1.Maladies vectorielles : cohabitations nouvelles ou renforcées

Les maladies infectieuses qui se transmettent par le biais de vecteurs font l’objet d’une attention toute particulière en santé environnementale. Jusqu’à présent, la recrudescence et l’expansion de certaines maladies étaient imputées aux transports mondiaux plus rapides et plus nombreux. Mais récemment, les scientifiques ont fait cas d’une influence du changement climatique sur ces vecteurs de maladies, par la hausse des températures qui favorise leur développement, l’extension de leurs aires de distribution et l’accélération du développement des agents pathogènes.

Il est à noter que le climat joue un rôle en toile de fond car ses impacts indirects sont difficiles à détecter et les maladies sont liées à un ensemble de facteurs environnementaux et socio-économiques : urbanisation, modification des paysages, changement d’usage des sols ou encore augmentation des flux de personnes et de marchandises, contribuent également à l’augmentation du risque vectoriel. Ces interactions sont complexes et nous invitent à réfléchir sur les rapports que nous entretenons avec notre environnement.

4.1.1. Tiques et maladie de Lyme

Les tiques sont des acariens qui se nourrissent exclusivement de sang. Elles peuvent vivre jusqu’à trois ou quatre ans contrairement aux moustiques dont la vie dure classiquement de trois à quatre semaines. Lors des repas de sang, la tique peut transmettre des agents pathogènes (virus, bactéries et parasites).

En Europe, l’espèce qui pose le plus de problèmes de santé publique est Ixodes ricinus, une tique qui mord aussi bien les êtres humains que les animaux domestiques ou sauvages. Ixodes ricinus peut transmettre en particulier la bactérie responsable de la maladie de Lyme ou borréliose de Lyme pouvant provoquer des symptômes invalidants (douleurs articulaires durables, paralysie partielle des membres…) et le virus de l’encéphalite à tique. Cette tique est cependant assez mal adaptée au climat méditerranéen. Toutefois, elle peut être fréquemment rencontrée en zones montagneuses du sud de la France (Corse, Pyrénées et Alpes du Sud).

Outre Ixodes ricinus, une autre tique en provenance du sud se nourrissant aussi du sang des êtres humains, des animaux domestiques ou sauvages, vient de s’installer récemment en Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans le sud d’Auvergne-Rhône-Alpes. Cette tique, Hyalomma marginatum, peut transmettre à l’homme un autre agent pathogène, le virus de la fièvre hémorragique de Crimée Congo, maladie pouvant entraîner rapidement la mort si le malade n’est pas soigné.

Le projet CLIMATICK s’intéresse à la présence et l’activité de ces deux tiques Ixodes ricinus et Hyalomma marginatum. Il est centré sur l’effet de la météorologie et du climat, la présence et la dynamique saisonnière de ces tiques ; son objectif premier est de réaliser des cartes de risques. Ces deux tiques se distinguent en effet par des préférences différentes de température et d’humidité : Ixodes ricinus est particulièrement sensible à la sécheresse et Hyalomma marginatum à l’humidité et au froid (figure 10).

Il est également important de prendre en compte l’effet du changement climatique qui peut intervenir à deux niveaux :

- les limites des zones climatiques favorables à l’une ou l’autre espèce de tiques : le climat méditerranéen franc est favorable à Hyalomma marginatum et les autres climats sont globalement favorables à Ixodes ricinus ;

- le rythme de développement saisonnier des deux espèces entraîné par de nouvelles séquences
météorologiques.

Figure 10. Carte climatique du sud-est de la France avec les zones préférentielles des tiques Ixodes ricinus et Hyalomma marginatum (source : CLIMATICK, 2019)

4.1.2. Le cas du vecteur moustique tigre

Originaire des forêts tropicales d’Asie du sud-est, Aedes albopictus (moustique tigre) est un moustique vecteur des virus du chikungunya et de la dengue. Il a su s’adapter au milieu urbain en colonisant une multitude de récipients et d’éléments d’origine anthropique retenant ou stockant l’eau (fût, bidon, regard, avaloir pluvial, chambre de tirage, etc.). Le commerce international, et principalement le commerce de pneus, lui a permis d’être exporté sur les cinq continents en quelques dizaines d’années. La résistance de ses œufs à la dessiccation et aux faibles températures (hivernation) lui ont permis de se développer en climat tempéré.

Bien que les changements climatiques ne soient pas la cause première de son expansion, le réchauffement global pourrait, à terme, faciliter son expansion latitudinale, accélérer son cycle de développement et augmenter sa période d’activité au cours de l’année. Détectée en Italie dans les années 90, l’espèce est surveillée en France métropolitaine depuis les années 2000. Depuis sa première détection à Menton (06) en 2004, l’espèce a colonisé 51 départements à la faveur des moyens de transports terrestres. À l’exception des zones montagneuses, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est entièrement colonisée par l’espèce où celle-ci est active du mois de mai au mois d’octobre (figure 11). Elle se développe quasi exclusivement en milieu urbain au plus près de l’homme qui lui fournit l’eau nécessaire au développement larvaire et le sang nécessaire au développement des œufs. Cette proximité et son agressivité favorisent les nuisances et le contact homme-vecteur. Ainsi, un dispositif national a été mis en place en France métropolitaine : le plan anti-dissémination de la dengue et du chikungunya, décliné au niveau départemental. Celui-ci permet notamment la mise en œuvre de traitements antivectoriels (adulticides) suite au signalement de cas importés ou autochtones. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces traitements insecticides sont réalisés par un opérateur public : l’Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée). Il est important de souligner qu’en matière de lutte contre les moustiques, le recours aux adulticides doit être très limité et, idéalement, réservé aux situations d’urgences sanitaires afin d’éviter l’apparition de phénomènes de résistance.

Depuis 2006 dans la région, 9 foyers ou épisodes de transmission autochtones sont survenus : 7 de dengue et 2 de chikungunya. En 2019, pour la première fois en France, un foyer du virus tropical Zika a été confirmé par les autorités sanitaires, avec 3 cas autochtones identifiés à Hyères dans le Var à l’automne, portant ainsi à 10 le nombre d’épisodes de transmission régionaux depuis 13 ans. Le dispositif national a toutefois permis de contenir ces foyers en limitant le nombre de cas - tous virus confondus - avec un maximum de 11 au Cannet-des-Maures (83) en 2017.

Figure 11. Carte de la colonisation par Aedes albopictus en Provence-Alpes-Côte d’Azur (source : EID Méditerranée, 2019)

D’autres maladies liées aux moustiques sont aujourd’hui également en plein développement. C’est le cas du West-Nile transmis par un autre type de moustique, le Culex pipiens.

Le nombre de cas de ces maladies transmises par les moustiques, appelées arboviroses, augmente d’année en année avec des épisodes où le nombre de cas humains détectés est de plus en plus important au fil du temps, mobilisant des moyens conséquents en matière de surveillance épidémiologique, entomologique et de lutte.

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