Le tourisme est une activité fortement tributaire des conditions climatiques et potentiellement exposée aux aléas : 80 % des communes très touristiques sont concernées par au moins un risque (contre 49 % des communes françaises) et une vulnérabilité spécifique des clientèles touristiques face aux risques est observée (hébergements et activités touristiques implantés dans le milieu naturel, touristes peu sensibilisés aux risques…). Le changement climatique a des effets à la
fois directs sur les ressources climatiques (température de l’air et de l’eau, ensoleillement) et indirects sur les ressources environnementales du tourisme (couverture neigeuse, érosion du littoral, débit des cours d’eau pour les activités de loisirs, paysages et biodiversité). Sur le long terme, les impacts du changement climatique sur les ressources récréatives et touristiques côtières (des infrastructures aux plages), de montagne (enneigement du domaine skiable, coût énergétique, économique et
environnemental de la production de la neige artificielle) ou encore hydriques (eau pour la consommation des équipements touristiques et eaux des lacs et rivières soumises à des risques d’eutrophisation7 et de pollution) invitent à engager la transition écologique du secteur et des territoires touristiques
Face à l’accroissement des conflits d’usages (utilisation des espaces naturels et gestion de la ressource en eau) et des coûts de maintien des ressources nécessaires aux activités de tourisme et de loisirs, ou encore face au risque de développement de friches touristiques (remontées mécaniques par exemple) dans des territoires fortement dépendants de la mobilité des visiteurs (mobilités dont le coût énergétique et économique risque de s’accroître), il est primordial d’anticiper la transition écologique.
Si les trajectoires de transition sont variées et doivent être adaptées à chaque territoire, en s’appuyant sur leurs spécificités et potentialités, certains questionnements sont transversaux et des perspectives d’évolution du secteur peuvent être esquissées.
Le transport (Photo 6) et les mobilités, au coeur des pratiques touristiques, constituent un point central de la transition écologique. Les stratégies de développement touristique à la recherche d’une attractivité internationale (plus carbonée) sont-elles encore judicieuses dans un contexte de crise climatique et énergétique, alors que la gestion de la crise sanitaire Covid-19 a mis en lumière et amplifié les pratiques de tourisme de proximité ? La valorisation du tourisme et des loisirs de proximité, en développant l’offre de transport en commun (hors avion) et les modes doux pour se rendre et se déplacer sur les lieux touristiques, est une option crédible. Se positionner sur un tourisme bas carbone ou accessible sans voiture est une opportunité, tant pour les visiteurs ne possédant pas de voiture (50 % des Parisiens, les jeunes, les ménages aux revenus modestes…) que les entreprises qui pourraient inscrire leurs évènements dans leurs démarches de RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
Parallèlement, pour les acteurs publics, définir les priorités vis-à-vis des usages concurrents est essentiel. La pression du tourisme est par exemple la plus forte au moment où les ressources en eau sont rares et mobilisées pour l’irrigation. Afin de répondre aux objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN), la question de la
sobriété pour l’usage des sols semble également fondamentale pour un secteur dont les principaux investissements sont liés au développement de l’hébergement (en particulier les résidences secondaires).
Soutenir la conversion des activités les plus vulnérables et intégrer l’adaptation au changement climatique dans les démarches de développement touristique existantes paraît inévitable. Les leviers d’action sont pluriels : diversifier l’offre touristique et plus largement l’économie des territoires touristiques, imposer des efforts de réduction des impacts écologiques aux hébergeurs (rénovation thermique…) et prestataires d’activités touristiques, sensibiliser et former les professionnels et les futurs professionnels, mais aussi les touristes, aux économies d’énergie et aux comportements responsables, mettre en place les modalités d’une éco-conditionnalité des aides et, surtout, envisager la sobriété, voire la décroissance de ce secteur (sans réduire la décroissance à un déclin économique caricatural).
Cela nécessitera un portage politique fort, un engagement de tous les partenaires et l’accès à des financements permettant de réaliser des actions concrètes. Les gestionnaires pourront s’appuyer sur les outils de la planification et l’invention de récits et projets de territoires renouvelés. La question du changement d’échelle de gestion des destinations et aires touristiques pourrait être envisagée dans cette perspective.
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