3.L’influence du changement climatique sur la température des cours et des plans d’eau

La température de l’eau est un des paramètres physiques les plus importants pour la vie des organismes d’eau douce. Cette variable affecte les organismes à plusieurs niveaux, du métabolisme en passant par le cycle vital jusqu’à l’aire de répartition. Une augmentation de la température a comme conséquence une augmentation du métabolisme, avec des conséquences sur la taille et la durée de vie de l’individu. De plus, les différentes phases du cycle vital des poissons et des invertébrés requièrent des seuils de température caractéristiques à chaque espèce. Si les conditions thermiques de l’écosystème sont modifiées de telle façon qu’elles ne sont plus appropriées à une espèce, elles pourraient causer son extinction, mais aussi favoriser le développement d’espèces invasives.

Une augmentation de la température des cours et plans d’eau déjà observée

De nombreuses études ont montré une tendance généralisée à l’augmentation de la température des cours et plans d’eau dans le monde entier. Cette augmentation de la température des plans d’eau a causé la réduction de la période d’englacement et l’allongement de la période de stratification estivale. La température de l’hypolimnion, couche d’eau la plus profonde et la plus froide, tend également à augmenter.

Quelques exemples choisis, proches géographiquement de la région PACA, illustrent bien ce phénomène déjà engagé. Dans le bassin de l’Èbre, en Espagne, des tendances à l’augmentation de la température de 0,02 à 0,06 ºC/an ont été observées, ainsi que dans un ensemble de cours d’eau du nord de l’Espagne où une tendance de +0,02 ºC/année a été observée au cours de la période 1986-2013. Sur la partie du Rhône la plus méridionale, la température de l’eau a augmenté de 3,0 ºC sur la période 1977-2004 à raison de +0,11 ºC/an. La dynamique thermique de ces fleuves est variable mais on a observé des périodes particulièrement chaudes en 1940-1949 et depuis les années 1980.

Un travail de reconstruction, par modélisation, des chroniques de températures des plans d’eau de la France métropolitaine estime une tendance moyenne d’augmentation de la température de surface de +0,02 ºC/an. Cette augmentation est liée aux effets du changement climatique, mais aussi à des pressions anthropiques plus directes comme l’usage de l’eau pour le refroidissement des centrales nucléaires et thermiques à flamme, ainsi que les rejets liés à l’urbanisation. En aval de la centrale thermique d’Aramon, l’échauffement cumulé de l’eau du Rhône dû aux centrales nucléaires a été estimé à +1,4 ºC sur la période 1977-2004. Une étude des principaux affluents du lac Lugano dans les Alpes suisses et italiennes a montré un échauffement plus important (de l’ordre de +2 ºC) dans les cours d’eau avec une majeure occupation du sol par des aires urbaines.

Dans la zone méditerranéenne, les tendances à l’augmentation de la température sont souvent associées à la diminution des débits. Ainsi, l’aménagement hydraulique du bassin versant du Rhône, qui fait que les débits estivaux soient plus élevés que ceux observés historiquement à la fin du XIXe siècle, limite la hausse des températures pendant cette période de l’année. De plus, et cela est aussi valable pour la Durance, la réduction de largeur et l’augmentation de profondeur limitent l’échauffement en réduisant la surface au miroir et en réduisant l’émission des rayonnements infrarouges. Pour le Rhône à Lyon, sur la base de mesures journalières des années 1870-1877, on a pu montrer que, dans la configuration pré-aménagement, les canicules devraient conduire à des températures d’environ +1 °C plus chaudes que dans la situation aménagée.

Une tendance à l’augmentation de la température des cours et plans d’eau

Les effets prévus du changement climatique sur les plans d’eau méditerranéens incluent, entre autres, la baisse des niveaux d’eau et une détérioration de la qualité de l’eau. D’après une étude récente réalisée à l’échelle européenne, la température des cours d’eau de la région PACA devrait augmenter de +2 à +3 ºC d’ici la fin du siècle par rapport à la période 1971- 2000. Pour les cours d’eau où les bas débits coïncident avec la période estivale, comme c’est le cas pour les cours d’eau méditerranéens, jusqu’à un quart de l’augmentation prévue de la température serait attribué à la réduction des débits.

Mais la réponse concrète du comportement hydrodynamique d’un plan d’eau vis à vis du climat va dépendre de ses caractéristiques propres, notamment de la morphométrie et de la température moyenne qui gouvernent les phénomènes de stratification. Ce sont les lacs les plus profonds et les plus chauds qui s’avèrent les plus sensibles au changement climatique. Avec le scénario à hautes émissions de gaz à effet de serre (RCP 8.5), une augmentation de la température de surface d’environ +2 ºC est attendue à la fin du siècle au barrage de Bimont, localisé à proximité d’Aix-en-Provence dans la commune de Saint-Marc-Jaumegarde.

La gestion des retenues hydroélectriques peut compenser en partie la hausse des températures. Dans le cas des barrages avec plusieurs profondeurs d’extraction de l’eau, il est possible de gérer la quantité de chaleur emmagasinée dans la retenue. Ce type de dispositif a aussi été utilisé pour réguler la température en aval du plan d’eau et minimiser les impacts thermiques. Cependant, les modalités de gestion sont complexes. D’abord, la réduction de la chaleur emmagasinée dans le barrage peut conduire à majorer les températures en aval. Inversement, dans des retenues stratifiées, l’extraction d’eau à une certaine profondeur permettrait de réduire la température de l’eau en aval, mais avec pour conséquence d’élever la température moyenne de la colonne d’eau dans le barrage et d’induire des effets possibles sur la qualité de l’eau, à la fois dans le plan d’eau et en aval. Finalement, il faut inclure dans l’équation les intérêts économiques de l’exploitation du barrage.

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