4.Les signes du changement climatique dans les forêts littorales difficiles à interpréter

Pour les gestionnaires forestiers (Office national des forêts) œuvrant sur le littoral méditerranéen situé à l’est de Marseille, il est aujourd’hui encore difficile d’évaluer les impacts du changement climatique sur les peuplements forestiers. En effet, les observations et les constats effectués sur le terrain, ces 40 dernières années, ne permettent pas de dresser un bilan alarmant, ni de dégager une nette tendance générale.

L’état sanitaire des peuplements forestiers, vis-à-vis d’un stress hydrique lié au déficit des précipitations et/ou à l’augmentation de la température de l’air, en est une illustration. Les essences forestières en place présentent régulièrement des signes de dessèchement (extrémités des branches et bourgeons terminaux qui, visuellement, se traduisent souvent par des descentes de cime), mais ceux-ci s’étendent rarement à la totalité d’un peuplement forestier : ils sont plutôt circonscrits à des zones localisées et ne se manifestent donc pas à l’échelle de massifs. Une mortalité plus importante des arbres a été constatée entre 2003 et 2007, période marquée par des sécheresses hivernales et printanières atypiques. Des pinèdes littorales de pin d’Alep dans le massif des Calanques, ou de pin sylvestre sur les pentes plus élevées du massif de l’Étoile au nord-est de Marseille, ont notamment été affectées, mais sans atteindre des proportions significatives. Ces dégâts ponctuels relevés par les forestiers, qui pourraient être associés au changement climatique, ne remettent pas encore en cause la dynamique globale de reconquête forestière

amorcée depuis la fin du XIXème siècle sur l’ensemble de la région méditerranéenne française. Par exemple, les pinèdes de pin d’Alep ont colonisé plus de 200 000 hectares en un siècle en région PACA, avec une progression encore plus rapide ces dernières décennies (recensements de l’IFN). L’extension du pin d’Alep, grâce à son adaptation phénologique, est peut-être l’une des conséquences du changement climatique, mais sur le terrain, il n’est pas évident de corréler cette évolution à celle du climat, d’autant que la déprise agricole et le comportement pionnier et frugal de l’espèce ont favorisé son développement.

Il faut garder à l’esprit que la première cause de mortalité des forêts à grande échelle reste, dans le sud de la France, les incendies qui détruisent chaque année des milliers d’hectares d’espaces naturels. Au niveau national, en 40 ans, l’amélioration des dispositifs de prévention et de lutte contre les incendies ont permis de diminuer par quatre les surfaces forestières annuelles brulées (de 40 000 à moins de 10 000 ha ces dernières années). Les scénarios d’évolution du climat futur tendent toutefois à renforcer les facteurs de déclenchement et de propagation des feux de forêts (risque accru), à l’image de l’incendie de grande ampleur (18 000 ha) qui a touché les Maures lors de l’été caniculaire de 2003. Pour les forestiers, les événements climatiques extrêmes, comme ceux des étés 2003 et 2016, même s’ils ne présentent pas les mêmes caractéristiques, restent difficiles à appréhender et à anticiper.

La variabilité naturelle du climat méditerranéen complique l’analyse des données relevées sur le terrain. Par exemple, à la période sèche de 2003 à 2007 a succédé une période plus humide de 2008 à 2014, avec des précipitations plus importantes que la moyenne des 40 dernières années et mieux réparties sur l’année. Si les tendances climatiques se confirment à moyen et long terme au niveau local (baisse constatée des précipitations moyennes annuelles de 50 mm en 50 ans et augmentation sensible de la température moyenne annuelle de l’air de 0,2°C en 20 ans), l’analyse deviendra encore plus complexe et problématique, avec des impacts durables sur les forêts du littoral.

Les gestionnaires forestiers du littoral marseillais ne disposent pas aujourd’hui d’indicateurs pertinents pour déterminer de manière précise les conséquences du changement climatique sur l’évolution de la forêt méditerranéenne. Une réflexion commune avec les scientifiques mériterait d’être engagée afin de cibler et construire des indicateurs de suivi susceptibles de corréler observations de terrain et données climatiques à différentes échelles temporelles et spatiales.

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