Nous avons beaucoup de chance en Provence-Alpes-Côte d’Azur : le territoire dispose d’un formidable potentiel d’énergie renouvelable (ENR). Nous habitons une région ensoleillée (le potentiel d’énergie solaire annuel est supérieur à 1600 kWh/m2 ) et venteuse. L’hydroélectricité (grands barrages et plus petits systèmes), l’éolien à terre et en mer, la biomasse et surtout le solaire sont des atouts de la région pour la production d’énergie d’origine renouvelable. Cela ne nous prémunit pas des conséquences du changement climatique, mais nous donne en revanche des moyens efficaces de lutter contre. Cette partie propose un zoom sur le solaire.
Par Y. CHANNAC-MONGREDIEN et G. LUNEAU
L a consommation régionale est plutôt stable en Provence-Alpes-Côte d’Azur, autour de 13 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) qui correspondent à l’énergie finale. La tendance marque un léger recul en 2009, une des conséquences de la crise économique. Depuis, elle progresse légèrement (+2% entre 2009 et 2013).
La production d’énergie primaire a progressé de plus de 50% en Provence-Alpes-Côte d’Azur entre 2007 et 2013,
passant de 1100 à 1700 tep. Elle couvre, en 2013, 13% de la consommation régionale. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est donc fortement dépendante de l’énergie qu’elle importe. Toutes ces données sont disponibles sur le site en ligne de l’ORECA et la base de données Energ’Air.
Si la production d’énergie primaire augmente régulièrement du fait de l’accroissement des énergies renouvelables, elle reste dépendante de la pluviométrie du fait des nombreuses installations hydroélectriques présentes sur le territoire. La production régionale est en effet à plus de 60%, d’origine hydraulique. En termes de nombre d’exploitation, la région est déjà très équipée et on ne s’attend pas à une évolution importante. Par contre, l’effet du climat (et de la pluviométrie) est très important sur cette production d’énergie. On peut donc avoir de fortes variabilités d’une année sur l’autre, surtout si le climat est plus sec et les cours d’eau moins actifs.
À l’inverse, le solaire ne contribue aujourd’hui que faiblement à la production annuelle d’énergie (photovoltaïque et solaire thermique représentent ensemble moins de 5% de l’énergie régionale produite en 2013). Par contre, son évolution (en production et en installations) est très importante (multiplication par 20 de la production entre 2007 et 2013).
Jusqu’en 2013, la région PACA était la 1ère région française solaire de France. Depuis 2014, elle est passée au second rang avec une puissance installée en photovoltaïque de 766 mégawatts (MW), derrière la région Aquitaine et ses 769 MW.
Par O. PALAIS
En matière de production d’énergie, il n’y a pas de panacée et il ne faut pas opposer les différentes sources entre elles. Au contraire, il faut y voir une grande complémentarité qui laisse à chaque solution sa place en fonction du besoin énergétique visé, en considérant les quantités d’énergie requises, la durée et la période d’utilisation, le besoin éventuel de stockage, etc. Ainsi, le « couple gagnant » correspond à une application associée à sa source ad hoc, d’origine ENR ou non. Il est trop tôt pour imaginer que les ENR puissent à elles seules produire toute l’énergie consommée en France, même si certains scénarios démontrent que c’est possible à l’horizon 2050. Aujourd’hui, les différentes technologies des énergies renouvelables offrent cependant déjà des solutions matures et efficaces.
La conversion photovoltaïque (PV) permet la fabrication d’une électricité propre et maintenant peu coûteuse, tout au moins compétitive comparée aux autres sources classiques de fabrication d’électricité. Prenons l’exemple de la technologie silicium (Si) qui présente de nombreux avantages, comme celui d’utiliser le 2ème élément chimique présent sur Terre, élément non toxique et dont la maturité industrielle permet la fabrication de modules PV fiables sur au moins 2 décennies. Le choix d’utilisation de ces panneaux pour la production d’électricité peut être envisagé sous plusieurs formes : chez le particulier, raccordés ou non au réseau, ou en production de masse comme, par exemple, le projet MEGASOL de Saint-Paullez-Durance. À cette technologie Si viennent s’ajouter les technologies couches minces de type CIGS (pour « cuivre, indium, gallium et sélénium ») ou CdTe (pour « cadmium, tellure »), en progrès constant et dont les rendements de conversion égalent aujourd’hui le rendement moyen de la filière silicium (technologies pour lesquelles toutefois la disponibilité, les conditions d’extraction et la toxicité des matières premières restent, pour l’instant, limitantes du moins pour certaines). Ce type de cellules vieillit cependant moins bien que celui en Si et utilise parfois des éléments nocifs, comme le cadmium. Néanmoins, ces derniers sont en passe d’être remplacés par des éléments inoffensifs grâce à la recherche dans ce domaine. Le retour énergétique de ces technologies (c’est-à-dire le moment où l’énergie produite par une source donnée dépasse la quantité d’énergie nécessaire à la fabrication de ladite source) est compris entre 2 et 4 ans, au-delà de cette période toute l’énergie produite n’est que pur gain, tant énergétique, qu’écologique ou financier. Le reproche souvent fait aux ENR est l’intermittence de production. Ce défaut, s’il est indéniable, n’est absolument pas rédhibitoire. On commence à savoir stocker de mieux en mieux l’énergie électrique, mais il reste encore de gros progrès à faire ! Toutefois, plusieurs solutions sont d’ores et déjà à portée de main. Par exemple, la voiture électrique est connue pour être limitée par son autonomie, mais si on remplace les batteries par l’hydrogène (piles à combustible) et qu’on imagine que cet hydrogène est produit grâce à l’énergie solaire, nous avons là une solution de stockage potentiel qui est une belle alternative au problème d’intermittence : on alimente (tout ou partie) des centrales de fabrication d’hydrogène grâce à l’électricité PV produite à des moments où le réseau n’en a pas besoin, on stocke le « carburant » ainsi produit et on l’utilise à façon. De plus, on règle en même temps les limitations de ce type de véhicule liées aux temps de recharge des batteries, puisqu’il suffit de refaire le plein d’hydrogène comme on fait un plein de carburant. Oublions un moment le stockage, c’est l’été et il fait chaud, des panneaux PV produisent de l’électricité, il n’y a plus qu’à alimenter les climatiseurs en direct (ou presque)…
Il ne s’agit ici que d’exemples et il reste de nombreuses voies de R&D sur l’éolien, le solaire thermique, la conversion PV, le stockage, etc. La recherche en Provence-Alpes-Côte d’Azur couvre la majorité de ces domaines, par le biais de ses laboratoires de recherche, mais aussi via des PME locales.
Les pistes les plus prometteuses et les possibilités de déploiement à grande échelle dépendent aussi largement des choix politiques et des changements d’habitudes, ainsi que des délais qu’on veut bien s’accorder pour développer ces pistes.
La région dispose d’un formidable potentiel d’énergie renouvelable d’origine solaire.
L’atlas du gisement solaire en région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un ensemble de cartes à 200 mètres de résolution spatiale permettant la caractérisation fine et précise du rayonnement solaire en sommes mensuelles, suivant ses composantes globale, directe et diffuse.
Diffusé librement et gratuitement par internet, cet atlas a pour ambition de servir de référence régionale pour l’évaluation du potentiel des filières de conversion photovoltaïque (PV), thermique et thermodynamique du rayonnement solaire. Les différents acteurs publics et
privés du domaine peuvent utiliser cet atlas pour identifier des sites d’implantation de systèmes de production d’énergie par voie solaire, de manière objective et quantitative, les dimensionner selon l’application visée ou encore en évaluer, de manière fiable, la rentabilité financière, voire les bénéfices environnementaux.
La haute résolution spatiale de l’atlas est tout à fait adaptée aux besoins des professionnels et installateurs qui sont orientés vers le marché des particuliers, pour la mise en place de systèmes solaires de production d’énergie (chauffe-eau solaire individuel ou collectif, système solaire combiné ou photovoltaïque individuel).
Cet atlas est un outil qui peut largement contribuer à sensibiliser le grand public sur le potentiel solaire disponible sur sa région, voire l’orienter plus facilement vers une solution solaire pour ses besoins propres (www.atlas-solaire.fr).
Par V. BAGGIONI
Le développement de l’énergie d’origine photovoltaïque (PV) est tardif en France. Devant répondre aux engagements qui ont été pris aux niveaux mondial et européen en matière de réduction des gaz à effet de serre, une politique de revalorisation du tarif d’achat de l’électricité fournie par le PV n’a vu le jour qu’à partir de 2006. Le législateur a incité de cette manière la création d’une nouvelle forme de production décentralisée d’électricité, les centrales PV au sol ou parcs solaires déjà présents dans les autres pays européens. Les entrepreneurs d’énergies renouvelables ont inventé un objet de production PV massif dont le législateur n’avait pas anticipé l’encadrement : avant 2010, l’installation de panneaux PV au sol n’avait pas un statut juridique déterminé dans le droit de l’urbanisme et était considérée comme relevant d’une simple déclaration préalable. Seuls les locaux abritant les onduleurs (bâtiments techniques à proximité des panneaux) étaient
soumis à permis de construire, et non l’installation des panneaux eux-mêmes. Si, dans un premier temps, les services déconcentrés de l’État au niveau départemental se sont trouvés dépourvus face à ces nouveaux aménagements, la prise en compte de leurs prérogatives (pour les installations dont la vocation principale est la production d’énergie, le permis de construire – ici des locaux attenant aux panneaux – est délivré par le préfet) les a ensuite positionnés comme seuls responsables de l’autorisation de ces constructions. De ce point de vue, l’État déconcentré avait l’opportunité de construire, avec ou sans les autres acteurs publics présents à l’échelle départementale, une action publique territorialisée.
Si on se réfère à la répartition des centrales PV au sol dans les principales régions accueillant ce type d’installations, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur se distingue nettement, rassemblant à elle seule presque le tiers de la puissance installée (28%, avec 366 MW pour 40
installations) des parcs solaires de France métropolitaine. La superficie, l’ensoleillement et la densité de population n’expliquent pas cet écart entre les régions. Par ailleurs, le développement de ce type d’installations, relativement impactantes d’un point de vue spatial, peut interroger au regard du caractère patrimonial de notre région. Deuxième espace touristique français abritant quatre parcs nationaux et sept parcs naturels régionaux, ses paysages emblématiques ont été à l’origine de conflits majeurs, comme celui du TGV Méditerranée, du TGV PACA ou de l’échec de l’éolien (fin 2003, la région cumule 45 MW de puissance éolienne installée contre 479 en Languedoc-Roussillon et 401 en Midi-Pyrénées). Et pourtant, les parcs solaires ont reçu une réception sociale relativement pacifiée par rapport à des aménagements de dimensions similaires : 25% de conflits identifiés pour les trois départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône et du Var qui cumulent 86% des projets de parcs à la mi-2012.
Zoom 11. ÉVALUER L’IMPACT DES INSTALLATIONS DE PRODUCTION D’ENR : UN POTENTIEL DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ PAR PANNEAUX PHOTOVOLTAÏQUES À FAIBLE EMPREINTE CARBONE
Par T. RANCHIN, P. BLANC, I. BLANC
Afin d’aider à la prise de décision des acteurs du territoire, il est possible de déduire, pour un dispositif de production d’énergie de source photovoltaïque donné, les impacts environnementaux (changement climatique, radiations ionisantes, écotoxicité, consommation d’énergie fossile, occupation du sol, etc.) que ce système PV génère sur son cycle de vie en fonction de sa localisation géographique.
C’est l’objectif de l’outil développé par MINES ParisTech/ARMINES dans le cadre du projet EnerGEO et accessible en ligne (http://viewer.webservice-energy.org/energeo_aip3/).
Différents scénarios (type de panneaux, orientation et inclinaison, durée de vie…) sont accessibles dans cet outil ainsi que différentes méthodes de calcul des impacts environnementaux. Les résultats présentés s’appuient sur l’évaluation de la ressource solaire et sur l’utilisation des outils d’analyse de cycle de vie des systèmes PV.
Voici, parmi les impacts environnementaux calculés, un exemple de cartographie pour la région d’un système PV de 3 kWc sur un toit de maison individuelle. Elle présente l’empreinte carbone, c’est-à-dire une spatialisation de l’indicateur de changement climatique : la quantité de GES émis pour produire 1 kWh d’électricité, exprimée en kg CO2 eq/kWh. Cet exemple sur le solaire est reproductible sur les autres énergies renouvelables en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La combinaison des résultats de ce type d’études permettra de guider les choix de politique énergétique et de bouquet énergétique des décideurs, et de choisir les meilleures solutions au vu des potentiels énergétiques de chaque territoire.
Par comparaison, l’éolien, à dire d’acteurs, a été, dans 100% des cas, l’objet de conflits en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’accompagnement institutionnel au sein du département des Alpes-de-Haute-Provence constitue le point de départ du développement et de la régulation des centrales PV au sol dans la région. Cet accompagnement initial invente des instruments d’action publique qui permettent l’instauration d’un cadre réglementaire stabilisé qui attire et forme les opérateurs. Ces derniers vont ensuite se déployer à l’échelle de la région en fonction de la volonté institutionnelle de certains départements de fournir un cadre clair d’instruction des projets. En effet, parallèlement à la diffusion des opérateurs, des circulations institutionnelles horizontales et verticales ont essaimé ces modes d’action dans les territoires situés à proximité. Le positionnement précurseur d’un département, la diffusion des opérateurs et des instruments d’action publique à l’échelle régionale expliquent le développement plus élevé des parcs solaires dans la région.
L’échec de l’éolien permet alors d’envisager le développement des parcs solaires comme une réponse locale au développement des ENR. Dans un contexte de patrimonialisation des espaces, les centrales PV au sol exprimeraient une forme de compromis social face à l’impératif politique contemporain du développement durable.
Cette prise en charge institutionnelle explique aussi pour partie la faible conflictualité qu’ont pu rencontrer les projets au niveau régional. Les formalisations institutionnelles locales distinguent des conditions différentes de réception sociale des projets selon les départements. L’instruction multipartenariale filtre les projets soumis au « tamis » des exigences croisées des acteurs associés à l’instruction dans les Alpes-de-Haute-Provence et les Bouches-du-Rhône, donc le conflit peut aussi être un moyen de réguler les projets, comme cela semble être le cas dans le Var.
Ainsi, l’autonomie de la gestion locale de la territorialisation des parcs solaires s’élabore à partir de la conception d’un ordre territorial d’aménagement qui
prend sens à partir des configurations institutionnelles et des contextes géographiques qui lui sont propres. Le sens de cet ordre d’aménagement dépend aussi de l’échelle institutionnelle de gestion. Ce qui relève du développement économique, du réaménagement d’espaces dégradés ou d’une production liée à une situation de péninsule électrique au niveau départemental devient un enjeu climatique, voire la mise en pratique d’une idéologie de sortie du nucléaire au niveau régional. Cette autonomisation de l’action publique territoriale indique une temporalité à moyen terme qui, au moment du « bouclage » régional, apparaît à rebours de la politique nationale : fin 2010, l’État stoppe sa politique de soutien au PV, alors que le SRCAE de la région PACA, arrêté en 2013, ambitionne un fort développement régional. Ce décalage entre niveaux national et local révèle les discontinuités qu’opèrent les variations d’une politique nationale avec les effets d’inerties qu’implique l’appropriation territoriale d’une politique publique à territorialiser.