« J’ai besoin de la mer car elle est ma leçon. Je ne sais si elle m’enseigne la musique ou la conscience » (La mer, Pablo Neruda). La mer est source de vie, mais aussi source d’énergie renouvelable et vecteur de la transition énergétique. Cette source d’énergie renouvelable potentielle provient, comme le rappelait le rapport spécial du GIEC sur l’évolution du climat (2011), « de l’énergie potentielle, cinétique, thermique et chimique de l’eau de mer, qui peut servir à produire de l’électricité, de l’énergie thermique ou de l’eau potable, (…) grâce à des technologies très diverses, comme les centrales marémotrices, les turbines sous-marines exploitant les marées ou les courants océaniques (hydroliennes), des échangeurs de chaleur fondés sur la transformation de l’énergie thermique des océans, et divers systèmes qui tirent profit de l’énergie des vagues et des gradients de salinité ». Le rapport ajoute que « l’énergie éolienne se fonde sur l’énergie cinétique de l’air en mouvement. La principale application en matière d’atténuation des effets des changements climatiques consiste à produire de l’électricité grâce à l’implantation de grandes éoliennes implantées à terre ou en mer ou en eau douce au large des côtes ».
La prise de conscience en France du rôle des énergies marines renouvelables (EMR) dans la lutte contre le changement climatique s’est traduite notamment par la fixation d’objectifs de production d’électricité à partir des forces de la mer dans l’arrêté du 26 avril 2016, à savoir 3000 MW pour l’éolien en mer posé, qui est la technologie la plus mature, et 100 MW pour les autres énergies marines (éolien flottant, hydrolien…), d’ici 2023. L’arrêté prévoit néanmoins des aménagements de ces quotas. En effet, pour l’éolien en mer posé, entre 500 et 6000 MW de plus pourront être installés, en fonction des concertations sur les zones propices, du retour d’expérience de la mise en oeuvre des premiers projets et sous condition de prix. Ainsi, à la suite de différents appels d’offres lancés en 2011 et 2013, une nouvelle zone propice au large de Dunkerque a été identifiée pour laquelle le lancement d’un nouvel appel d’offre a été annoncé par Ségolène Royal le 4 avril 2016.
Concernant les autres technologies non encore matures, entre 200 et 2000 MW de plus sont envisageables en fonction du retour d’expérience des fermes pilotes et sous condition de prix. Elles font l’objet d’appels à projet, comme celui lancé en 2015 par l’ADEME en éolien flottant sur 4 zones sélectionnées, dont 3 se situent sur la côte méditerranéenne : Leucate, Gruissan et Faraman. En amont, la région Provence- Alpes-Côte d’Azur a été également sélectionnée en tant que site d’essai pour l’éolien flottant, plus précisément au large du golfe de Fos-sur-Mer.
Quant à l’exploitation des courants océaniques, après l’immersion de l’hydrolienne de Sabella (test) au large de l’île d’Ouessant et celle de DCNS sur le site de Paimpol-Bréhat, deux lauréats ont été retenus suite à l’appel à manifestation d’intérêt lancé en 2013 pour le site du Raz-Blanchard : Engie, dont les 4 hydroliennes développées par Alstom devraient alimenter 5000 foyers en électricité, et EDF Énergies Nouvelles, dont les machines conçues par DCNS permettront à 15000 foyers d’être desservis en électricité. Les projets de thalassothermie peuvent aussi être mentionnés, notamment à Marseille dans le cadre d’Euroméditerranée. Il ne s’agit pas ici de produire de l’électricité, mais de la chaleur et du froid grâce à une boucle à eau de mer.
Si le développement des EMR contribue sans doute à la lutte contre le changement climatique, il soulève néanmoins de nombreux questionnements juridiques. Parmi ceux-ci, la nécessité d’occupation exclusive d’un espace dont l’usage est commun à tous, même si les développeurs de parcs EMR ne sont pas les premiers à occuper l’espace maritime de façon permanente. L’envergure des parcs EMR, dont la superficie est amplifiée par les zones de sécurité, invite toutefois à s’interroger sur une éventuelle appropriation privative de l’espace maritime et sur la place des droits de propriété en mer.
Le concept de cadastre marin multifonctionnel (CMM), mis en place et étudié dans nombre de pays (États-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Belgique, Israël, etc.), permet de recenser, de répartir et de hiérarchiser les droits de propriété et d’usage de l’espace maritime. Outil complémentaire de la planification de l’espace maritime, le CMM s’adapte au caractère tridimensionnel de l’espace marin et à la superposition d’activités s’exerçant sur le sol de la mer (hydroliennes, éoliennes posées), dans la colonne d’eau, à la surface (houlomoteurs), mais aussi dans l’espace aérien surjacent (exploitation du vent marin par les aérogénérateurs).
Cette tridimensionnalité se traduit par un régime juridique protéiforme, sur le plan vertical et horizontal. En effet, le régime juridique du sol de la mer territoriale, appartenant au domaine public maritime, diffère de celui de la colonne et de la surface d’eau de mer, ainsi que de l’espace aérien surjacent. Sur le plan horizontal, en partant du littoral vers le large, on distingue le régime applicable à la mer territoriale jusqu’à 12 milles nautiques du régime de la zone économique exclusive jusqu’à 200 milles nautiques, et de la haute mer.
Outre les questions purement juridiques, les impacts environnementaux et socio-économiques sous-jacents au développement des EMR sont loin d’être négligeables. D’une part, les études scientifiques indépendantes liées aux conséquences de l’implantation et de l’exploitation des EMR sur les écosystèmes marins, bien qu’elles se multiplient, demeurent encore trop peu nombreuses. D’autre part, le développement des EMR, même si ces dernières ont d’une manière générale la faveur de la population, se heurte encore localement à des résistances, que ce soit de la part des pêcheurs ou des riverains soucieux de l’atteinte au « paysage maritime ».
Aux EMR s’ajoutent les énergies renouvelables (EnR) terrestres qui assurent d’ores et déjà 64 % de la production d’énergie en PACA et couvrent près de 27 % de la consommation d’électricité régionale, selon le Réseau de transport d’électricité (2016). La Région PACA est la 3ème région hydraulique, la 3ème pour le solaire photovoltaïque en termes de puissance raccordée au réseau et la 1ère pour le solaire thermique en puissance installée (source : oreca. regionpaca.fr). La biomasse est également l’un des secteurs énergétiques les plus actifs en PACA. Même si le classement est moins flatteur, la région compte aussi huit parcs éoliens (Port-Saint-Louis-du-Rhône, Fos-sur-Mer, Saint-Martin-de-Crau, etc.).
Le développement des EnR, notamment l’éolien, est confronté lui aussi à des freins socio-économiques et environnementaux, mais il représente une alternative crédible à l’énergie fossile et donc aux émissions de GES. Malgré l’avance de la PACA sur d’autres régions françaises, les productions d’EnR devraient progresser à l’avenir pour basculer résolument dans la transition énergétique. Le développement des smart grids devrait participer à cette révolution en optimisant le fonctionnement et la gestion des systèmes électriques (nouveaux usages, stockage, intermittence des EnR, etc.).
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