Le tourisme rural présente des vulnérabilités climatiques qui conduisent à une évolution générale des pratiques. Pour compléter les éléments suivants, se référer aux cahiers du GREC-SUD.
Des conditions climatiques plus contraignantes
Depuis 1960, l’évolution rapide du climat dans les espaces ruraux présente des caractéristiques similaires à celles du littoral et de la montagne. Dans le parc naturel régional du Luberon, par exemple, le nombre de jours anormalement chauds a bondi de 8 à plus de 70 jours en moyenne par an à Apt, entre la fin des années 1960 et aujourd’hui. Les vagues de chaleur, quasi absentes avant les années 1980, se multiplient ces dernières années avec plus de 22 vagues de chaleur en moyenne par an. Les pics de chaleur peuvent dépasser 40 °C (à Cabrières d’Avignon, 43,2°C le 28 juin 2019), ce qui accentue les îlots de chaleur urbains, même dans les villages du Parc. Pour les cumuls de précipitations, les tendances générales sont contrastées selon les saisons : -30 % en hiver, +10 à +20 % au printemps, -45 à -20 % en été, +10 à +20 % en automne. De manière générale, la diminution des précipitations en été se traduit par une fragilisation de la ressource en eau avec une augmentation du nombre de jours de débit faible ou d’assecs (absence d’eau) des cours d’eau et de basses eaux des nappes phréatiques se rechargeant difficilement. L’accès à l’eau potable est même remis en question l’été dans certaines communes du Var, par exemple. L’eutrophisation des écosystèmes aquatiques (lacs, étangs, rivières…), le dépérissement des forêts et le renforcement du risque incendie (le nombre de jours de fermeture des massifs forestiers a tendance à augmenter) sont aussi des réalités. L’agriculture est sous tension avec des conflits d’usages, le gel tardif à répétition (perte de récoltes), la difficile adaptation des cultures… L’urbanisation des espaces ruraux accentue aussi leur vulnérabilité (risque d’inondation renforcé).
D’ici 2050, ces phénomènes s’aggraveront, quel que soit le scénario socio-économique du GIEC. Le changement climatique peut provoquer à terme une mutation des paysages ruraux et de leur identité si appréciée par les touristes, une aggravation des risques sanitaires (malaises, hospitalisations, surmortalité…) avec des températures maximales en été susceptibles de dépasser 47 °C en cas de scénario pessimiste, une moindre capacité des sols agricoles et forestiers et de la biomasse à séquestrer du carbone, un accroissement du nombre d’espèces invasives pouvant perturber la faune et la flore, les chaînes alimentaires... L’artificialisation des sols (constructions de bâtiments, d’infrastructures routières, etc.) des espaces ruraux, grignotés par la périurbanisation et l’accueil de néoruraux attirés par les paysages agricoles et naturels, questionnent aussi les usages récréatifs et touristiques. Et la ressource en eau devient une source de tensions entre agriculteurs, entrepreneurs, acteurs de l’énergie, industriels, habitants et professionnels du tourisme.
Une évolution des pratiques touristiques dans les espaces ruraux
Longtemps un atout, le climat pourrait devenir un handicap dans les espaces ruraux régionaux. En France, le réchauffement climatique pourrait en effet orienter les flux touristiques vers la mer Méditerranée, l’océan Atlantique ou la Manche pour les amateurs de baignade et de fraîcheur ou en montagne (altitude, forêts, cours d’eau…), même si les contraintes climatiques affecteront, à des degrés divers, tous les territoires. En été, les touristes français et internationaux, dont la clientèle âgée plus vulnérable, pourraient choisir des destinations situées au nord de l’Europe ou dans l’hémisphère Sud pour des raisons de bien-être et de santé, ce qui renforcerait les émissions de GES si les modes de transport n’évoluent pas ou peu.
Dans les espaces ruraux, en saison estivale, les contraintes climatiques feront évoluer la pratique des activités sportives de plein air (vélo, escalade, randonnée, trail…). Les guides, par exemple, programment déjà des randonnées pédestres en tout début de journée ou en soirée pour garantir le confort thermique des touristes. Les épisodes de sècheresse limiteront la pratique des sports nautiques (canoé, canyoning…), l’utilisation des plans d’eau et des lacs pour la baignade et les jeux aquatiques. La multiplication des évènements extrêmes (feux de forêts, sécheresses, épisodes méditerranéens, glissements de terrain…) et/ ou la répétition de conditions climatiques défavorables (stress hydrique chronique ponctué de brefs épisodes de pluie par exemple) restreindraient, voire empêcheraient, certaines activités touristiques (balades en forêt par exemple, Photo 15), parfois sur de longues périodes, gêneraient l’approvisionnement de sites, et pourraient favoriser la destruction d’infrastructures (routes, hébergements…). Dans ces conditions, le tourisme dans les espaces ruraux centré sur la période estivale pourrait devenir une source de tensions. Hors été, la situation serait bien plus propice avec des flux touristiques qui se concentreraient sur les ailes de saison (avril-juin, septembre-novembre), à condition d’adapter l’offre à cette nouvelle clientèle.
Le secteur du tourisme doit inventer de nouveaux modèles en misant sur l’adaptation et l’atténuation dans les domaines suivants : le transport, la rénovation thermique des logements touristiques, la ressource en eau, la biodiversité, les incendies, l’agriculture, l’alimentation et le développement des énergies renouvelables.