3.Quels sont les leviers pour changer les comportements alimentaires ?

Activité sociale par excellence, les pratiques alimentaires sont le terrain d’actualisation de diverses ambitions sociales et interindividuelles. Les impacts de ces pratiques en termes de santé et d’environnement ont contribué à l’inscription des pratiques alimentaires dans l’agenda des politiques publiques depuis une vingtaine d’années (Programme national nutrition santé par exemple).

Les leviers pour orienter les comportements alimentaires vers plus de durabilité sont nombreux : éducation, marketing, régulation économique… Une partie importante de ces instruments repose sur l’image de « l’individu rationnel » dont les choix suivraient une logique de maximisation des intérêts individuels. Plus récemment, des travaux sur les pratiques alimentaires montrent que, loin de résulter exclusivement d’une négociation entre intérêts individuels et contraintes contextuelles, les modifications de pratiques dépendent de motivations complexes à l’interface entre les préoccupations individuelles, collectives et les dimensions cognitives, normatives et matérielles. La complexité de ces transformations est d’autant plus évidente dans un contexte de changement climatique où les dérèglements à l’œuvre résultent des dysfonctionnements entre les systèmes sociaux et les milieux biophysiques.

Autrement dit, au-delà de la motivation basée sur l’information, les changements d’habitudes alimentaires requièrent l’apprentissage de nouveaux savoirs et de nouvelles pratiques, ainsi que des arrangements matériels favorables. Se déplacer, choisir, reconnaître, acheter, ranger, transformer, conserver et modifier les habitudes alimentaires impliquent de modifier l’ensemble de ces actions réunissant à la fois des enjeux cognitifs (associer les produits biologiques et la santé par exemple), normatifs (valoriser socialement une pratique de consommation par exemple) et matériaux (savoir transformer un végétal peu commun par exemple). Suivant ce constat, les politiques publiques gagneraient à prendre en compte les contraintes cognitives et pratiques auxquelles les acteurs doivent faire face pour modifier leurs habitudes alimentaires en faveur de plus de durabilité.

Les situations collectives offrent des contextes idéaux pour agir sur les leviers disponibles tout en créant des situations conviviales facilitant l’interaction et l’apprentissage entre pairs. Concrètement, les politiques publiques territoriales peuvent d’une part, encourager et supporter les initiatives portées par des acteurs locaux (supermarchés de consommateurs, magasins de producteurs, AMAP, associations de quartier, structures de l’économie sociale et solidaire, etc.), et d’autre part, mettre en place des instruments déjà existants (Foyers à Alimentation Positive, De ferme en ferme, Ici.C.Local, etc.) fournissant des solutions pour accompagner l‘adoption de nouvelles pratiques alimentaires des habitants. Dans le déploiement de ces initiatives multi-acteurs, il est indispensable de prendre en compte les coûts sanitaires, sociaux et environnementaux de l’alimentation (« le vrai coût de l'alimentation »), condition indispensable pour permettre la transition alimentaire à grande échelle.

Les dimensions collectives ont, pour finir, l’avantage de pouvoir inclure les différents maillons du système agri-alimentaire, à savoir les politiques publiques, les filières de production, de transformation, de distribution, mais aussi les consommateurs, la société civile et la recherche. Elles offrent ainsi la possibilité de contourner une vision du consommateur à lui seul responsable de l’impact environnemental du système alimentaire et d’engager des changements plus larges en prenant en compte les marges de manœuvre et les contraintes des différents maillons.

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