Pour approfondir les connaissances diffusées dans la première publication du Groupe régional d’experts sur le climat (GREC-PACA) et apporter des réponses spécifiques, le comité régional d’orientations (CRO), animé par A.I.R. Climat, a constitué des groupes de travail thématiques (GTT). Ces derniers sont composés de chercheurs de toutes les disciplines et de spécialistes du climat qui contribuent à la rédaction de cahiers thématiques destinés aux décideurs et gestionnaires de territoires (élus, ingénieurs et techniciens des collectivités locales, des espaces protégés, des grands équipements, associations, entreprises, etc.) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’objectif est de décrypter les résultats scientifiques et les enjeux du changement climatique pour informer et sensibiliser le public visé à l’échelle locale et régionale. Par thème, une synthèse de travaux scientifiques est proposée afin d’aider les acteurs territoriaux à évaluer les impacts du changement climatique sur leur territoire.
Ce premier cahier thématique aborde la question de l’évolution du climat et de sa variabilité en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. La région est sous l’influence d’un climat méditerranéen qu’il est important de remettre dans son contexte spatio-temporel pour comprendre les fluctuations qui ont rythmé son histoire. Les climatologues ont révélé sa complexité à travers les mesures locales, l’analyse spatiale et la modélisation, avec les incertitudes inhérentes, et ont permis d’identifier ses particularités locales. Le climat régional est réputé pour sa douceur, mais il est ponctué d’événements
météorologiques extrêmes d’une rare intensité telles que les pluies torrentielles et les sécheresses susceptibles d’affecter la population et la nature (inondations, incendies, etc.). Le changement climatique en cours, lié à l’évolution de notre société industrielle et perceptible depuis quelques décennies, est très rapide et soulève des inquiétudes légitimes. La modélisation a permis de simuler des projections climatiques, à différents horizons temporels et selon différents scénarios de développement socio-économique, qui auront, si elles se confirment, un fort impact sur les activités humaines, la biodiversité, la forêt, l’agriculture, la santé…
Cette publication revient sur les caractéristiques du climat de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle replace les bouleversements actuels et futurs dans un contexte de changement climatique à long terme, grâce aux acquis de la paléoclimatologie. La synthèse des principales connaissances apporte des éléments de compréhension afin de mieux cerner la problématique du climat et du changement climatique qu’il soit dû à la variabilité naturelle ou aux activités humaines. Les moyens de surveillance météorologique et climatique, les outils et techniques de spatialisation et de modélisation qui permettent de fournir des indicateurs aux services techniques, mais aussi au grand public, sont présentés. L’approche locale, avec des exemples concrets, est privilégiée afin d’accompagner les décideurs et gestionnaires locaux.
Pour approfondir les connaissances diffusées dans la première publication du Groupe régional d’experts sur le climat (GREC-PACA) et apporter des réponses spécifiques, le comité régional d’orientations (CRO), animé par A.I.R. Climat, a constitué des groupes de travail thématiques (GTT). Ces derniers sont composés de chercheurs de toutes les disciplines et de spécialistes du climat qui contribuent à la rédaction de cahiers thématiques destinés aux décideurs et gestionnaires de territoires (élus, ingénieurs et techniciens des collectivités locales, des espaces protégés, des grands équipements, associations, entreprises, etc.) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’objectif est de décrypter les résultats scientifiques et les enjeux du changement climatique pour informer et sensibiliser le public visé à l’échelle locale et régionale. Par thème, une synthèse de travaux scientifiques est proposée afin d’aider les acteurs territoriaux à évaluer les impacts du changement climatique sur leur territoire.
Ce premier cahier thématique aborde la question de l’évolution du climat et de sa variabilité en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. La région est sous l’influence d’un climat méditerranéen qu’il est important de remettre dans son contexte spatio-temporel pour comprendre les fluctuations qui ont rythmé son histoire. Les climatologues ont révélé sa complexité à travers les mesures locales, l’analyse spatiale et la modélisation, avec les incertitudes inhérentes, et ont permis d’identifier ses particularités locales. Le climat régional est réputé pour sa douceur, mais il est ponctué d’événements
météorologiques extrêmes d’une rare intensité telles que les pluies torrentielles et les sécheresses susceptibles d’affecter la population et la nature (inondations, incendies, etc.). Le changement climatique en cours, lié à l’évolution de notre société industrielle et perceptible depuis quelques décennies, est très rapide et soulève des inquiétudes légitimes. La modélisation a permis de simuler des projections climatiques, à différents horizons temporels et selon différents scénarios de développement socio-économique, qui auront, si elles se confirment, un fort impact sur les activités humaines, la biodiversité, la forêt, l’agriculture, la santé…
Cette publication revient sur les caractéristiques du climat de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle replace les bouleversements actuels et futurs dans un contexte de changement climatique à long terme, grâce aux acquis de la paléoclimatologie. La synthèse des principales connaissances apporte des éléments de compréhension afin de mieux cerner la problématique du climat et du changement climatique qu’il soit dû à la variabilité naturelle ou aux activités humaines. Les moyens de surveillance météorologique et climatique, les outils et techniques de spatialisation et de modélisation qui permettent de fournir des indicateurs aux services techniques, mais aussi au grand public, sont présentés. L’approche locale, avec des exemples concrets, est privilégiée afin d’accompagner les décideurs et gestionnaires locaux.
Pour mieux comprendre les caractéristiques du climat de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et appréhender les enjeux du changement climatique, il est primordial de décrire le contexte méditerranéen et les spécificités locales. L’influence de la circulation atmosphérique générale, mais aussi de la mer et de la montagne, impose à la région un climat complexe qui se traduit parfois par des conséquences dramatiques. Le risque et ses composantes (aléa, vulnérabilité et susceptibilité) sont des notions qui prennent ici tout leur sens.
Le climat méditerranéen est avant tout caractérisé par une sécheresse et une chaleur estivales, et secondairement par la relative douceur des températures hivernales. Les précipitations en Provence-Alpes-Côte d’Azur dépassent 500 mm par an en moyenne, mais varient fortement d’une année ou d’un mois sur l’autre : à de longues périodes sèches peuvent succéder des averses d’une intensité remarquable.
Situation générale
Ce climat de latitudes moyennes au sein de la zone dite « tempérée » est en fait intermédiaire entre la zone froide polaire et la zone chaude intertropicale (Figure 1).
Elle connaît donc des étés et des hivers bien différenciés, et comme le climat méditerranéen se trouve en marge sud, elle bénéficie d’un fort apport radiatif solaire.
Dans le sud-est de la France et plus particulièrement en région PACA qui est partiellement isolée des flux de nord par des reliefs marqués (Massif central et Alpes) qui font barrière, l’arrivée en surface de l’air froid en provenance du nord est freinée. Cependant, deux trouées (seuil du Lauragais à l’ouest et vallée du Rhône au nord-ouest) constituent des axes de communication avec le monde non méditerranéen et permettent des échanges accélérés de masses d’air qui se dirigent du nord vers le sud (Tramontane ou Mistral) ou l’inverse (vent d’Autan ou vent du sud qui prend de la vitesse en vallée du Rhône).
Une autre caractéristique remarquable, outre les barrières montagneuses trouées au nord (Figure 2), est l’existence d’une grande réserve d’eau chaude ou tiède, la mer Méditerranée, qui fournit non seulement de la chaleur en hiver (température de l’eau d’environ 12°C minimum), mais aussi beaucoup de vapeur d’eau, donc d’humidité à l’air, matière première de la pluie sous certaines conditions.
Conséquences et spécificités
En plus d’un rayonnement solaire puissant et régulier, cette position en marge sud de la zone tempérée assure à la région PACA une circulation atmosphérique anticyclonique dominante ou du moins plus fréquente que dans la moitié nord du pays, surtout en été, ce qui explique l’absence de précipitations durant cette période. Cette subsidence anticyclonique qui concerne toute la troposphère, vu son origine subtropicale (anticyclone des Açores), s’oppose au soulèvement de l’air qui est une condition nécessaire à la pluie.
En hiver, les perturbations cycloniques de secteur ouest apportent des pluies, mais leur trajectoire demeure rarement centrée à notre latitude et leur fréquence est modérée. De plus, la présence de reliefs, comme les Cévennes ou les Préalpes de Grasse, provoque un effet de foehn par flux d’ouest, engendrant du vent fort, mais aussi soleil, chaleur et sécheresse.
Dès le début de l’automne et jusqu’au printemps, avec la reprise d’une circulation atmosphérique assez dynamique, il arrive que de puissants talwegs froids d’altitude descendent à des latitudes basses sur la Méditerranée, ce qui génère des cyclogénèses liées à la circulation méridienne de secteur sud, advectant de l’air chaud et humide dans les basses couches de l’atmosphère. Dans ce contexte, se produisent les « pluies cévenoles » et les averses orageuses parfois excessives capables d’apporter la quantité moyenne d’un mois de pluie en seulement une heure…
Ces effets de latitude et de protection due au relief au nord de la région font que le vent synoptique est le plus souvent faible. Mais, dès que ce dernier s’installe de secteur nord-ouest à nord-est, principalement pendant la saison froide, il augmente vite en fréquence à l’ouest de la région où souffle le Mistral.
Le deuxième vent en termes d’occurrence est le vent d’est, marin, lui aussi renforcé en vitesse par les Alpes au nord qui le canalisent, vent souvent associé à une dégradation imminente du temps et à des précipitations.
La nébulosité assez faible et les calmes synoptiques favorisent la circulation atmosphérique locale faite de brises thermiques, vents liés aux différences de températures, donc de pression à la surface du sol, entre terre et mer d’une part, et entre montagne et vallée, d’autre part.
Les conséquences sont une ventilation assez faible en général (favorisant la pollution de l’air), avec un renversement de la direction du vent en matinée et en fin d’après-midi (contribuant à recycler les polluants). Dans les vallées et cuvettes, les inversions thermiques sont la règle, pouvant produire de fortes gelées près de la mer et contribuant à créer de forts gradients thermiques nocturnes.
La topographie est donc reine pour modifier le climat à l’échelle locale (topoclimatologie) en fonction non seulement de l’altitude, de l’éloignement de la mer, de l’exposition, mais aussi de l’encaissement, de la valeur des pentes, etc. (Figure 3). De ce fait, il existe une kyrielle de nuances climatiques locales.
Excepté les trois risques telluriques (volcans, séismes et tsunamis), tous les autres risques d’origine naturelle impliquent le climat et concernent fortement la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en particulier les risques liés à la sécheresse (incendies de forêt) ou à la pluie (inondations, glissements de terrain).
Le risque implique l’homme, non seulement comme victime, mais aussi comme acteur au moins partiel des évènements. Pour sa compréhension et donc sa prévision, il doit être analysé et découpé en composantes qui sont traditionnellement l’aléa et la vulnérabilité entre lesquels s’insère la susceptibilité, soit le potentiel de génération d’un événement.
Ainsi, l’inondation est déclenchée par un aléa, une pluie intense qui ruisselle ou s’infiltre dans le sol en fonction de la susceptibilité. Cette dernière dépend des caractéristiques pédologiques et géologiques qui vont définir la porosité du substrat, la valeur des pentes, la hiérarchisation des cours d’eau et le mode d’occupation du sol. Ce dernier peut être couvert de forêt (favorisant l’infiltration) ou, à l’inverse, totalement urbanisé. Il en résulte que le coefficient de ruissellement (déterminant l’eau s’évacuant en surface) varie selon les lieux, et qu’une même averse n’aura donc pas les mêmes effets. Ce coefficient varie aussi dans le temps puisque des pluies antérieures à une forte averse peuvent avoir saturé le sol, ce qui empêche l’infiltration… A ce niveau, on comprend bien que l’homme intervient déjà plus ou moins intensément, en particulier par le mode d’occupation du sol.
Le troisième volet est bien sûr la vulnérabilité qui concerne à la fois les enjeux (vies humaines, richesses de tous ordres) et l’ensemble des moyens mis en oeuvre pour protéger ces mêmes enjeux. Une crue survenant dans des champs n’aura pas grande conséquence. En revanche, les fortes densités de population sur son chemin sont autant de facteurs de risques.
Réussir à minimiser les conséquences d’un aléa consiste donc soit à apprendre à lutter contre lui, soit à l’empêcher de prendre une grande ampleur ou de se développer, soit à s’en protéger, soit encore à annoncer son arrivée. Ces actions se font à différentes échelles de temps allant du temps réel à des années d’anticipation.
Le court terme concerne la lutte, contre un feu de forêt par exemple, ou la mise en alerte, comme le système de vigilance de Météo-France, ou encore la détermination du risque météorologique de feu de forêt, quelques heures ou quelques dizaines d’heures à l’avance. Ces actions anticipées sont rendues possibles par la lecture et l’interprétation de modèles de prévisions, généralement déterministes, c’est-à- dire fondés sur les lois de la physique de l’atmosphère. Sur le très court terme, l’observation prime par l’intermédiaire des vigies, de la surveillance satellitale ou instrumentale (stations météorologiques), du radar pluviométrique… Il s’agit ici des systèmes d’alerte précoce (Zoom 1), comprenant différents volets, notamment celui qui permet d’alerter et de prendre des décisions immédiates : par exemple, la fermeture d’un tunnel routier submersible quelques minutes avant l’arrivée d’une puissante cellule orageuse, ou l’évacuation d’un terrain de camping à l’approche d’un incendie de forêt. On est ici dans l’anticipation de l’aléa avec la réalisation d’actions préventives.
ZOOM 1. Les différents volets des systèmes d’alerte précoce (SAP)
L’alerte précoce est « la fourniture d’informations en temps opportun et efficace, à travers des institutions identifiées, qui permet aux individus exposés à des dangers de prendre des mesures pour éviter ou réduire le risque et se préparer à une réponse efficace. Elle intègre ces quatre éléments :
Source : texte adapté de l’ONU, 2006, https://www.unisdr.org/2006/ppew/info-resources/ew...
Inversement, agir sur la susceptibilité ou la vulnérabilité peut prendre beaucoup de temps : le débroussaillement des forêts ou le curage des fossés et berges de rivières prend des semaines, par exemple. La planification, l’aménagement du territoire permettent de définir les secteurs particulièrement exposés où la construction sera soit interdite, soit soumise à certaines contraintes, comme le font les Plans de Prévention des Risques (PPR). L’éducation est à cet égard un instrument très utile puisqu’elle sensibilise et apprend à faire les bons gestes. L’échelle de temps est ici pluriannuelle. La réglementation est un facteur essentiel d’action sur la susceptibilité ou la vulnérabilité.
Le changement climatique (Zoom 2) est devenu une question scientifique au cours des années 1970, mais ses bases théoriques sont connues depuis longtemps. Le mécanisme du changement repose sur le rôle des gaz à effet de serre (GES) dans l’équilibre thermique de la Terre. En effet, le rayonnement électromagnétique du soleil, principalement dans les longueurs d’ondes visibles, fournit à la Terre de la chaleur. De leur côté, la Terre et l’atmosphère la restituent en réémettant vers l’espace un rayonnement infrarouge. Ce dernier est partiellement capté, diffusé ou absorbé par des gaz présents dans l’atmosphère, comme la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, le méthane… Ce phénomène qui limite la perte de chaleur à l’échelle globale est bénéfique puisqu’en l’absence totale de gaz à effet de serre, la température moyenne de l’air sur Terre serait proche de -18°C, au lieu des 15°C actuels, ce qui contraindrait très fortement les conditions de vie sur Terre.
ZOOM 2. Changements climatiques : de quoi parle-t-on ?
Les changements climatiques désignent une variation statistiquement significative de l’état moyen du climat ou de sa variabilité pendant de longues périodes (généralement, pendant des décennies ou plus). Les changements climatiques peuvent être dus à des processus internes naturels ou à des forçages externes ou à des changements anthropiques modifiant durablement la composition de l’atmosphère ou l’affectation des terres. On notera que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), dans son Article 1, définit « changements climatiques »
comme étant des « changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ». La CCNUCC fait ainsi une distinction entre les « changements climatiques » qui peuvent être attribués aux activités humaines altérant la composition de l’atmosphère, et la « variabilité climatique » due à des causes naturelles.
Source : https://www.ipcc.ch/pdf/glossary/tar-ipcc-terms-fr...
Néanmoins, les émissions croissantes de gaz à effet de serre d’origines anthropiques, dépendant des modes de production et de consommation des sociétés, augmentent artificiellement et massivement leur concentration dans l’atmosphère, et rompent ainsi l’équilibre thermique sur Terre, même si des facteurs naturels peuvent aussi intervenir comme les fluctuations du climat mondial l’illustrent au cours de son histoire (Cf. partie 2). Cette rupture se traduit par un réchauffement global qui a une incidence à l’échelle régionale et locale. Le climat est un système complexe dans lequel les interactions sont multiples et permanentes. Perturber le système climatique provoque des réactions en chaine.
La hausse des températures de l’air qui en résulte n’est pas répartie de manière égale sur Terre, du fait de la répartition dissymétrique des continents et des océans, du contraste de températures entre les pôles et l’équateur et des échanges associés, de la fonte des calottes glaciaires et de la banquise… Les impacts du changement climatique seront particulièrement forts dans les régions polaires et subpolaires. Les régions chaudes (régions semi-arides, par exemple) actuelles seront également touchées, mais l’augmentation des températures sera moins importante. Cette plus faible amplitude aura toutefois des conséquences sévères sur ces territoires souvent vulnérables.
Dans ce contexte, les régions nord-méditerranéennes sont particulièrement exposées. Situées au sud de la zone tempérée, elles risquent de glisser vers un régime sud-méditerranéen, plus chaud et plus sec, surtout l’été, avec une augmentation des températures conjuguée à une augmentation de la durée des périodes de sécheresse.
Les principaux impacts seraient :
A plus long terme, une élévation de la température de la mer Méditerranée aurait pour principale conséquence une augmentation de l’évaporation potentielle, l’une des conditions atmosphériques favorables à la genèse d’événements pluvieux extrêmes qui représentent un risque majeur dans la région. La fréquence de ces événements durant les cinquante dernières années n’a toutefois pas augmenté de manière sensible, contrairement à la vulnérabilité des territoires.
Les impacts du changement climatique en région PACA sur l’agriculture, la forêt, la ressource en eau, le littoral, la montagne… sont décrits dans la première publication du Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur (GRECPACA) et seront approfondis dans les cahiers thématiques dédiés.
Avant d’anticiper le climat futur de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, il est important de rappeler quels sont ses climats passé et présent qui sont indissociables des bouleversements du système atmosphérique global. Le changement climatique actuel n’est pas la première fluctuation que connaît la région PACA dans son histoire, puisque le climat a continuellement évolué sur Terre. Les techniques de reconstitution du climat passé, l’instrumentation, les techniques de spatialisation et la modélisation ont grandement contribué à une meilleure connaissance du climat à toutes les échelles spatio-temporelles.
Du dernier cycle glaciaire à notre cycle interglaciaire (Holocène)
Il existe en région Provence-Alpes-Côte d’Azur un très beau témoin de la variation du climat passé. Il s’agit de la grotte Cosquer, du nom de son découvreur (voir photo ci-dessus). Cette grotte se trouve à proximité de la calanque de Morgiou, au sud de Marseille. Sa valeur exceptionnelle réside dans l’ornementation de ses parois, recouvertes de peintures pariétales préhistoriques, datées d’environ 27 000 ans BP (Before Present) pour les « mains négatives » et de 19 000 ans BP pour le « bestiaire » (représentations d’animaux). Ces illustrations témoignent de la présence humaine dans cette grotte en ces temps reculés, autour de la dernière période glaciaire. Aujourd’hui, la grotte est inaccessible à pied, car son unique entrée est immergée à 37 mètres de profondeur. L’accès était possible à la dernière période glaciaire puisque le niveau marin était environ 120 mètres plus bas qu’aujourd’hui, découvrant falaises et plaines aujourd’hui submergées.
Nous savons aujourd’hui que le climat à l’échelle de la planète, appelé « climat global », lors de la dernière période glaciaire (environ 20 000 ans BP), était caractérisé par des températures moyennes globales de 4 à 5°C plus froides, des calottes polaires massives sur le nord de l’Europe et du Canada, une végétation adaptée aux conditions environnementales de l’époque… Le sud de la France abritait une végétation steppique parsemée d’îlots forestiers de pins, genévriers, bouleaux, avec des températures moyennes annuelles de 10 à 12°C plus basses que maintenant. Les paysages devaient ressembler aux pelouses alpines actuelles de haute montagne.
Ces variations climatiques majeures s’inscrivent dans une alternance connue sous le nom de cycles climatiques, oscillant depuis plus de deux millions d’années entre conditions glaciaires (« froides ») et interglaciaires (« chaudes »). La raison de ces variations est purement naturelle et principalement liée aux paramètres orbitaux de la Terre : sa position et surtout son inclinaison par rapport au soleil modifient l’insolation reçue, notamment au niveau des pôles et des hautes latitudes. Ces variations d’insolation aux hautes latitudes permettent ou préviennent la formation des calottes polaires. A cela s’ajoutent les effets de la dynamique interne imposée par l’atmosphère et l’océan qui régulent les flux de chaleur, tandis que l’océan et la biosphère interfèrent sur le cycle du carbone. Dans cette histoire du climat, le dioxyde carbone (CO2), par son action de gaz à effet de serre, est un amplificateur des changements.
Le réchauffement qui a suivi le dernier cycle glaciaire a démarré sous nos latitudes il y a 15 000 ans et a été brutal à l’échelle géologique. Il s’est opéré en deux phases de près de mille ans chacune. Si l’amplitude du réchauffement global était de 4 à 5°C, cela s’est traduit dans le sud de la France par un réchauffement de 10 à 12°C. Ces deux phases ont été séparées par un renversement brutal. C’était vers 13 000 ans BP. En effet, la fonte de la calotte de glace qui s’étendait sur une grande partie du Canada a provoqué un flux d’eau douce et froide suffisant pour bloquer la circulation océanique de l’Atlantique Nord (en particulier le Gulfstream et la dérive Nord-Atlantique bien connus en Europe) et engendrer un refroidissement sur une majeure partie de l’hémisphère Nord. Cette période, appelée « Dryas récent », a été marquée par le retour d’une végétation glaciaire en moins d’un siècle. Elle a duré un peu moins de 1000 ans. Le réchauffement qui a suivi, vers 12 000 ans BP, est le point de départ de la période interglaciaire actuelle appelée « Holocène », dont les conditions climatiques ont été relativement stables pendant dix millénaires.
De notre cycle interglaciaire à la fin du 21e siècle
Dans notre région, comme partout ailleurs, les changements du climat, avant l’établissement des stations météorologiques, sont connus grâce à des indicateurs indirects. Pour l’Holocène, il s’agit principalement de fossiles liés à la flore, comme les grains de pollen émis chaque année par les plantes. Chaque espèce a une morphologie pollinique typique qu’il est possible de reconnaître au microscope. Le palynologue, le spécialiste du pollen, distingue par exemple les grains de pollen de pin ou de chêne, constitutifs d’une végétation forestière tempérée, des grains de pollen de graminées qui dominent dans les végétations steppiques froides. On peut finalement reconstruire, à partir de ces indicateurs, l’évolution des températures et des précipitations avec une résolution temporelle allant jusqu’au siècle (Figure 4). Durant le dernier millénaire, on accède à la variabilité interannuelle du climat grâce aux cernes d’arbres et aux archives historiques écrites. L’arbre produit un cerne annuel dont l’épaisseur est liée à la biomasse produite, elle-même dépendante des conditions climatiques. Les documents historiques dépouillés par les historiens contiennent une masse d’informations sur les climats depuis le Moyen Âge à travers des livres de comptes, d’annales, d’éphémérides… Toutes ces informations sont décodées grâce à des méthodes statistiques donnant des courbes d’évolution de la température ou d’autres indices climatiques.
La Figure 4 montre que la gamme de variation des températures estivales n’a pas dépassé 1°C en valeur absolue sur tout l’Holocène avec une longue période plus chaude de 0,5°C entre 7000 et 4000 ans BP : c’est l’optimum climatique de l’Holocène moyen. La courbe des précipitations annuelles montre un relatif assèchement de l’ordre de 20% à partir de 6000 ans BP. A partir de 4000 ans BP, on observe un premier refroidissement suivi d’un second vers 3200 ans BP. Cette période est connue comme la fin de l’Âge du bronze en Méditerranée. Elle a été le témoin de nombreux troubles politiques principalement dans l’est de la Méditerranée avec la fin des civilisations mycénienne et hittite, et l’invasion des Peuples de la mer. Dans cette région, le changement climatique était surtout dû à l’aridité importante qui a duré près de trois siècles. Ensuite, le centre de gravité des civilisations méditerranéennes s’est déplacé vers la Grèce, puis l’Italie. Plus tard, le déclin de l’empire romain à la fin du 4e siècle est concomitant avec une période froide et humide. Le climat redevient chaud entre 700 et 1250 ans de notre ère : l’optimum médiéval est atteint.
A partir des années 1250, des éruptions volcaniques (dont celle du Salamas en Indonésie en 1257) sont vraisemblablement responsables de l’entrée dans le petit âge glaciaire (PAG), période froide et humide qui s’est prolongée jusqu’à la fin du 19e siècle, avec une accentuation liée à une baisse de l’activité solaire entre 1645 et 1715 (minimum de Maunder). Ce PAG est très probablement à l’origine de la grande famine qui a sévi de 1315 à 1317, de la propagation de la peste noire et de l’effondrement de la population. Il a aussi accentué l’effet de la Guerre de 30 ans (1618-1648). Les révolutions ont principalement des raisons sociopolitiques, mais le climat a souvent pu jouer un rôle déclencheur (par exemple, les mauvaises récoltes de 1787 à 1789 causées par un climat défavorable) ou amplificateur.
Si on compare les projections climatiques (Figure 4) basées sur le scénario socio-économique (Cf. partie 3.1) le moins émetteur en gaz à effet de serre (RCP 2.6) et le scénario le plus émetteur (RCP 8.5), on constate que l’évolution future des températures estivales dépassera largement ce que les hommes ont connu depuis 10 000 ans. Les projections concernant les précipitations sont plus incertaines, mais la question de la ressource en eau est bien plus complexe que le simple cumul de précipitations et tient compte notamment de la fréquence des précipitations et de leur intensité, mais aussi des ressources distantes : par exemple, les précipitations neigeuses dans les Alpes pour alimenter les fleuves et rivières qui drainent la région PACA.
Une perspective historique des températures (°C) et précipitations (mm) dans la zone couvrant la région PACA depuis 10 000 ans est donnée dans la Figure 4, le zéro étant la moyenne de la période 1961-1990 (normale de 30 ans) et les surfaces colorées représentant les incertitudes (dispersion autour de la moyenne).
Les observations CRU sont les interpolations sur une grille de 5° de longitude et 2,5° de latitude du Climate Research Unit à East Anglia, à partir de laquelle la sous-grille englobant la région PACA a été extraite.
La première ligne de graphiques indique les anomalies des températures moyennes de la période d’avril à septembre :
La seconde ligne du graphique indique soit l’écart aux précipitations annuelles (en pourcentage des valeurs de référence), soit les indices estivaux de sécheresse (PDSI pour Palmer Drought Severity Index), les valeurs négatives indiquant des conditions plus sèches que la normale :
La Figure 5 montre que le petit âge glaciaire a connu au moins un mois d’embâcle et des hauteurs d’eau nettement supérieures à la normale. Ceci signifie que le PAG était à la fois froid et pluvieux. Le maximum du PAG se situe entre 1650 et 1900, ce qui est confirmé par un indice PDSI supérieur à zéro mettant en évidence des conditions humides (Figure 4).
Le climat passé a donc connu des fluctuations importantes dues à des variations naturelles. Le climat terrestre n’est donc pas une composante figée, mais il oscille en permanence.
Avec l’émergence des instruments de mesures en météorologie dès la fin du 19e siècle, la connaissance du climat s’est considérablement enrichie. Aujourd’hui, de longues séries de données sont disponibles pour étudier localement l’évolution des variables climatiques. Le développement des techniques de spatialisation et de modélisation en 2D ou 3D ont permis de décrire les processus complexes qui conditionnent le climat à l’échelle locale et régionale.
La température de l’air est une variable physique qui se répartit de manière non homogène dans l’espace et parfois des modifications de plusieurs degrés sont constatées sur de très courtes distances (quelques mètres). De multiples facteurs influencent localement l’évolution des températures comme, entre autres, la couleur de la surface du sol, la nature des matériaux, la présence de végétation ou encore l’exposition au rayonnement solaire. Ainsi, la température donnée par la « météo » à la télévision ou sur internet pour une ville ne reflète absolument pas les disparités spatiales locales. Il s’agit uniquement de la température mesurée ou attendue dans la station météorologique la plus proche de la ville en question, et donc d’une donnée ponctuelle dans l’espace. Cette notion de variabilité spatiale des températures aux échelles régionales et locales à travers la mesure, la cartographie et la modélisation (géostatistique et déterministe) est importante à comprendre.
La meilleure manière de vérifier les variations de températures dans l’espace est de se déplacer avec un thermomètre et d’enregistrer les localisations successives ainsi que les valeurs de températures correspondantes. Ces mesures, qualifiées d’itinérantes, ont été, par exemple, réalisées au cours de 54 journées de mai à septembre 2015 à Nice sur le même parcours de 50 km en milieu d’après-midi (Figure 15). Elles ont permis de constater des variations moyennes de plus de 2 à 3°C en fonction du lieu de mesure. La proximité de la mer, de la végétation, mais aussi du bâti influence fortement la température. L’espace le plus urbanisé ressort légèrement plus chaud que le reste du parcours : ce phénomène est appelé « îlot de chaleur urbain (ICU) » (Zoom 5) et il s’observe très fréquemment à travers le monde dans de très nombreuses villes.
Les températures sont plus élevées en milieu urbanisé car, pendant la journée, les concentrations denses de bâtiments et de matériaux, comme l’asphalte, absorbent plus de chaleur et la libèrent plus lentement la nuit que la couverture naturelle du sol, telle que la végétation.
ZOOM 5. Qu’est-ce que l’îlot de chaleur urbain ?
On appelle « îlot de chaleur urbain » (ICU) la différence des températures observées entre un site urbain et un site rural environnant. Ces différences de températures, davantage marquées la nuit, sont fortement corrélées à la variation de la densité urbaine (conception urbaine, matériaux des bâtiments, etc.).
Les ICU sont principalement observés la nuit (Figure 16) où le refroidissement nocturne est moindre en ville que dans les zones rurales plus végétalisées. C’est un phénomène local qui peut varier d’une rue à l’autre avec une durée limitée dans le temps. Les principaux facteurs météorologiques qui favorisent l’îlot de chaleur urbain sont : un ciel peu nuageux, des vents faibles et une forte stabilité atmosphérique.
Dans les villes des latitudes moyennes, l’îlot de chaleur urbain peut être plus important lors des nuits estivales, quand la chaleur emmagasinée par les bâtiments pendant le jour est dissipée. Les impacts de ces « bulles
de chaleur » peuvent être importants sur le confort thermique, la santé, la mortalité et les risques de pollution. Dans un contexte de changement climatique, les canicules estivales pourraient être plus fréquentes d’où l’importance de mieux comprendre la variabilité spatiale et temporelle de ce phénomène dans les villes méditerranéennes, et de tenter de le réduire. De nouveaux défis face au changement climatique supposent de nouveaux modes de gestion pour la ville et appellent à s’appuyer :
En complément de la mesure, la géostatistique permet, à l’aide de méthodes rigoureuses, de calculer les températures sur un territoire donné en prenant en compte ses spécificités. A partir de données ponctuelles (mesures) ou surfaciques à basse résolution spatiale (modélisation), et de variables géographiques (altitude, distance à la mer, rugosité topographique…), la régression environnementale offre la possibilité d’étendre l’information à l’ensemble d’un département ou d’une région à une résolution spatiale suffisamment fine pour apprécier la différenciation des températures sur de courtes distances. Cette étape de spatialisation se nourrit soit de l’observation directe du climat réalisée par un réseau de stations météorologiques, soit de résultats de simulations climatiques calculés par des logiciels informatiques modélisant le système climatique terrestre.
Pour illustrer ces propos, trois exemples de spatialisation des normales de températures maximales de juillet et des normales de températures minimales de janvier, pour les périodes 1961-1990 ou 1988-2013, sont présentés (Figure 17, Figure 18, Figure 19). Le premier exemple s’appuie sur l’observation du climat dans les Alpes-Maritimes et les deux suivants sur sa modélisation déterministe à diverses résolutions spatiales.
Le réseau météorologique de stations de Météo-France des Alpes-Maritimes enregistre quotidiennement les températures de l’air. Ces données sont ensuite vérifiées et agglomérées pour aboutir à des moyennes mensuelles établies sur 20 ou 30 ans. On parle alors de normales climatiques. La représentation cartographique de ces valeurs ponctuelles sur la période 1988-2013 n’est pas très informative (Figure 17) puisque chaque mesure locale représente un point et non un espace ou une surface. Cependant, chaque station météorologique est caractérisable par un ensemble de propriétés géographiques et environnementales permettant d’établir une équation de régression multiple liant les normales de températures relevées aux différents critères « physiques ». L’équation, une fois validée, est alors étendue à l’ensemble des « vides spatiaux » pour produire une cartographie à 25 m de résolution spatiale.
La logique suivie pour l’amélioration de la résolution spatiale des sorties de modèles climatiques est la même. Comme pour une station météorologique, il est possible de déterminer, pour chaque maille ou pixel de 50 km de côté du modèle ARPEGE-Climat, une moyenne pour chacune des propriétés géographiques et environnementales. Puis une équation de régression multiple établit le lien entre la température modélisée et les critères physiques de chaque pixel. Ces équations statistiques sont alors appliquées à une grille de 1 km de résolution spatiale. Ainsi, à partir d’une température moyenne recouvrant 2500 km2 (pixels de 50 x 50 km), ce sont 2500 nouvelles températures (Figure 18) qui ont été calculées (nouveaux pixels de 1 x 1 km).
A l’échelle départementale, l’amélioration de la résolution spatiale des modèles climatiques est encore plus poussée avec un saut de 12 km à 90 m, ce qui signifie que près de 17 800 nouvelles températures ont été simulées à partir d’une unique valeur disponible sur les pixels initiaux de 144 km2 du modèle ALADIN-Climat (Figure 19).
Enfin, en plus de la cartographie dite « géostatistique » présentée précédemment, il existe également des modèles météorologiques ou climatiques régionaux « déterministes » ou « mécanistes » qui ont été développés pour simuler à fine échelle spatiale les phénomènes à méso-échelle, comme les écoulements locaux, la convection, l’effet topographique ou les ondes de gravité. Ces phénomènes se produisent sur des étendues inférieures à 50 km dans la couche limite atmosphérique (zone comprise entre la surface et environ 1500 m d’altitude, hors relief) et sont résolus par un ensemble de schémas physiques et une paramétrisation qui assure les interactions entre chaque module utilisé.
Pour simuler la température de surface, plusieurs aspects doivent être pris en compte : l’impact du sol et de l’occupation du sol, soit le transfert de chaleur entre le sol et l’atmosphère. Ce compartiment est pris en compte par un modèle sol qui calcule les transferts de chaleur et d’humidité entre le sol, la végétation et l’atmosphère. Cela repose donc sur les flux moléculaires et les effets de turbulence dans les premiers mètres de l’atmosphère. Cette turbulence atmosphérique n’est pas résolue directement par les équations, car elle se manifeste à une résolution inférieure à la grille du modèle. Une méthode de paramétrisation qui consiste à relier certaines quantités (température, humidité) avec des paramètres connus est mise en oeuvre. Pour cela, on applique la méthode de « fermeture » dans les équations. La fermeture locale consiste, en un point de grille, à remplacer les quantités inconnues par des valeurs ou des gradients de valeurs connues. Dans le cas de la fermeture non locale, cette technique est appliquée à plusieurs points de grille. Il est alors possible de calculer les flux d’humidité et de chaleur dans la couche limite et leur diffusion verticale. Ce schéma interagit ensuite avec le rayonnement atmosphérique qui calcule l’apport énergétique au sol.
A titre d’exemple, les températures à 2 m (au-dessus du sol), modélisées sur une partie du département des Bouches-du-Rhône le jeudi 12 décembre 2015 à 7h TU, sont illustrées dans la Figure 20. Cette sortie de modèle montre la répartition des températures à 2 m par une approche déterministe. Le modèle représente l’effet urbain de la ville de Marseille représenté par une couleur verte, puis un refroidissement plus net sur les premiers reliefs marseillais. Sur les 5,7 km de l’axe rouge, séparant le littoral des premiers reliefs, le gradient est de 5°C. Ce dernier devient plus fort sur l’est de la ville dans le secteur des calanques, avec une zone froide sur le mont Puget.
Les techniques géostatistiques et la modélisation à mésoéchelle répondent donc à des logiques et des approches différentes, mais permettent d’estimer une valeur en tout de point de l’espace. Leur utilisation dépend des problématiques des études menées à l’échelle locale et régionale. Ces méthodes ne s’opposent pas et sont au contraire complémentaires pour affiner la connaissance du climat passé, présent et futur.
Avec la diffusion massive de données sur le climat futur à différentes résolutions spatiales, il est difficile d’apprécier quelle sera précisément la situation en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une série de repères et d’indicateurs synthétiques sont ici proposés afin de mieux évaluer les tendances à l’échelle locale et régionale.
Les évolutions prévues du climat varient en fonction des modèles climatiques régionaux et des scénarios de développement socio-économique qui déterminent notamment les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. En théorie, plus les quantités de GES seront importantes dans l’atmosphère, plus le changement climatique sera prononcé. L’ampleur de ce dernier sera aggravée ou limitée par les conditions naturelles qui, au cours de l’histoire, ont imposé des fluctuations naturelles au climat terrestre. Comme souligné en amont, pour ce prochain siècle, les GES auront un impact fort sur les températures, tandis que pour les précipitations, les projections sont plus incertaines, même si des tendances se dessinent selon les modèles climatiques régionaux.
Sur le portail DRIAS qui délivre les sorties de modèles climatiques régionaux, il est mentionné que « les implications du changement climatique pour l’environnement et la société dépendront non seulement de la réponse du système Terre aux changements de forçages radiatifs, mais également de la façon dont les changements socio-économiques (économie, technologie, mode de vie, politiques publiques) évolueront ».
Pour étudier l’évolution du climat et affiner les simulations des modèles climatiques, des scénarios socio-économiques sont donc pris en compte. Ces derniers dépendent des modes de production et de consommation des sociétés à court, moyen et long terme. Pour construire ces scénarios à l’aide de modèles d’impact intégrés qui simulent aussi de manière simplifiée la chimie de l’atmosphère, il est nécessaire de faire des hypothèses sur le développement économique dans les différents pays. A partir d’analyses prospectives, l’évolution de la démographie, de l’économie, de l’industrie, de l’agriculture, etc. est anticipée pour les horizons futurs. Cet exercice est primordial puisque la communauté scientifique dans sa grande majorité considère que les activités anthropiques contribuent au réchauffement climatique.
Il existe plusieurs générations de scénarios d’émissions qui ont été produites en fonction de l’avancée des connaissances. Pour les deux premiers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), six scénarios appelés IS92 ont été utilisés. Pour les rapports 3 et 4, les SRES (Special Report on Emissions Scenario) se déclinaient en 4 familles (A1, A2, B1, B2). La famille A1 se divisait en trois groupes qui se distinguaient par leur accent technologique : forte intensité de combustibles fossiles (A1FI), sources d’énergie autres que fossiles (A1T) et équilibre entre les sources (A1B). Pour le 5e rapport publié en 2013, les SRES
ont été remplacés par les RCP (Representative Concentration Pathway). Quatre scénarios de référence de l’évolution du forçage radiatif, relatifs à l’évolution de la concentration en gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère au cours du 21e siècle, existent désormais : RCP 2.6, RCP 4.5, RCP 6.0 et RCP 8.5 (Figure 21 et Tableau 1). Le premier implique une réduction d’émissions de GES par la communauté internationale (scénario optimiste), tandis que le dernier correspond à l’évolution des émissions actuelles jusqu’à la fin du siècle si rien n’est fait pour les réduire (scénario pessimiste). Les scénarios RCP 4.5 et 6.0 sont des scénarios intermédiaires.
Les trajectoires des RCP sont assez proches jusqu’en 2040, puis divergent assez fortement à partir de 2050. L’incertitude sur le climat futur selon les scénarios est surtout significative dans la seconde partie du 21e siècle. Dans la première partie, les sorties de modèles tous scénarios confondus apportent des réponses qui convergent de manière relative. Le forçage radiatif et la concentration (en partie par million) varient selon la trajectoire de chaque scénario (Tableau 1).
Ces trajectoires dépendront des politiques énergétiques mises en oeuvre dans les pays pour lutter contre le changement climatique à l’échelle locale et globale.
Pour mieux apprécier l’évolution du climat futur en PACA, deux approches sont ici privilégiées : la première décrit des tendances régionales, la seconde s’intéresse à l’échelle très locale.
Pour répondre aux besoins des décideurs et gestionnaires de territoires, des études spécifiques peuvent être menées aux échelles régionale, locale et micro. Les acteurs publics (laboratoires de recherche, universités…) et privés (entreprises, associations…) se mobilisent pour apporter des solutions adaptées à la demande, que ce soit pour l’urbanisme, le tourisme, le paysage, la forêt, l’eau, l’agriculture… Trois études récentes sont succinctement présentées :
Euromed : étude de l’impact d’un aménagement urbain en période de canicule à Marseille
L’augmentation de la température de l’air qui résulte du réchauffement climatique en cours a un fort impact sur les zones urbaines, puisqu’elle s’ajoute aux effets d’îlot de chaleur urbain généré par toute ville.
L’Etablissement public d’aménagement EuroMéditerranée, en charge de la réhabilitation urbaine de Marseille, a commandé en 2012 à Météo-France une étude visant à quantifier les effets climatiques induits par l’opération « Euromed 2 ». Les objectifs étaient d’évaluer les impacts :
Pour cette étude, le modèle atmosphérique de recherche Méso-NH, couplé à une nouvelle version du modèle de ville TEB (Town Energy Balance) permettant la prise en compte de la dynamique thermique interne des bâtiments, a été utilisé à une résolution spatiale de 125m. Différents scénarios, correspondant à des paramètres de description de la ville adaptés à chaque hypothèse à tester, ont été modélisés sur six journées chaudes d’août 2003.
Si on compare les prévisions obtenues pour la ville actuelle et la ville de demain (Euromed), les différences les plus importantes sont observées au niveau du parc urbain (Figure 28), avec un rafraîchissement moyen d’environ 4°C et un maximum de 6,5°C la nuit.
L’influence du parc sur les quartiers voisins n’excède pas les 100 m, mais de par sa forme allongée, la zone urbaine concernée par une modification du climat local représente 30% de la surface totale de l’aménagement. Enfin, l’étude a hiérarchisé les leviers potentiels limitant l’effet d’une canicule sur un secteur urbain. La présence des jardins est le levier le plus fort qui permet de gagner presque 1°C en pointe sur les quartiers d’habitations. L’utilisation du système de thalassothermie, en lieu et place d’une climatisation classique, permet aussi de limiter l’augmentation de la température, mais avec une amplitude deux à trois fois moindre que celle générée par les jardins. Enfin, l’augmentation du pouvoir réfléchissant des murs, dans le contexte marseillais, ne procure qu’un gain limité et peut même s’avérer contre-productive dans les quartiers d’affaires.
Sur la Figure 28, dans la simulation du projet Euromed, la signature thermique du parc de jour et de nuit est bien marquée (ligne allongée plus froide que l’environnement en bordure droite de l’aménagement), ainsi que celle de la gare de triage correspondant à la référence, soit la ville actuelle (ligne plus chaude au même endroit en journée).
Quelle attractivité touristique en 2050 ? Les enseignements des indices de confort
Les indices de confort touristiques (ICT) sont des indices composites utilisés pour décrire les conditions climatiques favorables aux activités touristiques. Ils peuvent servir à la planification, l’investissement ou la gestion quotidienne du tourisme. L’indice le plus connu a été défini par Mieczkowski en 1985. Noté sur 100, il pondère pour 50% le confort thermique (qui agrège lui-même température et humidité), 20% les précipitations, 20% l’ensoleillement et 10% le vent. Depuis, les recherches ont consisté à proposer d’autres formules de calcul, spécifiques à certaines formes de produits (tourisme balnéaire, tourisme urbain...), ou à sélectionner des composants de cet indice et leur pondération en prenant mieux en compte les préférences climatiques déclarées ou révélées par les touristes (Mayer and Höppe, 1987, Höppe, 1999, De Freitas et al., 2008).
La définition des enjeux passe aussi par une approche plus complète de l’incertitude liée au choix d’une projection climatique ou d’un modèle particulier, afin de ne pas orienter la décision vers une seule tendance, et donc potentiellement vers une mauvaise direction.
La Figure 29 montre les résultats d’un calcul de l’ICT de Mieczkowski pour neuf modèles climatiques régionaux issus du projet ENSEMBLES. Les cartes de gauche présentent les neuf projections individuelles et celle de droite la médiane. L’évolution de la valeur annuelle moyenne de l’indice (différence entre les périodes 2021- 2050 et 1971-2000) est représentée. Globalement, cette modélisation montre une baisse de l’ICT (et donc de l’attractivité touristique) en Méditerranée, surtout au sud du bassin. Les résultats sont moins nets au nord du bassin et notamment en région PACA : la moitié des
modèles prédisent une amélioration de la valeur de l’indice, l’autre une dégradation. Le même contraste est observé si on ne retient que la saison estivale.
Au vu de ces résultats, il convient de ne pas tirer de conclusions hâtives sur l’évolution du tourisme régional face au changement climatique, même si les conditions estivales et hivernales vont certainement influer sur les activités économiques des acteurs touristiques à moyen et long terme. Les opportunités durant les intersaisons seront à saisir pour continuer à attirer les touristes.
Quel climat dans l’Embrunais (Hautes-Alpes) ?
Pour mieux connaître le climat local à fine échelle spatiale et anticiper le changement climatique aux horizons 2016-2035 et 2036-2055, une étude a été menée en 2014, à la demande de la commune des Orres, sur le territoire de l’Embrunais et plus largement dans les Alpes du Sud. La vocation des résultats est de fournir des indicateurs climatiques, faciliter la prise de décision et adapter les activités (tourisme, paysage, forêt, biodiversité, agriculture…) dans les territoires alpins.
Une méthode géostatistique a été développée pour cartographier le climat présent (températures de l’air et précipitations) à haute résolution spatiale à partir de mesures locales (réseau de stations de mesures de Météo-France) et de variables physico-environnementales (altitude, pente, encaissement des vallées, orientation, etc.). A cette cartographie de référence ont été appliquées les anomalies (ou deltas) spatialisées de températures de l’air et de précipitations du modèle climatique régional ALADIN-Climat (RCP 2.6, 4.5 et 8.5). Ces anomalies ont été calculées à partir des sorties du modèle de 1991-2010 (période de référence), de 2016-2035 et de 2036-2055. Cette démarche a permis de produire une cartographie fine du climat présent et futur (Figure 30) : 100 m de résolution spatiale pour les températures de l’air et 1000 m pour les précipitations.
Ces données sont la somme des incertitudes liées à la qualité des mesures locales (stations de mesures), à l’interpolation spatiale des données, aux scénarios d’émissions, aux sorties des modèles globaux et régionaux, et aux méthodes de correction. Cette approche statistique (non dynamique) n’augmente pas la fiabilité des sorties des modèles climatiques régionaux et n’anticipe pas l’éventuelle évolution de la circulation atmosphérique générale future (et les effets locaux associés), mais elle a le mérite de donner des tendances sur lesquelles les services techniques peuvent s’appuyer.
Le climat méditerranéen de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est sous l’influence du système climatique global qui a subi par le passé des fluctuations importantes dues à des causes naturelles. Depuis le début de l’ère industrielle, et plus particulièrement depuis la seconde moitié du 20e siècle, l’évolution naturelle du climat est perturbée par les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées aux activités anthropiques. En région PACA, ce bouleversement parfois très rapide, qui pose de sévères problèmes d’adaptation à l’homme et à la nature, se traduit principalement, ces dernières décennies, par une augmentation constante de la température de l’air, plus marquée sur les températures estivales. D’après les projections climatiques, l’été caniculaire de 2003 serait considéré comme frais par rapport à la température moyenne estivale à la fin du 21e siècle qui augmenterait de 7°C d’après le scénario socio-économique le plus pessimiste. Le climat annuel de Digne-les-Bains, ville des Préalpes, ressemblerait à celui de Bordeaux ou Split en Dalmatie selon les scénarios. Ce basculement réduirait également l’enneigement dans les Alpes du Sud qui est déjà caractérisé par une grande variabilité interannuelle. Le signal sur les précipitations est plus incertain que sur les températures, et il est difficile aujourd’hui de donner des tendances fiables, même si certaines se dessinent selon les saisons. Les incertitudes associées à la modélisation du climat qui est un système complexe ne doivent pas empêcher les décideurs et les gestionnaires de territoires d’anticiper les changements et de limiter leurs conséquences.
L’évolution du climat et en particulier les tendances induites sur les valeurs extrêmes des paramètres météorologiques auront des impacts sur la ressource en eau, l’agriculture, la biodiversité, la forêt, mais aussi le confort thermique dans les logements, et par conséquent, sur la demande énergétique (climatiseurs) ainsi que sur la santé des populations. Et même s’il reste de nombreuses incertitudes concernant l’ampleur du changement climatique, l’évolution et la variabilité du climat génèrent de nouvelles vulnérabilités, exacerbées dans les milieux urbains, souvent localisés en bordure littorale. Estimer ces vulnérabilités, les anticiper, les gérer sont des défis pour les scientifiques, mais aussi pour les gestionnaires qui doivent proposer des solutions adaptées à l’échelle locale afin de construire une ville plus soutenable.
Les risques associés au climat et à ses événements extrêmes d’aujourd’hui et de demain dépendront du changement climatique et de la probable variabilité croissante du climat, mais peut-être et surtout de notre faculté à les prévenir, les limiter, voire les marginaliser dans certains cas. En d’autres termes, la vulnérabilité des populations et des territoires dépendront du climat futur, de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques (inondations, sécheresses…), mais aussi des politiques locales (planification, aménagement du territoire…) et des moyens mis en oeuvre pour lutter contre le changement climatique. Ces politiques doivent encourager à la fois la réduction des émissions de gaz à effet de serre (atténuation) pour contribuer à l’effort mondial, et l’adaptation des activités économiques, des équipements… Les enjeux sont d’autant plus grands que les facteurs climatiques en région PACA sont parfois renforcés et/ou aggravés par les effets locaux (topographie, proximité de la mer…) propres au contexte géographique régional et local. Par des techniques de descente d’échelle qui permettent de cartographier à haute résolution spatiale les résultats des modèles climatiques régionaux, il est possible de déterminer les tendances dans les vallées alpines, sur le littoral, dans les villes, les quartiers urbains…
A partir des longues séries de données météorologiques, des connaissances scientifiques, de la modélisation climatique et des techniques de spatialisation actuelles, les experts du climat peuvent répondre aux demandes des décideurs et gestionnaires des territoires en produisant des indicateurs climatiques spécifiques, tout en évaluant l’enveloppe des incertitudes grâce à une approche multi-modèles. La science et le dialogue entre les institutions et les partenaires socio-économiques doivent être privilégiés pour protéger les biens et les personnes en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Ce cahier thématique sur l’évolution du climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur est destiné aux décideurs et gestionnaires de territoires (élus, ingénieurs et techniciens des collectivités locales, des espaces protégés, des grands équipements…). Il constitue une première approche pour mieux appréhender le changement climatique en région PACA.
Nous encourageons vivement les lecteurs, désirant en savoir davantage, à se rapprocher du GREC-PACA (contacts@air-climat.org) qui les orientera dans leurs démarches et recherches. Ils ont également la possibilité de s’adresser directement aux contributeurs de cette publication :
Avec l’aimable participation de Christophe DEMARQUE, maître de conférences en psychologie sociale et du travail, UFR Arts, Lettres, Langues et Sciences Humaines, Aix-Marseille Université (AMU)
Comment citer cette publication du GREC-PACA ?
Climat et changement climatique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Les cahiers du GREC-PACA édités par l’Association pour l’innovation et la recherche au service du climat (AIR), mai 2016, 44 pages. ISBN : 9782956006015
Pour obtenir la liste des références bibliographiques sur lesquelles s’appuie cette synthèse des connaissances, prenez contact avec le GREC-PACA : contacts@air-climat.org
Ce cahier thématique a été réalisé par le Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-PACA). Il a été coordonné par l’association A.I.R. Climat (Philippe ROSSELLO) qui a pour mission d’animer le GREC-PACA.
Le projet bénéficie d’un financement au titre de la Convention État - Région Provence-Alpes-Côte d’Azur - ADEME.
Un soin tout particulier a été apporté au choix des polices et à la mise en page dans le respect des principes d’éco-conception.
Avertissement : ce cahier thématique approfondit les notions abordées dans la première publication du GREC-PACA intitulée Provence-Alpes-Côte d’Azur, une région face au changement climatique : http://www.air-climat.org/publications/la-regionpa...
Réalisation : La Sud Compagnie - Mai 2015
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