3.Quelles pratiques agricoles pour s’engager dans la transition agroécologique et optimiser la séquestration du carbone ?

L’agroécologie, qui repose sur les fonctionnalités écologiques de l’agroécosystème, permet à la fois de favoriser la biodiversité, d’augmenter la résilience des cultures face à certains effets du changement climatique et, par l’amélioration des modes de gestion des sols et l’introduction d’espèces ligneuses, de séquestrer du carbone (atténuation des émissions de GES et par conséquent du changement climatique).

Améliorer la qualité des sols nécessite en premier lieu d’enrayer la baisse régulière de matière organique (et donc de carbone) dans les sols. D’une part, en évitant de laisser les sols nus (mettre en place des couverts entre deux cultures, des couverts inter-rangs…) et d’autre part, en augmentant les restitutions (laisser les résidus sur la parcelle ou composter les résidus de cultures, apporter des produits résiduaires organiques, tels que fumiers, lisiers, composts, boues de station d'épuration, déchets verts ou digestats de méthanisation, inclure des légumineuses dans les rotations…). Ces actions ne sont efficaces que si un sol vivant, riche en biodiversité, offrant un fonctionnement optimal de l’agrosystème et plus particulièrement du cycle du carbone, est maintenu. Pour y parvenir, il est important de limiter au maximum l’utilisation de produits phytosanitaires, d’optimiser le passage des machines sur les parcelles et de réduire, voire de supprimer, le labour afin de protéger la macrofaune et la structure du sol (pratiques préconisées en agriculture biologique, agriculture de conservation ou régénérative). D’un point de vue technique, la combinaison de ces pratiques peut s’avérer complexe ou contre-intuitive pour certains acteurs. Poursuivre les recherches, expérimentations et suivis des bénéfices sur l’adaptation des itinéraires techniques de l’agriculture de conservation des sols, en agriculture biologique ou sans herbicide et pesticide, permettra à terme d’optimiser leur mise en œuvre sur le territoire. En ce sens, un groupe d’agriculteurs (projet ABC-Sud porté par Agribio 04), répartis sur toute la région, a saisi la problématique pour développer l’agriculture biologique de conservation des sols.

L’introduction d’arbres au sein ou en bordure des parcelles, dans une approche d’agroforesterie (Photo 11) ou de complantage, permet également une augmentation du stockage de carbone dans la biomasse ligneuse et les sols (importante biomasse de la litière sous les arbres, exsudats racinaires en profondeur, etc.). En 2021, la politique « Plantons des haies » a permis de lancer le développement de ces pratiques auparavant bloqué dans la région par le manque d’aides à la plantation. Le maintien de cette dynamique régionale nécessitera des soutiens financiers supplémentaires à plus long terme.

Même avec des hypothèses de calcul optimistes, le stockage additionnel de carbone obtenu par l’application des pratiques décrites, représente moins de la moitié des émissions de GES du secteur agricole. Par conséquent, ces pratiques gagneront à être associées à une réduction des émissions de protoxyde d’azote liées à l’usage des engrais azotés (dont la fabrication émet beaucoup de dioxyde de carbone), et de méthane dépendant de l’élevage intensif. Concernant ce dernier, la majorité des élevages de la région sont extensifs et utilisent des prairies et parcours qui séquestrent du carbone (hors surpâturage). Le levier d’action consiste en une évolution des régimes alimentaires qui permettra de réduire sensiblement la consommation de produits provenant de l’élevage industriel. Favoriser la consommation locale de produits carnés ou laitiers locaux, mais aussi végétaux, permettra en outre de favoriser les filières locales et les pratiques agroécologiques.

L’agroforesterie ou le complantage permet une augmentation du stockage de carbone dans la biomasse ligneuse et les sols.


Photo 11. Vignes et oliviers à Bandol (© Thierry Gauquelin).

Zoom 3. La crise sanitaire de la COVID-19, un facteur de changement de pratiques alimentaires et agricoles ?

Dès le début de la crise sanitaire en France (mars 2020), un collectif de chercheurs et d’acteurs membres du Réseau mixte technologique (RMT) Alimentation locale a lancé une enquête en ligne pour saisir les impacts de cette crise sur les systèmes alimentaires. Plus de 800 témoignages ont été recueillis, dans lesquels des personnes de toute la France décrivaient ce qu’elles vivaient ou observaient dans leur ferme, leur supermarché ou sur leur territoire. Les résultats montrent que les circuits courts ont été très sollicités pour plusieurs raisons : plus sûrs pour certains ; plus attractifs quand on dispose de davantage de temps pour cuisiner et penser à son alimentation ; par solidarité envers les producteurs locaux. Ces derniers ont su s’adapter et innover pour répondre à la forte demande, en développant la vente en ligne notamment, mais aussi en collaborant parfois avec des producteurs en circuits longs. De plus, partout en France, des consommateurs ont créé des groupements d’achats entre voisins pour acheter à un producteur situé près de chez eux. Ces initiatives ont mis en mouvement des producteurs et des consommateurs n’utilisant pas, ou très peu, les circuits courts avant la crise, et ont favorisé les apprentissages entre initiés et non-initiés à l’alimentation durable et à la transition agricole et alimentaire. Les résultats de cette enquête ont servi à discuter d’actions concrètes avec des acteurs de l’action publique, depuis le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire jusqu’aux élus locaux, pour appuyer ces initiatives nées ou renforcées au début de la crise autour de l’alimentation locale, en tant que leviers de transition des systèmes alimentaires.

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