3.La durabilité et la résilience dans les systèmes alimentaires territorialisés

Urbanisation, développement des cultures d'exportation entrant en concurrence avec les cultures dédiées à la consommation locale, intensification des systèmes de production, abandon de terres agricoles, évolution rapide du climat, crise écologique, etc. : quelles sont les conséquences de ces changements sur les systèmes alimentaires et agricoles, mais aussi l'autosuffisance alimentaire des territoires, aux échelles méditerranéenne et régionale ?

Le développement de systèmes alimentaires territorialisés présente des enjeux en matière de durabilité et résilience. L'expansion et l'intensification des productions déconnectées spatialement des zones de consommation urbaines ne favorisent pas l'autosuffisance alimentaire locale, sauf si ces productions sont accompagnées de politiques publiques adaptées aux spécificités territoriales et aux conditions du changement. Contrairement au présupposé associant productivité agricole et satisfaction des besoins, une production consommée localement dépend avant tout d’un système social et politique local qui crée les conditions d’émergence ou de développement des systèmes alimentaires localisés, et ce, quelle que soit la capacité du territoire à produire physiquement ou techniquement une denrée alimentaire. De fait, les politiques publiques sont la « clé de voûte » pour engager des changements durables dans les systèmes alimentaires, car leur adaptation à l’échelle territoriale dépend de multiples maillons différents, à la fois dans la définition de la vision du changement, mais aussi dans les procédés, comme les formes de gouvernance.

Rendre les systèmes alimentaires et agricoles plus durables et résilients en région Provence-Alpes-Côte d’Azur nécessite une réflexion globale sur les processus qui lient production, distribution et alimentation, avec un regard particulier sur des déterminants forts, comme la diversité des exploitations (versus homogénéisation), l’accès aux structures de transformation (versus l’industrialisation des filières) et la co-construction de politiques d’approvisionnement (versus la centralisation des décisions).

La transformation des systèmes concerne aussi les pratiques agricoles et s’intéresse à l’agroécologie. Cette dernière, soutenant le fonctionnement écologique dont elle dépend, contribue à la durabilité de l’agroécosystème. Dans notre région, elle offre aussi de meilleures capacités d’adaptation et de résilience face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensification des sécheresses agricoles et des canicules à l’avenir.

Au-delà des liens entre production, distribution et alimentation, de nouvelles perspectives de recherche s’ouvrent sur la caractérisation de la forme et de la localisation des bassins alimentaires territoriaux (la zone d’achalandage de proximité). Les analyses ne peuvent pas se limiter à une distance isotrope conduisant à un cercle de production théorique autour de la ville, ne tenant pas en compte des contraintes pédoclimatiques ou historiques. Une distance isotrope reviendrait à considérer les mêmes propriétés dans toutes les directions. Les analyses doivent considérer l’ensemble des contraintes biophysiques, économiques, sociales et politiques qui déterminent la géographie des échanges, et aboutir à une configuration en archipel (par groupe de produits par exemple : la viande bovine de proximité, pour la ville de Marseille, provient d’un élevage non pas situé dans sa périphérie immédiate, mais sur les contreforts alpins, alors que les distances peuvent être plus courtes pour le maraîchage, Figure 8).

Une réflexion globale sur les processus qui lient production, distribution et alimentation est nécessaire.


Figure 8. Analyse d'un bassin alimentaire : approche méthodologique en trois étapes pour passer de l’évaluation de sa taille (cercle isotrope) à l’évaluation d’une configuration spatiale en archipel (source : Sanz Sanz E., et al., 2021).

Zoom 2. La reconnexion des systèmes agricoles et alimentaires comme enjeu local

Les interactions entre les trajectoires de changement des systèmes territoriaux d’usage des sols et les systèmes alimentaires locaux ont été modélisés sur le pourtour méditerranéen, à partir d’études de cas conduites dans sept pays (Italie, France, Malte, Portugal, Espagne, Tunisie et Algérie), incluant des approches qualitatives (entretiens, jeux sérieux…) et quantitatives (analyse spatiale, géomatique). La méthodologie originale a permis, dans un premier temps, de connecter les échelles locales et régionales, et de localiser précisément les processus de changement d'usage des sols dans le bassin méditerranéen. Dans un deuxième temps, les processus de changements ont été analysés en fonction des conditions de développement des systèmes alimentaires localisés. Une vidéo résume les principaux résultats du projet DIVERCROP : www.youtube.com/watch?v=iurr5ECgzdg

Interview I. Eau et alimentation dans la région

Fabrice DASSONVILLE, responsable régional Eaux, air extérieur (pollens/allergies), écophyto, périnatalité & santé-environnement, Département santé-environnement (DSE), Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (Photo 9 ci-contre, © ARS PACA)

1. L’eau potable est une composante de l’alimentation. L’eau du robinet a-t-elle des vertus nutritionnelles susceptibles de préserver durablement la santé humaine ?

L’eau du robinet est par définition une eau équilibrée, riche en sels minéraux (calcium, magnésium) et en oligo-éléments, indispensables à notre métabolisme. Selon la région, l’eau du robinet peut représenter jusqu’à 20 % de la dose quotidienne nécessaire en calcium. Par rapport aux eaux en bouteille, l'eau du robinet est souvent dédaignée, à tort : en effet, elle est le produit alimentaire le plus contrôlé en France et elle est 100 à 300 fois moins chère, sans tenir compte des considérations environnementales liées à l’utilisation de matières plastiques.

2. De manière générale, la qualité de l’eau du robinet est-elle suffisante en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? Sera-t-il possible d’offrir à l’avenir une eau potable encore plus saine ?

L'eau distribuée dans la région est globalement de bonne qualité, mais il existe d'importantes disparités géographiques. Les problèmes de qualité bactériologique identifiés dans les départements alpins soulignent la nécessité de poursuivre la protection des captages et si nécessaire, de mettre en place des stations de désinfection. Des contaminations chimiques, plus ponctuelles, mais de grande ampleur, et des évènements climatiques majeurs ont mis en évidence un défaut d’approche anticipative des gestionnaires vis-à-vis de ce type de risque. D’autres problématiques concernent aussi le vieillissement des réseaux et la vulnérabilité des installations face aux actes de malveillance. Dans ce contexte, l’engagement des Plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) constitue un levier d’amélioration pour offrir une eau potable encore plus saine.

3. Le changement climatique représente-t-il une menace pour la qualité et la quantité d’eau potable ?

À l’avenir, la disponibilité durable de l’eau de boisson sera remise en question si les systèmes d’approvisionnement ne s’adaptent pas à la variabilité et l’évolution rapide du climat. Le changement climatique modifie d’ores et déjà la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes (crues, inondations, sécheresses…), et il est susceptible d’affecter la quantité et la qualité des ressources en eau douce. Dans ce contexte, la sécurité sanitaire et la sûreté de l’eau de boisson deviennent des enjeux majeurs, d’autant plus que la croissance démographique, l’urbanisation croissante et les besoins industriels exercent aussi des pressions. Pour limiter les risques, il est indispensable de renforcer la résilience des services d’approvisionnement en eau.

4. Quelles solutions pour sécuriser les ressources en eau potable ces deux prochaines décennies ?

Le PGSSE constitue une approche proactive d’évaluation et de gestion des risques pour garantir la sécurité sanitaire et la sûreté des approvisionnements en eau de boisson. La démarche, recouvrant toutes les étapes d’approvisionnement, privilégie une approche anticipative plutôt que curative. Les PGSSE, introduits dans la réglementation française en 2015, s’appuient sur des méthodes d’analyse des dangers et de maîtrise des risques. L’objectif est de respecter trois exigences fondamentales : la disponibilité, la qualité sanitaire et la qualité organoleptique16 de l’eau délivrée à la population. Les PGSSE sont également des leviers d’action pour faire face aux changements climatiques à chaque étape de leur élaboration en intégrant les évènements climatiques passés et futurs.

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