3.Les conséquences sanitaires liées à la modification du régime des précipitations

Les experts du GIEC prévoient, au cours du siècle à venir, un impact du réchauffement global sur le cycle de l’eau avec notamment une modification du régime des précipitations, une diminution de la couverture neigeuse et une accélération de la fonte des glaciers. Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces modifications se traduiront par une augmentation de la période de sécheresse estivale en durée et en intensité, une diminution des débits de surface et des eaux souterraines de 10 à 20 %, et très vraisemblablement par une augmentation des épisodes de pluies intenses. Même si l’évolution de ces phénomènes reste très incertaine sur le long terme, des conséquences sur la santé publique, que ce soit en lien avec la disponibilité et la qualité des ressources en eau ou avec le risque inondation, ne peuvent pas être exclues.

3.3.1. Evolution des épisodes de pluies intenses et conséquences sur la santé publique

Actuellement, la majeure partie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est soumise au risque inondation, notamment en raison des pluies méditerranéennes ou pluies torrentielles (épisode cévenol), caractéristiques de la région. Le cumul de ces pluies intenses qui s’abattent sur une zone relativement limitée, peut dépasser plusieurs centaines de millimètres en l’espace de quelques heures. Ces précipitations se produisent sous des cellules convectives (orageuses) organisées formant un ensemble quasi-stationnaire et dont la durée de vie peut être de plusieurs heures. Ces pluies abondantes tombent dans des bassins versants et entraînent une crue rapide des (petits) cours d'eau.

Sur l’arc méditerranéen français, une augmentation de la fréquence et des intensités des précipitations extrêmes est déjà observée. L’intensité de ces phénomènes est en hausse d’environ 22 % depuis le milieu du XXe siècle, avec une plage d’incertitude comprise entre 7 % et 39 %. Pour les évènements dépassant le seuil élevé de 200 mm de pluie par jour, les changements de fréquence sont également significatifs avec un doublement de la fréquence en général. Ces études récentes montrent également que les surfaces touchées par ce type d’évènement et le volume d’eau précipité présentent aussi des tendances significatives à la hausse. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des pluies extrêmes devraient se poursuivre dans les années à venir, car l’énergie qui alimente ce type de phénomènes croîtra avec l’augmentation des températures (air, mer, terre). Dans un contexte où les phénomènes de précipitations extrêmes augmentent en fréquence et en intensité, l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols joueront un rôle majeur dans l’exposition au risque d’inondations et de crues éclair qui peuvent entraîner des montées des eaux très rapides avec des conséquences accrues en milieu urbain. La vulnérabilité des territoires en dépendra partiellement. Trop souvent ces crues sont responsables de perte de vies humaines. Par exemple, dans le département du Var, le 15 juin 2010, les pluies importantes ont provoqué des débordements de cours d’eau, en particulier sur la commune de Draguignan, conduisant à la disparition de 27 personnes (chiffres de la Préfecture). Selon le rapport de la mission d’enquête nationale livré le vendredi 21 janvier 2011, « la montée très soudaine et rapide des eaux aura surpris de nombreuses personnes hors de leur domicile, effectuant leurs trajets quotidiens au moment de l’épisode pluvieux ». Il s’agit de l’une des plus graves catastrophes naturelles recensées dans la région. Autre exemple plus récent, en octobre 2015, dans le département des Alpes-Maritimes des précipitations intenses sur quelques heures à peine, ont provoqué l’inondation de parkings souterrains et le débordement de cours d’eau, entraînant la mort d’une vingtaine de personnes sur le littoral des Alpes-Maritimes.

Ces épisodes méditerranéens peuvent également provoquer des mouvements de terrain conduisant à des coulées de boue ou encore, avoir des répercussions humaines, a minima d’ordre psychique lorsqu’il y a évacuation des habitats touchés (photo 2). Ces évènements extrêmes peuvent également engendrer des dégâts matériels, notamment sur les réseaux d’assainissement et d’approvisionnement en eau, pas toujours adaptés à de telles conditions, avec des conséquences temporaires possibles sur la disponibilité ou la qualité de l’eau potable.

Photo 2. Exemple de coulée de boue au Pradet en 2014

« Après les fortes pluies de ces dernières semaines, une partie de la falaise s’est détachée au Pradet. Une impressionnante coulée de boue s’est répandue dans la calanque du Pin de Galle. Au moins 4 maisons ont été touchées, 60 personnes ont dû être évacuées. »

France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, le 7 décembre 2014

3.3.2. Le changement climatique peut-il avoir des conséquences sur l’accès à l’eau potable dans notre région ?

Si à court et moyen terme l'accès à l'eau potable ne semble pas compromis dans notre région - bien que sur certains territoires des tensions soient déjà observées - à plus long terme, l'hypothèse d'une raréfaction de ces ressources et d'une altération de leur qualité ne peut être écartée. Elle dépendra d'une part de l'évolution du climat, et donc des politiques de réductions des émissions de GES mises en œuvre aujourd'hui, mais aussi de nos politiques d'adaptation concernant la gestion de la ressource en eau. En effet, dans le cas d'un scénario pessimiste en termes d'évolution du climat, la baisse des précipitations, notamment estivales, et la diminution du manteau neigeux, induiront une baisse des débits de surface et impacteront la recharge des nappes phréatiques. Cette diminution de la ressource sera également accompagnée, lors d'épisodes de fortes chaleurs et sécheresse (qui seront de plus en plus nombreux), d'une surconsommation d'eau potable (+1,6 % par degré d'élévation de la température en France) accentuée par la démographie croissante, la forte affluence touristique et les besoins agricoles. Or, si le niveau des nappes phréatiques côtières baisse de manière significative, l'eau douce entre en concurrence avec l'eau de mer, avec un risque d'intrusion d'eau salée dans les nappes phréatiques (dit remontée du biseau salé) , phénomène irréversible pouvant altérer la qualité des eaux douces et impacter fortement l'exploitation des ressources en eau potable utilisées par des villes importantes du littoral méditerranéen (Nice, Antibes...).

Enfin, l'augmentation de la température s'associerait également avec une dégradation de la qualité bactériologique et physico-chimique des ressources en eau brute, nécessitant soit un abandon soit un renforcement des traitements existants. Elle pourrait aussi conduire, au sein même des réseaux de distribution, à modifier les équilibres physico-chimiques (avec un risque de relargage d'éléments dans l'eau au contact des canalisations) et contribuer aussi au développement accru de bactéries dans les canalisations après traitement avant la distribution au robinet des usagers. La qualité des eaux pourrait également être affectée lors des pluies extrêmes : le lessivage des sols qui les accompagne a pour potentielle conséquence de remobiliser les polluants. À terme, l'infiltration de ces eaux contaminées peut dégrader la qualité microbiologique dans les nappes phréatiques.

Sur le long terme, la conjugaison de l'ensemble de ces phénomènes, sans une gestion de l'eau raisonnée et adaptée, pourrait donc conduire à des périodes de tensions possibles concernant l'accès à l'eau potable pour tous et la disponibilité de la ressource pour les cultures et l'élevage avec de potentiels risques sur la sécurité alimentaire.

ZOOM 1. Remontée saline et approvisionnement en eau potable en Camargue

En novembre 2017, les conditions météorologiques de sécheresse exceptionnelles ont mené à une hauteur et un débit du Petit-Rhône très faibles, qui, associés à un vent du sud et un indice de marée favorisant des entrées salines très importantes, ont conduit à une remontée saline jusqu’au niveau de la prise d’eau. Aux Saintes-Maries-de-la-Mer (13), l’eau du robinet est directement tirée dans le Petit-Rhône. Ainsi, à la sortie des robinets d’eau potable, la valeur recommandée de salinité de l’eau distribuée a été dépassée pendant quelques jours. Néanmoins, il n'y a pas eu de risque sanitaire ni de restrictions d'usages, excepté pour les personnes suivant un régime pauvre en sel.

Ces remontées salines dans les bras du Rhône sont de plus en plus fréquentes et interviennent de plus en plus haut dans le fleuve.

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