Les attraits touristiques de la Provence-Alpes-Côte d’Azur font de notre région une destination phare comme en témoigne le nombre de visiteurs qui découvrent tout au long de l’année le patrimoine environnemental, culturel, architectural et historique, en se concentrant souvent sur des territoires exigus et surfréquentés en haute saison.
Pour développer l’économie du tourisme, les acteurs du secteur, institutionnels et privés, promeuvent sans relâche les « expériences » à vivre au quotidien : activités aquatiques et sportives, sorties nature, artisanat et shopping, culture et patrimoine, détente et loisirs, vin et gastronomie, art moderne et contemporain, rendez-vous festifs… De la plongée sous-marine au surf des neiges, en passant par les festivals ou la farniente, rien ne manque pour convaincre les voyageurs, quelles que soient les tendances, les modes, les envies, les gourmandises, les convictions, les bourses, les générations… Tout est pensé pour vivre des séjours insolites (Photo 3) et accueillir en nombre les touristes locaux, nationaux et internationaux. Les recettes directes et indirectes donnent au tourisme régional un poids économique considérable qui a le mérite de créer des emplois et des richesses, d’attirer les investisseurs, de faciliter la construction d’infrastructures et équipements… Les enjeux financiers du tourisme concentrent l’attention des décideurs, collectivités, investisseurs, entreprises et professionnels désireux de bénéficier de la manne financière. Même les acteurs non professionnels, aux aguets, en profitent.
Dans ces conditions si favorables d’un point de vue économique, pourquoi se questionner sur le tourisme régional ? Pourquoi serait-il nécessaire d’alerter les acteurs du tourisme et de nuancer ce succès, cette love story, tout en proposant des pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de GES ?
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un « petit pays » de 5 millions d’habitants qui a su profiter de l’essor touristique monial et de la démocratisation des moyens de transport (avion, voiture…) ces dernières décennies. Par an, 36,6 millions de séjours sont dénombrés, les touristes venant de tous les horizons. Cette forte affluence touristique régionale génère des émissions de gaz à effet de serre (GES), aujourd’hui mal quantifiées, faute d’études récentes, qui aggravent les effets du changement climatique néfastes à toute l’économie touristique. Le transport (avions, bateaux de croisière, voitures…) et les hébergements sont les principaux émetteurs de GES, mais les pratiques agro-alimentaires et la consommation énergétique représentent aussi des enjeux majeurs. En effet, chaque visiteur, durant son séjour et lors de ses activités, consomme des biens, des services, des ressources naturelles et des énergies fossiles, exerce des pressions sur les écosystèmes terrestres et marins souvent fragiles, altère la qualité de l’air, accroît le volume de déchets, renforce le gaspillage alimentaire, favorise l’importation de produits répondant à sa demande et ses exigences… Lors des pics de fréquentation saisonniers, la population de certaines localités prisées est multipliée par 3, 5 ou 10, encourageant l’augmentation du nombre de lits « froids » et de résidences secondaires au détriment des habitations annuelles ce qui accentue les inégalités et tensions sociales.
Le tourisme mondial est aujourd’hui responsable et victime du changement climatique (répétition des événements climatiques extrêmes, recul de l’enneigement, acidification et élévation du niveau de la mer…), comme tous les secteurs d’activité, à des degrés variables. Des acteurs locaux défendent, avec un intérêt sous-jacent, le bilan des émissions de GES du tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur en affirmant que la part des émissions du tourisme régional est infime par rapport aux émissions nationales et mondiales.
Ce constat perd toute pertinence quand le regard se porte sur :
□ les émissions régionales de GES par touriste incluant le transport domicile-destination, ses déplacements une fois sur place, ses activités au quotidien et toutes les attentions qui lui sont réservées avant, pendant et après son séjour (construction d’hébergements, d’infrastructures d’accueil et de routes, rénovation d’hébergements, mise à disposition d’équipements de loisirs…),
□ l’urbanisation déstockant et/ou limitant la séquestration du carbone dans les sols, la biomasse, les forêts et les zones humides, accentuant le risque de ruissellement et d’inondations en cas de pluies intenses…,
□ la quantité de produits manufacturés et alimentaires importés,
□ les pollutions (eau, sol, air) qui détériorent l’état de santé du vivant,
□ la qualité des ressources en eau souterraine et de surface,
□ la dégradation des habitats et milieux naturels ou semi-naturels, l’appauvrissement de la biodiversité,
□ la saturation de la capacité de charge3 des milieux naturels…
Le coût environnemental du tourisme régional, encore mal évalué, est à mettre dans la balance des dépenses et recettes, et s’additionne au coût social (précarité des emplois, inégalités de revenus, santé au travail…) qui est le plus souvent payé par les populations les plus vulnérables.
Notre région est clairement dépendante de son tourisme qui est aujourd’hui confronté à des défis auxquels il ne peut pas se soustraire. Son modèle de développement fragilisé par le changement climatique doit s’adapter aux contraintes environnementales, sociales, économiques et politiques tout en saisissant les opportunités de la transition écologique qui, contrairement à des affirmations hâtives, ne s’apparente pas à un déclin de notre économie. En instaurant de nouvelles stratégies de développement, le tourisme régional est capable de se réinventer et d’innover en vue de contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, de rendre nos territoires plus sobres et résilients, d’améliorer la qualité de vie des habitants et de continuer à faire rêver nos visiteurs. Ce cahier thématique du GREC-SUD ouvre des voies pour tendre vers cet objectif.
Sommaire du cahier