Qu'est ce qui a changé depuis le dernier rapport du GIEC ?
La France va dépasser les seuills de l'Accord de Paris - Décryptage par Joel Guiot
Un groupe de 61 scientifiques, chargé de mettre à jour chaque année l’état des connaissances, vient de publier un article dressant un constat alarmant sur l’évolution du climat depuis le dernier rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat). Ce groupe, coordonné par Piers Forster de Leeds (UK) réunit les meilleurs scientifiques issus de 54 laboratoires - dont 7 français - ayant collaboré au groupe 1 du GIEC qui s’intéresse à la physique du changement climatique. Il fournit les indicateurs importants pour mesurer le changement climatique en référence à l’Accord de Paris (2015). Pour se faire, des ensembles très complets de données ont été compilés : émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) et de forçages climatiques à courte durée de vie, concentrations de GES, forçage radiatif, déséquilibre énergétique de la Terre, changements de la température de surface, réchauffement attribué aux activités humaines, bilan carbone résiduel et estimations des extrêmes de température mondiaux, élévation du niveau de la mer et changement des précipitations terrestres.
Les activités humaines continuent à déséquilibrer le bilan énergétique de la Terre et accélèrent l'élévation du niveau de la mer
Ces indicateurs montrent que les activités humaines continuent à déséquilibrer le bilan énergétique de la Terre et accélèrent l'élévation du niveau de la mer par rapport au dernier rapport du GIEC. Pour la moyenne de la décennie 2015-2024, le réchauffement observé par rapport à la période 1850-1900 était de 1,24 [1,11 à 1,35] °C, dont 1,22 [1,0 à 1,5] °C d'origine humaine. La meilleure estimation de la température à la surface du globe observée en 2024 (1,52 °C) est nettement supérieure à la meilleure estimation du réchauffement d'origine humaine (1,36 °C), la différence étant explicable par la variabilité interne associée à la phase d'El Niño et à la variabilité de l'Atlantique.
Le réchauffement induit par l'homme a augmenté à un rythme sans précédent
Le réchauffement induit par l'homme a augmenté à un rythme sans précédent dans les archives instrumentales, atteignant 0,27 [0,2-0,4] °C par décennie sur la période 2015-2024. Ce taux élevé de réchauffement est dû à une combinaison d'émissions de GES qui ont atteint un niveau record de 53,6±5,2 GtCO2e/an (CO2e = équivalent CO2, ce gaz à effet de serre théorique regroupe l’ensemble des gaz à effet de serre en fonction de leur pouvoir réchauffant) au cours de la dernière décennie (2014-2023), ainsi qu'à des réductions de la force de refroidissement des aérosols (qu’on pourrait qualifier de polluants et qui ont tendance à diminuer). Ces changements climatiques sont responsables d’une accélération de la montée du niveau des mers : de 20,2 cm sur 1901-2018, à 2,6 cm sur les 6 dernières années.
Nous sommes très proche d’épuiser le budget carbone dont nous disposons encore
Le plus inquiétant est sans doute le fait que nous sommes très proche d’épuiser le budget carbone dont nous disposons encore si nous voulons éviter de dépasser les seuils de l’Accord de Paris. De 130 milliards de tonnes de CO2, ce budget correspond à trois ans d’émissions de GES au rythme actuel et sans doute moins si on considère l’effet du méthane. Si l’on se contente du seuil plus laxiste de +2°C par rapport à la période pré-industrielle, il nous reste encore 1050 milliards de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 25 années d’émission. On aura donc dépassé le seuil de +2°C vers 2050.
Le taux d'augmentation des émissions de CO2 au cours de la dernière décennie a ralenti par rapport aux années 2000
Tout n’est pas noir puisque le taux d'augmentation des émissions de CO2 au cours de la dernière décennie a ralenti par rapport aux années 2000 et, si on accentue les efforts, des résultats concrets pourraient être observés lors des prochaines mises à jour des connaissances.
Il est urgent de passer à un niveau d’ambition plus fort à la COP30 de Belem au Brésil en novembre 2025
Néanmoins, Valérie Masson-Delmotte a expliqué au Monde que la diminution de 1,8% des rejets carbonés constatée en France en 2024 n’est clairement pas assez rapide pour limiter le réchauffement à 1,5°C ni même 2°C. Au niveau global, nous sommes plutôt sur une trajectoire de 3°C, ce qui correspond à 4°C pour la France et pour la Région Sud d’ici la fin du siècle. Ces valeurs de réchauffement sont très difficiles à supporter par les humains, les écosystèmes naturels et les agrosystèmes. Il est urgent de passer à un niveau d’ambition plus fort à la COP30 de Belem au Brésil en novembre 2025.