Les activités aquatiques, qu’elles se pratiquent sur ou dans l’eau, constituent une ressource touristique importante pour les destinations estivales. Si le changement climatique provoque, comme le suggèrent les récentes études de fréquentation touristique publiées par Atout France, l'Agence de développement touristique de la France, et ADN tourisme ( atout france ), une réorganisation spatio-temporelle du tourisme avec des flux estivaux vers la montagne et des flux hivernaux vers la mer, elles deviendraient un atout encore plus stratégique pour les territoires montagnards. Les travaux sur l’adaptation du tourisme de montagne portant sur les activités aquatiques sont moins nombreux que sur l’alpinisme ou les sports d’hiver, mais ils suggèrent que le changement climatique représenterait une opportunité pour certaines destinations alpines, en particulier lacustres (cf. §3.3).
Les activités aquatiques qui se déploient dans les Alpes du sud (sports d’eaux vives, sports nautiques sur les grands lacs de retenue, baignade dans les gorges et les lacs) ne sont pas nouvelles : elles s’inscrivent dans le renouvellement des pratiques sportives à l’œuvre depuis les années 1970 et dans le développement des sports de nature à partir des années 2000. Le changement climatique tend à les rendre plus attractives, au même titre que les espaces qui en sont le support, car ces derniers constituent des îlots de fraîcheur précieux dans un contexte d’augmentation des températures et de multiplication des canicules. Mais, dans le même temps, les espaces aquatiques se trouvent soumis à de nombreux changements comme la baisse des apports en eau et la réduction des débits, qui peuvent aller jusqu’à l’assèchement complet (assecs) de certains cours d’eau. Sur le territoire régional, les prévisions relatives à la ressource en eau restent très incertaines, mais s’accordent sur l’augmentation de l’intensité et de la durée de la sécheresse estivale. Ces phénomènes mettent en péril les espèces aquatiques, mais également les pratiques récréatives, comme l’a montré la sécheresse de l’été 2022 durant lequel le niveau du lac de Serre-Ponçon est resté plus de 20 m en-deçà de sa cote optimale, contrariant la mise à l’eau des embarcations. Les lacs de retenue à vocations multiples sont en effet particulièrement vulnérables au changement climatique (Photo 13), du fait de la concomitance en été de l’étiage et de la période de plus forts prélèvements (irrigation à l’aval dans le cas de Serre-Ponçon). Au cours de l'été 2022, dans les gorges du Verdon, la baisse drastique des débits a fortement limité la pratique des sports d’eaux vives (rafting, canyoning…) qui a même été interdite localement, conduisant à un recul brutal de l’activité touristique. Les baisses de revenus occasionnées menacent l’équilibre économique du secteur. Les pratiques récréatives qui se maintiennent ont de lourdes conséquences écologiques en période de forte vulnérabilité des milieux et des espèces. C’est le cas des sports d’eaux vives, dans des milieux déjà fragilisés par la baisse des débits et l’augmentation de la température de l’eau, mais également de la très forte fréquentation de certains lacs d’altitude, comme le lac d’Allos au cœur du Parc national du Mercantour, où les gestionnaires tentent de limiter les nuisances associées à la pratique croissante du bivouac.
Le devenir des activités aquatiques sera conditionné par un délicat équilibre à trouver entre un environnement vulnérable aux changements climatiques et écologiques, des tensions entre usages de la ressource en eau et un besoin de fraîcheur accru.
Photo 13. Le bas niveau du lac de Serre-Ponçon en juillet 2022 après 10 mois de sécheresse marquée (© Lauren Mosdale).
Zoom 4. Le développement de l’agriculture de montagne pour favoriser l’attractivité touristique : l’exemple du Parc naturel régional du Verdon
Au cœur des massifs montagneux du Parc naturel régional du Verdon qui atteignent près de 2000 m d’altitude, l’activité pastorale se maintient avec 180 éleveurs, évoluant sur 83 000 ha, soit 43 % du territoire, dédiés au pâturage extensif. Les différentes pratiques d’élevage, particulièrement celles des ovins et caprins, contribuent à modeler les paysages qui représentent autant de points d’intérêt pour les touristes. L’évolution du milieu naturel tend à la fermeture des paysages, mais l’entretien des parcours et des prairies par le pâturage, la fauche et le débroussaillage permet de maintenir leur ouverture (Photo 14) en préservant la biodiversité locale, dont les espèces spécifiques, comme le Criquet hérisson. Cette ouverture facilite le déplacement des différentes espèces et leur installation, et renforce également l’attractivité touristique (points de vue, observation de la faune et flore, itinérances, découverte des terroirs…).
Les massifs du Parc préservés des plus fortes chaleurs sont d’autant plus plébiscités que les lacs du Verdon, supports de l’activité traditionnelle balnéaire et nautique, sont potentiellement exposés à des sécheresses à répétition renforcées par l’évolution à la baisse du manteau neigeux d’altitude. Ces espaces montagneux de repli potentiel de la fréquentation deviennent un enjeu de diversification des activités. Orientés principalement sur l’offre de randonnée, mais bientôt rattrapés par de nouvelles pratiques de mobilités plus ou moins douces, les flux touristiques en montagne s’intensifient au fil des années. Même si les paysages ouverts assurent une meilleure diffusion de ces flux, les situations de conflits d’usage sont en progression. Sur certaines zones, il devient nécessaire de renforcer la médiation et la sensibilisation des visiteurs pour les inciter à choisir des parcours à l’écart des troupeaux et éviter une pression de plus sur le pastoralisme.
À travers l’évolution du climat et des crises sociétales, les paysages de montagne sont aujourd’hui bousculés, mais ils peuvent devenir des lieux d’expérimentation et d’adaptation contribuant à renouveler la relation de l’homme à la nature dans une approche bénéfique y compris pour l’offre touristique du territoire.
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