7.Quel urbanisme demain en montagne ?

La montagne est un territoire disposant de grandes richesses, mais un territoire contraint où la quasi-totalité des problèmes d’aménagement est présente. Ce qui fonctionnera ici servira ailleurs. En ce sens, lors de leur création, les zones périphériques des parcs nationaux (zones d’adhésion) étaient considérées comme des laboratoires vivants de ce qui était encore appelé « développement durable ».

L’urbanisme qui se contente de prolonger les tendances est irresponsable et révolu. Nous avons aujourd’hui les outils pour anticiper les conséquences du changement climatique et infléchir la dégradation de la biodiversité, si nous le décidons. Mais il sera nécessaire de réhabiliter la pensée à long terme et de rendre tous leurs moyens aux équipes d’urbanistes pluridisciplinaires.

Pour l’urbanisme de demain, les grands axes à privilégier sont les suivants :

  • gérer le foncier : la spéculation et la rétention des terrains sont des obstacles majeurs à l’organisation rationnelle du sol, pour tous ses usages. Depuis la loi d’orientation foncière (1967) et les idées développées par son auteur, Edgar Pisani, les moyens sont connus, mais personne n’a voulu se lancer dans une réforme ô combien sensible, même si des avancées significatives ont vu le jour (offices fonciers, par exemple) ;
  • penser « local » : les textes législatifs sont le plus souvent conçus en dehors des réalités de la montagne. Trop de lois (lois Solidarité et renouvellement urbain, Montagne, etc.), clairvoyantes et adaptées à l’origine, ont été

dévoyées par des préoccupations politiciennes de court terme ;

  • développer les mobilités, en s’attaquant aux causes et non aux effets : les déplacements visent le travail, les courses, les loisirs, l’accès aux services publics… Se poser la question de l’équilibre habitat/emploi sur un territoire donné serait un minimum. Pour les services publics et les courses du quotidien, les habitants pourraient jouer un rôle de relais. Les volontaires ne manquent pas et se déclarent d’ores et déjà partants ;
  • encourager le sens de la collectivité : les montagnards se maintiennent sur leur territoire (Photo 20), grâce à une organisation collective très élaborée, mais aussi indispensable. L’urbanisme de demain sera d’autant plus réussi et adapté, si les valeurs communes et partagées renaissent ;
  • et privilégier la culture ! Ce sens de la collectivité montagnarde, qui n’était absolument pas une contrainte totalitaire, mais un désir de tous, a généré une riche culture montagnarde, mais dans un système agro-pastoral dominant. L’enjeu sera de retrouver cette culture commune avec les acteurs multiples d’aujourd’hui et les nouveaux habitants de demain sur un territoire qui a toujours été un lieu d’accueil et ouvert aux migrations.

L’urbanisme montagnard doit anticiper toutes les mutations dont nous ignorons encore pleinement la nature, qu’elles soient environnementales, économiques (nouvelles formes de tourisme et d’agriculture, innovation…), sociales (immigrations…), et qui formeront plus largement à terme une culture partagée.

Photo 20. Hameaux de Pierregrosse et Le Coin, Molines-en-Queyras

Zoom 7. La transition énergétique des territoires alpins est-elle un tremplin ?

La crise climatique trouve sa source dans une consommation effrénée des ressources énergétiques fossiles. La nécessité de s’adapter doit s’accompagner de mesures fortes d’atténuation par la mise en place d’une stratégie de transition énergétique. Cette démarche représente une magnifique opportunité de mutation positive des modèles socio-économiques existants.

Les alpins ont toujours su tirer profit des ressources locales pour répondre à leurs besoins : énergies, matériaux, alimentation… Depuis le XIXème siècle, les Alpes sont devenues fournisseurs d’eau, d’électricité, de bois et charbon, de main-d’œuvre, pour le développement des territoires ruraux et urbains situés en aval. À partir des années 50, les Alpes du Sud accueillent massivement les urbains en quête de loisirs, de nature et d’authenticité préservée. Le tourisme est ainsi devenu la colonne vertébrale économique. Cela a introduit des paradoxes socio-énergétiques complexes à appréhender : station de montagne énergivore, parc résidentiel secondaire et touristique majoritaire, infrastructures surdimensionnées, barrage d’utilité nationale…. À titre d’exemple, sur le territoire Ubaye-Serre-Ponçon qui totalise 20 000 habitants, 65 % des résidences sont secondaires, 80 000 lits touristiques sont recensés, et dans le même temps, le taux de précarité énergétique atteint 30 %.

Les acteurs alpins ont très tôt mobilisé élus et territoires dans le défi de la transition énergétique. Aujourd’hui, la contrainte devient opportunité socio-économique : richesse endogène, emploi, qualification, image de marque… La destination « Territoire à Énergie POSitive » (TEPOS) est le moteur d’un développement local responsable. Cela se traduit par des mesures concrètes : construction et rénovation éco-énergétique, efficacité énergétique, productions d’énergies renouvelables (réseau de chaleur biomasse, centrale solaire, microcentrale hydroélectrique, géothermie, méthanisation, etc.).

Cependant, aujourd’hui, les objectifs sectoriels d’autosuffisance énergétique sont encore loin d’être atteints. Sur le territoire Ubaye-Serre-Ponçon, pourtant mobilisé depuis 10 ans, atteindre l’équilibre production/consommation signifie rénover un tiers du parc bâti en basse consommation, multiplier par trois la production d’énergies renouvelables, diviser par deux la part de mobilité… Les étapes à franchir sont ainsi encore nombreuses. L’enjeu est bien la viabilité des territoires de montagne et la consolidation de leurs modèles socio-économiques. L’engagement de tous est indispensable : population locale, collectivités, entreprises, touristes, acteurs de la culture et de l’éducation… Ces derniers ont une mission essentielle : sensibiliser et mobiliser le public sur les défis de demain (Photo 21).

Photo 21. Visite d’une centrale villageoise
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