, de PM et de NOx (respectivement -6%, -17% et -27% entre 2007 et 2012).
Zoom 13. Lien entre climat et qualité de l'air
La sensibilité des concentrations d’ozone et des processus photochimiques à la température de l’air est bien connue. À émissions constantes, les concentrations d’ozone et des espèces radicalaires augmentent lorsque la température atmosphérique et le rayonnement UV augmentent. Dans ce contexte d’étroites rétroactions, il est nécessaire d’intégrer le forçage climatique dans les futures projections des concentrations de polluants pour la planification des divers plans d’actions en région PACA. Le rapprochement des thématiques climat et qualité de l’air devrait permettre une quantification plus précise de l’impact du changement climatique sur la pollution atmosphérique (et inversement), ainsi que sur l’exposition de la population de demain.
Par S. de CHEVEIGNÉ
À la lecture de ces textes, on est frappé par la multiplicité des conséquences probables ou possibles du changement climatique : aucun secteur n’échappe à des changements profonds. Apparaissent aussi la très grande richesse et la diversité de la recherche menée autour de ces questions en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais aussi ailleurs. La situation est urgente et grave, mais nous disposons d’outils pour tenter d’y faire face sans tarder.
Nous l’avons vu, quasiment tous les secteurs de la vie économique vitaux pour la région seront touchés : le tourisme, l’agriculture, la pêche, les forêts, les transports, la production d’énergie… Quelques points communs émergent. La gravité des conséquences et leur coût probable incitent à tout mettre en œuvre pour réduire au maximum les causes du réchauffement. Il est malheureusement évident qu’il faut aussi chercher à anticiper les changements et atténuer leurs impacts. Cette tâche est problématique, car il est souvent difficile d’imaginer et d’évaluer leurs formes et leurs ampleurs. Des solutions techniques sont nécessaires, mais un accompagnement social l’est sans doute encore plus.
Face à ces évolutions majeures de notre environnement, il est clair que des changements de pratiques seront indispensables à tous les niveaux (citoyens, artisans et industriels, services publics, pouvoirs politiques, etc.), mais ces changements sont souvent pensés à l’envers. Au lieu de chercher à imposer des « éco-gestes » ou des « modifications de comportements », il faut au contraire comprendre la logique des fonctionnements actuels de nos sociétés et rechercher, avec les personnes concernées, des alternatives qui conservent les logiques culturelles, sociales ou économiques. Les citoyens doivent être associés à la construction de leur futur. Un développement beaucoup plus intense de procédures participatives pour explorer les scénarios, mettre à plat les intérêts contradictoires et travailler à des solutions acceptables pour une majorité d’habitants et de visiteurs de la région, est une priorité.
Des projets de démonstration par lesquels, sur un territoire ou dans une ville, des solutions globales sont testées en grandeur réelle, vont se développer, fortement soutenus par la Commission européenne. Ils doivent permettre de mettre les acteurs concernés en réseau, de développer les compétences et surtout de dégager des solutions diverses adaptées à chaque terrain ou territoire. Dans son programme Horizon 2020, la Commission européenne réserve 70% de son budget de recherche pour traiter des questions liées de près ou de loin au changement climatique : les projets de démonstrations y auront une large part et permettront d’élaborer des solutions collectives aux problèmes qui se présentent à nous.
Dans ces recherches de solutions nouvelles, une attention toute particulière devra être accordée aux populations vulnérables. Même si elles ont de grandes capacités d’adaptation, les moyens feront défaut, encore plus qu’aujourd’hui, aux personnes les plus pauvres et les plus fragiles pour améliorer ou déplacer si nécessaire leur habitat. Certaines d’entre elles viendront d’autres régions du monde, chassées par les bouleversements en cours. Toutes subiront les conséquences du changement climatique tant au niveau sanitaire qu’économique. Face à des événements plus extrêmes, canicules ou tempêtes, ces populations devront être particulièrement bien accompagnées et protégées.
Ne perdons pas de vue, cependant, que les changements qui se profilent apporteront aussi des opportunités de renouvellement, de réorganisation, de création de nouveaux emplois. Ce sera l’occasion de développer la transversalité entre secteurs, de promouvoir l’économie circulaire, de penser ensemble les évolutions de nos sociétés. Nous n’aurons plus les moyens de mener des politiques contradictoires d’un service de l’État à un autre, d’une collectivité à une autre. Nous ne pourrons plus gaspiller l’eau et l’énergie, ni les autres ressources naturelles et la biodiversité deviendra encore plus précieuse. Des modes de gouvernance plus attentives aux personnes et à la nature seront nécessaires. De nouveaux métiers, de nouvelles coopérations et synergies émergeront. À nous de nous y atteler rapidement.
Par S. DHENAIN et E. HOCQUET
Qu’ils les subissent ou les anticipent, les territoires locaux doivent faire face aux changements liés au climat. Pour y répondre, des politiques publiques dites d’adaptation s’insèrent peu à peu au niveau local. Elles ont été impulsées à l’échelle internationale et européenne, puis relayées au niveau national et se déclinent aujourd’hui en actions locales très concrètes.
La place conférée par les lois « Grenelle » aux collectivités territoriales témoigne de la volonté du législateur de les élever au rang d’acteurs privilégiés de mise en œuvre en la matière. Les politiques d’adaptation obéissent à une logique horizontale et sont intégrées à de nombreux domaines de l’action publique. L’intégration de l’adaptation dans les politiques existantes environnementale et autres constitue la voie la plus empruntée. Sur le front de l’opérationnel, « l’adaptation au changement climatique » et ses composantes (robustesse, gestion adaptative), bien que peu connues actuellement, commencent à traverser les politiques publiques françaises et ouvrent un champ professionnel et technique qui est en train de se mettre en place. Ces actions se cherchent encore. Nombre d’entre elles sont centrées, en premier lieu, sur l’amélioration de la connaissance des phénomènes climatiques et de leurs impacts locaux. Certaines visent à anticiper les futures conditions climatiques possibles et insistent sur des actions sans regret comme les économies d’eau, et d’autres visent à gérer les effets d’ores et déjà tangibles du changement climatique (hausse du niveau de la mer, îlot de chaleur urbain, etc.). Elles amènent à questionner les modes de vie et les modes de développement.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a entériné ses principales orientations « d’adaptation » dans le cadre de son schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie adopté en 2013. Il s’est traduit par la suite en mesures et actions au sein des plans climat-énergie. Au nombre de vingt, ces derniers constituent les principaux outils de planification et doivent s’articuler juridiquement avec de nombreux documents d’urbanisme à l’image des plans locaux d’urbanisme ou encore des schémas de cohérence territoriale (SCOT). Leur contenu à géométrie variable est arrêté en fonction des risques climatiques identifiés à chaque échelon territorial compétent (départements, communauté urbaine Marseille Provence Métropole, etc.). Outre la question de leur articulation, les questions de compatibilité, d’évaluation, de suivi et de contrôle se posent avec acuité à l’heure où les premiers bilans sont attendus.
La période actuelle est celle des prémices de l’adaptation, à la recherche de solutions robustes et de bonnes pratiques. La région PACA représente un terreau fertile et inventif de mise en œuvre des politiques locales d’adaptation, comme en témoigne notamment la création du GREC-PACA.
Air PACA - Association Agréée de Qualité de l’Air en région PACA
ARS - Agence régionale de santé
CEA - Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
CEREGE - Centre Européen de Recherche et d’Enseignement de Géosciences de l’Environnement
CERFISE - Centre d’ Études, de Recherches et de Formation Institutionnelle du Sud-Est
CERIC - Centre d’ Études et de Recherches Internationales et Communautaires
CERPAM - Centre d’ Études et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée pour la gestion des espaces naturels par l’élevage
CIRAD - Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
CIRE - Cellules interrégionales d’épidémiologie
CNELIAS - Centre Norbert Elias
CNRS - Centre national de la recherche scientifique
CRC - Centre de recherche sur les risques et les crises, Mines ParisTech
ECOMERS - Écosystè mes CÔtiers Marins Et R ponses aux Stress
EHESS - École des Hautes Études en Sciences Sociales
EMAX - Écosystèmes méditerranéens et risques
EMMAH - Environnement Méditerranéen et Modélisation des Agro-Hydrosystèmes
ENR - Énergies renouvelables
ENSA - École nationale supérieure d’architecture
ESPACE - Étude des structures des processus d’adaptation et des changements de l’espace
G-EAU - Gestion de l’eau, acteurs et usages
GES - Gaz à effet de serre
GIEC - Groupe intergouvernmental d’experts sur l’évolution du climat
GREC-PACA - Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur
HHLY - Hydrologie – Hydraulique
IM2NP - Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Provence
IMBE - Institut Méditerranéen de la Biodiversité et d’ Écologie marine et continentale
INRA - Institut national de la recherche agronomique
InVS - Institut de Veille Sanitaire
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
IRSTEA - Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture
IUSTI - Institut universitaire des systèmes thermiques industriels
LABEX - Laboratoire d’excellence
Labex OT-Med - Laboratoire d’excellence Objectif Terre en Méditerranée
LabexMed - Laboratoire d’excellence sur les études méditerranéennes
LAMES - Laboratoire Méditerranéen de Sociologie
LIEU - Laboratoire interdisciplinaire en urbanisme
LOV - Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer
LPED - Laboratoire population environnement développement
M2P2 - Laboratoire de Mécanique, Modélisation & Procédés Propres
MIO - Institut méditerranéen d’océanologie
OIE - Centre Observation, Impacts, Énergie
OOV - Observatoire Océanologique de Villefranche-sur-Mer
ORECA - Observatoire régional de l’énergie, du climat et de l’air
PCET - Plan climat-énergie territorial
PRSE - Plan régional santé-environnement
PV - Photovoltaïque
SRCAE - Schéma régional climat-air-énergie
UMR - Unité mixte de recherche
UR DTM - Unité de Recherche Développement des Territoires Montagnards
URFM - Unité de Recherche écologie des Forêts Méditerranéennes
US - Unité de Service
A.I.R. Climat et le GREC-PACA remercient vivement tous les contributeurs à ce document :
Alexandre ARMENGAUD - Air PACA
Chantal ASPE - LPED, Aix-Marseille Université/IRD
Vincent BAGGIONI - LAMES, Aix Marseille Université/CNRS
Olivier BANTON - UMR EMMAH, INRA Avignon/Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
Jean-Marc BARBIER - UMR Innovation, INRA Montpellier/CIRAD/Montpellier SupAgro
Yves BIDET - Météo-France
Philippe BLANC - Centre OIE, MINES ParisTech/ARMINES
Isabelle BLANC - Centre OIE, MINES ParisTech/ARMINES
Daniel BLEY - UMR ESPACE, Aix-Marseille Université/CNRS
Philippe BOURDEAU - Institut de Géographie Alpine, Université Grenoble-Alpes
Pierre CARREGA - UMR ESPACE, Université de Nice Sophia Antipolis/CNRS
Jean-Paul CERON - A.I.R.
Climat Christophe CHAIX - Observatoire savoyard du changement climatique dans les Alpes du Nord
Yann CHANNAC-MONGREDIEN - Air PACA
André CHANZY - UMR EMMAH, INRA Avignon/Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
Francis CHARLET - ARS de Provence-Alpes-Côte d’Azur
Denis CHARPIN - Clinique des bronches, allergie et sommeil, hôpital Nord, AP-HM
Wolfgang CRAMER - IMBE, Aix-Marseille Université/CNRS/IRD/Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
Thomas CURT - EMAX, Irstea, centre d’Aix-en-Provence
Suzanne de CHEVEIGNÉ - CNELIAS, Aix-Marseille Université/Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse/EHESS/CNRS
Cédric DENTANT - Parc National des Ecrins
Sandrine DHENAIN - UMR G-Eau, IRSTEA Montpellier/Montpellier SupAgro/AgroParisTech - TEC
Johnny DOUVINET - UMR ESPACE, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse/CNRS
Patrice FRANCOUR - ECOMERS, Université Nice-Sophia Antipolis
Thibaut FRÉJAVILLE - EMAX, Irstea, centre d’Aix-en-Provence
Emmanuel GARBOLINO - CRC, MINES ParisTech/ARMINES
Iñaki GARCIA de CORTAZAR - ATAURI - US AgroClim, INRA PACA Laurent GARDE - CERPAM
Jean-Pierre GATTUSO - LOV, CNRS/Université Pierre et Marie Curie
Cyrille GENRE-GRANDPIERRE - UMR ESPACE, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse/CNRS Emmanuelle
GEORGE-MARCELPOIL - UR DTM, Irstea, centre de Grenoble
Patrick GRILLAS - Tour du Valat, Centre de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes
Paolo GUIDETTI - ECOMERS, Université Nice-Sophia Antipolis
Joël GUIOT - CEREGE, CNRS/Aix-Marseille Université/IRD/Coll. De France
Guillermo HINOJOS-MENDOZA - CRC, MINES ParisTech/ARMINES
Emilie HOCQUET - CERIC, Aix-Marseille Université/Faculté de Droit et de Science Politique/CNRS
Jean-Louis IZARD - EnviroBAT-BDM, ancien professeur de l’ENSA Marseille
Valérie JACQ - Météo-France
Marie-Laure LAMBERT - LIEU, Aix-Marseille Université
François LEFÈVRE - URFM, INRA PACA
Marie LOOTVOET - A.I.R. Climat
Gaëlle LUNEAU - Air PACA
Nicolas MARTIN - UMR ESPACE, Université de Nice Sophia Antipolis/CNRS
Olivier PALAIS - UMR IM2NP, Aix-Marseille Université/CNRS
Laurence PASCAL - InVS-Cire Sud, ARS de Provence-Alpes-Côte d’Azur
Thierry RANCHIN - Centre OIE, MINES ParisTech/ARMINES
Eric RIGOLOT - URFM, INRA PACA
Samuel ROBERT - UMR ESPACE, Aix-Marseille Université/CNRS
Nicolas ROCHE - M2P2, Aix-Marseille Université/Centrale Marseille/CNRS
Philippe ROSSELLO - GeographR
François SABATIER - CEREGE, Aix-Marseille Université/CNRS/IRD/Coll. De France
Valérie SANSEVERINO-GODFRIN - CRC, MINES ParisTech/ARMINES
Eric SAUQUET - UR HHLY, Irstea, centre de Lyon-Villeurbanne
Bernard SEGUIN - INRA PACA
Guillaume SIMIONI - URFM, INRA PACA
Michel TEULE - CERFISE
Christine VALLET-COULOMB - CEREGE, Aix-Marseille Université/CNRS/IRD/Coll. De France
Simon VIEUX - CERPAM
Cette publication a été réalisée par le Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-PACA), sous la présidence de Joël GUIOT et Bernard SEGUIN. Elle a été coordonnée par A.I.R. Climat, Marie LOOTVOET et Philippe ROSSELLO, dans le cadre de la mission d’animation du GREC-PACA par l’association. Un soin tout particulier a été apporté au choix des polices et à la mise en page dans le respect des principes d’éco-conception.
Le projet bénéficie d’un financement au titre de la Convention État - Région Provence-Alpes-Côte d’Azur - ADEME.
Avertissement : cette première publication du GREC-PACA éclaire les enjeux du changement climatique en Provence-Alpes-Côte d’Azur, sans pour autant traiter les thèmes abordés de manière exhaustive.
Réalisation : La Sud Compagnie - juin 2015
Crédits photos : tous droits réservés.