2.Quels enjeux et perspectives pour les stations de sports d'hiver en tension ?

La montagne touristique, structurée depuis plus d’un siècle par l’économie des sports d’hiver et l’activité des domaines skiables, activité météo-sensible par excellence, subit fortement les impacts du changement climatique. Parallèlement, la demande et l’évolution des attentes des touristes, sachant que moins de 10 % des Français partent en vacances au ski, constituent un facteur important de transformation des pratiques de loisirs et de tourisme : réduction du temps passé sur les skis, demandes d’activités neige hors ski ou de découverte du patrimoine culturel et/ou environnemental sont autant de tendances à prendre en compte dans l’offre proposée. La dynamique de l’hébergement touristique ou résidentiel représente un autre levier important de renouvellement des stations de montagne. Inadaptation des logements à l’évolution de la demande et au enjeux de transition énergétique, difficulté d’accès pour les locaux et les saisonniers ou encore processus de migrations d’agrément (lieux touristiques attirant de nouveaux habitants) sont autant de défis pour les territoires touristiques, inscrits dans un contexte politicoadministratif renouvelé, avec l’affirmation des communautés de communes ou l’émergence de nouveaux objectifs de sobriété dans la planification, à l’image du zéro artificialisation nette (ZAN)

Dans ce contexte en tension, les stations, plus ou moins ancrées dans leur territoire support, ont engagé des stratégies d’adaptation, dès les années 1990, d’abord de manière progressive, ponctuelle, puis plus systématiquement, avec de possibles soutiens publics à partir des années 2000. L'analyse de ces stratégies d’adaptation au changement climatique dans le massif alpin invite à questionner les processus de gouvernance des territoires touristiques de montagne, et ce à plusieurs niveaux. La décision et la mise en œuvre de la production de neige de culture relèvent ainsi essentiellement du gestionnaire du domaine skiable. En pratique, les opérateurs, gestionnaires de remontées mécaniques, ont développé le travail de la neige et la production de neige artificielle pour garantir l’exploitation des domaines skiables, notamment aux moments clefs de la saison. Dans le cadre du contrat « Stations demain » porté par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (2016-2020), 75 % des subventions régionales et 56 % des opérations réalisées s’inscrivent dans cette logique de soutien au domaine skiable. Le modèle de développement est, au final, encore peu remis en cause, même si la prise de conscience progresse.

Rares sont les exemples de réduction ou d’arrêt de l'exploitation, tels Métabief dans le Jura et Sankt Corona am Wechsel (Photo 11) en Autriche. Cette dernière, localisée en Basse-Autriche, à une heure de route de Vienne, s’est engagée, ces dernières années, dans une transition touristique. Avec un domaine skiable situé à 1000 m d’altitude, la station a été directement confrontée au changement climatique et ses impacts en termes d’enneigement. Aussi, dès 2013, une partie du parc de remontées mécaniques a été démantelée, avec un investissement fort dans le tourisme d’été. Plusieurs étapes ont été franchies, avec des aménagements pour le VTT et le vélo, mais également un travail sur l’attractivité pour la clientèle, notamment locale, et sa satisfaction.

La mise en place de la diversification touristique suppose quant à elle de mobiliser un écosystème d’acteurs variés (acteurs touristiques mais également acteurs de la culture, de l’environnement…) et localisés dans un territoire plus vaste que la station, dépassant les limites communales et intercommunales. Ceci passe par l’élaboration d’une gouvernance territoriale ad hoc, à l’échelle de la destination, qui permet d’animer le territoire dans la durée et de réaliser les actions prévues, en leur donnant tout leur sens dans le projet de territoire et de son évolution. Dans cette perspective, depuis 2007, l’État et les Régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes accompagnent les stratégies de diversification et de transition des territoires de montagne dans le cadre du programme « Espaces valléens » (51 % des actions touristiques programmées sur la période 2014-2020 relèvent de la diversification). La 3ème génération de ces territoires de projets (2021- 2027) vise ainsi à soutenir l'adaptation au changement climatique, accélérer la diversification et favoriser la cohésion territoriale

Cette question de la cohésion territoriale et de l’échelle de mise en œuvre de la transition des territoires touristiques est également présente dans la nouvelle génération des contrats stations lancée en 2022 par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (« Contrats Stations 2030 : un cap d’avance »). Celle-ci invite à un élargissement du périmètre de gestion et d’intervention (la destination touristique, la dynamique valléenne) et des acteurs associés au projet (gouvernance locale élargie, impliquant les habitants).

Élargir l’échelle spatiale et le périmètre des acteurs impliqués dans le projet paraît plus largement nécessaire pour relever le défi de la transition énergétique des stations de montagne, les trois postes principaux d’émissions de gaz à effet de serre, en 2022, étant les transports (66 %), le logement et l’alimentation.

Au-delà des dispositifs et de leur implémentation, c’est bien la vision future du territoire qui est en jeu : comment concevoir un projet touristique territorialisé dans un contexte de changement climatique ? Quelle démarche prospective à l’échelle du territoire ? Quelles cohérences entre les différentes stratégies d’adaptation au changement climatique : peut-on à la fois développer de la production de neige de culture et afficher la transition ? Quelles temporalités pour penser l’articulation des différentes stratégies portées par divers acteurs ? Penser la transition dans un territoire appelle l’élaboration d’une gouvernance spécifique.

Info +

Une étude récente a estimé l’empreinte carbone d’un skieur sur une journée : 48,9 kg eqCO2 (équivalent à 250 km en voiture). Ce chiffre inclut les déplacements jusqu’à la station et sur place, le chauffage des logements et de l’eau sanitaire, la multiplication des lieux de détente (piscine, sauna…), le travail des engins de damage…

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