6.SECTEURS ÉCONOMIQUES ET ESPACES PRODUCTIFS

Les activités humaines constituent l’une des causes du changement climatique à travers les émissions de gaz à effet de serre qu’elles génèrent, mais elles sont également impactées par les effets de ce changement. Nombre de nos secteurs économiques reposent sur les ressources naturelles de notre territoire et sont largement dépendants du climat. C’est le cas en particulier des activités reposant sur les espaces productifs que sont les terres agricoles, les forêts ou la mer. C’est également le cas d’un secteur majeur en Provence-Alpes-Côte d’Azur : le tourisme. Ce sont des exemples d’activités non seulement concernées par la nécessité de limiter leurs propres consommations d’énergie et leurs propres émissions de GES, mais également par la nécessité d’anticiper les conséquences du changement climatique pour s’adapter.

6.80. Les impacts du changement climatique sur l’agriculture et la forêt

Par B. SEGUIN et F. LEFÈVRE

Les impacts du changement climatique sur les formations végétales se traduisent par des processus écophysiologiques qui peuvent être schématisées ainsi :

  • l’augmentation du CO2 va stimuler la photosynthèse des couverts végétaux et créer des conditions permettant d’augmenter potentiellement la production de biomasse jusqu’à 20% pour certaines espèces ;
  • l’accélération du calendrier phénologique va réduire la durée des cycles de culture, et donc le temps de fonctionnement de l’usine photosynthétique pour les végétaux à cycle déterminé (cultures annuelles), ou au contraire augmenter cette durée du cycle de végétation pour des arbres fruitiers ou forestiers. Elle va aussi modifier le phasage des stades avec les facteurs du climat (gel de printemps, sécheresse estivale notamment) ;
  • des températures plus élevées peuvent être plus favorables pour la plupart des processus physiologiques, à condition de ne pas dépasser l’optimum au-delà duquel les valeurs deviennent excessives ;
  • enfin, les modifications de pluviométrie peuvent s’avérer totalement déterminantes, surtout en cas de renforcement des sécheresses.

Dans la mesure où ces différentes composantes conduisent à des conséquences extrêmement variables, les effets résultant sur l’agriculture et la forêt peuvent être tantôt positifs, tantôt négatifs, suivant les productions et les régions.

Des effets variables selon les productions agricoles

Globalement, les productions agricoles des latitudes élevées pourraient être favorisées, alors que celles des pays des basses latitudes seront affectées négativement. Le tableau pour l’Europe (et en particulier la France) recoupe ce partage entre Nord et Sud. A priori, les grandes cultures et les prairies, plutôt favorisées en France, pourraient être au contraire pénalisées dans le sud où apparaît le risque de sécheresses accentuées, accompagnées de températures excessives. Pour les arbres fruitiers et la vigne, l’avancée généralisée de la phénologie peut accentuer les problèmes de risque de gel au moment de la floraison, et agir sur la quantité, mais aussi la qualité du produit suite à l’avancée des stades sensibles. En ce qui concerne l’agriculture, au niveau français, il existe des projections issues des travaux de l’Inra d’Avignon, en complément d’études préalables plus ponctuelles. Pour l’essentiel, elles ont été effectuées dans le cadre du projet Climator qui se basait sur treize sites considérés comme représentatifs, dont celui d’Avignon. Des estimations sont ainsi disponibles sur ce site pour des cultures annuelles (blé, maïs-sorgho, colza, tournesol, prairie) et la vigne : la synthèse pour la zone sudest, vue à travers le site d’Avignon, met en relief l’effet prédominant du déficit hydrique annuel. Il en résulte une légère diminution du rendement des cultures annuelles telles que le blé en pluvial (c’està-dire non irrigué), ainsi qu’une baisse du confort hydrique de la vigne. Par contre, dans les situations irriguées, les effets positifs énoncés plus haut peuvent prendre le dessus et conduire à une augmentation des potentiels de rendement des cultures, sous réserve que l’action négative possible, actuellement mal cernée, de températures excessives ne vienne pas assombrir le tableau. Bien évidemment, ces projections, pour détaillées qu’elles soient sur le site d’Avignon, demanderaient à être reprises et spatialisées pour être adaptées aux différentes caractéristiques locales au sein de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais le travail est absolument colossal et seul un premier essai d’essaimage pour quelques petites situations représentatives pourrait être envisagé dans le futur proche. Il serait, en particulier, souhaitable de progresser dans l’identification de méthodes d’adaptation concrètes, pour lesquelles on dispose seulement encore de modalités très générales : associer les changements à recommander pour le choix des variétés et des techniques culturales (incluant l’irrigation), tout en gardant à l’esprit les interactions possibles avec les ravageurs et les maladies cryptogamiques. Un déplacement géographique vers le nord ou en altitude est également à considérer, mais il n’est pas directement envisageable pour les productions liées au terroir, comme le sont les appellations d’origine contrôlée. Il est à noter que les effets majeurs du changement climatique constatés pour la région depuis la fin des années 1980 (comme dans beaucoup de zones géographiques) sont, pour l’essentiel, en bon accord avec ces projections : en premier lieu, l’avancée généralisée des stades phénologiques (en particulier, dates de floraison pour les arbres fruitiers et de véraison pour la vigne) conduisant en fin de cycle à une avancée notable des dates de récolte (moissons pour les céréales, vendanges pour la vigne) ; mais aussi forte contribution à la stagnation du rendement du blé et à l’augmentation du degré alcoolique du vin. Bien évidemment, l’analyse des séries historiques fait toujours apparaitre une forte variabilité interannuelle qui se superpose à l’évolution moyenne, mais cette dernière est fortement significative, ce qui renforce la crédibilité des projections présentées plus haut. À titre d’exemple, en 50 ans, les vendanges à Châteauneuf-du-Pape ont avancé de trois semaines. Au final, un réchauffement de l’ordre de 2°C ne provoquerait qu’un léger déplacement d’équilibre, restant dans les limites des capacités d’adaptation presque traditionnelles. En revanche, il est difficile de cerner les conséquences d’un réchauffement de 4 à 5°C. Il provoquerait sans doute des ruptures significatives. Même s’il n’est pas le seul facteur d’influence de l’agriculture, il aurait un impact réel sur la productivité et la répartition des cultures et la menacerait directement par l’accroissement du nombre et de la sévérité d’épisodes d’événements extrêmes, essentiellement les canicules et les sécheresses.

Les forêts méditerranéennes

Pour les forêts et autres espèces pérennes, les conséquences doivent être envisagées dans la durée, avec de possibles effets cumulatifs des fluctuations climatiques annuelles (par exemple années sèches successives). Les échelles de temps à considérer vont de quelques années, pour anticiper les modifications de fonctionnement des peuplements en place, à plusieurs dizaines d’années si l’on veut intégrer leur renouvellement, avec bien évidemment des niveaux d’incertitudes croissants. Les conséquences sur la forêt seront très variables selon les régions, voire les microrégions (topographie) et selon les essences. Un niveau d’incertitude supplémentaire vient de la complexité des interactions dynamiques entre les arbres et leurs symbiotes, parasites ou ravageurs. De façon très globale, on attend le même partage entre Nord et Sud que pour les cultures, avec une sensibilité particulière à court terme des forêts de la région intermédiaire qui ne sont pas acclimatées aux épisodes de sécheresse. Les forêts de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (couvrant 42% de la région, au deuxième rang en France) sont particulièrement diversifiées en termes de composition d’essences et de structures et, de plus, elles couvrent des milieux très variés s’étageant du niveau de la mer aux massifs alpins avec un rôle majeur de la topographie sur le microclimat local. Les conséquences du changement climatique sur les forêts de la région sont et seront donc très hétérogènes selon les sites. On peut s’attendre à une remontée de la zone de transition des essences que l’on retrouve aussi en forêt tempérée (comme le pin sylvestre, le hêtre, le sapin, l’épicéa etc. qui sont ici en marge sud de leur aire de répartition) et des essences typiquement méditerranéennes (comme le pin d’Alep, cèdre, chêne liège, etc. qui sont ici en marge nord de leur aire). Des dépérissements importants sont déjà observés sur certaines essences (ex. : épicéa, sapin) à la suite de la canicule de 2003 et aux années sèches qui ont suivi, conjugaison complexe d’effets de la sécheresse et de parasites (insectes, gui). Certaines essences comme le pin sylvestre ont vu leur productivité baisser depuis plusieurs années, tandis que d’autres comme le pin d’Alep qui ne semblaient pas encore affectées commencent à le devenir. Les dépérissements peuvent contribuer à l’augmentation du risque incendie (lire articles suivants). Les impacts du changement climatique sur la reproduction et la régénération restent à quantifier. Mais il faut aussi tenir compte de la grande biodiversité des peuplements, gage d’une certaine résilience et d’un potentiel adaptatif des forêts que l’on a encore du mal à évaluer (un dépérissement partiel limité peut être le signe d’une sélection naturelle bénéfique). Pour adapter les forêts de la région tout en préservant les options futures pour faire face aux multiples incertitudes à moyen et long terme, il est fondamental d’adopter une stratégie de gestion adaptative déclinée selon les spécificités des contextes locaux d’altitude, de versant, d’espèces…

ZOOM 7. RÉDUIRE LA CONTRIBUTION DE L’AGRICULTURE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Par J.-M. BARBIER

Face au changement climatique, de nombreux travaux cherchent à anticiper les conséquences en examinant comment adapter dès maintenant les systèmes de production agricoles. Beaucoup moins d’efforts sont déployés pour chercher à atténuer les effets des choix et pratiques agricoles sur les émissions de GES. Or le secteur agricole et alimentaire peut jouer un rôle majeur pour maintenir le réchauffement planétaire dans une limite acceptable et stabiliser la concentration en CO2 de l’atmosphère.

Il existe tout d’abord des marges de manœuvre importantes à l’échelle des exploitations agricoles. Les techniques issues de l’agro-écologie qui permettraient d’opérer une intensification durable de l’agriculture peuvent conduire à réduire l’usage des intrants – notamment des engrais minéraux azotés –, à limiter l’intensité du travail du sol (non-labour) et à favoriser les recyclages internes dans les unités de production. Ces pratiques sont susceptibles de fortement réduire la contribution de l’agriculture au changement climatique puisque l’azote et la consommation des carburants sont les principaux postes d’émissions de GES dans les systèmes agricoles. Il n’est cependant pas certain que ces atténuations directes suffisent, il faut aller plus loin.

Cela est possible car l’agriculture, comme la forêt, est susceptible de rendre d’importants services de nature « climatique ». Un usage approprié des sols et, notamment, un usage agricole favorisant les cultures pérennes (prairies, agroforesterie), la forêt et une gestion adaptée de ces agro-écosystèmes rendrait en effet possible le stockage d’importantes quantités de carbone. Ainsi, pour réduire significativement les émissions de GES, il convient d’adopter des démarches qui ne considèrent pas seulement chaque unité de production individuellement mais qui s’inscrivent dans une approche territoriale. Une telle approche permet d’optimiser à la fois la réduction des sources d’émissions à l’échelle des parcelles cultivées et des bâtiments d’élevage, le stockage dans les sols et la végétation (puits de carbone), ainsi que la production locale d’énergie via les bâtiments agricoles, mais également la biomasse et les techniques de méthanisation (toute production d’énergie verte permet de réduire d’autant la consommation d’énergie fossile). Enfin, les territoires sont également des lieux où il est possible d’adapter les systèmes alimentaires car, au-delà des circuits de distribution et des gaspillages alimentaires, il existe des différences très importantes d’émissions de GES selon la nature des aliments consommés. Une modification des comportements des consommateurs vers des régimes moins carnés doit être encouragée au plus vite pour libérer, à l’échelle mondiale, des terres où il serait possible de stocker du carbone et produire de l’énergie verte.

FORÊTS MÉDITERRANÉENNES ET SÉQUESTRATION DE CARBONE

Par G. SIMIONI

Les forêts méditerranéennes présentent des typologies très variées et sont souvent de structures complexes (mélangées, hétérogènes), autant de facteurs qui influencent la séquestration (par exemple, les forêts constituées de vieux arbres stockent moins le carbone). La séquestration de carbone à l’échelle régionale reste cependant peu étudiée. L’Institut forestier national (IFN) l’estime à environ 1 million de tonnes de carbone. Pour le futur, les quelques travaux par simulations en zone méditerranéenne à l’aide de modèles mécanistes suggèrent une augmentation de la séquestration. Cela résulterait de l’effet fertilisant de la hausse du CO2 et de l’allongement de la période de croissance. Mais ces études ponctuelles ne prennent pas encore en compte les dommages par cavitation (rupture du flux de sève dans l’arbre en cas de sécheresse extrême), l’augmentation du risque incendie, la pollution par l’ozone, la déposition d’azote (apport d’azote contenu dans l’atmosphère qui peut se faire lors de pluie ou sous forme de dépôt sec), les effets de pathogènes, les successions d’espèces... Les prédictions de séquestration de carbone en Provence-Alpes-Côte d’Azur restent donc très incertaines.

6.80.79. Viticulture et changement climatique

3 questions à I. GARCIA DE CORTAZAR-ATAURI

Quels sont les impacts du changement climatique sur les vignobles des Côtes-du-Rhône ?

Comme dans les autres régions de France, nous attendons une augmentation de la température de l’air dans les vignobles des Côtes-du-Rhône qui va certainement provoquer un avancement de la phénologie (débourrement, floraison, véraison) et de la récolte d’environ 8 à 10 jours par degré d’augmentation de la température (résultats CLIMATOR). Ce changement va affecter la croissance de la plante, mais aussi les conditions climatiques de la période de maturation. Celle-ci aura lieu au moment le plus chaud de l’été (courant juillet-août, plutôt que août-septembre) et cela va modifier en partie les caractéristiques organoleptiques des raisins à la récolte. Par ailleurs, des changements sont attendus concernant la pluviométrie avec une diminution significative pendant la période estivale. Cela va affecter l’état hydrique de la plante et sa capacité de production. Néanmoins, ces phénomènes ne vont pas affecter de la même manière la plante selon le type de sol de chaque parcelle. Enfin, concernant les maladies, des modifications sont aussi attendues. Les premières études montrent notamment une diminution de la pression de maladies cryptogamiques due à des conditions climatiques moins favorables à leur développement (i.e. moins de jours de pluie).

Les terroirs viticoles méditerranéens actuels (PACA) seront-ils encore propices à la culture de la vigne dans 25 ans ? Faut-il envisager une redistribution spatiale des vignobles ?

Les informations relatives à l’évolution du climat ne nous font pas penser actuellement que les vignobles des Côtes-du-Rhône ne seront plus viables dans 25 ans. Par contre, les impacts décrits plus haut nous montrent que certaines adaptations seront nécessaires à court et long terme. Des études en cours sur le climat de certains vignobles nous montrent que des variations climatiques significatives existent dans des zones assez réduites (1-2°C de variation dans une zone de 25 km²). On peut imaginer qu’une redistribution des parcelles annulerait ou atténuerait les effets du changement climatique. Autrement dit, une parcelle qui serait aujourd’hui trop tardive ou trop fraîche, n’atteignant pas le niveau de qualité souhaité, pourrait atteindre ce dernier sans problèmes majeurs d’ici quelques années. Dans ce contexte, il est très important de faire une bonne analyse climatique à fine échelle de nos vignobles.

Existe-t-il des moyens d’adaptation et des opportunités pour les viticulteurs ?

Plusieurs voies sont étudiées actuellement par l’Inra qui a comme objectif d’évaluer et proposer des stratégies d’adaptation des vignobles face au changement climatique. Parmi les adaptations étudiées (autres que la redistribution parcellaire décrite plus haut), nous pouvons citer : la recherche de nouvelles variétés ou de clones de variétés déjà cultivées qui seront mieux adaptés aux conditions futures et donc capables de supporter des fortes températures ou le stress hydrique ; la gestion de la conduite pour changer le microclimat de la plante et améliorer les conditions climatiques pendant la maturation ; le développement de certaines techniques œnologiques (par exemple, la désalcoolisation ou l’acidification des vins) ; l’introduction de l’irrigation pour atténuer les effets des fortes températures et du stress hydrique sur la qualité du raisin et maintenir un certain niveau de production… Néanmoins, les adaptations ne seront pas les mêmes selon les zones géographiques, les vins recherchés (rosé, blanc, rouge) et les types de sol disponibles de la région. Comme dans d’autres régions, certains secteurs situés en altitude pourraient devenir propices à la culture de la vigne. Enfin, un travail commun avec les partenaires de la filière (instituts techniques, interprofessions, producteurs, syndicats…) est nécessaire pour bien identifier et définir ces stratégies d’adaptation.

6.80.129. L’impact des changements climatiques sur la gestion forestière et le risque incendie

Par T. CURT, T. FRÉJAVILLE et E. RIGOLOT

Les incendies de forêts sont une partie intégrante des écosystèmes méditerranéens. Ils constituent à la fois une menace pour les biens, les services et les écosystèmes, en détruisant chaque année des milliers d’hectares. Ils génèrent souvent des problèmes d’érosion et de désertification, de qualité de l’air et d’émissions de CO2 . Pourtant, ils sont aussi une perturbation nécessaire ou compatible avec le maintien d’écosystèmes comme les garrigues, par exemple.

Bien qu’il existe encore des incertitudes liées aux projections climatiques, les décideurs publics et les gestionnaires devront probablement faire face à une augmentation de la fréquence des incendies, de leur intensité et de leur sévérité. En Europe du Sud, les modèles actuels prédisent une augmentation globale du risque incendie liée à une augmentation des jours avec un danger sévère ou extrême et à un allongement de la saison à risque. La surface brûlée pourrait ainsi augmenter d’un facteur de 3 à 5 vers 2100 (scénario A2, pessimiste).

Toutes ces évolutions plaident pour une gestion adaptative des forêts pour limiter les risques et les impacts à long terme.

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un point chaud pour les feux de forêts ; 75% des communes ont été touchées par des incendies. En région méditerranéenne française, en moyenne, 2500 départs de feux et 21000 ha de forêts et de milieux naturels sont brûlés par an. La région regroupe plusieurs facteurs prédisposant à l’éclosion, puis à la propagation : climat sec, chaud et venté, végétation abondante et souvent inflammable, forte pression anthropique (densité humaine, densité de l’habitat et des réseaux routiers...) qui génèrent de nombreux départs de feux. Elle comprend aussi une forte concentration d’enjeux humains et technologiques qui désorganisent les stratégies de lutte et augmentent fortement le risque.

L’activité des incendies dans la région dépend de trois grands facteurs : nombre de départs de feu (principalement générés par l’homme), végétation combustible et climat. La plupart des incendies survient en été, car les conditions météo sont très favorables et les activités humaines et touristiques sont décuplées. Cependant, des pics d’activité liés aux activités agricoles, pastorales ou forestières peuvent aussi exister hors été.

Les changements climatiques combinés aux changements d’occupation et d’usages du sol devraient modifier l’activité des incendies :

  • augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies dans les secteurs ayant déjà une forte activité d’incendies malgré l’efficacité de lutte ;
  • augmentation de l’activité dans les secteurs montagneux de l’arrière-pays. Ces secteurs nouvellement affectés par les incendies sont généralement moins bien équipés et surveillés.

Par ailleurs, la hausse de la température devrait augmenter les dépérissements forestiers déjà constatés sur certaines espèces, ce qui augmente la biomasse combustible morte et donc l’intensité des incendies ;

  • une saison de feux plus précoce (printemps) dans certains secteurs et plus tardive (octobre) dans d’autres ;
  • des saisons particulièrement difficiles lors des épisodes de canicule et/ou de sécheresse comme en 2003, ces évènements climatiques exceptionnels générant une « suractivité » d’incendies intenses et difficiles à contrôler ;
  • possible augmentation des grands incendies malgré l’efficacité de la lutte ;
  • une augmentation de la vulnérabilité liée aux enjeux humains et naturels (maisons, infrastructures, réseaux).

La gestion du combustible est la seule action permettant de modifier le comportement du feu. Trois stratégies fondamentales sont possibles : cloisonnement des massifs forestiers par des réseaux cohérents et régulièrement entretenus, modification du combustible par une mosaïque d’interventions à l’échelle du paysage ou conversion des communautés végétales les plus sensibles en des formations végétales plus résistantes ou plus résilientes au feu. La 1ère option est certainement celle qui continuera à être la plus utilisée dans la région, mais une intensification durable de la gestion forestière liée à une demande en bois accrue dans le cadre de la transition énergétique présente des opportunités pour une sylviculture préventive bien maîtrisée.

Zoom 8. ÉVALUATION DU RISQUE D’INCENDIE DE FORÊT EN CORSE À L’HORIZON 2100

Par E. GARBOLINO

La Corse est un territoire déjà connu pour son exposition actuelle aux incendies de forêt. Le contexte de réchauffement climatique et les projections réalisées par le GIEC nécessitent d’évaluer l’impact sur le risque d’incendies sur ce territoire déjà vulnérable. Pour cela, le Centre de recherche sur les risques et les crises de MINES ParisTech a développé une méthodologie qui repose sur les étapes suivantes : l’étalonnage des plantes principalement impliquées dans les incendies de forêt avec les variables climatiques, l’estimation de la répartition potentielle de ces plantes selon le climat actuel (référentiel) et le climat futur (2100). La comparaison des probabilités de répartition selon le climat actuel et futur montre une progression moyenne des végétaux thermophiles et xérophiles (espèces propices à la propagation des feux) sur près de 300 m d’altitude, ce qui va provoquer le remplacement des autres végétaux moins exposés aux incendies de forêt. Ces résultats soulignent ainsi la possibilité d’une augmentation des surfaces exposées au risque d’incendie de forêt dans le futur et suscitent des questions quant à l’adaptation des pratiques d’utilisation du sol pour limiter la vulnérabilité du territoire. Cette méthodologie développée sur le territoire corse peut être appliquée à la région PACA.

Dans ces perspectives, toutes les options de maîtrise du combustible devront être mobilisées, comme le débroussaillement mécanique, le sylvo-pastoralisme, voire l’utilisation du feu lui-même pour la prévention des incendies de forêt. Cette dernière pratique peut être utile pour le maintien de la biodiversité et de certaines espèces dans des écosystèmes « contrôlés par le feu ». L’objectif d’une gestion raisonnée du risque incendie à long terme serait d’éviter les incendies dévastateurs, tout en encourageant des usages du feu (brûlage dirigé, usage traditionnel du feu respectueux des bonnes pratiques et de la réglementation) compatibles avec les activités humaines et le fonctionnement des écosystèmes.

6.80.174. Impact du changement climatique sur le pastoralisme

Par L. GARDE et S. VIEUX

Les systèmes d’élevage méditerranéens et montagnards sont très largement déployés sur les espaces naturels pour l’alimentation de leurs troupeaux. Alpages, forêts, landes, marais et pelouses sèches fournissent ainsi 30% (pour l’élevage de haute montagne soumis à une longue période hivernale à l’intérieur) à 80% de l’alimentation annuelle des ovins, bovins et caprins.

Les milieux ouverts sont très sensibles aux effets du climat, du fait d’une faible réserve en eau du sol et d’une grande exposition au soleil et au vent. A l’inverse, landes et bois tamponnent les rigueurs du climat, d’une part parce que l’ombre prolonge l’appétence de l’herbe, d’autre part parce que les ligneux sont consommés par les animaux. La valorisation d’une grande diversité de milieux par les animaux et la mobilité de l’élevage (transhumance estivale et hivernale) sont donc des facteurs d’adaptation à la grande variabilité du climat et un atout pour l’adaptation au changement climatique. L’autre facteur d’adaptation au risque climatique est l’irrigation des surfaces de fauche permettant de sécuriser le stock hivernal.

Le changement climatique régional représente déjà un accroissement de température annuel de 1,5°C en 30 ans. Ce réchauffement, appelé à s’accentuer, devrait avoir des effets positifs (allongement de la durée de pâturage) et négatifs (baisse de la réserve en eau des sols) pour les troupeaux. Il devrait aussi se traduire par des accidents climatiques de plus en plus marqués. Enfin, le changement climatique pourrait impacter fortement les écosystèmes herbacés, sans que l’on sache encore si l’on assistera à une remontée des étages de végétation (« méditerranéisation ») ou à une série de ruptures affectant les espèces spécialisées (banalisation).

Un observatoire de ces changements a été mis en place à l’échelle des alpages de l’arc alpin, le réseau Alpages sentinelles. Il s’agit également d’un laboratoire de gouvernance partagée face à une menace pesant sur des écosystèmes remarquables qui sont aussi des espaces de production pour l’élevage régional.

6.128. La pêche et le changement climatique

Par P. GUIDETTI et P. FRANCOUR

La pêche est l’activité humaine liée à la mer la plus enracinée dans l’histoire et la culture, et la plus partagée par les communautés humaines côtières de la planète. Simple source de protéines à la base pour les populations côtières, elle est devenue une activité socio-économique de grande ampleur, dont il ne faut pas cacher les implications environnementales sur la biodiversité, les stocks ciblés ou non et les habitats. La pêche ? Non, les pêches ! Il faut a minima distinguer la pêche industrielle et la pêche artisanale. La première est plus développée technologiquement et suppose le recours à de grands navires et une véritable stratégie d’investissements financiers. La pêche artisanale (ou pêche aux petits métiers), en revanche, est une activité liée aux traditions locales, opérée par des petits bateaux côtiers, gérée au niveau familial ou par de petites coopératives, dont les produits sont généralement consommés localement.

L’accroissement de l’effort de pêche, essentiellement industrielle, et des impacts anthropiques variés (ex. : pollution, destruction d’habitat, nurseries) ont considérablement diminué les ressources halieutiques, tant sur la côte qu’au large. Toutefois, d’autres modifications de grandes ampleurs ont affecté l’écologie de la Méditerranée au cours des dernières décennies. Le terme « changement global » résume à lui seul tous ces phénomènes : hausse des températures ou du niveau de la mer, perturbations des échanges entre bassins océaniques (creusement du Canal de Suez) et introductions volontaires d’espèces. Les causes sont multiples et, dans le cas des pêcheries, ces changements ont provoqué des modifications de la répartition

géographique des espèces ou l’arrivée d’espèces exotiques, envahissantes ou non, en provenance de la mer Rouge ou de l’Atlantique. Une modification profonde de la faune et de la flore méditerranéenne est en train de s’opérer sous nos yeux. Des herbivores comme les poissons lapin (Siganus luridus et S. rivulatus) supplantent la saupe (Sarpa salpa) en Méditerranée orientale et entraînent une désertification des fonds rocheux côtiers. Des carnivores comme le poisson flûte (Fistularia commersonii) représentent une menace pour les espèces côtières de petite taille. Des espèces fortement toxiques, comme le fugu (Lagocephalus sceleratus), représentent un danger pour la santé humaine.

Traditionnellement, la pêche industrielle a été considérée, à l’opposé de la pêche artisanale, comme une pêche non durable. Les synergies éventuelles avec les autres activités anthropiques (aménagements littoraux, pollution, pêche de loisir, etc.) faisaient déjà peser de nombreuses menaces sur les stocks de poissons. Le changement climatique actuel et le changement global dans son ensemble représentent, sans aucun doute, une menace supplémentaire très sérieuse. Les conséquences directes et indirectes sont encore très largement inconnues, car l’essentiel des activités scientifiques se concentrent en priorité sur la simple signalisation des modifications faunistiques. Sans renier l’aspect fondamental de ces travaux, il est indispensable de promouvoir actuellement les recherches sur les conséquences directes et indirectes de ces modifications.

6.173. Le tourisme, une activité sous l’influence du climat et de la météo

Par M. LOOTVOET et J.-P. CERON

Relecteurs : P. ROSSELLO, E. GEORGE-MARCELPOIL, S. ROBERT et C. CHAIX

L ’attractivité touristique des départements littoraux de Provence-Alpes-Côte d’Azur dépend largement de son climat chaud et ensoleillé. Si la météo – le court terme – conditionne souvent la réussite du séjour, surtout pour les destinations balnéaires, le climat – le long terme – est un facteur de décision important dans le choix de la destination, même si les critères financiers prévalent.

Plage de la Pointe Rouge

À l’avenir, on peut imaginer que ce climat devienne moins attractif en été à cause des températures de l’air trop élevées (et peut-être aussi de l’humidité croissante en bord de mer), mais les touristes ont tendance à sous-estimer leur sensibilité à la canicule et placent le seuil acceptable de la température à un niveau pouvant engendrer des risques pour la santé. L’amélioration des conditions climatiques aux intersaisons pourrait par contre représenter une évolution positive pour limiter la surfréquentation de certains sites, éviter la saturation des hébergements et ainsi réduire l’exposition des touristes à certains risques (feux de forêt ou événements climatiques extrêmes, par exemple).

La question peut aussi se poser en termes de position concurrentielle des destinations. L’amélioration des conditions climatiques au nord de l’Europe n’incitera-t-elle pas certaines clientèles privilégiant actuellement les rives de la Méditerranée à passer les vacances d’été à proximité de leur lieu d’habitation ? Et les conditions climatiques favorables au printemps et à l’automne ne profiteront-elles pas plutôt aux destinations de la rive sud, plus fortement touchées par les excès de chaleur estivale ? Le tourisme estival en montagne ne va-t-il pas être privilégié par les vacanciers désireux d’éviter les périodes de canicule ? Dans tous les cas, on comprend que les stratégies, souvent déjà en place, basées sur la qualité de l’offre, l’accessibilité et la valorisation du patrimoine resteront payantes.

Dans la zone alpine du territoire, pour le tourisme hivernal, les domaines skiables situés en dessous de 1500 à 1800 mètres d’altitude (selon le versant…) seront les plus touchés et les plus vulnérables, en l’absence d’adaptation des activités. L’épaisseur du manteau neigeux tend en effet à diminuer et le seuil critique pour la rentabilité de la station risque d’être atteint plusieurs années successives. Pour ces stations en particulier, la diversification des activités économiques (tourisme, agriculture…) apparaît comme la seule alternative actuelle. Pour les stations situées en haute altitude, la stratégie d’adaptation consistant à renforcer l’enneigement artificiel se confronte aux enjeux de réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, mais surtout aux impacts environnementaux locaux (création de bassins de rétention, par exemple). Et dans une perspective de hausse des températures, cette solution non soutenable risque de ne plus être viable. L’adaptation des stations de sports d’hiver passera sans doute par un travail de prospective sur l’ensemble des territoires concernés – intégrant développement touristique, autres activités économiques, urbanisme, cadre de vie, etc. – visant à penser et anticiper la diversification et à faire évoluer l’image de la montagne en hiver. Un appui financier et d’ingénierie destiné aux stations les plus vulnérables sera sans doute nécessaire. Enfin, n’oublions pas le tourisme estival en montagne qui pourrait gagner des clientèles recherchant la fraîcheur (montée du climatisme), mais perdre quelques activités emblématiques (fin de l’alpinisme glaciaire).

Au-delà des impacts directs du climat, le tourisme pourrait être indirectement perturbé par les effets du changement climatique sur les ressources du territoire : mutation des paysages, parfois emblématiques, limitation d’accès aux espaces naturels due à l’accroissement du risque d’incendie, surcoût de la préservation des plages dans un contexte d’élévation du niveau de la mer, conflits d’usage sur les ressources en eau, risques épidémiologiques, etc. Mais, si les images associées aux destinations pourraient être écornées par ces changements ou conflits, les déterminants de l’imaginaire touristique sont trop complexes pour que l’on puisse réellement prévoir l’effet sur l’attractivité des destinations.

Zoom 9. DES CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES DES ÉMISSIONS DE GES DU TOURISME RÉGIONAL

Le tourisme contribue à l’effet de serre avec les émissions liées principalement au transport des vacanciers de leur domicile vers le lieu de séjour et, dans une moindre mesure, sur ou à proximité du lieu de vacances, à l’hébergement et à la pratique d’activités. Le tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur se distingue en termes de répartitions de son impact selon ses composantes : la part des transports, généralement de l’ordre de 75% des émissions de GES du tourisme, a été évaluée à 67% dans la région. L’éco-efficacitéde l’activité est meilleure, comparée à d’autres régions touristiques grâce à une relative proximité de ses marchés émetteurs, une bonne desserte en train (à nuancer peut être pour les zones alpines) et un tourisme intra-régional important. Ce constat n’exonère pas de poursuivre les efforts, en améliorant les dessertes locales (le fameux « dernier kilomètre »), en promouvant les transports doux, en maîtrisant les consommations énergétiques dans l’hébergement, en particulier dans les stations de montagne et certains centres de vacances du tourisme associatif… mais aussi en évitant des stratégies d’adaptation énergivores, comme par exemple de généraliser la climatisation pour faire face aux excès de chaleur estivaux.

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