2.1. Un engagement en faveur du climat encore fragile

1. Un engagement en faveur du climat encore fragile

Le changement climatique et les transitions font aujourd’hui l’objet d’une attention particulière dans les débats,
la rue, les instances de pouvoir, les sphères socio-économiques, les lois, les médias… Les enjeux et les risques
associés sont mis en avant, les alertes se multiplient, les incertitudes se réduisent, la liste de recommandations
s’étoffe, les solutions s’affichent, la jeunesse manifeste, la colère grandit, les déclarations se multiplient, les promesses s’accumulent, la prise de décision tergiverse, les premières mesures sont mises en œuvre, les suivantes
patientent, le volet règlementaire gagne du terrain, les images chocs défilent, les mots s’entremêlent, les fausses
informations alimentent le scepticisme… L’urgence climatique bouscule notre société et son modèle économique,
social, environnemental et politique. Communauté scientifique, État, collectivités, conseils régionaux, entreprises,
associations, citoyens, etc. se mobilisent ou tentent de se mobiliser, mais les transitions peinent à s’imposer à
l’échelle nationale, régionale et locale. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne fait pas exception. Ce premier
chapitre rappelle l’urgence d’agir, décrypte la notion de « solution concrète », identifie les leviers de mobilisation,
précise les besoins des acteurs et décrit le dispositif régional au service des territoires.

1. Un engagement en faveur du climat encore fragile

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alerte le public et les décideurs depuis plusieurs décennies. Les principaux messages de son dernier rapport publié en août 2021 sont les suivants :

● à moins d'une réduction immédiate, rapide et à grande échelle des émissions de GES, il sera impossible de limiter le réchauffement à 1,5 °C ;

● il est incontestable que les activités humaines sont à l'origine du changement climatique qui rend les phénomènes climatiques extrêmes, notamment les vagues de chaleur, les fortes pluies et les sécheresses, plus fréquents et plus graves ;

● le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la Terre, de multiples façons. Les changements que nous subissons actuellement s'accentueront avec la poursuite du réchauffement ;

● certains changements du système climatique sont irréversibles. Cependant, des changements pourraient être ralentis et d'autres arrêtés en limitant le réchauffement ;

● pour limiter le réchauffement de la planète, il est nécessaire de réduire fortement, rapidement et durablement les émissions de dioxyde de carbone, de méthane et d'autres gaz à effet de serre. Cela permettrait non seulement de réduire les conséquences du changement climatique, mais aussi d'améliorer la qualité de l'air ;

● les effets des réductions des émissions de GES pourraient se faire sentir d’ici 20 ans si elles sont suffisamment radicales.

Parmi les nombreux risques encourus par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sont identifiés la perte de biodiversité, la diminution des réserves en eau, la perte de productivité agricole, le dépérissement des forêts, l’accroissement en fréquence et intensité des événements climatiques extrêmes (canicules, tempêtes, sécheresses, feux de forêt). Le rapport Mediterranean Assessment Report on Environmental and Climatic Change du groupe MedECC4 le confirme, tout comme les rapports du GREC-SUD.

L’Accord de Paris négocié par la majorité des pays en 2015, lors de la COP 21, encourage à ne pas « trop » dépasser le seuil de 1,5 °C en limitant fortement les émissions de GES. Malheureusement, depuis la signature de cet accord, les émissions de GES ont continué à augmenter. Or, il faudrait réduire les émissions de CO2 d’au moins 45 % d’ici 2030 pour contenir la hausse des températures à 1,5 °C. Les COP suivantes (Marrakech, Bonn, Katovice, Madrid) n’ont abouti qu’à des tout petits pas. En 2020, lors de la COP 26 programmée à Glasgow, il était prévu de réévaluer à la hausse les contraintes qui s’imposent pour respecter cet accord. Suite au report de la COP pour cause de Covid-19, cette mesure a été annulée, reportant ainsi d’un an le changement de « braquet » pourtant si urgent. Les dernières simulations numériques des changements climatiques (6ème rapport du groupe 1 du GIEC) sont encore plus inquiétantes que les précédentes : si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel, il n’est pas exclu d’atteindre un réchauffement planétaire de 6 °C par rapport au niveau préindustriel. Ce serait Marrakech à Marseille.

Ils indiquent que le réchauffement planétaire actuel, qui dépasse déjà +1 °C, cache des écarts locaux importants. Les températures moyennes annuelles méditerranéennes sont aujourd’hui de 1,5 °C au-dessus des valeurs préindustrielles. Les valeurs estivales dépassent déjà +2 °C, avec des fréquences accrues de vagues de chaleur de plus en plus intenses. Dans les villes, avec le phénomène des îlots de chaleur urbains, la température peut s’élever de plusieurs degrés au-dessus des valeurs des campagnes environnantes, avec des nuits tropicales qui se maintiennent largement au-dessus de 20 °C, provoquant par exemple des maladies cardiovasculaires graves pour les personnes vulnérables. Depuis la révolution industrielle, les activités humaines ont émis un cumul de 2390 + 240 Gt gigatonnes (milliards de tonnes) de dioxyde de carbone (CO2 ). Sachant que le réchauffement atteindra 1,5 °C avec un cumul de 2890 Gt (Figure 2), notre « bon à émettre » est de 500 Gt (400 à 650 Gt). Si l’humanité se « contente » d’un réchauffement de 2 °C, il reste 1350 Gt (1150 à 1700 Gt) à rejeter dans l’atmosphère. Actuellement, les émissions mondiales sont de l’ordre de 42 Gt par an (hors crise sanitaire de la Covid-19), d’où l’urgence de la situation : si ce taux annuel d’émissions ne change pas, le premier plafond sera atteint dans une dizaine d’années. Ce chiffre est évidemment simplificateur et
de nombreuses boucles de rétroactions peuvent précipiter l’évolution du climat (dégel du pergélisol, dégazage de l’océan…).

À défaut d’accords internationaux suffisants, il est nécessaire de se mettre à la tâche, chacun à son niveau : nos gouvernements par des politiques publiques vigoureuses et les citoyens par des changements radicaux de comportement. L’heure n’est plus à la procrastination. Partout, des indices alarmants nous renseignent sur ce qui nous attend. L’été 2021 a été une année record en catastrophes naturelles : incendies en Californie, inondations en Inde, Allemagne et Chine, dôme de chaleur et incendies au Canada, et plus près de chez nous, les épisodes méditerranéens dans les Alpes-Maritimes (octobre 2020) et dans le Gard (septembre 2021). Comme le rappelle le climatologue Jean Jouzel, 1000 milliards ont été trouvés pour sauver les banques. Pourquoi ne pas mobiliser autant de milliards pour sauver l’humanité face au changement climatique ? La Covid-19 a réussi à faire passer la santé devant l’économie. Des financements européens et nationaux seront aussi consacrés aux transitions à l’avenir. Serait-ce un signe de changement ? La transition environnementale peut se vivre comme une transition vers un monde plus harmonieux où la compétition effrénée cède la place à la collaboration et la solidarité.

Figure 2. Attendre d’agir a des conséquences sur la hausse de la température à l’échelle planétaire (source : dessin de Marie-Charlotte Bellinghery, Institut Méditerranéen de la Transition Environnementale, Aix-Marseille Université).

Johan RANSQUIN, directeur Adaptation, aménagement et trajectoires bas-carbone, directeur du site de Sophia-Antipolis, ADEME

« Une solution a vocation à apporter une réponse à un problème. La première difficulté est de le qualifier en établissant un diagnostic, phase souvent négligée en matière d’adaptation au changement
climatique ou de politique climatique. Établir un diagnostic de vulnérabilité aux aléas climatiques extrêmes ou aux évolutions de plus long terme est essentiel et permet de caractériser le problème, puis
de définir la “solution”, c’est-à-dire les actions à conduire, organisationnelles ou physiques, pour en
limiter de façon mesurable l’occurrence, l’ampleur ou les impacts. La solution doit permettre au territoire ou à l’organisation de se relever du phénomène, en conservant, voire en accroissant, sa capacité
à encaisser les occurrences futures, c’est-à-dire à devenir résilient. Le terme “concret” a un caractère trompeur,
laissant croire qu’il s’agit forcément d’une réduction du risque ou de ses conséquences s’appuyant sur des actions
matérielles. Pourtant, il peut s’agir de mesures d’organisation ou de mise en sécurité des biens et des populations,
qui apportent des résultats réels, mesurables, donc concrets, qui permettent également de réduire les impacts et
de renforcer la résilience.
Une “solution concrète” ne doit pas être une simple réaction immédiate à un aléa climatique pour en réduire les
conséquences. Elle doit s’inscrire dans une démarche globale, conjuguant atténuation et adaptation, et se plaçant
dans une logique d’anticipation des évolutions à venir. »

Patricia RICARD, présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard

« La solution concrète est un euphémisme muet… Le terme “solution fondée sur la nature ou solution
bio-inspirée ou inspirée du vivant” me paraît plus adapté pour rester dans la dynamique de la transition
écologique.
La terminologie “solution fondée sur la nature” correspond déjà à une définition établie par l’Union
internationale pour la conservation de la nature (IUCN) qui renvoie aux services écosystémiques (végétaliser les dunes littorales pour lutter contre l’érosion, utiliser un couvert forestier pour protéger une
nappe d’eau commercialisable…).
Dans une autre approche, les solutions bio-inspirées ou le biomimétisme6(ne pas confondre avec bio-sourcée7
)
utilisent l’observation des formes, principes et organisations présents dans le vivant :
● pour les formes, par exemple, les pales des éoliennes répliquant les dentelures des nageoires de baleines à
bosse et toutes les formes apportant de la fonctionnalité ;
● pour les principes, la circulation d’air dans les termitières par exemple ;
● pour les organisations, les écosystèmes sont d’excellents exemples de distribution de flux de matière, d’énergie
et d’informations, comme, par exemple, une ville, un complexe d’écologie industrielle, une ferme en permaculture, etc.
Pour répondre aux besoins vitaux de nos réalités urbaines et pour éclairer la nécessité de rupture de nos modèles,
les “solutions inspirées du vivant” me semblent être une bonne approche. La “solution concrète” des discours
politiques nous renvoie sans doute à la nécessité de transformation des productions intellectuelles, rapports, plaidoyers en réalisations concrètes. Cela soulève les difficultés d’acceptation du changement et de travailler en interdisciplinarité, avec des acteurs issus de différents secteurs, formations et cultures. La complexité des enjeux nous
oblige aujourd’hui à repenser nos modes de réflexion et de collaboration. Si une nouvelle terminologie devait émerger en alternative à “solution concrète”, peut-être devrait-elle induire cette perception écosystémique ou collective.
Enfin, pour répondre à l’urgence de nos transitions, la notion de partage, d’accessibilité et de réplicabilité de ces
solutions ou initiatives doit être perceptible. »

Joël GUIOT, directeur de recherche émérite CNRS, CEREGE, Aix-Marseille Université et co-président du GREC-SUD

« Le changement climatique impose à chacun d’entre nous de retrouver le sens de la vie et la valeur
des choses. Une partie significative des émissions de gaz à effet de serre vient de nos consommations
inutiles qu’elles soient voulues ou non. Nous avons en tête la lampe que nous n’éteignons pas, le chauffage qui marche avec les fenêtres ouvertes, le robinet qui coule, les kilomètres parcourus seul dans sa
voiture juste pour gagner quelques minutes si précieuses… Les exemples sont nombreux. Ajoutons la
consommation de plus en plus effrénée du numérique (streaming notamment) et le gaspillage alimentaire. Un rapport du GIEC, paru en août 2019, explique que près de 25 % de la production agricole finit
à la poubelle entre le producteur et le consommateur, ce qui représente 8 à 10 % de nos émissions de gaz à effet
de serre. Le gaspillage ne fait pas le bonheur, alors pourquoi ne pas le réduire ? Les nombreuses petites solutions
concrètes pour atténuer le changement climatique passent par une prise de conscience individuelle, mais elles ne
suffisent pas. En parallèle, il faut mettre en place des politiques publiques vigoureuses pour les accompagner :
développement des transports collectifs et des pistes cyclables, relocalisation de la production, commerces de
proximité, isolation des logements, réduction drastique des emballages, économie circulaire, etc. Les solutions
concrètes d’atténuation du changement climatique dépendent ainsi des actions individuelles et collectives. Cela
implique un changement de paradigme dans notre société qui doit être accepté par les citoyens. En faire ressortir
les nombreux bénéfices pour notre qualité de vie, notre santé, nos emplois également, est une façon de rendre
désirable ce changement. »

Ces trois regards montrent combien les « solutions
concrètes » ne forment pas un concept monolithique.
Les réponses dépendent des métiers, des missions,
des spécialisations, des sphères professionnelles, des
visions et perspectives, mais aussi de la sensibilité et
de la perception de chacun. Quels que soient les mots
utilisés et la manière de répondre, nos trois témoins insistent sur les modes de fonctionnement de nos sociétés et leur nécessaire évolution, voire transformation.
Dans ce cahier, les solutions concrètes d’adaptation au
changement climatique et d’atténuation des émissions
de gaz à effet de serre sont les voies ou les chemins à
emprunter pour s’engager résolument et positivement
dans les transitions écologiques, énergétiques, sociales, économiques… Les solutions concrètes, c’est-à-dire éprouvées, matures ou susceptibles d’apporter une
plus-value aux stratégies d’adaptation et d’atténuation,
les solutions fondées sur la nature ou inspirées du vivant
ou bio-inspirées, les diverses pistes et expérimentations
sont toutes les bienvenues, sans aucune restriction,
à condition de contribuer à la lutte contre le changement climatique et ses impacts qui menacent la région

Provence-Alpes-Côte d'Azur et ses habitants. Dans
cette publication, ce sont les actions ancrées dans le
réel, dans le sens où elles dépendent seulement de
notre volonté, à toutes les échelles spatiales et temporelles, qui prennent tout leur sens, sous toutes leurs
formes. Ces actions reposent sur les écosystèmes naturels ou semi-naturels ou agricoles, les énergies renouvelables, les organisations sociales, économiques
et politiques, la recherche, les technologies, l’innovation… Dans leur pluralité, multiplicité et complémentarité, elles ont comme objectifs de :

● changer les pratiques quotidiennes et les modes de
vie, en privilégiant la qualité de vie des citoyens et
la bonne santé des êtres vivants ;

● privilégier un système économique viable et dynamique non énergivore et dévoreur de ressources
naturelles, loin des logiques consuméristes qui génèrent gaspillages, pollutions, destruction des écosystèmes et inégalités sociales ;

● transformer les sociétés pour sauver ce qui peut
l’être, en encourageant les approches décloisonnées, le partage et la solidarité.

​Zoom 1. Petit précis de vocabulaire des transitions

Une sélection de définitions précise le sens des mots ou expressions utilisés dans le langage des transitions. Elle
ne reflète évidemment pas la richesse de la sémantique partagée par les climatologues, sociologues, économistes,
énergéticiens, naturalistes… Selon les sources et les disciplines, ces définitions peuvent comporter des nuances,
mais le sens général converge.

Atténuation des émissions des gaz à effet de serre (définition : ADEME) : toute activité contribuant à la stabilisation ou à la réduction des concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère à un niveau empêchant
toute perturbation anthropique du système climatique.

Adaptation au changement climatique (définition : ministère de la Transition écologique) : ajustement d’un système à des changements climatiques (variabilité climatique et extrêmes inclus) afin d’atténuer les dommages
potentiels, de tirer parti des opportunités ou de faire face aux conséquences.

Biodiversité (définition : Office français de la biodiversité) : l’ensemble des êtres vivants et les écosystèmes dans
lesquels ils vivent. Ce terme comprend également les interactions des espèces entre elles et avec leurs milieux.

Changement climatique (définition : GIEC) : variation de l’état du climat, décelée par des modifications de la
moyenne et/ou de la variabilité de ses propriétés et qui persiste pendant une longue période, généralement pendant des décennies ou plus.

►Info+ du GREC-SUD : l’expression « dérèglement climatique » est souvent utilisée par les élus, les ingénieurs
et techniciens des collectivités territoriales, les gestionnaires, les médias, etc., mais elle est trompeuse dans le
sens où le changement climatique actuel ne s’assimile pas à un simple dérèglement du système climatique,
sous-entendant un retour à l’état du climat de l’ère préindustrielle, ce qui n’est pas possible (mécanismes atmosphériques très complexes), même si les actions d’adaptation et d’atténuation peuvent limiter les effets du
changement climatique, préserver la biodiversité, protéger les populations… Par ailleurs, « réchauffement climatique » indique simplement le phénomène de hausse de la température moyenne observée dans les océans,
l'atmosphère et à la surface de la Terre. Il n’intègre pas toute la dimension du changement climatique. Enfin,
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« changement climatique » est écrit au singulier et au pluriel. Le singulier exprime le changement dans sa globalité incluant tous les processus et le pluriel la multiplicité des modifications du système climatique (hausse de la
température moyenne, augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes…) :
l’emploi du singulier et du pluriel est correct, même si, en France, le terme « changement climatique » a été
entériné en 2009 par la Commission générale de terminologie et de néologie.

Co-bénéfices climatiques (définition : GREC-SUD) : de manière générale, un co-bénéfice s’apparente à un effet
positif à court, moyen ou long terme qui s’additionne à un bénéfice visé par un processus, une action ou un projet.
Le système climatique étant en interactions permanentes avec les milieux naturels et anthropiques, une action
en faveur de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, par exemple, peut limiter la hausse de la température, le risque d’érosion de la biodiversité, la sévérité des événements climatiques, les impacts sanitaires, les
phénomènes de submersion marine, la baisse des ressources en eau ou des rendements agricoles… En termes
financiers, selon la Banque mondiale, les « co-bénéfices climatiques représentent la part des ressources dédiées
à l’adaptation et l’atténuation du changement climatique dans les opérations financées par les banques. Autrement
dit, les co-bénéfices correspondent aux financements qui soutiennent l’action climatique tout en poursuivant des
objectifs de développement ».

Économie circulaire (définition : ADEME) : système économique d’échange et de production qui, à tous les stades
du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à
diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien-être des individus. Tendre vers un modèle plus
sobre réduisant les pertes et le gaspillage est l’un des principaux objectifs.

Empreinte carbone d’un pays (définition : INSEE) : la quantité de gaz à effet de serre (GES) induite par la demande finale intérieure d'un pays (consommation des ménages, des administrations publiques et des organismes
à but non lucratif et les investissements), que les biens ou services consommés soient produits sur le territoire
national ou importés. L’empreinte carbone est égale à la quantité de GES produite sur le territoire, plus la quantité
importée.

►Info+ du GREC-SUD : de même, tout individu ou entité (entreprise par exemple) a une empreinte carbone.

Mal-adaptation ou maladaptation (définition : ministère de la Transition écologique) : changement opéré dans les
systèmes naturels ou humains qui font face au changement climatique et qui conduit (de manière non intentionnelle) à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire.
Résilience (définition : cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, 3ème
conférence mondiale de l'ONU, 18 mars 2015) : capacité d’un système, d’une communauté, ou d’une société
exposés aux aléas, de résister, d’absorber, de s’accommoder, de s’adapter, de transformer et de se remettre des
effets d’un aléa, en temps opportun et d’une manière efficace, y compris en préservant et restaurant ses structures
et fonctions essentielles de base à travers la gestion du risque ; (définition : ADEME) : désigne la capacité d'une
organisation, d'un groupe ou d'une structure à s'adapter à un environnement changeant.

Séquestration du carbone (définition : GREC-SUD) : stockage de carbone dans les écosystèmes naturels (sols,
plantes, océans…) par différents processus (photosynthèse, dissolution du carbone dans l’eau des océans…) permettant de réguler la quantité de carbone dans l’atmosphère. Dans le contexte actuel de changement climatique
d’origine anthropique, favoriser la séquestration de carbone présente l’avantage de limiter les concentrations de
carbone dans l’atmosphère en accroissant les flux entrants (puits = écosystèmes) qui doivent rester supérieurs aux
flux sortants (sources) pour éviter un renforcement de l’effet de serre.

Solutions fondées sur la nature (définition : IUCN) : les SfN sont des actions visant à protéger, gérer de manière
durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière
efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité.

Solutions « sans regret » (définition : ADEME) : actions flexibles devant s'adapter à la production de nouvelles
connaissances, ne pas entrer en conflit avec le principe d'atténuation du changement climatique, et présenter des
bénéfices pour le territoire, quelque soit la situation future.

Transition écologique (définition : Rob Hopkins) : le concept regroupe un « ensemble de principes et de pratiques
formés à partir des expérimentations et des observations d'individus, de groupes, de villages, villes ou communes,
lorsqu’ils ont commencé à travailler sur les problématiques de résilience locale, d'économie en boucle et de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2
) ».
Transition énergétique (définition : Novethic) : désigne le passage d'un système énergétique qui repose essentiellement sur l'utilisation des énergies fossiles, épuisables et émettrices de gaz à effet de serre (pétrole, charbon,
gaz), vers un bouquet énergétique donnant la part belle aux énergies renouvelables (EnR) et à l'efficacité énergétique. Parmi les principales EnR : énergie solaire, énergie éolienne, énergie géothermique, énergie hydraulique...

►Info+ du GREC-SUD : la transition énergétique est une composante de la transition écologique.

1.2.2 Les besoins exprimés par les acteurs territoriaux et les citoyens

Les connaissances scientifiques sur le changement climatique et les risques associés sont diffusées depuis
des décennies (rapports scientifiques, éducation à l’environnement, médias, etc.), mais la prise de conscience
généralisée est malheureusement récente. Comme
l’évolution du climat est progressive, même si elle est
en réalité très rapide au regard de l’échelle des temps
et ponctuée d’événements climatiques extrêmes de
plus en plus fréquents (canicules, sécheresses, pluies
intenses…), le temps entre l’éveil des consciences et
l’action s’avère (trop) long et semé d’obstacles à la fois
structurels, organisationnels, institutionnels, politiques,
administratifs, financiers, psychologiques… Devant l’urgence, la répétition des messages d’alerte et la dégradation visible de l’environnement, l’État, les collectivités
territoriales, la communauté scientifique, les associations, les entreprises, les citoyens, et plus particulièrement la jeunesse qui se mobilise dans tous les pays,
s’engagent dans les transitions (environnementales,
sociales, économiques…). Le retard, le manque de
moyens et d’efficacité des actions, le non-engagement
d’une transformation structurelle des modes de production et de consommation de notre société hypothèquent
toutefois les chances d’éviter un emballement climatique susceptible de bouleverser la vie des hommes
et les écosystèmes naturels de manière irréversible,
comme le confirment les conclusions du groupe de travail I dans le sixième rapport du GIEC publié le 9 août
2021.
Avec la succession des événements climatiques extrêmes (records fréquents) et la mobilisation citoyenne
ces dernières années, la prise de conscience se renforce jour après jour malgré des croyances et des
convictions contraires aujourd’hui minoritaires, mais qui conservent une forte influence. En France, selon Ipsos, 42 % des Français positionnaient le climat en première place de leurs préoccupations en 2019, devant le pouvoir d'achat, le système de santé et l'emploi, et, en avril 2021, 44 % des Français considéraient que lutter contre le changement climatique devait être au cœur du plan de relance8 . L'environnement est même devenu la préoccupation principale en Europe. L’engagement des différentes composantes de la société est également révélateur : la règlementation de l’État progresse, les collectivités intègrent la dimension climatique et les transitions dans leurs plans-actions, les entreprises, les associations et les citoyens font évoluer leurs pratiques au quotidien, la concertation incluant la société civile grandit... De manière générale, la bonne volonté se généralise et les investissements montent en puissance. La crise sanitaire et le confinement ont marqué les esprits et mis en avant les interactions entre l’homme et la nature qui, avec l’évolution actuelle et future du climat, peuvent déboucher sur une multiplication des épidémies (paludisme, Ebola, chikungunya…). Cette crise et les crises de demain montrent la vulnérabilité de nos systèmes à toutes les échelles, questionnent sur les bouleversements climatiques à venir et des voix s’élèvent, s’insurgent tout en rêvant au « monde d’après ». Les confinements auront au moins eu le mérite de tester et dynamiser des solutions pratiques (circuits courts, télétravail, nouvelles mobilités…) qu’il est nécessaire de pérenniser et déployer à tous les niveaux

Avril 2021 : pour 44 % des Français, lutter contre le changement climatique doit être au cœur du plan de relance.

concernés par les enjeux environnementaux de manière directe ou indirecte, et le cloisonnement partiel ou total entre ces acteurs est l’un des freins pour accélérer les transitions. Les divergences entre intérêts individuels et collectifs représentent aussi un écueil majeur. De leur côté, pour s’engager dans l’adaptation au changement climatique et l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, les élus et décideurs demandent du pragmatisme et de l’opérationnalité. Ils sont à la recherche de preuves par l’exemple, de chiffres et de données pour justifier les investissements et leur choix. Face à la difficulté de concilier la gestion du quotidien et le temps long, les élus ont également besoin d’un cadre étatique intelligible et d’outils solides avec la possibilité d'agir, sans trop d'entraves administratives, afin de s'atteler aux priorités de leur territoire9 . Au sein des collectivités, les services ont besoin de leviers facilitateurs pour agir en faveur d’une transition écologique, comme un portage politique, de la transversalité entre les services, des moyens humains et financiers…

La multiplicité et la diversité des acteurs régionaux (services de l’État et des collectivités, associations, entreprises…)

Toutefois, même si ces leviers ne sont pas toujours réunis, les collectivités ont, malgré les contraintes
budgétaires croissantes, appris à innover et à créer de
nouvelles formes de partenariats pour faire émerger des
idées, puis des projets. En d’autres termes, les acteurs
territoriaux ont besoin d’un accompagnement scientifique et technique pour prendre des décisions solides
et justifiées, de pistes d’adaptation et d’atténuation à la
fois concrètes et réalistes en adéquation avec les spécificités de leur territoire, de construire des passerelles
avec tous les acteurs pour dialoguer et encourager la
concertation, de tisser des liens avec les partenaires
techniques innovants et soucieux d’aider les territoires
dans leurs mutations, de comprendre l’imbrication des
différents dispositifs régionaux et locaux pour répondre
aux enjeux du changement climatique…

Le rapprochement entre scientifiques et politiques durant la gestion
de la crise de la Covid-19 en est une illustration avec
notamment les avis donnés par le conseil scientifique
au gouvernement. Ce dispositif pourrait être reproduit
à l’échelle nationale ou plus locale pour répondre aux
enjeux du changement climatique. Les acteurs territoriaux ont aussi besoin de pédagogie et de simplicité
car les enjeux sont complexes et les approches systémiques. La confiance entre les protagonistes régionaux
et locaux est également primordiale pour tendre vers
des territoires moins inégalitaires et partagés, sans arrière-pensée. Du crédit doit encore être accordé aux
maîtres d’œuvre dont les exigences augmentent pour
répondre aux attentes des maîtres d’ouvrage.
Dans ce jeu d’acteurs, les citoyens sont également à
associer. Rien ne se fera sans eux. La démocratie directe, même si ses formes restent à dessiner, est une
option qui peut éviter les interminables consultations
improductives. Il faut mobiliser des groupes de citoyens
prenant en compte l’intérêt collectif et capables de penser la société de demain, en les impliquant dès l’élaboration ou le démarrage des projets. La qualité de vie,
la santé, l’emploi, la préservation et l’amélioration de
l’environnement, mais aussi la lutte contre la précarité,
l’accès aux besoins vitaux, etc. sont tout simplement
en jeu, d’où l’importance de s’écouter et de progresser ensemble. La Convention citoyenne pour le climat
est une forme de démocratie participative qui a abouti
sur des propositions concrètes qui ont été malgré tout
majoritairement validées par le gouvernement. Reste
maintenant leur mise en œuvre effective et entière. Les mesures prises en concertation doivent être par
ailleurs acceptables et acceptées socialement et économiquement (la fiscalité carbone est par exemple une
question cruciale), mais, vu les enjeux, rien ne doit faire
renoncer l’ensemble des acteurs à transformer les modes de vie, de production, de consommation…

Enfin,
les médias qui sont des relais incontournables sont bien
sûr appelés à participer à cette dynamique. Les journalistes et les scientifiques doivent apprendre à dialoguer
et à se comprendre. Pour sensibiliser le public, les médias représentent un puissant vecteur à condition que
les informations transmises soient vérifiées et consolidées. La maîtrise des informations sur les réseaux sociaux est plus problématique, voire totalement illusoire,
mais il existe très probablement des moyens de limiter
les fameuses “fakes news”.
En ce sens, l’interface science-société est appelée à
se développer pour construire un nouveau monde, en
privilégiant un langage commun et des perspectives désirables qui donnent envie à chacun de vivre autrement

Témoignage 1 : La société civile face aux transitions Marie-Laure LAMBERT, maître de conférences en droit, Laboratoire interdisciplinaire en environnement et urbanisme (LIEU), AMU

Quels sont les attentes de la société civile aujourd’hui ? L’une des demandes qui émerge de la société civile concerne le besoin de cohérence entre les politiques publiques. Il ne peut plus y avoir coexistence entre d’une part, des soutiens publics à des activités nuisibles à l’environnement et à la cohésion sociale, et d’autre part, des soutiens ponctuels et « cosmétiques » à des mesures environnementales. Par ailleurs, la crise sanitaire Covid-19 et les difficultés économiques qui en découlent ne devraient pas servir de prétexte à une remise en cause, un report, voire une régression (contraire à l’article L110-1 du code de l’environnement) des mesures en faveur de la transition écologique, énergétique et climatique.

La convention citoyenne pour le climat a, dès avril 2020, dans la présentation de ses premières demandes, demandé que « les financements mobilisés dans le cadre de la sortie de crise soient socialement acceptables, fléchés vers des solutions vertes et que les investissements se concentrent dans des secteurs d’avenir respectueux du climat ». La conditionnalité climatique, écologique et sociale devrait donc être un préalable à toutes les mesures d’aides publiques régionales, après une étude par tierce expertise des impacts environnementaux et sociaux de chaque mesure à prendre. En outre, une analyse des contradictions entre les différentes politiques publiques ou mesures de soutien économique devrait être effectuée dans le cadre du suivi du Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) afin d’identifier les objectifs contraires qui pourraient se manifester dans les politiques régionales. Quelles sources d’inspiration pour les responsables politiques pour s’engager dans les transitions ? Nombre d’associations régionales ou nationales ont réfléchi, avant et après la crise de la Covid-19, à des mesures pouvant réformer nos sociétés. Tout responsable politique peut s’inspirer des mesures préconisées sur les sites suivants :

● négaWatt → www.negawatt.org

● Réseau Action Climat (RAC) → reseauactionclimat.org . Le RAC fédère les associations impliquées dans la lutte contre le changement climatique et la transition écologique, solidaire et équitable ;

● Convention citoyenne pour le climat → www.conventioncitoyennepourleclimat.fr

● Le Monde d’Après → https://lemondeapres.org

● The Shift Project → https://theshiftproject.org

● France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d’Azur → https://fnepaca.fr/2020/05/07/appel-pourconstruir... FNE PACA a mis en ligne en janvier 2020 un guide répertoriant les bonnes pratiques régionales → https:// fnepaca.fr/wp-content/uploads/2020/04/20200403-maquette-odd-paca.pdf

Ce guide illustre la mise en œuvre opérationnelle des Objectifs de développement durable (ODD) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, par des actions concrètes issues de collaborations entre associations, collectivités et citoyens.

Comment éviter une aggravation des inégalités économiques et sociales en mettant en œuvre des mesures de transition(s) ?

Les inégalités économiques s’aggravent dans notre pays depuis les politiques néolibérales mises en place dans les années 1980. Elles sont la cause de fractures sociales et de mouvements de contestation de plus en plus étendus. Les objectifs du développement durable ne permettent pas de faire l’impasse sur cette question. Il est donc important d’identifier les inégalités environnementales qui aggravent les inégalités sociales : les populations vulnérables sont la plupart du temps davantage exposées aux pollutions (environnementales ou professionnelles), aux risques naturels ou technologiques, aux nuisances notamment sonores. Or les mesures de lutte contre le changement climatique, pour être acceptables, devront être perçues comme équitables, et ne pas peser plus lourdement sur ces populations déjà vulnérables, en proportion de leurs revenus.

Ainsi, les taxes ou tarifications devraient plutôt rechercher des formes d’incitation positive (rémunération d’un service rendu par exemple : tri des emballages, notamment sous la forme de la consigne) que des impositions supplémentaires qui pèseraient plus lourd. De même, les aides (à la reconversion des véhicules par exemple) devraient être dirigées vers les populations les plus vulnérables (en termes de revenus ou de distance au lieu de travail) et plafonnées pour éviter les achats de véhicules puissants et coûteux. Enfin, la solidarité collective, en matière de catastrophes naturelles par exemple, devrait également être équitable et non égale, c’est-à-dire viser en priorité les foyers ou les producteurs (agriculteurs) les plus vulnérables, plutôt que d’être calculée sur la seule valeur des biens ou des dommages.

1.3 Les leviers de mobilisation des acteurs territoriaux : un regard psychosocial

Nos sociétés évoluent lentement face aux défis climatiques. Dès lors, comment mobiliser efficacement les acteurs territoriaux pour basculer plus largement dans la transition écologique ?

Réduire la distance psychologique

La distance psychologique à un évènement ou un phénomène renvoie à quatre dimensions : spatiale, temporelle, sociale et hypothétique. Pour de nombreuses personnes, le changement climatique reste psychologiquement distant d’une ou plusieurs de ces dimensions. Ainsi, il peut être perçu comme ne touchant pas directement le territoire de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et/ou dans une temporalité relativement lointaine, sa population n’étant dès lors pas directement affectée. Sa réalité même peut également être perçue comme incertaine. Les acteurs locaux doivent donc viser la réduction de cette distance vis-à-vis de ces quatre dimensions de manière simultanée. Cela passe notamment par une information précise sur les conséquences du changement climatique à l’échelle des territoires de la région.

L’impasse du seul niveau individuel

En parallèle, il est important de transmettre des pistes d’action dont l’efficacité apparaît en adéquation avec l’intensité de la menace, sous peine de générer des effets contre-productifs (réactance10, évitement). Notre difficulté à agir à la hauteur des enjeux résulte d’une conjonction de barrières psychologiques et structurelles, mais les actions de sensibilisation institutionnelle portent majoritairement sur des actions individuelles dans la sphère privée. Sans nier leur utilité, ces comportements ne produisent généralement pas les effets « tache d’huile » escomptés, une somme de changements individuels n’équivalant pas à un changement social global. Ainsi, la réduction de l’empreinte carbone liée aux changements de comportements individuels risque de stagner entre 5 et 10 % en France dans les années à venir. En outre, les objectifs de ces changements sont parfois insuffisamment discutés et en décalage avec les priorités et enjeux des populations concernées (par exemple, défendre un objectif d’économies d’énergie auprès de populations en situation de précarité énergétique).Il apparaît donc impératif de repolitiser les enjeux écologiques locaux et d’insister sur la responsabilité collective face au changement climatique. Des individus sont prêts à investir davantage financièrement dans des actions pro-environnementales quand la dimension collective (plutôt qu’individuelle) de la responsabilité face au changement climatique est mise en avant.

Des objectifs précis pour atteindre un avenir désirable et respectueux de la qualité de vie

Sur le plan opérationnel, une piste repose sur la systématisation de la fixation d'objectifs. Les programmes de réduction de consommation d’énergie les plus efficaces présentent toujours un objectif clairement spécifié, ressenti comme légitime par la population et accompagné d’un retour d’information précis permettant d’évaluer la progression par rapport à l’objectif. Les objectifs doivent également intégrer les co-bénéfices associés à une politique de lutte contre le changement climatique dans notre région afin de permettre une projection vers un avenir commun désirable. Mais il ne suffira pas de signifier que nous pouvons atteindre simultanément la soutenabilité environnementale, économique et/ou sociale et attendre des individus qu’ils l’acceptent. En effet, dans une démarche d’identification des domaines de compatibilité et de tension perçus pour atteindre les trois composantes de la soutenabilité, des individus de 12 pays ont été interrogés sur les 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Dans tous les pays, la majorité d’entre eux voient davantage la soutenabilité environnementale en tension avec la soutenabilité sociale qu’avec la soutenabilité économique. Pour réduire ce conflit, il faudra indiquer clairement comment ces tensions seront traitées, en précisant comment une politique environnementale, telle que la réduction d’activités polluantes ou la réduction de la consommation de viande bovine, sera soutenue par des initiatives sociales visant à maintenir la qualité de vie des communautés touchées.

Il apparaît impératif de repolitiser les enjeux écologiques locaux et d’insister sur la responsabilité collective

Zoom 2. Les citoyens s’emparent des enjeux climatiques en Ubaye

En octobre 2018, des citoyens, avec l’appui de scientifiques, ont créé le groupe ECCU (Effets du Changement
Climatique en Ubaye). Ses objectifs sont de :

● recueillir et diffuser les données scientifiques relatives à l’évolution du climat en montagne et ses impacts dans
la vallée de l’Ubaye ;

● devenir l’interface entre les élus, les acteurs économiques, les habitants de la vallée et les scientifiques spécialistes du climat.
ECCU est composé de membres actifs, signataires d’une charte de fonctionnement, incluant
des citoyens, des acteurs socio-économiques, des représentants du GREC-SUD et du pôle
d’accueil universitaire Séolane.
Depuis sa création, ECCU a cherché à sensibiliser les acteurs locaux. Différentes actions ont
été menées en ce sens :

● organisation de la 2nde édition du colloque CLIMALPSUD à Barcelonnette en 2019, avec le soutien de l’ADEME
PACA, de Séolane et du GREC-SUD. Ce colloque, réunissant 22 scientifiques et 120 participants, a permis un
état des lieux des connaissances scientifiques sur l’évolution du climat en montagne et la mise en perspective
de pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre ;

● lancement de l’« Appel de l’Ubaye pour le climat » (près de 600 signatures) rappelant les objectifs de l’Accord
de Paris signé en 2015 ;

● désignation de « Référents Transition Climat » (RTC) dans les conseils municipaux de la vallée, avec l’accord
des maires

● deux formations dispensées à Séolane destinées aux élus : (i) économies d’énergie, rénovation énergétique
des bâtiments publics et privés, (ii) planification de la transition écologique territoriale ;

● organisation de cafés-sciences (psychologie de l’environnement par exemple) ;

● organisation d’une exposition tout public sur le changement climatique et l’observation de la Terre par satellite
à Barcelonnette, visitée notamment par les classes des écoles de la vallée ;

● veille médias (presse) quotidienne sur le climat diffusée aux membres d’ECCU et des RTC.
Pour assurer ces différentes activités (liste non exhaustive), ECCU s’appuie sur une organisation mixte associant
des bénévoles et des professionnels. Le travail de sensibilisation des acteurs locaux, déjà avancé, doit se renforcer à l’avenir pour espérer changer les pratiques et s’engager sans regret dans les transitions. Des signes positifs
ponctuent le quotidien et réaffirment la détermination du groupe. Suite à la formation organisée par ECCU sur
les économies d’énergie, la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon a décidé de recruter un
conseiller en énergie partagé. La communauté de communes a aussi récemment présenté à ECCU son nouveau
plan d’actions en faveur des énergies renouvelables et de l’isolation thermique des bâtiments, et plus globalement
de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la vallée.
Pour poursuivre la dynamique et mobiliser davantage les Ubayens, ECCU prépare d’ores et déjà la 3ème édition du
colloque CLIMALPSUD, programmée courant 2022, et se lance à la recherche de groupes similaires dans les Alpes
du Sud pour partager les expériences et créer une synergie régionale.

1.4 Des dispositifs pour s'engager dans les transitions à l'échelle nationale et régionale

La stratégie énergie- climat de la France

L'objectif de l'Accord de Paris, visant à contenir l’augmentation de la température moyenne de la planète
nettement en dessous de 2 °C par rapport à la période
préindustrielle et de poursuivre l’action menée pour limiter cette augmentation à 1,5 °C, implique d'atteindre
la neutralité carbone au niveau mondial dans la deuxième moitié du XXIe
siècle.
La France s'est fixé pour objectif d'atteindre la neutralité
carbone dès 2050. Les orientations de politiques publiques nécessaires pour atteindre cette trajectoire de
long terme sont définies dans la deuxième stratégie nationale bas-carbone (SNBC-2). La SNBC-2 définit des
budgets-carbone sur 3 périodes de 5 ans, c'est-à-dire la
quantité de gaz à effet de serre à ne pas dépasser pour
rester sur la trajectoire. Elle vise également à diminuer
l'empreinte carbone des Français qui tient compte des
émissions liées aux biens importés. La SNBC-2 s’appuie sur un travail de prospective quantitative de long
terme qui fournit de nombreux enseignements sur les
principaux enjeux et leviers à actionner : décarbonation
de l'énergie, forte baisse des consommations d'énergie, forte réduction des émissions non énergétiques et
augmentation du puits de carbone. Au final, la SNBC-2
trace une trajectoire très ambitieuse pour tous les secteurs, mais réaliste et positive à long terme sur le produit
intérieur brut (PIB) et l'emploi, ainsi que sur la facture
des ménages, sous réserve d'un accompagnement des

ménages modestes pendant la période de transition.
La programmation pluriannuelle de l'énergie fixe quant
à elle les priorités d’actions pour la décennie à venir afin
d'atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la loi énergie-climat et la SNBC-2 dans le domaine de l’énergie.
Il s'agit notamment de baisser la consommation finale
d'énergie de 20 % et la consommation d'énergie fossile de 40 % d'ici 2030 par rapport à 2012 et d'atteindre
33 % de renouvelable dans la consommation finale
d'énergie en 2030.
Publié en décembre 2018, le deuxième plan national
d’adaptation au changement climatique (PNACC-2) a
pour objectif de mettre en œuvre les actions nécessaires pour préparer la France d’ici 2050 aux conséquences d'une hausse de la température moyenne de
la Terre de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle (en
cohérence avec les objectifs de long terme de l’Accord
de Paris, mais à un horizon temporel plus proche de
façon à ne pas exclure des scénarios de changement
climatique plus pessimistes). Le PNACC-2 (Figure 3)
comporte 4 priorités : la territorialisation de la politique
d’adaptation, l’implication des filières économiques,
le recours aux solutions fondées sur la nature et les
Outre-mer. Il comprend 58 actions réparties en 6 domaines : gouvernance, prévention et résilience, nature
et milieux, filières économiques, connaissance et information, et international.

Figure 3. Politiques nationales d’adaptation au changement climatique conduisant au PNACC-2 (source : ministère de la Transition écologique).

Un dispositif régional au service des territoires de Provence-Alpes-Côte d’Azur

La transition de nos modèles nécessite une coopération, une coordination de l’ensemble des acteurs publics
régionaux afin d’accompagner au mieux les territoires
et les projets qui les structurent. C’est l’ambition de la
communauté régionale de travail en Provence-Alpes
Côte d’Azur.
Composée des services déconcentrés de l’État, de ses opérateurs, de la Région Sud et des agences régionales, cette communauté accompagne les acteurs des
transitions dans les enjeux d’atténuation des émissions
de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement
climatique. Ce travail prend plusieurs formes.
La mise en réseau est un point essentiel du dispositif
régional. L’idée générale est que chaque membre de
la communauté soit un point d’entrée sur les thématiques dont il a la charge. Il assure ensuite la diffusion
auprès des réseaux existants. En matière de climat,
d’air et d’énergie, le réseau PACA Climat est un lieu
de partage à destination de ses 380 membres. Ce réseau est complété par deux plateformes collaboratives
dédiées spécifiquement à l’adaptation au changement
climatique et à l’alimentation durable. Le relais local et
opérationnel est notamment assuré par les clubs « Plan
climat-air-énergie territorial » présents dans cinq des
six départements régionaux. Ce quadrillage en réseau
a un objectif : s’assurer que les projets de transition

soient bien identifiés au sein des membres de la communauté régionale de travail afin d’apporter un accompagnement le plus adapté possible.
La communauté régionale dispose d’offres d’accompagnement variées en matière d’atténuation et d’adaptation : financement d’études, d’assistance à maîtrise
d’ouvrage, d’animation, d’installation, notamment
d’énergies renouvelables et des réseaux associés, de
communication. Ces offres prennent la forme d’appels
à projets, d’appels à manifestation d’intérêt ou peuvent
être sollicitées directement de gré à gré. Certaines opérations peuvent également bénéficier d’un double financement État-Région via le Contrat de plan État-Région
(CPER).
À ces outils d’aides financières s’ajoute l’accès à l’expertise des membres de la communauté régionale ainsi
que la valorisation des projets dans les évènements organisés par les membres de la communauté

S’engager dans les transitions exige de changer en profondeur nos modes de vie, de production et de consommation. Écrire une telle évidence ne suffit pas pour provoquer une bifurcation car, face à l’évolution rapide du climat,
l’urgence passe par les actions concrètes, individuelles et collectives. Aujourd’hui, il n’est plus question de tergiverser, mais d’agir vite en se donnant les moyens de prendre les meilleures décisions possibles et en remportant
l’adhésion des acteurs territoriaux. L’un des outils pour
atteindre cet objectif, utilisé par l’État, les collectivités,
les laboratoires de recherche, les bureaux d’études,
etc., est la prospective environnementale et territoriale
qui sert à comprendre les changements et leurs mécanismes dans toute leur complexité, ouvrir les débats citoyens, explorer les futurs en s’appuyant sur le passé et
le présent, construire des stratégies et des politiques de
développement soutenables. La prospective s’entend
par imbrications d’échelles spatiales, de l’échelle globale
à locale, privilégie le dialogue et la concertation à tous
les niveaux. Elle regroupe tout un ensemble de principes
et de méthodes interdisciplinaires (des sciences exactes
aux sciences sociales) qui ouvrent les champs d’action,
de l’adaptation au changement climatique à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Elle favorise
l’anticipation, la planification, l’aide à la décision, mais
aussi l’innovation, la créativité et l’inventivité. Elle n’est
pas magique dans le sens où elle ne prédit pas l’avenir, mais elle permet de s’y préparer en limitant les risques
et les effets néfastes. Son rôle est aujourd’hui d’encourager les transitions en rassurant les acteurs locaux et en
rendant les territoires de demain désirables : non, les transitions ne sont pas une régression de nos sociétés ; non,
produire et consommer autrement l’énergie n’altère pas la qualité de vie et le confort ; non, la préservation de la biodiversité et des fonctions écosystémiques associées ne sont pas des freins à l’épanouissement des populations ;
oui, malgré les transformations, demain peut être socialement, écologiquement et économiquement acceptable.
Le changement climatique est un défi auquel toutes les composantes de la société sont confrontées. Les prospec-
25
tives démographiques, urbaines, sociales, énergétiques, climatiques ou encore écologiques visent une approche
systémique et dessine des scénarios en fonction de nos choix stratégiques. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur,
le changement climatique menace nos territoires, du littoral à la montagne. L’intelligence collective associée à la
prospective est l’une des solutions pour préparer nos espaces urbains, agricoles, forestiers et montagnards à un
climat méditerranéen plus rude, ponctué d’événements climatiques extrêmes plus fréquents, tout en stimulant le
dynamisme économique, la réduction des inégalités sociales, la préservation de nos paysages et de nos milieux,
mais aussi l’intégration de nos territoires à la mondialisation, le tout de manière coordonnée, réaliste et raisonnée.
L’exemplarité et les succès seront les ressorts pour multiplier et généraliser les bonnes pratiques, et ainsi se réinventer.

1.5. La formation des futurs professionnels de la transition écologique

Dans quelle mesure l’université peut-elle former les futurs professionnels de la transition écologique ? À partir
de l’expérience d’Aix-Marseille Université sont ici présentés les formes de compétences, les transversalités
disciplinaires, les spécialisations territoriales et les niveaux d’étude proposés pour la formation à la transition
écologique.
Les contours des métiers et professions de la transition écologique sont encore mal connus et évolutifs. Il
est de ce fait préférable de ne pas figer les formations
et de privilégier des approches par compétences et
outils résolument transférables. À ce titre, les ingénieries écologique et sociale sont au cœur des parcours
universitaires formant les futurs professionnels de la
transition. Les équipes pédagogiques associent des
enseignants-chercheurs et des acteurs socio-économiques, transmettant aux étudiants des savoirs et savoir-faire alimentés par les avancées scientifiques les
plus récentes et les retours d’expériences éprouvés par
la réalité de terrain. Par exemple, le master Gestion des
territoires et développement local, parcours « Gestion
durable des territoires de montagne » (GDTM) favorise
la constitution de binômes composés d’un universitaire
et d’un acteur socio-économique pour plusieurs de ses
enseignements, tels que « Risques naturels, aggravations anthropiques et résilience » ou « écologie appliquée à l’aménagement ».
La complexité des systèmes abordés par les sciences
de l’environnement nécessite une réelle approche interdisciplinaire, voire intersectorielle, renouvelant les
formations universitaires traditionnellement plus disciplinaires (sciences de la vie et de la Terre, parcours
« Homme et environnement » par exemple). Dans

ce titre, les formations universitaires accueillent des
personnes en formation continue et développent des
enseignements à distance. Par exemple, les agents ministériels ou de collectivités ont accès à des dispositifs
universitaires de formation continue, en auto-formation
(MOOC Nature For City Life par exemple) ou via des
diplômes d’établissement (DESU12 Biodiversité, Ville et
Territoires…) leur permettant de monter en compétences.
Par-delà compétences et disciplines, territoires et
thématiques, un parcours universitaire formant de
futurs professionnels de la transition écologique
ne peut pas faire l’économie des considérations

l’unité d’enseignement « Ingénierie écologique », discipline résolument tournée vers l’action, du master
Biodiversité, écologie et évolution (BEE), les étudiants
suivent sur un semestre des initiatives de fermes urbaines (agriculture sur délaissé d’infrastructure autoroutière par exemple) en réalisant un diagnostic
environnemental permettant aux agriculteurs urbains
d’évaluer scientifiquement l’impact environnemental de
leurs changements de pratiques. Avec un savoir-faire
et une réflexion plus intégratifs sur les problématiques
environnementales, les étudiants formés montrent une
polyvalence professionnelle adaptée à l’évolution des
missions dans le domaine de l’environnement. Par
exemple, le master 2 INGECO a développé des partenariats avec la ferme urbaine participative Le Talus
de l’association HEKO Permaculture et les ateliers Jardinot à Marseille pour un diagnostic croisé biodiversité-pollutions urbaines-usages.
De même, les formations spécifiques à un type de territoire permettent de sortir de logiques disciplinaires et
d’allier théorie et pratique11 (Photo 8, page suivante). Inversement, certaines méthodologies sont transférables
d’un territoire à un autre, comme la restauration écologique née dans les territoires de montagne, appliquée
aux littoraux et même aux fonds marins, incluant une dimension socio-économique et implication des acteurs.
La formation des futurs professionnels de la transition
écologique s’appuie sur des parcours initiaux renouvelés de la licence au master, qui apportent une culture
générale appropriée et des savoir-faire concrets aux
étudiants. L’enjeu est aussi de former les professionnels déjà en exercice, dans une logique d’actualisation
de leurs compétences, mais aussi de reconversion. À

éthiques inhérentes à un tel enjeu. Face aux incertitudes, former les futurs professionnels nécessite
de rompre avec l’immobilisme, l’attente de solutions
clés en main et le greenwashing. De ce point de
vue, la mission de l’université est de transmettre des
connaissances et savoir-faire visant l’ouverture d’esprit indispensable à l’innovation et la prise de risque.

La complexité des systèmes abordés par
les sciences de l’environnement nécessite
une réelle approche interdisciplinaire.

Photo 8. Les étudiants du master GDTM du pôle universitaire de Gap (Aix-Marseille Université) sur le territoire de la montagne de Céüse dans le cadre de leur formation (© Aix-Marseille Université). 12 Diplôme d'études supérieures universitaires.

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