3.Les zones humides et le changement climatique

La préservation des milieux aquatiques et zones humides de Camargue au bénéfice de la lutte contre la variabilité climatique et les extrêmes​

Dans le contexte du changement climatique, les zones humides littorales rendent de nombreux services aux sociétés (services écosystémiques). Ce sont des services d’approvisionnement, de régulation et d’atténuation des risques mais aussi des services culturels.

Les services rendus directement par les fonctions écologiques des zones humides littorales camarguaises sont diversifiés, mais la régulation de l’érosion et la réduction des risques naturels sont d’une grande importance. Les zones humides littorales sur les secteurs peu anthropisés permettent d’atténuer les effets de l’élévation du niveau de la mer en favorisant un stockage temporaire des eaux et en fournissant du sédiment contribuant à réduire la pression de l’érosion sur les secteurs voisins du littoral. Moins flagrant, mais également important, les zones humides littorales stockent du carbone organique, amortissant ainsi dans une certaine mesure l’augmentation du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère, et contribuent à la régulation du climat local avec des températures plus tamponnées dans les zones humides que dans les écosystèmes non-humides voisins. La capacité des zones humides littorales à stocker le carbone sous forme organique (le « carbone bleu ») a été jusqu’à présent sous-évaluée et des travaux de recherche sont en cours actuellement sur ce sujet. Les zones humides salées sont particulièrement intéressantes sous cet aspect puisqu’elles ne produisent pas ou peu de méthane, un très puissant gaz à effet de serre, contrairement aux zones humides d’eau douce. Ces lagunes contribuent également à une amélioration de la qualité de l’eau continentale arrivant en mer par une très forte utilisation des sels nutritifs par les organismes vivants. Grâce à ces nutriments, les lagunes côtières sont des écosystèmes très importants pour les populations de poissons marins dont les juvéniles viennent profiter de cette manne pour grossir rapidement. Ainsi, dans le Golfe de Beauduc, les populations de poissons amphihalins (qui passent alternativement des eaux marines aux eaux continentales, par exemple les daurades, loups) bénéficient de la forte production dans les lagunes. Plus généralement, les services indirectement liés aux fonctions écologiques sont surtout ceux liés à la production primaire (végétale) et secondaire (production animale) et à l’alimentation. Dans le delta, la chasse, la pêche pour la faune sauvage et le pâturage pour les herbivores domestiques sont dépendants de ces fonctions.

La gestion des marais : une contribution au changement climatique ?

La gestion de l’eau en Camargue est caractérisée par des quantités importantes d’eau importée du Rhône, une partie étant ensuite rejetée par pompage dans le Rhône ou par drainage dans la lagune centrale, le Vaccarès. Depuis le Plan Marshall et la relance de la riziculture, cette gestion s’est beaucoup développée, accompagnée par une augmentation des réseaux d’irrigation et de drainage. La disponibilité de l’eau (Rhône) et la valeur économique de la chasse justifient un usage intense de l’eau dans de nombreux marais de Camargue, notamment pour y attirer les canards. Les volumes utilisés et les conséquences sur l’écologie des milieux sont très importants. La gestion de l’eau peut être relativement diversifiée selon les propriétés et les marais concernés, mais une pratique commune est l’augmentation de la durée d’inondation, souvent permanente. Lorsqu’un assèchement est pratiqué, il est généralement à contre-saison (en fin d’hiver) pour une remise en eau printanière ou estivale avec un strict contrôle des profondeurs. Ainsi les superficies inondées en été sont plus importantes qu’en hiver. Cette gestion qui stimule la production de plantes, si elle permet l’accumulation de matières organiques dans les sédiments des zones humides, accélère la production de méthane contribuant ainsi à l’aggravation du changement climatique.

Cette gestion conduit également à une banalisation des écosystèmes et à la colonisation par des espèces exotiques envahissantes, notamment les jussies (Luwigia peploides et L. grandiflora). Un retour à l’assèchement estival des zones humides en Camargue contribuerait probablement à réduire la production de gaz à effet de serre et une restauration de la biodiversité camarguaise.

Photos 10-11. Inondation des marais littoraux salés en Camargue. ©Tour du Valat - Patrick grillas
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