1.Changement climatique et aménagement des espaces publics littoraux

S’intéresser à l’aménagement des espaces publics, dans un contexte de changement climatique et de vulnérabilité croissante des littoraux face aux risques naturels, constitue un enjeu stratégique dans la spatialité de l’appréhension des risques, comme dans la temporalité des politiques de gestion à développer.

La notion d’espace public, apparue dans les années 1970, bien que complexe et composite, est aujourd’hui devenue quasiment incontournable en aménagement. L’espace public est passé, en un demi-siècle, du statut d’espace résiduel, « en creux », entre les formes bâties, au statut d’espace stratégique avec un enjeu d’attractivité. Les responsables et les concepteurs de l’urbanisme contemporain ont pris conscience que ces espaces, maîtrisés par la puissance publique, sont les vitrines de la ville, en même temps qu’ils participent à l’amélioration du cadre de vie des habitants. En France, la requalification des espaces publics des stations littorales se développe surtout à partir des années 2010, mais elle n’est alors guère liée à l’adaptation au changement climatique. Cette question paraît pourtant essentielle car la souplesse et l’adaptabilité que l’aménagement offre renforcent les politiques d’adaptation et d’atténuation.

Dans la continuité des travaux de ces dernières années sur la gestion du risque inondation, la conception des espaces publics peut devenir à moyen terme un levier de réduction de la vulnérabilité. À Martigues, par exemple, l’aménagement du parking de la plage du Verdon a été conjointement pensé comme un espace fonctionnel d’accueil des visiteurs et un support à la gestion du ruissellement et des inondations.

En amont, cette culture de gestion des risques par l’aménagement des espaces publics a vocation à alimenter les modalités de gestion sur le long terme des territoires littoraux, dans la perspective du changement climatique et de la reconfiguration du trait de côte.

Photo 14. Digue (illustration, ©Antoine Nicault)

Sous l’angle de l’accessibilité du littoral, trois axes d’aménagement des espaces publics

En partant de l’hypothèse d’une évolution de l’ordre de +3,4°C des températures de l’air estivales à l’intérieur des terres, comme à Aix-en-Provence à la fin du XXIe siècle, il est possible que la fréquentation de proximité s’accentue sur les espaces littoraux (attrait de la fraîcheur). L’accessibilité constituerait alors un enjeu stratégique pour le territoire métropolitain d’Aix-Marseille Provence. L’aménagement des espaces publics serait un levier pour mieux gérer la fréquentation en privilégiant l’usage des transports en commun et donc la réduction des gaz à effet de serre et de la pollution de l’air.

Le développement des plages urbaines est également un point stratégique. Par exemple, des plages de proximité ont été aménagées ces dernières années par les communes du pourtour de l’étang de Berre, grâce notamment aux travaux du Gipreb et à l’amélioration de la qualité des eaux. Cette tendance pourrait se poursuivre afin de répondre aux besoins croissants de loisirs de proximité et de rafraîchissement de la population locale. Parallèlement, le maintien ou le retour à l’état naturel ou peu anthropisé de la bande littorale, favorisé par l’aménagement de plages urbaines, permettrait d’anticiper la montée du niveau des eaux (§3.1) et de garantir à terme la sécurité des personnes.

Un troisième exemple d’enjeu, à la croisée des problématiques d’accessibilité du littoral et de sécurisation des pratiques, a trait à la question de l’aménagement des cheminements en bord de mer et à leur possible fragilisation (risque de chute de falaises…). Cet axe fera d’ailleurs l’objet de réflexions approfondies ces prochaines années.

Il est important de rappeler la nécessité d’associer les usagers au devenir des espaces publics littoraux dont ils sont les principaux bénéficiaires. Les espaces publics sont avant tout des espaces habitables, des lieux de rencontres et de vie sociale. De nouveaux rapports à « l’habiter » pourraient émerger, dans la mouvance des expériences développées dans le cadre de Marseille-Provence 2013, comme, par exemple, les spectacles sur l’eau réalisés par la compagnie de théâtre Ilotopie sur le territoire martégal. L’étang de Berre a alors été considéré comme un espace public, support de pratiques artistiques et culturelles, mais aussi de rencontres, permettant dans le même temps de sensibiliser les usagers aux questions de changement climatique et de montée du niveau de la mer.

Créer des espaces publics qui soient à la fois des espaces conçus et des espaces perçus est indispensable. En ce sens, la recherche a développé des dispositifs méthodologiques capables d’identifier les représentations et les attentes que les usagers, habitants permanents et temporaires, confèrent aux espaces publics des territoires littoraux qu’ils fréquentent. Reste désormais à adapter cette démarche à une approche prospective permettant d’intégrer les interrogations relatives aux adaptations des littoraux aux effets du changement climatique.

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