Avec l’élévation du niveau de la mer Méditerranée, le littoral régional, même en cas de scénario socio-économique optimiste du GIEC, sera remodelé. Les acteurs côtiers qui commencent à en prendre conscience s’interrogent sur le devenir des habitations, du patrimoine historique et environnemental, des infrastructures, des équipements et des services menacés par la montée des eaux. La difficile question de la relocalisation des biens, services et personnes est mise en lumière dans ce sous-chapitre.
Qu’est-ce que la relocalisation ?
La gestion des littoraux exposés à divers risques, aggravés par le changement climatique (submersions marines des zones basses, érosion côtière, Photo 8), peut être assurée par des actions de défense contre la mer (ouvrages de protection, enrochements, réensablement de plages) ou des projets de relocalisation des biens menacés. Il s’agit alors de déconstruire les aménagements littoraux ou de les laislaisser s’effacer (enrochements et digues qui s’ensablent ou à travers lesquels la mer ouvre des brèches), en ayant auparavant supprimé ou démoli les habitations et/ou les bâtiments d’activités menacés par la mer.
Cette pratique, qui s’opposait à de nombreuses résistances sociales ou psychologiques (sentiment de défaite ou de « recul » devant la nature), est désormais de plus en plus acceptée comme une réalité inéluctable à moyen ou long terme. Après des années d’atermoiements, les exemples et le droit ont avancé. Ainsi, certaines infrastructures ont déjà été déplacées, comme la route de Sète à Marseillan en 2019, pour redonner de l’espace à la plage de sable et réorganiser des circulations douces. En 2012, l’appel à projets du ministère de l’Environnement a permis l’expérimentation de cinq territoires vulnérables (dont Vias dans l’Hérault et Hyères dans le Var), suivi par un second en 2020.
Les compétences locales concernant les submersions marines
Les compétences locales ont progressivement évolué. Toutes les communes littorales sont désormais responsables de la gestion des submersions marines : en premier lieu, du fait de leur compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), qui vise la prévention contre les inondations, mais aussi la défense contre la mer ; en second lieu, parce que la directive sur les inondations de 2007 a imposé aux collectivités territoriales de rédiger de nouveaux documents, des stratégies locales de gestion des risques d’inondation (SLGRI). Huit SLGRI ont été bâties en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Quatre concernent des territoires littoraux et intègrent le risque submersion marine : « Nice - Cannes - Mandelieu », « Est-Var », « Toulon - Hyères » et « Delta du Rhône».
Les compétences relatives au recul du trait de côte
Pour ce qui concerne l’érosion côtière ou le recul du trait de côte, le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) pouvait, depuis 2016, fixer des objectifs de moyen et long termes. Les régions peuvent également établir des stratégies régionales de gestion intégrée du trait de côte. À ce jour, la Région Occitanie a décliné sa propre stratégie14 (Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte 2018-2050), alors que la Région Sud n’a pas adopté la sienne15. Seul le Var a mis en place une stratégie départementale de gestion des zones sableuses. Mais la loi climat et résilience de 2021 a surtout proposé de nouveaux outils juridiques aux
acteurs locaux. Ainsi, la relocalisation devra être abordée dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT) des intercommunalités. Dans les discussions portant sur le SCoT seront identifiés les « secteurs habités denses » à protéger contre la mer et, au contraire, les secteurs susceptibles d’accueillir les « installations et constructions pour des projets de relocalisation » qui auront été supprimées des zones moins denses menacées par le recul du trait de côte.
Ensuite, 242 communes françaises volontaires devront se doter d’une carte locale d’exposition au recul du trait de côte. Force est de constater que très peu de communes se sont portées volontaires dans notre région : 4 dans les Bouches-du-Rhône (Cassis, La Ciotat, Marseille, Sausset-les-Pins) et 2 dans les Alpes-Maritimes (Antibes, Èze), et aucune dans le Var, alors que, par exemple, Hyères avait été pionnière en 2012. Ces communes volontaires seront accompagnées (cartographie subventionnée jusqu’à 80 % par l’État) afin d’intégrer ces zones de risques littoraux dans les documents locaux d’urbanisme. La carte réalisée permettra de délimiter, dans les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), deux zones exposées au recul du trait de côte : l’une à l’horizon 30 ans et l’autre à un horizon compris entre 30 et 100 ans. La zone de risque à 30 ans deviendra inconstructible, sauf exceptions. Dans la zone de risque à 100 ans, des constructions seront possibles sous condition de démolition dans leurs dernières années de vie avant la réalisation du risque, aux frais du propriétaire. Dans ce cas, un nouveau contrat de bail réel immobilier de longue durée (12 à 99 ans) permettra l’occupation temporaire des zones à risques, en prévoyant, à l'échéance, la démolition des installations et la renaturation du terrain. En outre, lorsque le recul du trait de côte le justifiera, le PLUi devra porter la largeur de la bande littorale inconstructible à plus de cent mètres. Il pourra également délimiter des « emplacements réservés à la relocalisation d'équipements, de constructions et d'installations exposés au recul du trait de côte ».
Les communes deviennent ainsi directement responsables de l’inscription des risques côtiers, aggravés par le changement climatique, dans leurs documents d’urbanisme. Ces derniers ont même vocation à remplacer progressivement les dispositions relatives au recul du trait de côte qui étaient éventuellement présentes dans les plans de prévention des risques (PPR) littoraux. Or, comme indiqué, les communes littorales de notre région ne se sont pas précipitées pour prendre en charge la réflexion et la gestion des risques littoraux. Seules huit communes avaient des réglementations d’urbanisme liées aux risques côtiers proprement locales. Les autres ne faisaient que subir, au mieux, les dispositions réglementaires de prévention des risques côtiers provenant de l’État, par le biais des plans de prévention des risques ou du porter à connaissance (15 communes).
La suppression des biens existants
Si les communes n’anticipent pas la vulnérabilité des biens littoraux face à l’élévation du niveau marin, la question de la suppression des biens les plus exposés se posera assez rapidement. Un nouveau droit de préemption a été créé en 2021, que les communes pourront exercer lors de la vente ou de la donation d’un logement situé en zone exposée. De même, les communes pourront actionner le Fonds Barnier pour financer l’acquisition de biens menaçant gravement les vies
humaines. En revanche, le Fonds Barnier ne peut pas intervenir dans le cas du recul du trait de côte. Quoi qu’il en soit, les conditions d’estimation de la valeur des biens à supprimer ont été redéfinies : le prix de rachat des biens devra désormais tenir compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte et pourra faire l’objet d’un abattement ou d’une décote « pour tenir compte de la durée limitée restant à courir avant la disparition du bien ». Ainsi, en cas de mauvaise anticipation ou prévention des risques littoraux, les biens qui seront supprimés perdront largement de leur valeur. Cette conséquence est atténuée par l’information plus précoce des acquéreurs de biens menacés, qui a été légèrement améliorée par la loi de 2021.
Il faut comprendre que la solidarité qui permettait de racheter les biens sinistrés ou menacés par le Fonds Barnier commence à trouver ses limites, dans le contexte d’accélération du changement climatique. En effet, c’est l’ensemble des Français qui paiera beaucoup plus cher pour alimenter la garantie CatNat (assurance catastrophe naturelle) et le Fonds Barnier. Le taux de la cotisation CatNat passera en effet, au 1er janvier 2025, de 12 à 20 % sur les contrats d'assurance habitation et de 6 à 9 % sur les contrats automobiles. Le coût collectif de la relocalisation, à défaut d’avoir été anticipé, n’a pas fini d’augmenter.
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