1.La gestion souple du trait de côte : donner la parole aux usagers et communiquer sur les travaux de renaturation du cordon dunaire des Vieux Salins d’Hyères

Myriam Hilbert (LADYSS)

Le recul du trait de côte d’une partie du littoral français est accentué par le changement climatique qui provoque une montée du niveau des mers. Cette évolution a donné lieu à une refonte de la stratégie d’aménagement du littoral national et l’élaboration, dès 2012, d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC) valorisant le rôle des écosystèmes naturels dans les projets de recomposition spatiale.

Ce changement de paradigme est également porté par le Conservatoire du littoral qui tente de combiner la préservation de la biodiversité d’une part, et l’adaptation au changement climatique d’autre part (dont l’adaptation des littoraux au risque de montée des eaux). Le Conservatoire a notamment initié un projet européen, avec les acteurs économiques et politiques locaux (2017-2022) qui vise à démontrer l’intérêt et la faisabilité des solutions de gestion souple du trait de côte pour répondre aux conséquences des aléas de submersion et d’érosion marine. Ce projet explore différentes solutions d’adaptation fondées sur la nature sur dix sites du littoral français.

Dans le cadre d’un processus de renaturation du littoral du site des Vieux Salins par la suppression d‘une digue constituée d‘enrochement (voir Zoom 10), le Conservatoire du littoral et le gestionnaire (la Métropole Toulon Provence Méditerranée) se sont interrogés sur la manière dont les usagers qui fréquentent les Vieux Salins perçoivent et comprennent les mesures de gestion du site, et notamment le désenrochement. La réalisation d’une étude sur la perception sociale permet d’identifier ce qui relève ou non d’un attachement des usagers aux sites et de constituer des outils d’évaluation des politiques publiques d’aménagement du littoral.

Lors d’une enquête par questionnaire menée entre 2015 et 2016 par des étudiant.es en Master à AgroParisTech sur les Vieux Salins, les usagers interrogés sur l’avenir de l’enrochement, encore en place à cette époque-là, se déclaraient à 63% pour sa conservation (bien que majoritairement considéré comme étant inesthétique et d’une utilité peu certaine), et à 27 % pour sa suppression et la renaturation du cordon dunaire. Entre août et septembre 2020, une enquête a été conduite auprès de 184 usagers du même site, à la suite de la suppression de 590 m de linéaire d’enrochement et de la reconstitution de la dune, afin de recueillir leurs ressentis face à ces transformations (Figure 20). Il en ressort que 72 % d’entre eux déclarent avoir vu des transformations sur le site, sans pour autant citer spontanément le désenrochement. Après présentation par les enquêteurs des objectifs du désenrochement (en priorité lutter contre l’érosion), ainsi que les photos de la Figure 20, 75 % des usagers se disent satisfaits de ces travaux. De manière générale, les usagers fréquentent les Vieux Salins pour leur beauté, leur calme et leur esthétique naturelle, des caractéristiques rares sur un trait de côte méditerranéen perçu par eux comme fortement artificialisé. L’ombrage apporté par les pins, présents sur le rivage, est d’ailleurs un point majeur d’attachement souvent cité : sa disparition, liée à la mortalité des pins du fait de la salinisation du sol, semble être la principale raison du mécontentement des usagers, bien avant la problématique de l’existence, ou non, de l’enrochement.

Toutefois, une incertitude demeure chez ces usagers quant à la capacité de ces méthodes de gestion à prévenir et protéger des risques côtiers. Interrogés sur la confiance qu’ils seraient prêts à accorder à des méthodes douces de gestion des risques côtiers (Solutions fondées sur la Nature entre autres), ils sont 41 % à répondre qu’ils ne savent pas – malgré leur conscience des effets de l’érosion sur le rivage. Ces doutes quant à la capacité de ces méthodes souples de gestion à répondre aux enjeux en présence, se retrouvent principalement chez les résidents des communes proches (Hyères, la Londe-les-Maures). Pourtant, sur le site des Vieux Salins, à la suite des différentes tempêtes (octobre et novembre 2019) qui ont frappé les côtes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur après les travaux de désenrochement, la plage renaturée et les banquettes de posidonies ont montré leur capacité de résistance face à l’érosion, ayant permis au cordon dunaire de tenir. Sur ce site, ces observations constituent un argument de plus en faveur de la pertinence de ce choix de gestion souple du trait de côte.

En conclusion, l’enquête met en évidence la complexité d’appréhender ces modes de gestion alternatifs, et la nécessité de poursuivre les efforts d’information d’ores et déjà mis en place sur le site (panneaux qui jalonnent aujourd’hui les Salins et qui expliquent le rôle des dunes, des herbiers et banquettes de posidonie ou encore l’impact de l’enrochement). Des expositions photographiques, des reportages, ou encore la formation des techniciens en charge des travaux, permettraient de faire passer une information auprès des usagers du site, et de détailler les objectifs recherchés par les aménagements.

La renaturation du site des Vieux Salins d’Hyères

Pauline Bouzat (Conservatoire du littoral)

Les Vieux-Salins d’Hyères (Var), au passé industriel et aujourd’hui placés au cœur d’un programme de renaturation du trait de côte, sont l'un des dix sites du littoral français ciblés par le Conservatoire du littoral dans le cadre du projet Adapto.

Acquis en 2001 par le Conservatoire du littoral, les salins sont séparés de la mer Méditerranée par un cordon littoral étroit dans lequel a été creusé un canal d’alimentation ainsi qu’une levée de protection des anciennes tables salantes. Entre 1970 et 1992, la compagnie des Salins du Midi enrocha une partie du cordon littoral situé à l’est du site sur près de 800 mètres pour protéger l’outil de production salinière. Si les enrochements ont permis de faire obstacle au recul du trait de côte sur le secteur Est des Vieux-Salins, ils ont conduit à décaler la cellule d’érosion plus à l’ouest des ouvrages et à renforcer le risque d’intrusion marine au niveau du canal d’alimentation du site qui dessert l’ensemble des pièces d’eau en eau de mer. Pour atténuer l’érosion au niveau de ce secteur sensible, susceptible de mettre à mal le fonctionnement hydraulique des Vieux-Salins, le Conservatoire du littoral a lancé une réflexion autour de la renaturation du cordon littoral plutôt que renforcer voire prolonger les ouvrages existants.

Ainsi, après un dialogue approfondi avec les partenaires concernés (Conservatoire du littoral, élus locaux et services de la collectivité gestionnaire), un désenrochement et une restauration du cordon dunaire ont été privilégiés pour rétablir la mobilité du trait de côte et restaurer les dynamiques sédimentaires naturelles. Entre 2011 et 2020, trois phases de désenrochement se sont succédées sur la majeure partie de l’ouvrage (près de 700 mètres linéaires). Ces opérations ont permis le retour d’une plage sableuse tout en maintenant le trait de côte au même niveau. Une atténuation de l’érosion sur le site a aussi été observée par la restauration du transit hydrosédimentaire. Enfin, un itinéraire alternatif du sentier littoral a été aménagé en retrait, afin d’assurer la continuité du sentier littoral pendant les travaux et d’anticiper les effets des futures évolutions du rivage. Les différentes études menées ont mis en lumière le rétablissement des équilibres hydrosédimentaires, les bénéfices écologiques, paysagers, pédagogiques et économiques de la gestion souple du trait de côte dans ce cas.

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