Samuel Robert (ESPACE)
L’adaptation au changement climatique passe notamment par l’anticipation de ses effets par les politiques publiques d’aménagement du territoire. Sur le littoral, l’une des questions les plus critiques concerne l’élévation du niveau de la mer et l’augmentation des risques liés aux aléas météo-marins. Dans une certaine mesure, la prise en compte de ces phénomènes dans les documents locaux d’urbanisme témoigne de la manière dont les institutions se représentent le changement climatique et les risques associés.
À l’échelon local, les documents d’urbanisme sont établis par les communes et les établissements intercommunaux. Ils réglementent les usages possibles des sols et les droits à construire, tout en se conformant à des obligations réglementaires issues d’échelons administratifs supérieurs, notamment concernant la gestion et la prévention des risques, qui restent une prérogative de l’État. Une étude de la planification urbaine des 65 communes littorales de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, riveraines de la Méditerranée et de l’étang de Berre, a permis de caractériser la manière dont les risques liés au changement climatique sont traités dans les documents d’urbanisme en vigueur en juillet 2019. Ses enseignements, qui se situent à plusieurs niveaux, révèlent que le littoral de la région est insuffisamment préparé aux changements actuels et à venir.
Si, dans l’ensemble, les risques littoraux associés au changement climatique ne sont pas ignorés, 31 communes (cumulant 22 % de la longueur du littoral régional) sont soit sans Plan Local d’Urbanisme (PLU), soit sans évocation de ces risques dans le rapport de présentation de leur PLU. Un tel phénomène est surprenant dans une région aussi densément peuplée sur son littoral et autant orientée vers l’économie balnéaire et résidentielle. Par ailleurs, sur les 34 communes (77 % du littoral régional) dont le PLU évoque l’existence de phénomènes de submersions marines et/ou d’érosion, seules 23 (60 % du littoral régional) présentent des éléments de réglementation en lien avec ces aléas. Ce décalage interpelle et surprend à nouveau. Il signifie que certaines communes mentionnent les aléas mais qu’elles n’ont pas pris de dispositions pour y faire face.
Enfin, lorsque des dispositions existent dans les règlements d’urbanisme (23 communes), elles découlent le plus souvent de mesures imposées par l’État via les Plans de prévention des risques (PPR) ou par les Porter à connaissance sur l’aléa submersion marine, documents transmis par les Préfets aux communes. Seules 8 communes proposent de leur propre chef une réglementation d’urbanisme visant à se prémunir des risques littoraux. Aussi, outre le faible nombre de communes dont la planification urbaine aborde réglementairement l’occupation du littoral en rapport avec les aléas marins, l’étude révèle la relative faiblesse des dispositions, voire leur absence d’ambition.
Au final, il apparaît que les collectivités littorales de la région n’ont pas encore pris la mesure des changements induits par le changement climatique, comme le suggère l’analyse de la planification urbaine en vigueur à la mi-2019, et comme le confirme le décret du 29 avril 2022, découlant de la loi Climat et Résilience (août 2021), « établissant la liste des communes dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l'érosion du littoral ». En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, seules deux communes (Cassis et Eze) ont accepté d’en faire partie, ce qui interroge sur la capacité des communes littorales de la région à remettre en question leur modèle de développement et à s’engager dans une démarche d’adaptation.
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