Le cahier «Alimentation»

Face au changement climatique, les systèmes alimentaires et agricoles sont exposés à de nombreux risques susceptibles de déstabiliser nos sociétés. Pour réduire leur vulnérabilité et renforcer leur résilience, il est nécessaire de faire évoluer les pratiques et de réinventer nos modes de production et de consommation, de la terre à l’assiette.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, des acteurs régionaux publics et privés se mobilisent pour réduire les émissions de GES, développer des systèmes alimentaires territorialisés favorisant la production et la consommation locales, améliorer la qualité des aliments, privilégier les ré-

gimes alimentaires qui protègent la santé et l’environnement, renforcer le lien social et économique entre toutes les parties prenantes… Pour contribuer à leurs efforts, 46 spécialistes de l’alimentation et de l’agriculture font un état des connaissances actuelles, partagent leurs expériences et apportent des solutions pour changer la donne.

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Sommaire

Sommaire du cahier

  1. Résumé
  2. Introduction générale
  3. Les enjeux de l'alimentation et de l'agriculture
    1. Quels sont les défis de l’agriculture et de l’alimentation de l’échelle mondiale à territoriale ?
    2. Pourquoi la santé publique et la nutrition sont-elles indissociables ?
    3. L’alimentation, l’un des piliers des cultures et des traditions dans le monde
  4. L'alimentation régionale au cœur des problématiques sanitaires et climatiques
    1. Production et consommation alimentaires en région Provence-Alpes-Côte d’Azur
    2. Quelles sont les évolutions générales de nos pratiques alimentaires et agricoles dans les régions françaises ?
    3. La durabilité et la résilience dans les systèmes alimentaires territorialisés
    4. Quelle est l’empreinte carbone de l’alimentation et de l’agriculture régionales ?
  5. Quels sont les régimes alimentaires et recommandations nutritionnelles ?
    1. Quel est aujourd’hui le principal régime alimentaire dans notre région ?
    2. Choisir le régime méditerranéen serait-il bénéfique à la santé, l’environnement et le climat ?
    3. Le régime méditerranéen en phase avec les Objectifs de Développement Durable en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
  6. Des pistes pour changer nos systèmes agri-alimentaires
    1. Comment réinventer la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur ?
    2. Tendre vers la souveraineté alimentaire
    3. Quelles pratiques agricoles pour s’engager dans la transition agroécologique et optimiser la séquestration du carbone ?
    4. Les exploitants agricoles qui s’engagent dans la transition énergétique
    5. Vers une aquaculture fondée sur la durabilité et l'économie circulaire
    6. Plus de repas végétariens à la cantine : double pari pour la nutrition et l’environnement
  7. Les mesures sociales et collectives pour accélérer les transitions alimentaires et agricoles régionales
    1. Vers des systèmes alimentaires et agricoles plus justes
      1. Comment mettre en place des systèmes alimentaires et agricoles durables en luttant contre les inégalités sociales ?
      2. Les défis d’une transition agri-alimentaire socialement juste
    2. Les leviers collectifs pour engager les transitions
      1. Quelles ambitions des projets alimentaires territoriaux en Provence-Alpes-Côte d'Azur ?
      2. Mobiliser les acteurs des filières agricoles et passer à l’action
      3. Quels sont les leviers pour changer les comportements alimentaires ?
  8. Pour conclure...
  9. Contributeurs

  1. Résumé

    Face au changement climatique, et plus largement au changement global, nos systèmes alimentaires et agricoles, complexes et inégalitaires, sont fragiles. Leur robustesse est conditionnée par le type d’agriculture, la consommation et les régimes alimentaires associés, le transport, la transformation et la commercialisation des produits, les pollutions eau-sol-plante-atmosphère, la météorologie, le climat, le portage politique, l’organisation socio-économique... Aujourd’hui, le système « agriculture-alimentation » n’est ni satisfaisant, ni durable, aussi bien à l’échelle mondiale que locale. Nos modèles alimentaires et agricoles, encore dominés par l’agriculture intensive, les spécialisations, les mécanismes et procédés industriels, la mondialisation, sont en danger.

    Ces dernières décennies, en France, la surconsommation de produits transformés, viandes, produits laitiers et œufs, émettrice de gaz à effet de serre (GES), défavorable à la santé humaine et aux équilibres des écosystèmes, a augmenté ou reste élevée, tandis que celle des produits bruts a diminué. Par personne et par an, le régime alimentaire moyen actuel génère entre 1400 à 1800 kg eqCO2 d’émissions de GES, nécessite 4000 à 4500 m2 de surface agricole et une consommation d’énergie de 6000 mégajoules, loin de toute soutenabilité. Par ailleurs, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur exporte 61 % de sa valeur agricole produite, alors que la consommation de produits agricoles et agroalimentaires est principalement issue d’importations.

    Pour éviter des crises majeures et une déstabilisation des chaînes de production ces prochaines années, il est nécessaire de transformer nos systèmes alimentaires et agricoles, aux échelles régionale et territoriale, avec la volonté de répondre aux besoins des habitants, préserver leur santé, valoriser des pratiques agricoles et alimentaires à faible empreinte carbone, protéger les agrosystèmes, stopper l’érosion et la dégradation des sols et de la biodiversité, privilégier la qualité et le goût, réduire les inégalités sociales, contribuer aux efforts des acteurs régionaux publics et privés engagés dans l’amélioration des pratiques au quotidien… Le but est de basculer d’un système destructif de l’humanité et de l’environnement à un système agroécologique et plus juste. Ce dernier passe notamment par :

    • Une alimentation à base végétale, plus saine et durable, respectant les recommandations nutritionnelles ;
    • Des régimes alimentaires moins énergivores et plus équilibrés. En ce sens, le régime méditerranéen « traditionnel » favorable à la santé est vivement recommandé dans notre région : consommation de produits végétaux (céréales peu raffinées, légumes secs, légumes et fruits frais de saison, noix, amandes, huile d’olive), de plantes aromatiques (ail, thym, romarin, marjolaine...), de poissons, de produits laitiers et volailles en quantité raisonnable, charcuteries, viandes rouges et produits sucrés en faible quantité ;
    • Le développement de l’agroécologie, de l’agroforesterie, de l’agriculture biologique, et des circuits courts, même si la région est plutôt plus avancée que d’autres en France ;
    • Une sélection de variétés de cultures résistantes au changement climatique et aux événements climatiques extrêmes ;
    • Des productions diversifiées, avec des rotations réduisant l’apport d’engrais et l’usage de produits phytosanitaires ;
    • Une agriculture locale faiblement émettrice de gaz à effet de serre, préservant les ressources locales au détriment des produits importés subventionnés ;
    • Mettre en place des pratiques agricoles séquestrant davantage de carbone dans les sols ;
    • Produire et consommer des énergies renouvelables ;
    • Privilégier l’économie circulaire et l’innovation pour rendre les systèmes plus durables et résilients (aquaculture par exemple) ;
    • Tendre vers la souveraineté alimentaire pour éviter de subir des systèmes mondialisés incohérents, augmenter nettement l'autosuffisance alimentaire ;
    • Le développement de systèmes alimentaires territoriaux : maintien des petites fermes, reconnexion des citoyens avec la vie et les besoins d’un environnement productif… ;
    • Un accès facilité à la terre pour tous pour éviter les discriminations ;
    • La formation des acteurs des filières alimentaires et agricoles pour accélérer les changements de pratiques ;
    • La sensibilisation des citoyens pour orienter leurs choix alimentaires et élever leur degré d’exigence en matière de nourriture, nutrition, qualité et environnement…

    Cette liste non exhaustive montre combien le chemin à parcourir est encore long, mais des signes encourageants se manifestent. Les critères de choix en faveur de la santé et l’environnement prennent de plus en plus d’importance dans la société, comme en témoignent l’augmentation de la production et de la consommation de produits biologiques, et l’attrait croissant des consommateurs pour les produits locaux et les circuits courts.

    Les ruptures vis-à-vis des systèmes alimentaires et agricoles impliquent une approche territoriale multi-échelles et collective. Rien ne sera possible sans l’adhésion de tous les acteurs des filières alimentaires et agricoles (du paysan à l’industriel, de l’épicerie de quartier aux centres commerciaux), des restaurateurs, des acheteurs… Les décideurs à l’échelle territoriale ont aussi un rôle majeur à jouer pour orienter les politiques locales, tout en s’appuyant sur la réglementation (loi Égalim, projets alimentaires territoriaux, restauration collective…) et les recommandations nutritionnelles françaises et internationales. Rendre les systèmes alimentaires et agricoles régionaux plus attractifs, durables et résilients nécessite une réflexion globale sur les processus qui lient production, distribution, consommation et alimentation, et une adhésion croissante de la société.

    Pour réussir les transitions alimentaires et agricoles, garantir la sécurité alimentaire et lutter contre le changement climatique, il est primordial de réinventer nos systèmes aujourd’hui souvent dépassés. L’alimentation a une dimension sociale, culturelle, symbolique et politique. Son accessibilité dépend de notions complexes qui dépassent la proximité géographique ou le prix. Il faut prendre en compte les contraintes pratiques (absence de cuisine fonctionnelle, mobilité difficile) et les besoins (adéquation des denrées avec les préférences, habitudes et croyances). En ce sens, il est important de soigner les diagnostics territoriaux, en restant à l’écoute des bénéficiaires et participants, en vue d’adapter les initiatives en fonction des perceptions et des attentes. Les démarches de concertation, l’inscription des publics ciblés dans les processus décisionnels et l’implication des usagers bénévoles sur les lieux de vente soutiennent l’implication citoyenne dans les systèmes agri-alimentaires…

    Des mesures fortes sont également à explorer comme la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation, encouragée par des scientifiques et des politiques, qui, comme la sécurité sociale de la santé, serait financée par la cotisation sociale. Le renforcement des projets alimentaires territoriaux (PAT), qui entrent dans une dynamique collective, a pour ambition de faciliter les interconnexions, les complémentarités et les échanges d’expériences, afin d’améliorer la résilience alimentaire régionale, et doit s’accompagner d’ambitions écologiques qui sont à ce jour limitées.

    Il est temps de mobiliser les acteurs des filières alimentaires et agricoles et de passer à l’action. L’urgence climatique est un obstacle supplémentaire au bon fonctionnement des systèmes, mais il est surmontable, au moins partiellement, si les émissions de gaz à effet de serre sont massivement réduites à court terme, si l’agriculture se tourne vers l’agroécologie, si l’alimentation se végétalise… Les changements d’habitudes alimentaires requièrent l’apprentissage de nouveaux savoirs et de nouvelles pratiques. Les situations collectives offrent des contextes idéaux pour agir sur les leviers disponibles tout en créant des situations conviviales facilitant l’interaction et l’apprentissage entre pairs.

    La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est appelée à renforcer ses pratiques agricoles durables. Elle atteindra difficilement l’autosuffisance alimentaire sur l’ensemble des filières d’ici 2050, mais, en prenant des décisions courageuses, elle pourrait davantage couvrir les besoins de la population en valorisant notamment la « modification de l’assiette » et en relocalisant ses débouchés.

  2. Introduction générale

    L’alimentation est certainement la problématique la plus partagée par les êtres vivants sur Terre. Elle est la préoccupation majeure de tous les êtres humains, au quotidien, pour assurer leur survie, leur santé, leur bien-être et leur plaisir. Se nourrir est un besoin naturel, mais, dans nos sociétés, il n’est ni anodin, ni simple à satisfaire. En effet, derrière la production et la consommation d’aliments bruts ou transformés se cachent des systèmes agricoles, environnementaux, économiques, sociaux, culturels et politiques, qui sont complexes et fortement inégalitaires. Selon les pays, les régions, les localités, les quartiers, les foyers et même les individus, l’alimentation peut être synonyme de sous-nutrition, malnutrition, famine, carence, pauvreté, injustice, détresse, pénurie, surconsommation, gaspillage, richesse, confort, partage, égoïsme, solidarité, santé, maladie, pression, risque, tension, conflit, migration… Elle est au cœur de nos organisations mondiales et locales, et détermine notre présent et notre futur.

    Nos systèmes alimentaires et agricoles, de la graine plantée à la bouche, sont fragiles à tous les niveaux, et ce en permanence, même dans les pays les plus riches. Les raisons de cette fragilité sont les suivantes :

    • La robustesse des systèmes est conditionnée par la production agricole, l’organisation sociale, la météo, le climat, la quantité, la qualité, le transport, la transformation des produits, la commercialisation, les régimes alimentaires, la concurrence, les crises économiques et politiques… Ces facteurs évoluent en fonction des contextes, des situations, des choix et des impondérables ;
    • L’agriculture intensive, avec tous ses travers (appauvrissement des sols, utilisation de pesticides et d’engrais chimiques, mécanisation à outrance, mondialisation des échanges, monoculture, recours aux organismes génétiquement modifiés, etc.) altère la santé des êtres vivants, pollue et détruit les écosystèmes agricoles et naturels, provoque une perte de qualité, de saveurs, de goûts, de repères culturels… ;
    • Le changement global (déforestation, modification de l’occupation des sols, pollutions, érosion de la biodiversité…) représente une lourde menace susceptible de déstabiliser sur le long terme nos chaînes de production alimentaire et agricole. Plus spécifiquement, le changement climatique d’origine anthropique, provoqué par les émissions massives de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes (sécheresses, vagues de chaleur, pluies diluviennes, gels tardifs…), combinés aux mutations de nos pratiques alimentaires et agricoles, notamment dans les pays les plus industrialisés, font peser des risques croissants sur nos sociétés ;
    • Le surpoids et l’obésité se généralisent et s’amplifient, même dans des pays présentant un niveau de vie modeste, au même titre que les maladies cardiovasculaires, les allergies alimentaires, les cancers…

    De manière générale, les enjeux sanitaires et écologiques liés à l’alimentation et l’agriculture sont majeurs. Ils doivent être appréhendés dans leur globalité, de manière transversale, pour éviter des conséquences dramatiques et irréversibles.

    Le contexte alimentaire et agricole en France, et plus particulièrement dans notre région Provence-Alpes-Côte d’Azur, est très contrasté. Les besoins alimentaires sont assurés pour la majorité de la population, mais les inégalités sociales sont très marquées mettant en évidence des cas de détresse, et les contradictions sont nombreuses. Par exemple, la qualité de nos produits emblématiques (vin, huile d’olive, fromages, céréales, riz, fruits, légumes, truffes, plantes à parfums et aromatiques…) est reconnue et recherchée, mais nos agriculteurs rencontrent de grandes difficultés économiques et sociales pour vivre décemment ; l’agriculture biologique représente une part significative de notre production agricole régionale (32 %), et nos pratiques agricoles s’éloignent peu à peu des pratiques intensives, mais l’utilisation des pesticides résiste et continue à empoisonner nos écosystèmes et à nous intoxiquer ; pour des raisons essentiellement économiques et logistiques, les productions régionales sont exportées massivement vers d’autres régions et pays, alors que l’autosuffisance alimentaire locale reste très nettement insuffisante. Notre dépendance des systèmes agricoles et alimentaires, et plus largement de la mondialisation, est ainsi manifeste, alors que nous avons les moyens de partiellement nourrir nos habitants. En outre, nos régimes alimentaires se sont peu à peu éloignés de la diète méditerranéenne si favorable à la santé. En effet, nos habitudes alimentaires ont tendance à s’uniformiser et s’inspirent de pratiques en inadéquation avec la préservation de notre santé, de nos agroécosystèmes, du climat, de la biodiversité…

    Pour faire un point sur la situation en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et apporter des pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de GES, 46 spécialistes de l’alimentation et de l’agriculture se sont mobilisés pour participer à cette publication du GREC-SUD. L’objectif est de contribuer aux efforts des institutions, collectivités, associations, coopératives, entreprises, agriculteurs, etc. engagés dans l’amélioration des pratiques, mais aussi d’inspirer les acteurs territoriaux pour rendre les systèmes alimentaires et agricoles plus durables et résilients aujourd’hui et demain, en sécurisant les ressources alimentaires, en proposant une nourriture plus saine et en répondant aux besoins d’une population grandissante. Les enjeux sanitaires et écologiques liés à l’alimentation et l’agriculture sont majeurs. Ils doivent être appréhendés dans leur globalité et de manière transversale.

    Les enjeux sanitaires et écologiques liés à l’alimentation et l’agriculture sont majeurs. Ils doivent être appréhendés dans leur globalité et de manière transversale.

  3. Les enjeux de l'alimentation et de l'agriculture

    À l’heure du changement climatique et des engagements en faveur de la transition écologique, incluant les volets énergétiques, environnementaux, sociaux, économiques et politiques, il est important de s’interroger sur le fonctionnement de nos systèmes alimentaires et agricoles qui sont le reflet de nos modèles socio-économiques et de nos politiques environnementales et sanitaires. Le thème de l’alimentation et de l’agriculture ne laisse personne indifférent car nous sommes tous concernés par la nourriture. Des émissions de gaz à effet de serre à la surexploitation des ressources, en passant par la surconsommation de produits animaux et le gaspillage alimentaire, ce chapitre énonce les principaux enjeux associés aux problématiques croisées de l'alimentation et l'agriculture.

    1. Quels sont les défis de l’agriculture et de l’alimentation de l’échelle mondiale à territoriale ?

      Il existe mille manières de produire de la nourriture et de s’alimenter, mais le système « agriculture-alimentation » n’est aujourd’hui ni satisfaisant, ni durable, aussi bien à l’échelle globale que territoriale.

      Les principales raisons de la fragilité du système agricole sont :

      • La baisse du nombre d’agriculteurs, avec agrandissement des fermes et augmentation du nombre de travailleurs précaires, pouvant conduire à la désertification de certains territoires ruraux ;
      • La surexploitation de ressources non pérennes par l’agriculture intensive ;
      • L’érosion et la dégradation des sols trop souvent nus et profondément labourés : perte de matière organique, détérioration des cycles de l’eau et des nutriments, supports de la croissance végétale ;
      • La perte de la compréhension du fonctionnement écologique des agroécosystèmes nourris et protégés par des intrants d’origine synthétique, selon des itinéraires techniques standardisés ;
      • La perte de savoirs traditionnels, dont la sélection variétale pratiquée à la ferme ;
      • L’élimination des éléments semi-naturels du paysage dont l’utilité n’est plus reconnue ;
      • La pollution des systèmes aquatiques due au lessivage des nitrates et des pesticides ;
      • La pollution de l’air due aux particules fines et à l’ammoniac émis lors des épandages d’engrais, et aux pesticides ;
      • La pollution due à l’utilisation de plastiques sur de grandes surfaces produisant une masse mal gérée de déchets non recyclables ;
      • Les maladies professionnelles affectant les personnes manipulant les pesticides ;
      • La contamination des populations et des aliments proches des épandages ;

      La baisse de la biodiversité des populations d’insectes et d’oiseaux des champs, de la flore des champs, de la vie des sols et des services qui en découlent ;

      • La perte de diversité génétique (cultures et élevage) et l’homogénéisation des variétés sélectionnées surtout pour leur haut rendement, nécessitant beaucoup d’intrants ;
      • La simplification des paysages favorisant la circulation des maladies et des ravageurs, et la disparition d’agroécosystèmes multifonctionnels (où arbres, animaux et cultures diverses sont associés) de grande valeur culturelle ;
      • Les émissions de gaz à effet de serre : l'agriculture représente 19 % des émissions totales (source : CITEPA* ; seulement 2 % dans notre région, « grâce » notamment au poids de l’industrie, du transport et de la production d’énergie) et même plus de 25 % si le système agri-alimentaire complet est inclus. Les émissions de gaz carbonique sont liées à la fabrication d’engrais de synthèse et à l’emploi fréquent de machines ; les émissions de méthane à la fermentation digestive des ruminants et à la culture de riz inondé ; le protoxyde d’azote à l’épandage des déjections issues de l’élevage et l'utilisation d’engrais azotés ;
      • La grande vulnérabilité face au changement climatique en lien avec la moindre capacité des agroécosystèmes à absorber et retenir l’eau, et à maintenir un microclimat protégeant des canicules et des tempêtes.

      *Par ordre d’importance (chiffres 2019 à 2021) : élevage (environ 50 %), cultures (environ 40 %), tracteurs, engins et chaudières agricoles (environ 10 %).

      Le système « agriculture-alimentation » n’est aujourd’hui ni satisfaisant, ni durable.


      Le système alimentaire présente quant à lui les lacunes suivantes :

      • La trop faible consommation d’aliments végétaux et la forte consommation de produits animaux à bas coût ;
      • Les ingrédients de base (farines raffinées, sucre, matières grasses végétales) d’aliments denses en calories, pauvres en fibres et autres nutriments protecteurs, dont la surconsommation fragilise le système immunitaire et augmente le risque de maladies chroniques ;
      • La consommation d’une alimentation trop carnée augmentant les risques de maladies cardiovasculaires et de cancers ;
      • La surconsommation de produits animaux, en général. La viande de ruminants est la plus émettrice de GES, même si les prairies et parcours, hors surpâturage, séquestrent du carbone ;
      • La surconsommation de produits très transformés, avec nombreux additifs ;
      • Les aliments très souvent contaminés par des résidus de pesticides (la moitié des aliments végétaux), favorisant de nombreuses pathologies chroniques ;
      • La persistance de fortes inégalités sociales de santé liées notamment à un accès économique et physique facilité aux produits gras et sucrés, et à un accès inégalitaire aux fruits et légumes.

      Ces multiples points permettent de comprendre les enjeux majeurs auxquels doivent répondre l’agriculture et l’alimentation. Il s’agit de basculer d’un système non protecteur de l’humanité et de l’environnement, contribuant au changement climatique, à un système agroécologique. S’appuyant sur le fonctionnement écologique, ce dernier nourrit sainement et protège les humains, préserve l’environnement dont il dépend, et soutient les acteurs de la transition. Les différents points caractérisant ce système seront détaillés dans cette publication :

      • Alimentation saine et durable pour tous : il faut promouvoir un accès physique et économique, égalitaire, à des aliments culturellement désirables issus de modes de production plus durables et à une alimentation diversifiée plus végétale, riche en céréales complètes, légumes secs, fruits et légumes frais, et intégrant des quantités modérées de produits animaux.
      • L’élevage restera cependant une importante source de nourriture dans les régions sèches ou froides où les cultures sont difficiles ;
      • Agroécologie : il faut soutenir le fonctionnement écologique des agroécosystèmes en multipliant les interactions bénéfiques entre le sol, les arbres, la diversité gérée (polyculture-élevage) et la biodiversité hébergée dans les agroécosystèmes. L’agroécologie favorise l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation au changement climatique ;
      • Besoin de développer des systèmes alimentaires territoriaux : ces derniers favorisent le maintien de petites et moyennes fermes et leur écologisation, et participent à la reconnexion des citoyens avec la vie et les besoins d’un environnement productif ;
      • Protéger l’accès à la terre et la protection de l’environnement qui ne sont pas incompatibles ;
      • Ne pas concurrencer l’agriculture locale par l’importation de produits subventionnés.
      • Tous ces enjeux dépendent à la fois de la volonté et de la puissance des politiques publiques, et des comportements individuels. Les travaux de recherche et de nombreuses initiatives démontrent qu’un tel système « agriculture-alimentation » est possible et attractif, avec une adhésion croissante de la société.

      • Photo 3 : © Lola Mouriès, ferme La Saurelle

      Il s’agit de basculer d’un système non protecteur de l’humanité et de l’environnement, contribuant au changement climatique, à un système agroécologique.

    2. Pourquoi la santé publique et la nutrition sont-elles indissociables ?

      Actuellement, les populations subissent le triple fardeau de la malnutrition, et ce à des degrés divers : la sous-nutrition chronique (rare dans les pays développés), les carences ou déficits en nutriments (assez répandus) et le surpoids-obésité en progression (52 % des adultes en France ; une « épidémie mondiale » selon l’Organisation mondiale de la santé) très souvent liée à une alimentation trop abondante et de faible qualité nutritionnelle. Le surpoids-obésité précède une autre épidémie qui est celle des maladies dites « non transmissibles » (ou non infectieuses) qui deviennent progressivement majoritaires dans le monde : maladies cardiovasculaires ou neurodégénératives, cancers, etc. (Figure 1). La pauvreté en est très souvent un déterminant important. De manière générale, une alimentation de faible qualité est une cause majeure de maladies et provoque une partie notable de la mortalité totale.

      Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les rapports officiels français, une bonne alimentation repose sur des apports alimentaires en énergie proportionnels aux dépenses physiques, des choix d’aliments variés, riches en nutriments et fibres indigestibles. Or, des études (INCA-3 en France par exemple) montrent qu’une partie non négligeable des populations des pays développés ont des apports en énergie excédentaires, en nutriments (minéraux, vitamines) et en fibres insuffisants, surtout chez les femmes. En effet, le type d’alimentation moyen actuel est de type omnivore, mais avec une forte part d’aliments d’origine animale (viande, charcuterie, produits laitiers) et une proportion de plus en plus importante d’aliments très ou ultra-transformés, à faible qualité nutritionnelle. Contrairement à une idée reçue, ce sont les alimentations à base végétale qui ont les meilleures qualités nutritionnelles. C’est pourquoi, depuis des décennies, l’OMS et les recommandations françaises (Programme national nutrition santé, PNNS) insistent sur la nécessité de végétaliser son alimentation, de limiter les aliments très raffinés (par exemple, aliments ultra-transformés), le sel, le sucre et les boissons sucrées et les aliments trop gras.

      Cette insistance sur les recommandations s’explique par l’impact des mauvaises habitudes alimentaires sur la santé publique et le bien-être des populations.

      En effet, des alimentations aux qualités nutritionnelles insuffisantes favorisent les principales pathologies non infectieuses en lien avec le développement récent des sociétés, abandonnant les bienfaits des alimentations traditionnelles (souvent à base végétale) dont les effets bénéfiques sur la santé sont démontrés (alimentation méditerranéenne ou alimentation asiatique par exemple). Une bonne alimentation est aussi nécessaire pour prévenir des maladies infectieuses ou leur gravité.

      L’OMS et les recommandations françaises insistent sur la nécessité de végétaliser son alimentation, de limiter les aliments très raffinés, le sel, le sucre, les boissons sucrées et les aliments trop gras.

      Cependant, les aliments végétaux usuels sont très souvent contaminés (48 % en moyenne) par des résidus de pesticides en mélange, et les effets négatifs des pesticides chimiques sur la santé humaine (sans oublier celle des écosystèmes) sont progressivement établis. Ceci conduit maintenant à favoriser les aliments végétaux biologiques qui sont recommandés, car ils sont très peu contaminés et leur consommation régulière a des effets protecteurs contre le surpoids, l’obésité et certaines pathologies chroniques.

    3. L’alimentation, l’un des piliers des cultures et des traditions dans le monde

      Le répertoire et les interdits alimentaires – ce qu’une société s’autorise ou non à manger et à boire – et plus encore les façons de transformer et de cuisiner les produits, et les habitudes de table, sont des pratiques éminemment culturelles. Si plusieurs sociétés peuvent manger les mêmes produits agricoles, elles se différencient par les modes de préparation et de consommation. Ce marquage culturel se lit aussi dans les façons de penser l’alimentation. Celle-ci nous relie à la biosphère et les rapports aux animaux ou aux paysages varient d’une société à l’autre. Elle nous maintient en bonne santé et l’importance accordée à cette préoccupation par rapport à d’autres (sociales, hédoniques ou identitaires) varie également selon les cultures. Elle organise la gestion des ressources dans la production agricole, le commerce et la cuisine. La répartition selon le genre de ces activités diffère en fonction des sociétés, même si l’on retrouve des invariants comme celui du travail et de la charge mentale des femmes vis-à-vis de la cuisine.

      Avec la mondialisation des échanges, la diffusion de produits industriels, de modèles de distribution (supermarchés) ou de restauration (rapide), d’informations via internet et les réseaux sociaux, se pose la question d’une possible uniformisation de notre alimentation. Allons-nous perdre des spécificités culturelles, abandonner des produits de terroirs, standardiser notre alimentation ? Certains observateurs parlent de « coca-colonisation », soulignant à la fois la domination croissante de quelques grandes firmes et le développement de la « malbouffe » que certaines d’entre elles véhiculent. À regarder de près les styles alimentaires, force est de constater que si, d’un côté, se perdent des aliments ou des spécialités culinaires, d’un autre côté, s’incorporent de nouveaux aliments dans nos répertoires gastronomiques.

      Parfois oubliés un temps et revisités aujourd’hui, les usages et les cuisines qui s’inspirent de diverses sources géographiques et culturelles se réinventent et prennent de nouvelles formes. L’alimentation est un ensemble vivant où chaque pays et plus encore chaque ville inventent son alimentation contemporaine avec de plus en plus de préoccupations environnementales, sociales, sanitaires et politiques. Dans notre contexte régional, l’alimentation été façonnée depuis des millénaires par les apports des Grecs, Romains, Arabes, Américains… Les brassages migratoires ont plus récemment accentué certains traits avec des recettes venant du Sud (couscous, paëlla, pizza) ou du Nord (steak-frites, sauces à la crème…). Le modèle méditerranéen « traditionnel », inscrit au patrimoine mondial immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2010, est devenu un modèle de référence international soutenu par les connaissances scientifiques et médicales actuelles. Mais à présent, seule une minorité des populations des pays méditerranéens y adhère.

      Le modèle méditerranéen à base d’aliments végétaux produits localement est devenu un modèle de référence international.

      Zoom 1. Le vocabulaire de l’alimentation

      Circuit court alimentaire (définition du ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire) : mode de vente de produits agricoles et alimentaires mobilisant au plus un intermédiaire entre le producteur agricole et le consommateur. Un circuit court peut être de plus « local » ou « de proximité » lorsque le producteur agricole et le consommateur sont proches géographiquement (sans distance définie a priori, mais en général ne dépassant pas l'échelle régionale).

      Précarité alimentaire (Paturel D., 2017, États généraux de l'alimentation, Atelier 12, ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation) : conjonction entre une situation de pauvreté économique et une série d’empêchements socio-culturels et politiques dans l’accès à une alimentation durable.

      Résilience alimentaire (Tendall, D.M., et al., 2015) : capacité, dans le temps, d’un système alimentaire à procurer à tous une alimentation suffisante, adaptée et accessible, face à des perturbations variées et même imprévues.

      Sécurité alimentaire (World Food Summit, 1996 ; Committee on World Food Security, 2009) : la sécurité alimentaire est assurée lorsque toute la population a un accès physique et économique permanent à une nourriture saine et nutritive, en quantité suffisante, qui répond à ses besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. La dimension nutritionnelle fait partie intégrante de la sécurité alimentaire.

      Souveraineté alimentaire (définition Via Campesina) : droit des peuples à définir des politiques agricoles et alimentaires adaptées à leurs spécificités, sans que celles-ci aient un effet négatif sur les populations des autres pays. Cette notion vient reconnaître le droit des peuples à accéder à une alimentation saine et durable, mais aussi à produire leur propre alimentation, c'est-à-dire à développer leur autonomie alimentaire.

      Système alimentaire (définition Louis Malassis) : la manière dont les hommes s'organisent, dans l'espace et dans le temps, pour obtenir et consommer leur nourriture.

  4. L'alimentation régionale au cœur des problématiques sanitaires et climatiques

    L’alimentation évolue avec nos sociétés en jouant un rôle fondamental sur la santé et le climat. Se nourrir n’est pas un geste neutre et ce dernier n’est pas à la portée de tous. Notre assiette est le résultat de toute une chaîne de production et de consommation, complexe, énergivore à divers degrés, composée de profondes ramifications, dépendante de nombreuses variables physiques, biologiques et humaines. Ce chapitre fait un point sur les évolutions générales des pratiques alimentaires et agricoles dans les régions françaises, avant d'aborder de manière spécifique la production et la consommation en Provence-Alpes-Côte d'Azur en mettant l'accent sur nos productions agricoles phares, évalue l'empreinte carbone des différents régimes alimentaires et aborde la durabilité et la résilience dans les systèmes alimentaires territorialisés.

    1. Production et consommation alimentaires en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

      L’enjeu d’une production alimentaire saine, durable et locale est un vrai défi en région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui connaît une forte croissance démographique et un taux élevé de pauvreté, et qui est exposée à des facteurs de risques, comme le changement climatique, les tensions sur la disponibilité des ressources en eau et l’artificialisation des sols, susceptibles d’affecter directement ou indirectement les différentes productions agricoles. Commercialement, la région a développé un marché d’export pour certaines productions, en France et à l’étranger, ce qui lui assure une certaine stabilité économique. Dans ce contexte, il faut concilier à la fois les besoins d’évolution du régime alimentaire, l’adaptation des pratiques agricoles et la stratégie commerciale de certaines filières. La région se caractérise par des productions phares (Figure 4), comme le vin, l’huile d’olive, le riz, l’agneau, les fruits et les légumes. Elle est très bien classée en termes d’agriculture biologique (21 % du nombre d'exploitations), de circuits courts et de produits de qualité (respectivement 42 % et 44 % des exploitations).

      Figure 4. Diversité de la production agricole en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (source : Agreste, recensement agricole 2020).

      Cependant l’autosuffisance alimentaire globale est faible : les surfaces agricoles, notamment les terres labourables, sont insuffisantes pour nourrir la population et le système alimentaire régional présente une certaine déconnexion entre production et consommation. La région exporte en effet 61 % de sa valeur agricole produite, alors que la consommation de produits agricoles et agroalimentaires est principalement issue d’importations. Les niveaux d’autosuffisance alimentaire6 varient selon les secteurs :

      ● l’autosuffisance est faible dans des filières où la production est largement inférieure à la consommation. C’est le cas par exemple de l’élevage. Seuls 50 % des achats de lait bovin des industries locales sont issus de la production régionale. Le secteur des œufs et de la viande (porcs, volailles, bovins) est aussi très déficitaire, sauf ovins. Les produits sont en revanche de qualité et ont de fortes aménités environnementales7. Avec peu de surfaces et des rendements faibles, la région doit importer des céréales et des oléoprotéagineux8. Les surfaces diminuent, mais la filière régionale s’avère contrastée, puisqu’elle est exportatrice de produits de boulangerie, de riz, de blé dur et de semoule ;

      ● l’autosuffisance est bien plus forte en légumes (production deux fois supérieure à la consommation), fruits et produits à base de légumes et de fruits. Pour autant, la part tournée vers le marché local reste modeste avec un export important vers la France et l’Union européenne. La consommation reste largement couverte par des produits importés et la balance commerciale est structurellement déficitaire.

      La déclinaison régionale du scénario Afterres20509 (Figure 5) prend en compte les besoins alimentaires de la population régionale actuelle et future, les évolutions probables (pratiques agricoles plus durables, perte de terres agricoles, extension des espaces forestiers, recul des jachères…), mais aussi les spécificités de la région en matière de production agricole au regard de la demande nationale.

      La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, appelée à renforcer ses pratiques agricoles durables, atteindra difficilement l’autosuffisance sur l’ensemble des filières d’ici 2050, mais elle pourrait davantage couvrir les besoins alimentaires de la population en popularisant notamment la « modification de l’assiette » (en phase avec l’alimentation méditerranéenne et des recommandations alimentaires du Programme national nutrition santé de 2019) et en relocalisant une partie de ses débouchés. Ces orientations sont possibles à condition d’effectuer des choix forts et stratégiques.

      La région exporte 61 % de sa valeur agricole produite, alors que la consommation de produits agricoles et agroalimentaires est principalement issue d’importations.

      Figure 5. Le taux d’autosuffisance alimentaire, correspondant au taux potentiel de couverture des besoins alimentaires procurés par la production régionale10, en Provence-Alpes-Côte d’Azur par grand groupe d'aliments en 2010 et 2050 (source : Solagro).

    2. Quelles sont les évolutions générales de nos pratiques alimentaires et agricoles dans les régions françaises ?

      Les consommations alimentaires nationale et régionales ont beaucoup évolué ces dernières décennies. Les traits majeurs et communs de ces évolutions sont la croissance de la consommation de produits transformés et prêts à consommer, la réduction de la consommation de produits bruts, l’augmentation de la consommation de viande, de produits laitiers et d'œufs, la réduction de la consommation de boissons alcoolisées et la croissance de la consommation de boissons non alcoolisées. À cela s’ajoute une forte augmentation de la restauration hors du domicile. Ces évolutions des choix alimentaires et des prix des produits se sont traduites par une baisse significative du budget affecté à l’alimentation par les ménages. L’alimentation représentait 34 % des dépenses des Français en 1960, à peine plus de 20 % en 2020 (Figure 2).

      Figure 2. Part de l’alimentation dans les dépenses de consommation (en %) : évolution entre 1960 et 2020 (source : Agreste, Graph'Agri 2021).

      Plus spécifiquement, depuis une dizaine d’années, une baisse d’environ 12 % de la consommation de viande est constatée : elle résulte principalement d’une réduction de la consommation de viande bovine, partiellement compensée par l’augmentation de la consommation de volaille (Figure 3). La proportion de Français qui déclarent être flexitariens3 a un peu augmenté et atteint environ 30 %. Une légère progression du végétarisme4 est notée, mais qui reste très faible, environ 2 %. Ainsi, le régime alimentaire moyen actuel des Français est riche en produits animaux, très transformés et trop pauvres en aliments végétaux et peu raffinés.

      Info+
      Tendances alimentaires ces dernières décennies :
      + produits transformés et prêts à consommer
      + viande, produits laitiers et œufs
      + boissons non alcoolisées
      + restauration hors domicile
      - produits bruts
      - boissons alcoolisées


      Figure 3. Consommation française de viande5 en kg par habitant et par an (source : Agreste, Graph'Agri 2021).

      Les critères de choix des consommateurs restent très liés aux prix des produits, à leur praticité et aux préférences gustatives, tandis que la part des achats en grande distribution, bien qu’en recul, reste très largement dominante. Néanmoins, des critères en faveur de la santé et l’environnement prennent de plus en plus d’importance aujourd’hui, comme en témoignent l’augmentation de la consommation de produits bio et l’attrait croissant des consommateurs pour les produits locaux et les circuits courts. Ces évolutions sont néanmoins modestes.

      Du côté de la production agricole, les mutations s’avèrent tout aussi significatives ces dernières décennies : intensification (mécanisation, intrants chimiques, sélections végétales et animales, etc.), spécialisation (à l’échelle des exploitations et des régions agricoles françaises), concentration (réduction du nombre et augmentation de la taille des exploitations) et globalisation (augmentation de la part de la production agricole échangée sur les marchés mondiaux).

      Si la modernisation agro-industrielle semble avoir largement rempli sa mission, soit fournir une nourriture abondante et bon marché à une population sans cesse croissante, tout en permettant à la France de structurer un puissant secteur exportateur, nombre de travaux mettent en évidence ses limites et vulnérabilités : déficit commercial croissant pour les fruits, les légumes et les produits agroalimentaires hors boissons (vins), impacts négatifs des pratiques agricoles intensives sur le climat, la biodiversité et la qualité de l’eau et des sols, impacts des intrants chimiques et produits ultra-transformés sur la santé humaine (obésité par exemple), effondrement de l’emploi agricole, précarisation de la profession induite par les déséquilibres du partage de la valeur au sein des filières, distanciation croissante entre les territoires et leur alimentation…

    3. La durabilité et la résilience dans les systèmes alimentaires territorialisés

      Urbanisation, développement des cultures d'exportation entrant en concurrence avec les cultures dédiées à la consommation locale, intensification des systèmes de production, abandon de terres agricoles, évolution rapide du climat, crise écologique, etc. : quelles sont les conséquences de ces changements sur les systèmes alimentaires et agricoles, mais aussi l'autosuffisance alimentaire des territoires, aux échelles méditerranéenne et régionale ?

      Le développement de systèmes alimentaires territorialisés présente des enjeux en matière de durabilité et résilience. L'expansion et l'intensification des productions déconnectées spatialement des zones de consommation urbaines ne favorisent pas l'autosuffisance alimentaire locale, sauf si ces productions sont accompagnées de politiques publiques adaptées aux spécificités territoriales et aux conditions du changement. Contrairement au présupposé associant productivité agricole et satisfaction des besoins, une production consommée localement dépend avant tout d’un système social et politique local qui crée les conditions d’émergence ou de développement des systèmes alimentaires localisés, et ce, quelle que soit la capacité du territoire à produire physiquement ou techniquement une denrée alimentaire. De fait, les politiques publiques sont la « clé de voûte » pour engager des changements durables dans les systèmes alimentaires, car leur adaptation à l’échelle territoriale dépend de multiples maillons différents, à la fois dans la définition de la vision du changement, mais aussi dans les procédés, comme les formes de gouvernance.

      Rendre les systèmes alimentaires et agricoles plus durables et résilients en région Provence-Alpes-Côte d’Azur nécessite une réflexion globale sur les processus qui lient production, distribution et alimentation, avec un regard particulier sur des déterminants forts, comme la diversité des exploitations (versus homogénéisation), l’accès aux structures de transformation (versus l’industrialisation des filières) et la co-construction de politiques d’approvisionnement (versus la centralisation des décisions).

      La transformation des systèmes concerne aussi les pratiques agricoles et s’intéresse à l’agroécologie. Cette dernière, soutenant le fonctionnement écologique dont elle dépend, contribue à la durabilité de l’agroécosystème. Dans notre région, elle offre aussi de meilleures capacités d’adaptation et de résilience face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensification des sécheresses agricoles et des canicules à l’avenir.

      Au-delà des liens entre production, distribution et alimentation, de nouvelles perspectives de recherche s’ouvrent sur la caractérisation de la forme et de la localisation des bassins alimentaires territoriaux (la zone d’achalandage de proximité). Les analyses ne peuvent pas se limiter à une distance isotrope conduisant à un cercle de production théorique autour de la ville, ne tenant pas en compte des contraintes pédoclimatiques ou historiques. Une distance isotrope reviendrait à considérer les mêmes propriétés dans toutes les directions. Les analyses doivent considérer l’ensemble des contraintes biophysiques, économiques, sociales et politiques qui déterminent la géographie des échanges, et aboutir à une configuration en archipel (par groupe de produits par exemple : la viande bovine de proximité, pour la ville de Marseille, provient d’un élevage non pas situé dans sa périphérie immédiate, mais sur les contreforts alpins, alors que les distances peuvent être plus courtes pour le maraîchage, Figure 8).

      Une réflexion globale sur les processus qui lient production, distribution et alimentation est nécessaire.


      Figure 8. Analyse d'un bassin alimentaire : approche méthodologique en trois étapes pour passer de l’évaluation de sa taille (cercle isotrope) à l’évaluation d’une configuration spatiale en archipel (source : Sanz Sanz E., et al., 2021).

      Zoom 2. La reconnexion des systèmes agricoles et alimentaires comme enjeu local

      Les interactions entre les trajectoires de changement des systèmes territoriaux d’usage des sols et les systèmes alimentaires locaux ont été modélisés sur le pourtour méditerranéen, à partir d’études de cas conduites dans sept pays (Italie, France, Malte, Portugal, Espagne, Tunisie et Algérie), incluant des approches qualitatives (entretiens, jeux sérieux…) et quantitatives (analyse spatiale, géomatique). La méthodologie originale a permis, dans un premier temps, de connecter les échelles locales et régionales, et de localiser précisément les processus de changement d'usage des sols dans le bassin méditerranéen. Dans un deuxième temps, les processus de changements ont été analysés en fonction des conditions de développement des systèmes alimentaires localisés. Une vidéo résume les principaux résultats du projet DIVERCROP : www.youtube.com/watch?v=iurr5ECgzdg

      Interview I. Eau et alimentation dans la région

      Fabrice DASSONVILLE, responsable régional Eaux, air extérieur (pollens/allergies), écophyto, périnatalité & santé-environnement, Département santé-environnement (DSE), Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (Photo 9 ci-contre, © ARS PACA)

      1. L’eau potable est une composante de l’alimentation. L’eau du robinet a-t-elle des vertus nutritionnelles susceptibles de préserver durablement la santé humaine ?

      L’eau du robinet est par définition une eau équilibrée, riche en sels minéraux (calcium, magnésium) et en oligo-éléments, indispensables à notre métabolisme. Selon la région, l’eau du robinet peut représenter jusqu’à 20 % de la dose quotidienne nécessaire en calcium. Par rapport aux eaux en bouteille, l'eau du robinet est souvent dédaignée, à tort : en effet, elle est le produit alimentaire le plus contrôlé en France et elle est 100 à 300 fois moins chère, sans tenir compte des considérations environnementales liées à l’utilisation de matières plastiques.

      2. De manière générale, la qualité de l’eau du robinet est-elle suffisante en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? Sera-t-il possible d’offrir à l’avenir une eau potable encore plus saine ?

      L'eau distribuée dans la région est globalement de bonne qualité, mais il existe d'importantes disparités géographiques. Les problèmes de qualité bactériologique identifiés dans les départements alpins soulignent la nécessité de poursuivre la protection des captages et si nécessaire, de mettre en place des stations de désinfection. Des contaminations chimiques, plus ponctuelles, mais de grande ampleur, et des évènements climatiques majeurs ont mis en évidence un défaut d’approche anticipative des gestionnaires vis-à-vis de ce type de risque. D’autres problématiques concernent aussi le vieillissement des réseaux et la vulnérabilité des installations face aux actes de malveillance. Dans ce contexte, l’engagement des Plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) constitue un levier d’amélioration pour offrir une eau potable encore plus saine.

      3. Le changement climatique représente-t-il une menace pour la qualité et la quantité d’eau potable ?

      À l’avenir, la disponibilité durable de l’eau de boisson sera remise en question si les systèmes d’approvisionnement ne s’adaptent pas à la variabilité et l’évolution rapide du climat. Le changement climatique modifie d’ores et déjà la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes (crues, inondations, sécheresses…), et il est susceptible d’affecter la quantité et la qualité des ressources en eau douce. Dans ce contexte, la sécurité sanitaire et la sûreté de l’eau de boisson deviennent des enjeux majeurs, d’autant plus que la croissance démographique, l’urbanisation croissante et les besoins industriels exercent aussi des pressions. Pour limiter les risques, il est indispensable de renforcer la résilience des services d’approvisionnement en eau.

      4. Quelles solutions pour sécuriser les ressources en eau potable ces deux prochaines décennies ?

      Le PGSSE constitue une approche proactive d’évaluation et de gestion des risques pour garantir la sécurité sanitaire et la sûreté des approvisionnements en eau de boisson. La démarche, recouvrant toutes les étapes d’approvisionnement, privilégie une approche anticipative plutôt que curative. Les PGSSE, introduits dans la réglementation française en 2015, s’appuient sur des méthodes d’analyse des dangers et de maîtrise des risques. L’objectif est de respecter trois exigences fondamentales : la disponibilité, la qualité sanitaire et la qualité organoleptique16 de l’eau délivrée à la population. Les PGSSE sont également des leviers d’action pour faire face aux changements climatiques à chaque étape de leur élaboration en intégrant les évènements climatiques passés et futurs.

    4. Quelle est l’empreinte carbone de l’alimentation et de l’agriculture régionales ?

      Les données relatives à l’empreinte carbone des régimes alimentaires n’étaient pas disponibles à l’échelle régionale jusqu’à récemment, alors qu’elles le sont depuis plus longtemps à l’échelle nationale et internationale. Cette anomalie a été corrigée, au moins partiellement, en 2017. Le régime actuel moyen des habitants de notre région est devenu proche de celui observé au niveau national, présentant une forte proportion d’aliments d’origine animale (produits laitiers, viandes et charcuteries). L’analyse des cycles de vie des aliments établit un net différentiel d’émissions de gaz à effet de serre (GES) entre les productions (Figure 6). Le rapport est au minimum 1 à 15.

      Figure 6. L’équivalent en dioxyde de carbone (CO2 ) émis dans l’atmosphère pour 100 g de production agricole (source : Pointerau P et al., 2019).

      Le niveau élevé des émissions de GES pour les produits animaux vient à la fois de l’énergie nécessaire pour produire les aliments du bétail, du protoxyde d’azote (N2 O) dépendant du cycle de l’azote et surtout, pour les ruminants, des émissions de méthane (CH4 ) qui a un pouvoir réchauffant nettement supérieur au dioxyde de carbone (CO2 ). De ce fait, par personne et par an, les émissions moyennes liées au régime alimentaire actuel et au périmètre de la ferme sont comprises entre 1400 et 1800 kilogrammes équivalent CO2 (dont 85-90 % d’entre elles sont dues aux produits animaux), et environ 4000-4500 m2 de surface agricole et 6000 mégajoules d’énergie sont nécessaires.

      Dans ces conditions, il est légitime de se questionner : cette situation peut-elle évoluer ? Quelles options sont possibles pour diminuer l’impact des régimes alimentaires sur les émissions de GES ? Comme pour la construction du scénario Afterres 2050 à l’échelle nationale, des scénarios de changement en région ont été calculés à partir des données observées avec diverses options :

      1. adopter un régime alimentaire qui respecte les recommandations alimentaires françaises (celles du Programme national nutrition santé, PNNS-3) ;

      2. adopter un régime de type méditerranéen ;

      3. adopter un régime qui respecte les recommandations nutritionnelles et de type méditerranéen.

      Dans les trois cas, par rapport au régime moyen actuel, l’objectif est d’augmenter les produits céréaliers, les légumes frais et secs, les fruits et les poissons, et de diminuer de plus en plus (graduellement de l’option 1 à 3, liste ci-dessus) les apports en viandes rouges, volailles et gibiers, charcuteries et fromages. Ces changements réduisent fortement les émissions de GES en lien avec le régime alimentaire (Figure 7) : par habitant et par an, 1600 kg équivalent CO2 sont émis par le système actuel contre environ 650 kg pour une assiette avec deux tiers de protéines végétales en agriculture conventionnelle (et même 560 kg en agriculture biologique).

      Les régimes à base plus végétale permettent de réduire aussi, et ce de manière significative, la surface agricole et la consommation d’énergie pour produire une alimentation de type méditerranéen, et favorisent l’adoption de méthodes de production issues de l’agriculture biologique. Ces scénarios, plus compatibles avec les capacités de production agricole régionale, doivent s’accompagner en parallèle d’une évolution des productions pour mieux garantir la capacité nourricière.

      Figure 7. Comparaison des empreintes carbone des différents régimes alimentaires (source : Le revers de notre assiette, Solagro, 2019). INCA2 ANC : en moyenne, régime actuel (enquête INCA2 2006-2007) respectant l’apport nutritionnel conseillé (ANC). INCA2 observé : en moyenne, régime actuel (enquête INCA2 2006-2007) ne respectant pas l’ANC.

      ​Info+

      Dans son rapport spécial sur le changement climatique et les terres émergées, publié en 2019, le GIEC met en avant le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre en fonction de 8 régimes alimentaires différents : végétalien (ou vegan), végétarien, flexitarien, sain, équitable et frugal, pescétarien, carnivore (omnivore en réalité) sensible au climat (en limitant les émissions de GES), méditerranéen. Le régime méditerranéen12 présente un potentiel d’atténuation de GES de l’ordre de 3 gigatonnes eqCO2 par an, contre 5 gigatonnes pour le flexitarien13, 6 gigatonnes pour le régime végétarien14 et 8 gigatonnes pour le régime végétalien15. De nouvelles études affineront ces premières estimations. Ce constat ne signifie pas que le GIEC recommande à tous de devenir végétaliens ou végétariens, car chaque régime doit être adapté au contexte local, aux modes de production et de consommation, aux besoins des populations, etc., mais l’écart montre combien la réduction de la consommation de viande est un puissant levier pour diminuer les émissions de GES dans l’atmosphère.

  5. Quels sont les régimes alimentaires et recommandations nutritionnelles ?

    Les régimes alimentaires évoluent au gré de nos systèmes alimentaires et agricoles mis en place, de l’offre et la demande, mais, aujourd’hui, quelle est la composition de nos assiettes ? Nos besoins alimentaires sont-ils couverts ? Les apports nutritionnels favorables à la santé sont-ils assurés ? En toute logique, le régime alimentaire méditerranéen devrait être privilégié par les habitants de notre région : est-ce vraiment le cas ? A-t-il des effets protecteurs sur la santé, les écosystèmes et le climat ? Son adoption peut-il répondre aux enjeux de la transition écologique et permettre d’appliquer les recommandations nutritionnelles en phase avec les Objectifs de développement durable de l’ONU ? Ces questions sont abordées dans ce chapitre.

    1. Quel est aujourd’hui le principal régime alimentaire dans notre région ?

      Peu de données sont disponibles pour déterminer avec précision ce que nous mangeons dans notre région. Les données représentatives pour les adultes proviennent des études coordonnées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), la plus récente étant publiée en 2017. Vu le nombre limité d'études et le faible échantillonnage de personnes, les données de ce sous-chapitre sont indicatives. Les consommations notables sont les suivantes (par ordre décroissant) : fruits, légumes, laits et produits dérivés, céréales et pâtes, viandes rouges, volailles, huile d’olive, poissons et fruits de mer, légumes secs, café, thé, blé dur, riz, œufs, oléoprotéagineux (Figure 9).


      Figure 9. Consommations alimentaires journalières (en grammes par jour) par grand groupe en régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et ex-Languedoc-Roussillon (source : INCA 3, 2017).

      Si les consommations régionales sont comparées à celles de la moyenne nationale, les différences observées sont assez limitées : consommations équivalentes de fruits, légumes, pâtes, pain, riz ou poissons ; -20 % environ de consommation de pommes de terre, pâtisseries, beurre et margarine, viandes rouges (mais +30 % d’agneau) ; -10 % environ de légumes et fruits secs ; enfin, nettement plus d’huile d’olive (+50 %), un peu plus de boissons alcoolisées (+8 %), laits et fromages (+5 %). Ces données de consommation soulignent assez clairement que le type d’alimentation moyen dans la région diffère peu de celui de la moyenne nationale. Les seules caractéristiques marquantes sont la surconsommation d’huile d’olive et d’agneau. Il s’agit certes d’emblèmes de l’alimentation du bassin méditerranéen, mais les consommations des autres grands groupes alimentaires sont guère différentes. Ainsi, actuellement, l’alimentation moyenne dans notre région s’est fort éloignée de celle du milieu du XXe siècle,

      qui était encore caractéristique du modèle méditerranéen traditionnel. Cela résulte de l’abandon progressif (et qui s'est accéléré ces dernières décennies) de ce modèle, conduisant à une grande transition et uniformisation à l’échelle du bassin méditerranéen, en France et en Europe. La grande majorité (environ 80 %) des aliments achetés en grandes surfaces, proposant, partout et toute l’année, les mêmes produits, et les mêmes publicités qui influencent les citoyens, explique cette évolution. Des données complémentaires indiquent qu’en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les citoyens adultes i) accordent plus d’importance à la variété et à la diversité des aliments, ii) ont une vision plus positive de l’équilibre de leur alimentation et iii) ont un score plus élevé pour les connaissances en alimentation. Les 1217 ans tendent aussi à consommer un peu plus de fruits et légumes, de poissons, de boissons sucrées, mais moins de produits laitiers et charcuterie.

    2. Choisir le régime méditerranéen serait-il bénéfique à la santé, l’environnement et le climat ?

      Un très large consensus scientifique international établit que les alimentations basées sur des végétaux sont bénéfiques aux écosystèmes et à la santé humaine, comparées aux régimes alimentaires omnivores à dominante animale. Elles sont recommandées par les instances internationales (Organisation mondiale de la santé) ou nationales (dont la France). Dans notre région, le type d’alimentation traditionnel est l’alimentation méditerranéenne, adaptée et produite essentiellement dans nos territoires. Ce n’est que récemment (deux à trois générations) que l’agriculture et les régimes alimentaires ont changé en profondeur, en copiant le modèle nord-américain riche en produits animaux, gras, salés et sucrés.

      L’alimentation méditerranéenne est bénéfique pour le climat et les écosystèmes

      Le mode de consommation le plus équilibré et adapté à notre contexte régional actuel est le régime méditerranéen puisqu’il se caractérise par une importante et dominante consommation de produits végétaux (céréales peu raffinées, légumes secs, légumes et fruits frais, noix, amandes, huile d’olive), de plantes aromatiques (ail, thym, romarin, marjolaine...), de poissons, et se compose aussi de produits laitiers et volailles en quantités raisonnables, de peu de charcuteries et viandes rouges, de produits sucrés en faible quantité (Figure 10). Parmi des plats typiques : la salade grecque ou niçoise, la soupe au pistou, le couscous, la paëlla, les

      pâtes ou les pizzas, les fruits de saison. Moins de produits d’origine animale et de produits transformés signifie, pour leur production, moins de surfaces agricoles à cultiver (-70 %), moins de consommation d’énergie (-80 %) et de ressources naturelles comme l’eau douce (-60 %), et nettement moins d’émissions de GES (-70 %), ce qui limite le réchauffement climatique. L’alimentation méditerranéenne implique aussi des productions très diversifiées, avec des rotations qui réduisent l’apport d’engrais (légumineuses ou épeautre par exemple) et l’usage de divers produits phytosanitaires. L’alimentation méditerranéenne, comme les alimentations à base végétale, présente ainsi un double avantage : générer de faibles émissions de GES, préserver les écosystèmes et donc la biodiversité, surtout si les modes de production et de distribution sont durables (agroécologie, agriculture biologique, produits locaux et de saison) et si la consommation alimentaire est bien ajustée aux besoins de chacun.

      L’alimentation méditerranéenne présente de nombreux avantages : générer de faibles émissions de GES, protéger la santé humaine, préserver les écosystèmes…