Les données relatives à l’empreinte carbone des régimes alimentaires n’étaient pas disponibles à l’échelle régionale jusqu’à récemment, alors qu’elles le sont depuis plus longtemps à l’échelle nationale et internationale. Cette anomalie a été corrigée, au moins partiellement, en 2017. Le régime actuel moyen des habitants de notre région est devenu proche de celui observé au niveau national, présentant une forte proportion d’aliments d’origine animale (produits laitiers, viandes et charcuteries). L’analyse des cycles de vie des aliments établit un net différentiel d’émissions de gaz à effet de serre (GES) entre les productions (Figure 6). Le rapport est au minimum 1 à 15.
Figure 6. L’équivalent en dioxyde de carbone (CO2 ) émis dans l’atmosphère pour 100 g de production agricole (source : Pointerau P et al., 2019).
Le niveau élevé des émissions de GES pour les produits animaux vient à la fois de l’énergie nécessaire pour produire les aliments du bétail, du protoxyde d’azote (N2 O) dépendant du cycle de l’azote et surtout, pour les ruminants, des émissions de méthane (CH4 ) qui a un pouvoir réchauffant nettement supérieur au dioxyde de carbone (CO2 ). De ce fait, par personne et par an, les émissions moyennes liées au régime alimentaire actuel et au périmètre de la ferme sont comprises entre 1400 et 1800 kilogrammes équivalent CO2 (dont 85-90 % d’entre elles sont dues aux produits animaux), et environ 4000-4500 m2 de surface agricole et 6000 mégajoules d’énergie sont nécessaires.
Dans ces conditions, il est légitime de se questionner : cette situation peut-elle évoluer ? Quelles options sont possibles pour diminuer l’impact des régimes alimentaires sur les émissions de GES ? Comme pour la construction du scénario Afterres 2050 à l’échelle nationale, des scénarios de changement en région ont été calculés à partir des données observées avec diverses options :
1. adopter un régime alimentaire qui respecte les recommandations alimentaires françaises (celles du Programme national nutrition santé, PNNS-3) ;
2. adopter un régime de type méditerranéen ;
3. adopter un régime qui respecte les recommandations nutritionnelles et de type méditerranéen.
Dans les trois cas, par rapport au régime moyen actuel, l’objectif est d’augmenter les produits céréaliers, les légumes frais et secs, les fruits et les poissons, et de diminuer de plus en plus (graduellement de l’option 1 à 3, liste ci-dessus) les apports en viandes rouges, volailles et gibiers, charcuteries et fromages. Ces changements réduisent fortement les émissions de GES en lien avec le régime alimentaire (Figure 7) : par habitant et par an, 1600 kg équivalent CO2 sont émis par le système actuel contre environ 650 kg pour une assiette avec deux tiers de protéines végétales en agriculture conventionnelle (et même 560 kg en agriculture biologique).
Les régimes à base plus végétale permettent de réduire aussi, et ce de manière significative, la surface agricole et la consommation d’énergie pour produire une alimentation de type méditerranéen, et favorisent l’adoption de méthodes de production issues de l’agriculture biologique. Ces scénarios, plus compatibles avec les capacités de production agricole régionale, doivent s’accompagner en parallèle d’une évolution des productions pour mieux garantir la capacité nourricière.
Figure 7. Comparaison des empreintes carbone des différents régimes alimentaires (source : Le revers de notre assiette, Solagro, 2019). INCA2 ANC : en moyenne, régime actuel (enquête INCA2 2006-2007) respectant l’apport nutritionnel conseillé (ANC). INCA2 observé : en moyenne, régime actuel (enquête INCA2 2006-2007) ne respectant pas l’ANC.
Info+
Dans son rapport spécial sur le changement climatique et les terres émergées, publié en 2019, le GIEC met en avant le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre en fonction de 8 régimes alimentaires différents : végétalien (ou vegan), végétarien, flexitarien, sain, équitable et frugal, pescétarien, carnivore (omnivore en réalité) sensible au climat (en limitant les émissions de GES), méditerranéen. Le régime méditerranéen12 présente un potentiel d’atténuation de GES de l’ordre de 3 gigatonnes eqCO2 par an, contre 5 gigatonnes pour le flexitarien13, 6 gigatonnes pour le régime végétarien14 et 8 gigatonnes pour le régime végétalien15. De nouvelles études affineront ces premières estimations. Ce constat ne signifie pas que le GIEC recommande à tous de devenir végétaliens ou végétariens, car chaque régime doit être adapté au contexte local, aux modes de production et de consommation, aux besoins des populations, etc., mais l’écart montre combien la réduction de la consommation de viande est un puissant levier pour diminuer les émissions de GES dans l’atmosphère.
Sommaire du cahier