2.Des enjeux spécifiques sur le littoral

Élévation du niveau de la mer, érosion côtière et risques littoraux

Par F. SABATIER

Le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur présente la particularité et l’originalité de posséder la majorité des différents types de plages méditerranéennes (deltas : Camargue, tombolo : Giens, baies : Nice, petites plages de criques : Agay, etc.). Ces différentes plages affichent des modes de fonctionnement particulier, mais elles seront toutes soumises aux effets du changement climatique.

Dans le détail, le changement climatique s’articule généralement entre la montée lente de la mer dont les projections indiquent une accélération et une 29 recrudescence des tempêtes (durée et/ou intensité et/ou fréquence), pour lesquelles l’augmentation récente et future ne préfigure pas de changement perceptible dans cette partie du bassin méditerranéen. Cependant, la montée du niveau moyen de la mer, même à la vitesse de quelques millimètres par an, permettra aux houles de tempêtes d’atteindre plus profondément les zones en arrière de la plage. Ce mécanisme inéluctable affectera aussi les digues portuaires dont la taille des structures a généralement été calibrée à un niveau marin constant. De fait, leur efficacité face aux évènements extrêmes se réduira.

Toutes les plages sont concernées par ce phénomène et leur réponse morphologique sera variable selon la place (espace de liberté) dont elles disposeront du coté terre. En effet, sous ces contraintes, le rivage recule, mais les houles de tempête projettent aussi des sables en arrière de celui-ci autorisant le maintien d’une masse sableuse suffisante à la conservation de la plage. Toutefois, ce mécanisme d’auto-régénération de la plage rencontre aujourd’hui sur le littoral de la région, deux contraintes majeures. En premier lieu, les plages connaissent un déficit sableux important causé par la réduction des apports par les cours d’eau (dragages, barrages, revégétalisation des bassins versants, etc.) et par les équipements côtiers qui perturbent, voire modifient et/ou aggravent localement l’érosion. Ensuite, la majorité des plages a progressivement perdu sa capacité naturelle à s’auto-régénérer du fait de la présence de digues, parkings, promenades en fond de plage : pendant les tempêtes, la houle ne parvient plus à projeter en arrière les sables, car elle « rebondit » (processus de réflexion) sur les enrochements et entraîne les sables vers le large dont une partie ne reviendra plus à la côte.

Au début du XXIe siècle, alors que les effets du changement climatique n’impactaient pas encore les plages de Provence-Alpes-Côte d’Azur, la situation sédimentaire était déjà préoccupante comme en attestent plusieurs décennies d’actions publiques pour tenter de stabiliser le rivage. Dans ce contexte, l’augmentation attendue du niveau de la mer ne pourra qu’aggraver la situation dont les effets se manifesteront durant le siècle en cours.

Les outils juridiques d’adaptation au changement climatique pour l’urbanisme littoral

Par M.-L. LAMBERT

Les changements climatiques obligent aujourd’hui à réfléchir à de nouvelles pistes juridiques pour gérer l’urbanisme sur des littoraux vulnérables à l’élévation du niveau marin. En cas d’inaction des pouvoirs publics, les dommages aux biens et aux personnes peuvent se multiplier et les risques de responsabilité administrative ou pénale des élus sont nombreux.

Si les évènements extrêmes (comme la tempête Xynthia) et l’érosion du trait de côte (reculs importants du littoral sur la côte atlantique aux hivers 2013 et 2014) marquent déjà la conscience des habitants et des acteurs locaux, il est important d’anticiper dès maintenant ce phénomène afin de construire notamment un droit de relocalisation des activités et des biens qui soit acceptable, durable et équitable.

La loi Littoral demeure un outil indispensable pour prévenir l’urbanisation future dans les zones exposées au risque, mais doit être renforcée. Parallèlement, le droit actuel prévoit peu de solutions qui soient à la fois équitables et pérennes pour organiser la « déconstruction » des immeubles existants, déjà construits dans les zones à risque de submersion marine et menacés par l’érosion littorale et l’élévation du niveau marin.

Plusieurs équipes de chercheurs d’universités méditerranéennes travaillent sur ces questions, souvent en collaboration avec les acteurs de terrain, pour faire émerger des solutions.

Les recherches en cours montrent que le maintien ou le retour à l’état naturel ou peu anthropisé de la bande littorale la plus vulnérable constitue, dans bien des cas, un moyen permettant de garantir la sécurité des personnes, la protection et l’attractivité de l’arrière-pays. La notion de « domaine public littoral » pourrait alors traduire le statut juridique de cet espace qui sera progressivement repris par la mer. Sur cette bande littorale, le droit devrait innover pour permettre l’abandon par les propriétaires des constructions existantes, en intégrant le long terme : l’étalement dans le temps de la perte de propriété et l’introduction de critères d’équité sociale sont proposés.

Enfin, il peut être opportun de lancer des pistes de réflexion sur les modes d’occupation du littoral, en imaginant des usages provisoires, adaptables et plus partagés de cet espace mouvant.

Rechercher
Newsletter