4.Quelle gestion de l’immobilier des résidences secondaires pour accompagner les transitions ?

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur compte plus d’un demi-million de résidences secondaires (540 000 en 2016, Insee), soit 17,7 % des logements, près du double du taux national, dont le rythme de croissance est devenu plus rapide que celui des résidences principales. La conversion de logements loués à l’année en locations touristiques de courte durée, découlant du succès récent des plateformes de locations touristiques entre particuliers, a alimenté cette croissance en zones urbaines où le taux de résidences secondaires, initialement plutôt bas (Grand Avignon, Aix-en-Provence, Marseille, Gap), augmente dorénavant plus rapidement qu’ailleurs et pèse sur le marché locatif et le prix des loyers. Les confinements causés par la Covid-19 et le télétravail ont renforcé ce phénomène. Ces résidences secondaires sont avant tout littorales. Dans les stations de sport d’hiver, leur part peut dépasser 80 %. Issues de la phase de développement des stations littorales ou de montagne, deux tiers d’entre elles sont des logements collectif (50 % des studios, T1 ou T2). Elles sont plutôt anciennes, construites pour moitié avant 1975. Globalement plus aisés que les résidents à l’année, leurs propriétaires viennent souvent d’assez loin, en particulier sur le littoral : un quart d’étrangers et des propriétaires français habitant majoritairement hors région dans le Var et les Alpes-Maritimes.

La critique vis-à-vis de ces résidences secondaires a d’abord été socio-économique : □ leur contribution à la flambée des prix de l’immobilier (essentiellement dans les stations littorales) complique l’accès au logement pour les ménages modestes et les oblige à vivre dans l’arrière-pays ; □ leur coût pour la collectivité, dans la mesure où les logements sont fermés une grande partie de l’année (syndrome des « volets clos », surtout en montagne), est mis en balance avec leur contribution saisonnière à l’activité économique locale. Des mesures contraignantes ont été suggérées (« statut de résident » par exemple) ou mises en œuvre, comme la surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires appliquée par 77 communes (2018) dans la région, principalement dans le Var et les Alpes-Maritimes. Mais elles se heurtent à la diversité des situations locales et des stratégies municipales (inciter à la location touristique des résidences secondaires ou les transformer en résidences principales ?), et leur efficacité s’avère à ce jour insuffisante pour enrayer le phénomène. Plus récemment, le coût carbone des déplacements entre résidences principales et secondaires a été souligné, mais ces déplacements sont-ils si différents des mobilités touristiques et de loisirs en général, sauf si leur fréquence et le partage du temps (équilibré) entre les deux lieux de vie permet de parler de « multirésidences » ? La mobilisation des ressources matérielles et énergétiques pour un ménage, occasionnée par l’occupation et l’entretien de deux logements (ou plus) dont l’un est sous-occupé (6 semaines par an en moyenne), est aussi avancée. Sont relevées également les consommations pour les ménages qui n’ont pas trouvé de logement au prix du marché immobilier local, contraints de faire construire du neuf loin de la zone touristique, avec les migrations pendulaires que cela implique en bonus. À cela s’ajoutent, dans la région, la vétusté et le mauvais état d’une large partie du parc immobilier (isolation thermique). Les résidences secondaires situées sur le littoral régional sont plutôt moins menacées par la montée du niveau marin que sur le littoral atlantique, mais les perspectives sont néanmoins alarmantes avec des délocalisations qui s’imposeront à l’avenir. Quant aux résidences en montagne, le recul de l’enneigement réduira les possibilités de ski, ce qui contraindra les stations des Alpes du Sud à revoir leur modèle de croissance qui liait jusqu’à présent extension du domaine skiable et nouveaux programmes immobiliers. Ces différentes problématiques appellent toutefois des réponses spécifiques aux territoires. Il sera partout nécessaire d’inviter les résidents secondaires à prendre part aux décisions des collectivités locales pour les responsabiliser et les associer à la réflexion sur les transitions en cours (énergie, mobilité, eau, gestion des risques). La rénovation énergétique des résidences secondaires apparaît comme un chantier prioritaire.

Interview II. Gouvernance et planification - Sandrine PERCHEVAL & Noémie LECHAT (Association pour le développement en réseau des territoires et des services)

1. Pour engager la transition touristique, quelles sont les conditions d’une gouvernance partagée ?

Le processus de transition est un chemin complexe qui nécessite des volontés et choix politiques forts. La démarche doit avant tout être soutenue par les élus du territoire qui sont garants de la vision à long terme. Il faut disposer d’une ingénierie adaptée. Sont nécessaires des compétences en formalisation des stratégies, mais aussi en matière de gestion et de dépôt de dossiers de financement (parfois complexes), d'animation des projets, de coopération… Si celles-ci sont indispensables en interne, la sollicitation de tiers peut apporter, par leur neutralité, une plus-value dans l’adhésion et l’implication des partenaires. Les souhaits de la société civile parfois organisée en collectifs – préservation de l'environnement, qualité paysagère, souveraineté démocratique, services à développer, etc. – doivent également être pris en compte. Cela peut passer par une mise en récit d’un avenir souhaitable. L’une des conditions de la transition est un financement pérenne. Un financement public permet souvent d’amorcer des projets, mais rares sont ceux qui permettent de s’inscrire sur le temps long. L'investissement dans du « dur » est aujourd'hui plus accessible pour les collectivités que le financement de l’ingénierie. À terme, il s'agit pourtant de faire vivre et d'animer ces équipements et projets, leur permettant d'éprouver leur pertinence dans le paysage territorial. Enfin, une vision transversale est indispensable. Un processus de transition implique de dépasser les logiques de silos. L’exemple de la mobilité montre la complexité d’un seul sujet : les besoins d’un territoire se résument rarement aux transports en commun. Il faut y adosser l’usage prédominant du véhicule personnel, les derniers kilomètres, la démobilité, les déplacements, etc.

2. Quelles sont les initiatives inspirantes ?

Plusieurs initiatives peuvent inspirer les acteurs territoriaux :

□ suite à la fermeture de la station de Céüze en 2020, pour des raisons économiques et d’enneigement, une démarche positive s'est engagée auprès des élus et de la société civile du territoire afin de réfléchir à une vision commune et globale qui ferait la part belle à un tourisme 4 saisons ;

□ au niveau européen, le « Smart village » a été désigné comme une voie souhaitable pour le développement de territoires ruraux. En France, la notion de Smart village a été déployée sur le massif alpin autour d’une expérimentation dans le Royans Vercors et un guide méthodologique donne des clés pour s’emparer de la démarche au niveau local ;

□ le programme financier européen LEADER s'appuie sur un mode de gouvernance spécifique : le développement local par les partenaires territoriaux, publics et privés, appelé « Groupe d’action locale » (GAL). Est confiée à celui-ci la responsabilité de déterminer une stratégie concertée de développement et l’attribution de l’enveloppe financière ;

□ enfin, les schémas directeurs ou diagnostics permettent de donner un cadre à l'avenir souhaité à moyen terme sur un territoire et une thématique. Parfois imposés par le cadre réglementaire, si la démarche est portée politiquement et inscrite dans une logique d'intégration de toutes les parties prenantes, ils peuvent être l'amorce d’une gouvernance territoriale.

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