3.Échec et réussite de la Convention citoyenne pour le climat

Jean-Michel Fourniau (Université Gustave Eiffel)

Convoquée pour parachever le Grand débat national, réponse gouvernementale aux Gilets jaunes, la Convention citoyenne pour le climat s’est vue confier une mission exceptionnelle : définir les mesures législatives nécessaires pour diminuer de 40 % (par rapport à 1990) les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici 2030. Le gouvernement reconnaissait par ce dispositif inédit la légitimité du tirage au sort pour représenter les citoyens. Les 160 citoyens tirés au sort ont travaillé 9 week-ends de 3 jours, d’octobre 2019 à juin 2020, aiguillonnés par la promesse du président de la République de transmettre « sans filtre » leurs propositions au Parlement. Cette « France en miniature » lui a remis le 29 juin 2020 à l’Élysée 149 propositions de mesures législatives et réglementaires. Son rapport a fourni la structure et la matière de la loi Climat-Résilience annoncée à ce moment-là, et à la préparation de laquelle les citoyens ont été associés, même si trop de leurs propositions n’ont pas été reprises « sans filtre », et pour beaucoup, pas du tout.

On retient souvent cette frilosité du gouvernement et des parlementaires à aller aussi loin que les citoyens le préconisaient pour parler d’échec de la Convention citoyenne.

Mais celle-ci a néanmoins fixé un cap et des objectifs pour les politiques climatiques, sur lesquelles l’action collective ne manque pas de s’appuyer. L’exercice lui-même est riche d’enseignements démocratiques. Après avoir mis à la disposition des participants un socle – remarquable et lui aussi inédit – de connaissances sur les enjeux climatiques, le dispositif de co-construction entre les citoyens et les experts du climat et juristes travaillant à leur service pour l’élaboration de mesures d’atténuation, intégrait dès sa commande la prise en compte de la justice sociale. En écho à la crise des Gilets jaunes, cette question a cadré l’esprit du travail des citoyens et en a fondé la portée politique. Le principal levier de la formulation des propositions dans un esprit de justice sociale vient de l’égalité radicale que confère le tirage au sort, autorisant une confrontation sans hiérarchie préétablie des expériences, des compétences et du sens de la justice, très divers parmi les participants. Comme l’ont analysé les travaux d’un groupe de trente chercheurs en sciences sociales ayant observé in situ le processus, le large consensus parmi les participants qu’a généré leur travail collectif a également trouvé un large écho au sein du grand public : plusieurs sondages l’ont souligné.

D’importants progrès restent à accomplir pour remettre les citoyens au cœur de l’action climatique, pour produire des mesures législatives et non pas seulement des recommandations générales comme dans la plupart des dispositifs participatifs, et ainsi asseoir le rôle politique représentatif des assemblées citoyennes , avec un engagement nécessaire de l’exécutif quant à la transmission sans filtre à au Parlement des mesures législatives formulées et leur soumission ou non à référendum. L’expérience de la Convention citoyenne a été un premier pas déterminant. Il contribue à l’intérêt que porte aujourd’hui les sciences humaines et sociales aux défis climatiques.

Une assemblée citoyenne du Futur à Marseille

Joël Guiot (CEREGE)

La Ville de Marseille a également lancé, depuis 2023, une « assemblée citoyenne du Futur » constituée de citoyens qui débattent de sujets d’avenir (sobriété et partage des usages en eau, tourisme durable et ville-nature). Ce dispositif permet aux citoyennes et aux citoyens de formuler des propositions concrètes pour construire une ville pilote en termes de transition écologique et sociale. Au total, 111 citoyen. ne.s ont été tiré.e.s au sort, dont 16 lycéen. ne.s. La première session de travail s’est terminée en mars 2024. Informés par les experts du GREC-SUD, les citoyens ont traité de la problématique de l’eau, du tourisme, de la Zéro Artificialisation Nette (ZAN), de la démocratie participative. De nouvelles sessions sont prévues avec d’autres participants tirés au sort. La balle est maintenant dans le camp de la municipalité qui doit reprendre les propositions lors des futures délibérations du conseil municipal.

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