2.Le changement climatique dans les médias : apparition et évolution

Raquel Bertoldo (LPS) & Alexandra Schleyer-Lindenmann (ESPACE)

La question climatique est apparue sur la scène médiatique durant les années 1980 et à la fin de la décennie, les grands médias commençaient à attribuer clairement aux activités humaines la catastrophe à venir. Dans ce contexte, le changement climatique est d’abord décrit comme potentiellement catastrophique, constituant une menace pour la planète entière même si le rôle des comportements humains n’est pas toujours évoqué par les médias.

Cette tendance à couvrir la thématique de façon catastrophiste mais déconnectée des actions humaines sera véhiculée et renforcée par des courants climatosceptiques à partir des années 1990. En effet, malgré la formation d’un large consensus, dans de nombreux pays, sur le caractère anthropogène du changement climatique actuel, certaines personnes, chercheurs compris, restent plutôt climatosceptiques ou continuent à associer ces changements plutôt à un phénomène naturel, inévitable et cyclique.

La cristallisation des idées climatosceptiques se complexifie davantage encore avec l’entrée dans le débat public et médiatique sur le climat de figures politiques telles qu’Al Gore ou du faux scandale du ClimateGate[NBP] Le ClimateGate est une affaire de piratage informatique en 2009 d’une unité de recherche climatique de l’université d’East Anglia qui travaillait sur les changements climatiques. Dans un premier temps accusés de conspiration, les chercheurs ont été totalement blanchis depuis.
L’affaire a néanmoins contribué à réduire l’impact de la COP 15 à Copenhague la même année.[\NBP] qui a temporairement terni la réputation des climatologues. Des études ayant analysé la consommation des médias par les climatosceptiques américains, plutôt conservateurs, ont montré leur nette préférence pour des médias qui sont, eux aussi, conservateurs et à tendance climatosceptique. En France, l’Agence de la Transition Ecologique (ADEME) avait constaté, dans une enquête menée auprès de parlementaires en 2020 que le climatoscepticisme est davantage porté par des élus de droite que par des élus de gauche. À titre d’exemple, 43% des élus de droite pensent que « Les scientifiques qui étudient les évolutions du climat exagèrent les risques de réchauffement climatique », tandis que c’est le cas pour seulement 4% des élus de gauche, et 1% des élus de la majorité présidentielle.

Cette brève présentation des enjeux médiatiques et politiques sous-jacents au débat climatique met en exergue la légitimité de la place de la science et l’enjeu d’ajuster la communication scientifique à cette polarisation. Comme dans d’autres polémiques sociales sur des risques (à l’instar de celles sur les biotechnologies) ces questions révèlent des scissions qui vont au-delà des savoirs scientifiques, et qui traduisent des positionnements politiques.

Le GIEC et l’évolution du rapport à la science

Wolfgang Cramer (CNRS, IMBE)

Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) a été créé en 1988. Les rapports du GIEC sont une synthèse de dizaines de milliers d’articles scientifiques, toutes disciplines confondues. Ils évaluent l’évolution, les causes et les impacts du changement climatique. Le GIEC a produit 6 rapports d’évaluation entre 1990 et 2023, mais également des rapports spéciaux sur demande des États.

Les rapports d’évaluation du GIEC instaurent une dynamique bidirectionnelle, à mi-chemin entre les préoccupations scientifiques et les demandes d’expertise des États. Cette instance rassemble des représentants des États membres (195 à ce jour) qui envoient des délégués dans les grandes conférences et qui, avec les chercheurs, animent cet échange structuré entre les décideurs et les scientifiques.

Les étapes sont bien cadrées : la planification d’un rapport fait l’objet d’une discussion et d’une demande des gouvernements (rapports généraux ou spéciaux). La présentation du rapport est soumise à l’approbation par tous du résumé à l’attention des décideurs.

L’enjeu est donc d’établir des évidences partagées qui puissent être prises en compte dans les politiques publiques. Ainsi, l’accord de Paris en 2015 n’aurait jamais eu la forme et le contenu actuel sans le rapport du GIEC en amont.

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