5.Tendre vers des projets de transition touristique adaptés aux territoires ?

Qui aujourd’hui n’est pas engagé dans une démarche de transition touristique ou, au moins, la désigne comme un horizon souhaitable ? Séminaires, politiques publiques et études clientèles arrivent à la même conclusion : le tourisme se doit d’évoluer au vu de ses impacts négatifs sur les milieux naturels et leur biodiversité, et des effets du changement climatique. La tâche n’est toutefois pas aisée car il n’y a pas de recette toute prête. En montagne, la tentation est forte de couvrir les pentes de luges 4 saisons, de parcours d’accrobranches, de bike parks et de restaurants hôtels toujours plus confortables avec vue panoramique. Ces projets tendent vers une uniformisation des destinations et la montée en gamme accentue les inégalités entre vacanciers.

Un projet de transition touristique, c’est avant tout un processus qu’il faut penser en « mode projet » et ce faisant, bousculer les manières de travailler. Il faut pouvoir requestionner ce qui allait de soi en termes d’objectif, de stratégie, d’échelle d’action, de partenaires et d’investissements. La transition touristique ne peut s’envisager sans coopération. Qu’il s’agisse de mettre en place une centrale de réservation ou une piste cyclable, l’enjeu est de ne pas mener la réflexion en silo dans chaque collectivité ou office de tourisme. C’est le cas du lac de Serre-Ponçon, à cheval sur trois communautés de communes et deux départements : « nous n’avons pas de périmètre PETR ou de parc naturel qui permet de réunir tous les acteurs. L’État a proposé que le territoire de projet soit celui de la destination touristique car c’est cohérent. Les enjeux communs étaient identifiés, mais il restait à apprendre à travailler en commun », souligne Romain Ferrez, chef de Projet à Avenir Montagnes.

La transition touristique est une question économique. Comment ne pas impliquer les professionnels et les habitants alors qu’ils sont en première ligne ? Le manque d’eau représente une épée de Damoclès sur les activités nautiques estivales, quand en hiver, le manque de neige demande de l’inventivité pour proposer des activités alternatives. De quoi les professionnels ont ils besoin pour s’adapter ? Quels sont les marqueurs d’identité et les richesses du territoire à mettre en lumière ? Un rééquilibrage de la stratégie de promotion saisonnière est-il à opérer ? Pour structurer les idées collectivement, se former à des méthodes participatives s’impose, car l’horizontalité n’est pas le propre des collectivités. D’ailleurs, faire appel à un animateur extérieur (cf. Interview II) facilite la démarche, afin d’éviter l’écueil des conflits locaux. La clé, c’est la sincérité de la démarche et l’interconnaissance des acteurs qui créent l’énergie et la confiance. À Serre-Ponçon, c’est l’envie de créer une piste cyclable le long du lac qui a finalement rassemblé les différentes parties prenantes.

Et avant même la coopération et l’échelle d’action, un projet de transition touristique est à construire à l’aune des conditions d’accueil actuelles et à venir de la destination. Les « bonnes » conditions d’accueil d’un site ou d’un territoire reposent sur la vulnérabilité des espaces naturels face au changement climatique, la formation des professionnels, les prix pratiqués, l’accès équitable aux espaces publics, voire au foncier. À cet égard, de plus en plus d’habitants ne mettent plus les pieds dans leur village l’été, voire le quittent définitivement quand les prix de l’immobilier deviennent trop élevés et que les commerces et services de proximité ne sont pas assurés au quotidien. C’est pourquoi de nombreux projets de transition touristique s’élargissent aux enjeux d’habitabilité à l’année. Ce qui est profitable aux habitants le sera aux touristes.

Zoom 9. Organiser des ateliers territoriaux pour transformer le tourisme

Lors des États généraux de la transition du tourisme, en 2021, un collectif d’acteurs s’est mobilisé pour impulser
une démarche réflexive au sein même des territoires de montagne. Des ateliers d’intelligence collective ont été
imaginés et proposés à différents territoires des massifs français, afin que les acteurs locaux puissent se rencontrer
et avancer ensemble dans leurs réflexions sur la question de la transition du modèle touristique.
Quelle a été la méthode appliquée ? Des personnes relais ont été identifiées dans les territoires, puis formées
aux méthodes d’intelligence collective. Un total de 29 ateliers regroupant 34 territoires de montagne en France se
sont déroulés en parallèle, organisés en deux temps forts : un temps d'interconnaissance et d’acculturation aux
problématiques de chacun, puis un temps créatif de réflexion sur les solutions communes à apporter au territoire.
L’accent a été mis sur la représentativité des participants vis-à-vis de leur territoire (administrations, professionnels
du tourisme, agriculteurs, associations, artisans, collectifs, élus, chercheurs, gestionnaires d’espaces naturels,
représentants des domaines skiables…). Un ratio de 30 participants pour 5 animateurs a permis de faciliter le
cadrage des échanges et garantir une libre parole pour les participants. Au total, près de 900 personnes se sont
exprimées sur le devenir du tourisme. À l’heure du bilan, des points saillants émergent :
□ une volonté des acteurs locaux de travailler ensemble pour continuer la dynamique territoriale et se mettre en
action,
□ un besoin exprimé d’animation de réseau pour pérenniser la démarche ;
□ un besoin d’accompagnement des territoires sur la durée pour les expérimentations.

Pour en savoir plus sur les ateliers territoriaux : www.eg-transitionmontagne.org

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