Les régimes alimentaires évoluent au gré de nos systèmes alimentaires et agricoles mis en place, de l’offre et la demande, mais, aujourd’hui, quelle est la composition de nos assiettes ? Nos besoins alimentaires sont-ils couverts ? Les apports nutritionnels favorables à la santé sont-ils assurés ? En toute logique, le régime alimentaire méditerranéen devrait être privilégié par les habitants de notre région : est-ce vraiment le cas ? A-t-il des effets protecteurs sur la santé, les écosystèmes et le climat ? Son adoption peut-il répondre aux enjeux de la transition écologique et permettre d’appliquer les recommandations nutritionnelles en phase avec les Objectifs de développement durable de l’ONU ? Ces questions sont abordées dans ce chapitre.
Peu de données sont disponibles pour déterminer avec précision ce que nous mangeons dans notre région. Les données représentatives pour les adultes proviennent des études coordonnées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), la plus récente étant publiée en 2017. Vu le nombre limité d'études et le faible échantillonnage de personnes, les données de ce sous-chapitre sont indicatives. Les consommations notables sont les suivantes (par ordre décroissant) : fruits, légumes, laits et produits dérivés, céréales et pâtes, viandes rouges, volailles, huile d’olive, poissons et fruits de mer, légumes secs, café, thé, blé dur, riz, œufs, oléoprotéagineux (Figure 9).
Figure 9. Consommations alimentaires journalières (en grammes par jour) par grand groupe en régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et ex-Languedoc-Roussillon (source : INCA 3, 2017).
Si les consommations régionales sont comparées à celles de la moyenne nationale, les différences observées sont assez limitées : consommations équivalentes de fruits, légumes, pâtes, pain, riz ou poissons ; -20 % environ de consommation de pommes de terre, pâtisseries, beurre et margarine, viandes rouges (mais +30 % d’agneau) ; -10 % environ de légumes et fruits secs ; enfin, nettement plus d’huile d’olive (+50 %), un peu plus de boissons alcoolisées (+8 %), laits et fromages (+5 %). Ces données de consommation soulignent assez clairement que le type d’alimentation moyen dans la région diffère peu de celui de la moyenne nationale. Les seules caractéristiques marquantes sont la surconsommation d’huile d’olive et d’agneau. Il s’agit certes d’emblèmes de l’alimentation du bassin méditerranéen, mais les consommations des autres grands groupes alimentaires sont guère différentes. Ainsi, actuellement, l’alimentation moyenne dans notre région s’est fort éloignée de celle du milieu du XXe siècle,
qui était encore caractéristique du modèle méditerranéen traditionnel. Cela résulte de l’abandon progressif (et qui s'est accéléré ces dernières décennies) de ce modèle, conduisant à une grande transition et uniformisation à l’échelle du bassin méditerranéen, en France et en Europe. La grande majorité (environ 80 %) des aliments achetés en grandes surfaces, proposant, partout et toute l’année, les mêmes produits, et les mêmes publicités qui influencent les citoyens, explique cette évolution. Des données complémentaires indiquent qu’en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les citoyens adultes i) accordent plus d’importance à la variété et à la diversité des aliments, ii) ont une vision plus positive de l’équilibre de leur alimentation et iii) ont un score plus élevé pour les connaissances en alimentation. Les 1217 ans tendent aussi à consommer un peu plus de fruits et légumes, de poissons, de boissons sucrées, mais moins de produits laitiers et charcuterie.
Un très large consensus scientifique international établit que les alimentations basées sur des végétaux sont bénéfiques aux écosystèmes et à la santé humaine, comparées aux régimes alimentaires omnivores à dominante animale. Elles sont recommandées par les instances internationales (Organisation mondiale de la santé) ou nationales (dont la France). Dans notre région, le type d’alimentation traditionnel est l’alimentation méditerranéenne, adaptée et produite essentiellement dans nos territoires. Ce n’est que récemment (deux à trois générations) que l’agriculture et les régimes alimentaires ont changé en profondeur, en copiant le modèle nord-américain riche en produits animaux, gras, salés et sucrés.
Le mode de consommation le plus équilibré et adapté à notre contexte régional actuel est le régime méditerranéen puisqu’il se caractérise par une importante et dominante consommation de produits végétaux (céréales peu raffinées, légumes secs, légumes et fruits frais, noix, amandes, huile d’olive), de plantes aromatiques (ail, thym, romarin, marjolaine...), de poissons, et se compose aussi de produits laitiers et volailles en quantités raisonnables, de peu de charcuteries et viandes rouges, de produits sucrés en faible quantité (Figure 10). Parmi des plats typiques : la salade grecque ou niçoise, la soupe au pistou, le couscous, la paëlla, les
pâtes ou les pizzas, les fruits de saison. Moins de produits d’origine animale et de produits transformés signifie, pour leur production, moins de surfaces agricoles à cultiver (-70 %), moins de consommation d’énergie (-80 %) et de ressources naturelles comme l’eau douce (-60 %), et nettement moins d’émissions de GES (-70 %), ce qui limite le réchauffement climatique. L’alimentation méditerranéenne implique aussi des productions très diversifiées, avec des rotations qui réduisent l’apport d’engrais (légumineuses ou épeautre par exemple) et l’usage de divers produits phytosanitaires. L’alimentation méditerranéenne, comme les alimentations à base végétale, présente ainsi un double avantage : générer de faibles émissions de GES, préserver les écosystèmes et donc la biodiversité, surtout si les modes de production et de distribution sont durables (agroécologie, agriculture biologique, produits locaux et de saison) et si la consommation alimentaire est bien ajustée aux besoins de chacun.
L’alimentation méditerranéenne présente de nombreux avantages : générer de faibles émissions de GES, protéger la santé humaine, préserver les écosystèmes…
Figure 10. Nouvelle pyramide pour une alimentation méditerranéenne durable (source : Serra-Majem et al., 2020).
Depuis 1960, de nombreuses études scientifiques et médicales démontrent que l’alimentation de type méditerranéen est très bénéfique à la santé, surtout si les aliments sont typiques et sans pesticide. Les adeptes de cette alimentation, tous âges confondus, sont moins sujets au surpoids et à l’obésité, et les adultes sont moins affectés par nombreuses maladies (diabète T2, pathologies cardiovasculaires, Parkinson, certains cancers, dépressions…). Une activité physique régulière est également recommandée.
Dès le plus jeune âge, l’éducation à une alimentation plus végétale, une agriculture plus respectueuse de la nature et du climat (agriculture de conservation, agriculture biologique, agroforesterie, circuits courts…)
peut contribuer au retour du régime méditerranéen pour le bien de tous. La restauration scolaire, en accord avec les dispositions de la loi ÉGalim17, est aussi un bon vecteur pour privilégier ce régime, démontrer ses qualités gustatives (variétés paysannes par exemple), sanitaires et environnementales, et accompagner le changement de modèle de société. Les projets alimentaires territoriaux (PAT) sont également des outils efficaces pour favoriser le développement de l’alimentation méditerranéenne dans notre région et changer les pratiques sans déclencher de polémiques.
Les recommandations alimentaires et nutritionnelles sont des repères issus des connaissances scientifiques et médicales, à travers lesquelles l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les États conseillent les populations sur les meilleurs choix pour la santé. Des alimentations plus végétales, moins raffinées et plus riches en micronutriments sont recommandées pour nos pays. Depuis 2015, l’OMS, comme la France, ont commencé à aussi prendre en compte la dimension de la durabilité, en s’inspirant de la définition des alimentations durables par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 2010 et des Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU pour 2030. Plusieurs de ces objectifs ont des rapports privilégiés avec les questions alimentaires (faim « zéro », bonne santé, consommation et production responsables…) ou environnementales (eau propre, énergie propre, changement climatique…).
Concrètement, les nouvelles recommandations alimentaires du Programme national nutrition santé (PNNS-4, 2019-2023) proposent une alimentation nettement plus végétale (Figure 11) : augmentation de tous les groupes végétaux (fruits et légumes, légumes secs, céréales peu raffinées, fruits secs, oléagineux, huiles) en privilégiant ceux issus de l’agriculture biologique, diminution des produits animaux (viandes rouges et charcuteries), les produits laitiers (en évitant les carences en nutriments), consommation limitée de sucre et sel…
Figure 11. Alimentation et santé : repères nutritionnels (source : PNNS-4, 2019-2023).
Ce type d’alimentation est recommandable pour atteindre les ODD de l’ONU, même si certains effets restent à documenter, car il augmente la qualité nutritionnelle de l’alimentation et ses effets bénéfiques sur la santé humaine, réduit notablement l’utilisation des ressources (terre agricole, eau douce, énergie) et diminue fortement les impacts négatifs du système alimentaire dominant (pesticides, pollutions, perte de biodiversité, émissions de GES…). Il permet aussi de nourrir plus de monde à moyens constants, à condition de rendre accessible en parallèle cette diète au plus grand nombre.
Est-ce applicable en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? Comme précédemment souligné, culturellement, notre identité alimentaire est méditerranéenne, à base fortement végétale, nutritive et savoureuse, et protectrice de la santé, des ressources et du climat. Les consommateurs se sont récemment éloignés de cette identité, mais, pour appliquer les recommandations nationales, elle présente de nombreux avantages : il est possible de la produire localement, les productions végétales étant le point fort de l’agriculture régionale (fruits, légumes, blé dur, pois chiches, fruits secs oléagineux, olives et huile d’olive) et de s’appuyer, au moins partiellement, sur la pêche locale (poissons). Les aliments d’origine animale sont produits en petites quantités (viandes, produits laitiers) dans notre région, ce qui va dans le sens des recommandations, mais ces productions pourraient augmenter pour mieux satisfaire les besoins de la population régionale. Un atout régional important est le niveau très élevé (32 %) de la surface agricole utile en production biologique.
En accord avec la FAO, l’OMS et les recommandations nationales, notre région a beaucoup d’atouts pour redévelopper une alimentation saine et durable, de type méditerranéen, bénéfique à la santé humaine et celle des écosystèmes, et qui renforcerait l’autonomie alimentaire.
Les consommateurs de la région se sont éloignés de l’alimentation méditerranéenne, mais son retour permettrait d’appliquer les recommandations nutritionnelles nationales.
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