Le rapport de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) sur le climat de la France au XXIe siècle, publié en 2014 sous la direction de Jean Jouzel, fournit différentes projections de variables dignes d’intérêt pour le public et le monde socio-économique à une résolution de 8 km.
À l’horizon 2050, les scénarios ne se différencient pas beaucoup et projettent un réchauffement inférieur à +2°C par rapport à la fin du XXe siècle. Les vagues de chaleur devraient augmenter de 0 à 5 jours sur l’ensemble du territoire. À l’horizon 2100, le scénario d’émissions RCP8.5 prévoit un réchauffement plus fort en été, tout particulièrement dans le Sud-Est (jusqu’à +5°C) avec une augmentation de plus de 20 jours des vagues de chaleur. Pour les précipitations, il y a une tendance à l’augmentation en hiver et une tendance à la diminution en été, mais les modèles ne convergent pas tous, ce qui signifie que les incertitudes sont grandes.
Un zoom sur les résultats des projections climatiques en Provence-Alpes-Côte d’Azur permet d’affiner le constat fait par la mission Jouzel sur la France. Le signal obtenu sur les températures de l’air dans la région est celui d’une poursuite de la hausse déjà amorcée au XXe siècle. Et pour l’évolution des précipitations, les incertitudes sont encore plus grandes en Provence-Alpes-Côte d’Azur que sur le reste de la France.
Zoom 2. D'où viennent les projections climatiques ?
Les projections climatiques sont actuellement issues de deux modèles globaux : celui de Météo-France et celui de l’Institut Pierre Simon Laplace des sciences de l’environnement (IPSL) qui ont une résolution de l’ordre de 200 km, chacun couplé à un modèle régional (à une haute résolution spatiale de l’ordre de 12 km) réajusté aux observations par une méthode statistique.
Par Y. BIDET et V. JACQ
Un réchauffement des températures de l’air qui s’accentuera
Les simulations mettent en évidence un signal fort d’augmentation des températures, signal déjà perceptible dans les séries climatiques de la fin du XXe siècle. En moyenne annuelle, l’écart pourrait être de l’ordre de +1,9°C à +4,6°C par rapport à la période de référence 1976-2005, selon la zone géographique et le scénario d’émissions à la fin du XXIe siècle.
Les températures seront plus douces l’hiver. Par exemple, le nombre de jours de gel annuel à Embrun, dans le scénario le plus pessimiste, serait compris à la fin du siècle entre 40 et 50, alors qu’il est aujourd’hui d’une centaine. Ceci entraînera une diminution du manteau neigeux, au moins aux altitudes moyennes, soit environ 1500 m d’altitude.
Les étés quant à eux, déjà très chauds sur notre région, seront encore plus torrides avec une élévation moyenne
de +1,2°C à +5,7°C par rapport à la référence. Cette tendance sera plus marquée sur les températures maximales, comme en témoignent les cartes ci-dessous représentant l’évolution de la température maximale de l’air au cours des mois d’été (juin à août) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, issues du modèle ALADIN de Météo-France pour la fin du XXIe siècle en fonction des scénarios (source : www.drias-climat.fr).
Pour Aix-en-Provence, l’anomalie (ou écart) des températures estivales serait à la fin du XXIe siècle de l’ordre de +3,4°C pour le scénario intermédiaire (RCP4.5) et de +6°C pour le scénario le plus pessimiste (RCP8.5). À titre de comparaison, l’anomalie de la température de l’air moyenne à Aix-en-Provence de l’été 2003 a été de +3,5°C. La canicule de 2003 deviendrait donc en Provence-Alpes-Côte d’Azur un événement quasi normal, voire frais, dans la seconde moitié du XXIe siècle.
Une incertitude persistante sur l’évolution des précipitations
Le signal concernant l’évolution des précipitations en Provence-Alpes-Côte d’Azur est encore moins net que celui obtenu sur la France entière. Les projections climatiques fournies par les modèles montrent en effet sur notre région des évolutions très souvent contradictoires, que ce soit sur la quantité globale de précipitations annuelles ou sur le nombre de jours de fortes précipitations (pluies supérieures à 20 mm, soit 20 litres/m² sur une journée). Ce comportement est illustré par les cartes suivantes qui montrent que le modèle de Météo-France estime globalement une diminution à la fois de la quantité de pluie annuelle et du nombre de jours de fortes pluies, alors que le modèle de l’IPSL va dans le sens d’une augmentation de la quantité de pluie.
Sur l’évolution annuelle, les seuls points d’accord entre les deux modèles concernent les massifs frontaliers de l’Ubaye et du Queyras, où les pluies devraient être plus fortes (en moyenne sur l’année et nombre de jours de fort cumul), et la Haute-Provence où une petite diminution du cumul annuel est attendue.
Malgré ces différences, les deux modèles convergent pour indiquer une tendance à la diminution des pluies estivales sur une grande partie de la région ProvenceAlpes-Côte d’Azur. Conjugué à la hausse importante des températures de l’air, ce phénomène devrait accentuer la sécheresse des sols en été et avoir des conséquences notables sur la gestion de la ressource en eau et la sensibilité des forêts aux incendies, dans une région déjà très vulnérable sur ces aspects.
ZOOM 3. Réseau de mesures régional de Météo-France
Au 1er janvier 2015, Météo-France dispose de 267 points de mesure de la pluie et 172 points de mesure des températures dans sa Base de Données Climatologiques pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les postes mesurant d’autres variables que températures et précipitations sont au nombre de 95 pour le vent, 85 pour l’humidité et 18 pour le rayonnement.
Ces données, disponibles sur de longues périodes dépassant parfois 100 ans, permettent, par l’établissement de statistiques, de définir le climat moyen en un lieu, mais aussi d’étudier et de quantifier son évolution. Pour la région, nous disposons de 30% de longues séries (série supérieure à 50 ans et comprenant moins de 10% de manques) de températures (52 sur 172) et de 40% de longues séries de précipitations (107 sur 267).
Sur certains de ces points, Météo-France a établi des séries mensuelles homogénéisées dans lesquelles on a éliminé les ruptures non imputables au changement climatique. Ces séries sont, en Provence- Alpes-Côte d’Azur, au nombre de 89 pour les pluies, 23 pour les températures minimales et 28 pour les températures maximales. Elles permettent de chiffrer de façon précise les évolutions déjà observées.
LES PROJECTIONS CLIMATIQUES
Depuis 2013, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) présente ses projections climatiques pour le XXIe siècle basées sur de nouveaux scénarios, appelés Representative Concentration Pathways (RCP), décrivant l’évolution des concentrations de gaz à effet de serre (GES). Les RCP sont un ensemble de projections des composantes du forçage radiatif causé par les changements de la composition de l’atmosphère. Ils sont au nombre de quatre, du plus « écologique » (RCP2.6 qui correspond à une concentration approximative de 475 parties par million (ppmv) équivalent CO2 en 2100) au plus « productiviste » (RCP 8.5, équivalent à 1300 ppmv eq CO2 ) qui correspond à la poursuite de la tendance actuelle d’augmentation des concentrations de GES. Les scénarios intermédiaires sont les RCP4.5 et RCP6. Le RCP2.6 est le seul scénario d’émissions qui limite le réchauffement climatique à 2°C. Les projections climatiques utilisent ces RCP comme données d’entrée et sont assorties d’incertitudes qui sont de deux ordres : celles liées à la variabilité climatique intrinsèque et chaotique du système climatique, et celles liées aux limites de nos connaissances et de leur représentation par nos modèles.
Par N. MARTIN
Dans les Alpes-Maritimes, les postes de mesures de Météo-France enregistrent une hausse des températures minimales et maximales. Par exemple la station de Nice-aéroport a vu sa température minimale moyenne annuelle passer de 11,7°C pour la période 1961- 1990 à 12,4°C pour la période 1981- 2010 ; pour la température maximale moyenne annuelle dans cette même station, la hausse est de 0,6°C en 20 ans, de 19°C à 19,6°C.
Dans ce contexte climatique et alors qu’une partie de l’économie touristique du département repose sur la pratique des sports d’hiver, quelle sera l’évolution de l’enneigement dans l’extrême sud des Alpes françaises ? Grâce aux techniques de descente d’échelle et en émettant des hypothèses sur l’influence de la température de l’air sur la présence de neige au sol, des cartes représentant l’extension spatiale potentielle du manteau neigeux sont réalisables.
Évolution de la zone potentiellement recouverte par la neige (en blanc) pour les mois de février 1961-1990 à gauche, 2021-2050 au milieu (scénario A1B) et 2071-2100 (scénario A1B) obtenue par downscaling statistique des sorties de températures du modèle ALADIN-Climat.
Par exemple, les cartes ci-dessous illustrent la présence de neige au sol dès lors que la température moyenne journalière est inférieure à 0°C. L’extension spatiale du manteau neigeux est qualifiée de « potentielle », car aucune information relative à l’apport de neige, et donc aux précipitations, n’est prise en compte en raison d’une trop grande incertitude à cette échelle spatiale.
LA DESCENTE D’ÉCHELLE DES MODÈLES CLIMATIQUES
Un grand nombre de modèles climatiques fournissent à échelle planétaire, mais également à échelle plus régionale, des projections du climat en fonction de plusieurs scénarios d’évolution socioéconomiques et démographiques de nos sociétés. Toutefois la résolution spatiale de ces outils de modélisation, de l’ordre plurikilométrique dans les meilleurs cas, n’offre pas la possibilité d’étudier avec vraisemblance l’évolution de la neige en montagne.
Une nouvelle étape de modélisation, appelée « downscaling » statistique, est alors nécessaire : à partir des projections climatiques précédentes, et en s’appuyant sur la prégnance du cadre topographique et environnemental sur les températures minimales et maximales, la résolution spatiale de ces variables climatiques est améliorée pour atteindre la centaine de mètres. Cette résolution permet alors d’étudier finement l’évolution spatiale des températures au cours du XXIe siècle, puisque des facteurs tels que l’orientation ou encore la pente des versants sont pris en compte.
Le dernier rapport du GIEC prévoit une hausse du niveau des mers, tous scénarios confondus, comprise entre 26 et 82 centimètres d’ici la fin du XXIe siècle (2081- 2100). Cette hausse est due en premier lieu à l’effet de dilatation des océans, en lien avec l’augmentation de la température de la mer. La fonte des glaces (glaciers de montagne, calottes du Groenland ou de l’Antarctique) est le deuxième contributeur.
Les résultats des modèles ont une forte dispersion, ce qui traduit une incertitude importante sur l’augmentation du niveau de la mer pour une région donnée. A l’échelle de la France, il est encore aujourd’hui difficile de proposer des projections précises d’élévation du niveau des eaux sur les côtes atlantique ou méditerranéenne. Il est néanmoins très probable que le taux d’augmentation du niveau global soit supérieur à celui observé sur les trente dernières années, qui est à Marseille d’environ 2,6 millimètres par an. Ceci situerait la hausse du niveau de la Méditerranée en Provence-Alpes-Côte d’Azur plutôt dans la fourchette haute des projections, de l’ordre de 80 centimètres en fin de siècle.
Cette valeur reste néanmoins à confirmer. Les études déjà réalisées portent sur la contribution à l’élévation du niveau de la mer de certains facteurs pris séparément. Mais une étude prenant en compte l’ensemble des processus et leurs interactions reste à réaliser. Une telle étude serait particulièrement importante en Méditerranée car, à tous les facteurs d’incertitudes semblables à ceux des autres parties du globe, s’ajoute un phénomène spécifique. En effet, la hausse globale de la salinité pourrait affecter les échanges d’eau entre Atlantique et Méditerranée au niveau du détroit de Gibraltar et les modèles actuels n’ont pas encore une résolution assez fine pour représenter de façon réaliste ce phénomène.
ZOOM 4. CONTRIBUTION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : UNE RÉGION FORTEMENT ÉMETTRICE DE GAZ À EFFET DE SERRE
Par G. LUNEAU et Y. CHANNAC-MONGREDIEN
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a émis, en 2012, plus de 47 millions de tonnes équivalent CO2 (Mteq. CO2 ) de gaz à effet de serre (CO2 , CH4 et N2O), tous secteurs confondus. Rapportées par habitant, les émissions de GES s’élèvent en 2012 à 9,5 t/ habitant/an, ce qui reste plus élevé que la moyenne nationale (8,6 t/habitant/an). Elle se situe au 3ème rang national.
La majeure partie des émissions de GES (79%) est due à la consommation énergétique. Les émissions restantes sont principalement liées aux procédés industriels non énergétiques, mais également au traitement des déchets et aux activités agricoles.
Les principaux secteurs émetteurs de GES en PACA sont l’industrie et le traitement des déchets qui, après avoir diminué leurs émissions en 2010, voient leur contribution redevenir majoritaire en 2012, ainsi que le secteur des transports routiers qui reste globalement stable entre 2007 et 2012. D’une manière générale, si les évolutions technologiques ont permis de réduire les consommations unitaires des véhicules récents, le parc automobile roulant reste néanmoins composé en grande partie de véhicules plus anciens. De plus, les gains issus des améliorations technologiques sont rattrapés par la fréquentation du réseau routier, toujours à la hausse… Il faut noter que la contribution de l’agriculture est faible, et notablement inférieure à la moyenne nationale (environ 21% des émissions nationales en 2012).