1.Les cycles phénologiques des arbres vont-ils bouleverser les paysages forestiers montagnards ?

Les stades phénologiques d’un arbre jouent sur sa croissance et sa reproduction, notamment les dates de débourrement (Photo 8) et de sénescence foliaire qui contrôlent la durée de la période de végétation, et les dates de floraison et de maturation dont dépend le succès de sa reproduction. La phénologie est ainsi un bon marqueur des changements environnementaux. Quelle que soit l’altitude, les dates de débourrement, floraison, maturation et sénescence des arbres ont subi d’importants décalages lors des dernières décennies. En montagne surtout, le réchauffement climatique se traduit par un allongement notable de la saison de croissance des arbres (avance significative des dates de débourrement et retard de la sénescence). Cependant, ces décalages ne sont pas sans danger :

  • une avance de la date de débourrement expose les jeunes feuilles aux gels tardifs et augmente le risque de dommages. Et même si les épisodes de gel seront probablement moins fréquents et moins sévères, leurs occurrences resteront aléatoires ;
  • en réponse à la hausse des températures hivernales, les essences dont la levée de dormance nécessitent de grands froids, comme l’épicéa, pourraient subir une perte de croissance du fait des dates de débourrement tardives. Le début plus tardif de l’entrée en dormance, à l’automne, risque aussi de rendre les arbres vulnérables aux gels précoces.

Les décalages phénologiques des arbres vont aussi affecter les interactions entre espèces et leur valeur sélective. Une floraison plus précoce entraînerait une désynchronisation avec la période d’activité des pollinisateurs et une baisse du taux de reproduction. Et quelle sera la conséquence de l’apparition précoce des aiguilles de mélèzes désynchronisée des stades larvaires de la tordeuse ? L’incertitude demeure quant à l’expression des capacités adaptatives des arbres, comme leur diversité génétique, intra et inter-populationnelle, et leur plasticité phénotypique qui dépend de l’expression de leurs gènes et de l’environnement.

Aux altitudes élevées, les modèles prévoient une extension des espèces par colonisation des milieux devenus plus favorables. Une étude basée sur 171 espèces forestières montre une remontée de ces dernières dans les massifs d’Europe de l’Ouest d’environ 29 mètres par décennie au cours du XXème siècle. En revanche, la limite supérieure des arbres est restée stable au cours des dernières décennies, malgré l’augmentation de densité des populations dans ces zones. Les remontées observées sont principalement dues à la déprise pastorale. Les paysages montagnards étant largement issus des pratiques humaines, l’impact réel du changement climatique demeure donc encore méconnu.

Photo 8. Débourrage de chêne pubescent
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