4.3.1. Moisissures intérieures et extérieures
Les spores fongiques transportées par le vent sont 10 à 100 fois plus abondantes que les grains des pollens et constituent la part majoritaire des bioaérosols présents aussi bien dans l’air extérieur que dans l’air intérieur. Elles n’affectent pas la santé de l’ensemble, ni même de la majorité de la population : c’est seulement lorsque leur concentration atteint un niveau anormalement élevé et/ou chez des patients souffrant de problèmes respiratoires ou de déficiences du système immunitaire qu’apparaissent symptômes et maladies.
À l’intérieur des locaux, les espèces prédominantes sont Aspergillus et Penicillium tandis que dans l’air extérieur, il s’agit d’Alternaria et de Cladosporium. L’élévation de la température liée au réchauffement global pourrait favoriser la prolifération des moisissures dans les logements et l’air extérieur, conditionnée par une augmentation du contenu de la vapeur d’eau dans l’atmosphère. En effet, d’après les lois de la physique, l’augmentation des températures s’accompagne d’une augmentation de la vapeur d’eau dans l’atmosphère.
Pourtant, l’examen des données récoltées dans l’habitat suggère que l’impact direct du changement climatique sur la qualité de l’air intérieur ne sera pas significatif. Ce sont alors des facteurs liés à la qualité architecturale, aux matériaux utilisés, à la qualité de l’infrastructure et aux modes de vie qui joueront le premier rôle. Toutefois, et de façon quelque peu paradoxale, les mesures prises pour lutter contre le réchauffement global par la généralisation des bâtiments passifs pourraient s’avérer préjudiciables, si des précautions ne sont pas prises pour assurer l’entretien adéquat à long terme des mécanismes d’assistance à la ventilation.
Le changement climatique global ne devrait également avoir qu’un impact direct assez limité sur les taux de spores fongiques dans l’air atmosphérique : s’il majore les risques à un endroit donné ou pour une espèce donnée, il peut tout aussi bien les minorer ailleurs ou pour une autre espèce.
Les risques pour la santé associés au niveau d’exposition ne devraient donc pas s’accroître de façon trop préoccupante.
4.3.2. Espaces verts et risque pollinique en ville
Les végétaux font aujourd’hui partie des stratégies développées pour limiter la hausse des températures en ville dans le contexte du changement climatique, réduire les inondations et le lessivage des sols, mais aussi piéger les polluants de l’air et améliorer la santé comme le bien-être de la population. Leur intérêt est surtout bénéfique pour l’homme et, à un degré moindre, positif pour la séquestration du carbone. Mais la végétation en ville présente aussi des inconvénients, d’autant que ce sont souvent des espèces toxiques (telles que le laurier rose ou l’if commun) ou allergisantes qui ont été plantées au cours du siècle passé, dans les espaces privés comme dans les espaces publics. Ainsi, chaque année, le nez bouché, les éternuements, les yeux rouges ou irrités, ou dans les cas les plus graves, l’asthme, l’œdème et l’urticaire, sont bien souvent des symptômes de l’allergie au pollen. L’allergie aux pollens ou pollinose se traduit ainsi le plus souvent par une rhinite (nez qui coule, nez bouché, démangeaisons nasales, etc.), une conjonctivite (yeux rouges, démangeaisons, sensations de « sable dans les yeux »), dans 15 à 20 % des cas environ, par des signes bronchiques (toux, crise d’asthme). Dans le Midi méditerranéen, comme sur la majeure partie de la France, l’allergie aux pollens touche désormais au moins 25 % des enfants et 20 % des adultes, avec un quasi doublement de la prévalence au cours des 20 dernières années.
Cela en fait un enjeu majeur de santé publique qui, en interférence avec l’évolution du climat et celle d’autres paramètres environnementaux, rend absolument indispensable une réflexion sur la gestion de la végétation, tout spécialement en ville. En effet, on retrouve en ville de nombreuses espèces anémophiles - c’est-à-dire pollinisées par le vent - responsables d’allergies respiratoires ou oculaires. La figure 14 indique les espèces ne devant pas être plantées en zone urbaine selon l’expertise du Réseau National de Surveillance Aérobiologique (RNSA) qui compare le potentiel allergisant pour différents végétaux.
Les espèces allergisantes sont à l’origine de fortes disséminations saisonnières de pollen, comme c’est le cas pour les cyprès en février et mars. Incriminé dans 56 % des cas, le pollen de cyprès représente aujourd’hui la première cause d’allergie respiratoire dans les villes du sud-est de la France, devant les acariens et le pollen de graminées. Les grains de pollen sont émis selon une chronologie particulière à chaque espèce, à la base de l’établissement des calendriers polliniques qui permettent au médecin, en fonction des déclarations du patient, de suspecter quel est le pollen ou les pollens à l’origine des symptômes (figure 15).
Selon l’espèce végétale et la période de l’année, l’allergie aux pollens sera donc relativement préoccupante et nous invite à repenser la gestion des espaces verts. Ceci s’avère d’autant plus nécessaire que le changement climatique lié à l’intensification de l’effet de serre se traduit d’ores et déjà, et se traduira sans doute de plus en plus, par une modification de la structure et de l’intensité de la pollinisation. Avec des différences non négligeables d’une espèce ou d’une famille botanique à l’autre, les principaux impacts portent sur un allongement de la durée de la saison pollinique (du fait de périodes chaudes plus longues) et par une augmentation des quantités de pollen produites (du fait de l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère).
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’allongement de la durée de la saison pollinique reste peu marqué pour les cupressacées et l’olivier, mais il est net pour les graminées (+4,5 % par an depuis 1989 à Nice) et pour les urticacées, au point que certains évoquent la possibilité de voir l’allergie à la pariétaire devenir perannuelle, c’est-à-dire sévir toute l’année. En Europe, on estime qu’en moyenne, la floraison printanière des arbres a avancé de 4,5 jours en 10 ans.
Pour ce qui est de l’accroissement des concentrations de pollens dans l’air, indiscutable par exemple pour l’olivier à Nice (+2,4 % par an depuis 1990) et pour le cyprès, il n’est pas toujours facile de faire la part entre le changement climatique et les modifications de l’occupation du sol. Par ailleurs, pour certaines espèces végétales, telles que le bouleau et l’ambroisie, la teneur du grain de pollen en allergènes majeurs augmente sous l’effet d’une exposition à une atmosphère enrichie en CO2, augmentant ainsi leur allergénicité. Tous ces impacts vont s’accompagner d’une augmentation de la prévalence des rhinites allergiques polliniques.
4.3.3. Allergènes acariens et réchauffement global
L’augmentation des températures moyennes aurait comme conséquence une augmentation de la prolifération des moisissures atmosphériques extérieures et dans les logements. Les êtres vivants microscopiques que sont les acariens domestiques ont en effet un développement très dépendant des conditions climatiques dans les habitats. Il paraît donc légitime de s’interroger sur les relations possibles entre le réchauffement global avec, d’une part, l’évolution de la teneur des logements en acariens et allergènes acariens, et d’autre part, l’évolution de la sensibilisation allergique et de la prévalence des maladies allergiques respiratoires.
Les acariens interagissent avec l’organisme humain par l’intermédiaire d’allergènes. Le climat d’altitude est caractérisé à la fois par une température inférieure à celle enregistrée au niveau de la mer et, par voie de conséquence, un contenu en vapeur d’eau de l’air inférieur. Ainsi, une étude sud-africaine montre une relation inverse entre la latitude et la densité d’acariens dans la poussière de maison recueillie sur les matelas et sols de chambres à coucher, et une relation positive entre la température moyenne et cette même densité en acariens. À l’international, les villes où la température moyenne est la plus élevée sont celles où la densité des acariens et allergènes acariens dans la poussière de literie est la plus forte (Melbourne, Sydney, Singapour, Tokyo), alors que ces chiffres sont faibles sous des climats froids et secs (Helsinki, Wagga Wagga, Katowice, Briançon et Denver).
La présence d’acariens domestiques suscite des allergies chez l’être humain par le biais de la production d’allergènes, dont la quantité est directement corrélée à la densité d’acariens. Plutôt que de dénombrer le nombre d’acariens dans la literie, il est donc plus pertinent et plus pratique de doser les allergènes majeurs. La concentration d’allergènes acariens dans la literie est ainsi inversement associée à la latitude.
D’un point de vue clinique, une corrélation existe entre l’exposition aux allergènes acariens et d’une part, la sensibilisation allergique cutanée vis-à-vis de cet allergène (indiquée par la présence d’anticorps immunoglobuline E spécifiques sériques ou IgE), d’autre part, la prévalence d’asthme avec allergie aux allergènes acariens.
Compte-tenu de l’évolution future de la température et de l’hygrométrie, et connaissant les relations qui lient ces paramètres avec le risque de sensibilisation allergique et de développement des maladies allergiques respiratoires, il serait intéressant de modéliser cette tendance à l’échelle de la région.
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